Télétravail et accident de travail
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Même si ce mode d’organisation du travail existe depuis longtemps, ce n’est que depuis la récente pandémie mondiale que le télétravail est entré véritablement dans les mœurs françaises. Aujourd’hui, bon nombre d’entreprises proposent une ou plusieurs journées de télétravail par semaine à leurs collaborateurs. Mais que se passe-t-il si le salarié se blesse à domicile ? S’agit-il d’un accident de travail ou d’un accident domestique ?
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Le télétravail, qu’est-ce que c’est ?
Le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux. La plupart du temps, le travail sera réalisé au domicile du salarié. Il peut être occasionnel ou régulier.
Le télétravail peut être mis en place dans le cadre d'un accord collectif ou d'une charte élaborée par l'employeur. En l'absence d'accord collectif ou de charte, l'employeur et le salarié peuvent convenir d’un commun accord de recourir au télétravail. A noter enfin qu’en cas de circonstances exceptionnelles (épidémie, force majeure), le télétravail peut être imposé par l’employeur (Code du travail, art. L. 1222-11).
Droits et obligations du télétravailleur
Le télétravailleur est un salarié de l'entreprise. Il bénéficie donc des mêmes droits individuels et collectifs que l'ensemble des salariés : accès à la formation, respect de la vie privée, droit à la déconnexion, respect des durées légales de repos, accès aux activités sociales de l'entreprise, aux informations syndicales, aux avantages sociaux (titres restaurant, chèques vacances par exemple), santé et sécurité au travail.
Sur ce dernier point, se pose une difficulté : l’employeur ne maîtrise pas le lieu de télétravail du salarié. Il convient donc que ce mode d’organisation soit pris en compte dans l’évaluation des risques professionnels, notamment les risques liés à l’éloignement de la communauté de travail, la fatigue excessive liée aux écrans, la régulation de l’usage des outils numériques ou encore les risques d’isolement et de rupture du lien social.
En tout état de cause, au même titre que les autres salariés, le télétravailleur est couvert par la législation sur les risques professionnels pour les accidents survenus lors de l’exécution de tâches confiées par son employeur. En effet, l’accident survenu au lieu et au temps du télétravail est présumé être un accident de travail (C. trav., art. L. 1222-9 et CSS, art. L 411-1) ; le lieu du télétravail étant assimilé aux locaux de l’entreprise.
Une appréciation stricte des juges du fond
Dans deux affaires très récentes, la qualification d’accident du travail a été débattue pour deux accidents survenus à des salariés en télétravail.
Dans la première situation, un salarié avait commencé à télétravailler lorsque sa connexion Internet a été interrompue après avoir entendu un choc brutal venant de l’extérieur de son domicile. Le salarié s’est donc rendu sur la voie publique pour discuter avec le chauffeur du camion qui venait de percuter un poteau électrique. Un second véhicule a roulé sur les câbles distendus et a provoqué la chute du poteau sur le salarié.
La cour d’appel de Saint-Denis a considéré que puisque le salarié avait quitté son domicile, autrement dit son lieu de travail, la présomption d’imputabilité ne pouvait pas s’appliquer.
Il appartenait donc au salarié de rapporter la preuve d’un lien avec son travail. Or, ce dernier a échoué dans la mesure où il ne relevait pas de sa mission inhérente au contrat de travail d’identifier l’origine de sa panne informatique.
En conséquence, un accident survenu en dehors du lieu de télétravail lors d’un acte non prévu au contrat ne peut être qualifié d’accident de travail.
Considérer que le salarié a interrompu son contrat pour motif personnel alors qu’il tentait simplement de retrouver une connexion Internet au plus vite afin de travailler apparaît strict et discutable (étant précisé que le métier du salarié consistait en la résolution des problèmes informatiques des collaborateurs de son entreprise). Nous ne sommes donc pas à l’abri d’une censure de la Cour de cassation.
Dans la seconde affaire, la cour d’appel d’Amiens applique la même logique. Une salariée, agent de CPAM en télétravail dans son sous-sol aménagé, a terminé sa journée de travail à 16h01 en se déconnectant informatiquement, conformément à ses horaires de travail. En prenant les escaliers du sous-sol pour remonter dans sa maison, celle-ci a chuté à 16h02, soit une minute seulement après avoir éteint son ordinateur. Elle a prévenu son employeur à 17h33.
La Cour a considéré en l’espèce que puisque la salariée avait chuté après la fin de sa journée de travail, la présomption d’imputabilité ne pouvait pas s’appliquer.
Il appartenait donc à la salariée de rapporter la preuve d’un lien avec son travail. Or, cette dernière a échoué dans la mesure où elle n’a prévenu l’employeur qu’à 17h33 et qu’elle avait terminé sa journée de travail.
En conséquence, un accident survenu en dehors du temps de télétravail sans lien avec le travail ne peut être qualifié d’accident de travail.
A noter que si la salariée avait chuté dans les escaliers de son entreprise juste après avoir éteint son ordinateur, l’accident du travail aurait été reconnu.
Ces deux cours d’appel, qui n’ont fait qu’appliquer à la lettre les règles en matière de qualification d’accident de travail, apparaissent intransigeantes dans le cadre de la conjoncture actuelle qui se veut extrêmement favorable à la reconnaissance des risques professionnels.
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Cour d’appel Amiens, 2e protection sociale, 15 juin 2023, RG n° 22/00474 (dès lors que l'accident s'est produit en dehors de l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur, la présomption d'imputabilité de l'accident au travail ne peut s'appliquer. Il appartient à la victime d'apporter la preuve de la matérialité du fait accidentel, de sa survenance par le fait ou à l'occasion du travail et du lien de causalité entre les lésions et le fait accidentel. Or cette preuve ne peut résulter des seules déclarations de la victime)
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre sociale, RG n° 22/00884 (en l'absence de survenance du fait accidentel sur le lieu du travail, le salarié en télétravail ne bénéficie pas de la présomption d'imputabilité)
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