Un projet important peut entraîner un risque grave justifiant une expertise du CHSCT/CSE

Publié le 08/01/2020 à 06:55 dans Rôle du CHSCT/CSE.

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Le CHSCT, comme désormais le CSE, dispose du pouvoir de recourir à une expertise en cas, notamment, de risque grave. Cette notion, essentiellement jurisprudentielle, conditionne sur le fond le recours à l’expert, dont le coût incombe à l’employeur. Les juges viennent, à nouveau, d’illustrer cette notion, tenant ici à un risque révélé par un projet d’aménagement important au sein d’une société.

Expertise CHSCT/CSE pour risque grave : rappel

Le comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), qui a disparu le 31 décembre 2019 au profit du comité social et économique (CSE), disposait de prérogatives spécifiques dont celles de pouvoir demander une expertise, dans deux cas précis :

  • soit au titre d’un risque grave constaté dans l’établissement, lequel est révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel ;
  • soit au titre d’un projet important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou les conditions de travail est mis en place dans l’entreprise/établissement.
Notez-le
La prérogative de recourir à une expertise est dévolue, depuis le 1er janvier 2020, au comité social et économique (Code du travail, art. L. 2315-94).

Le coût de cette expertise étant à la charge de l’employeur, ce dernier a la possibilité de la contester, et ce à plusieurs égards :

  • sur la nécessité même de l'expertise ;
  • sur la désignation de l'expert ;
  • sur le coût prévisionnel de l'expertise.

En ce cas l’employeur saisit le président du tribunal judiciaire, statuant en urgence, sous 10 jours à compter, sauf cas particulier, de la date de la délibération du CHSCT/CSE (Code du travail, art. R. 2315-49).

En ce qui concerne spécifiquement l’expertise pour « risque grave », la jurisprudence a été abondante et a permis de délimiter les contours de cette notion. Ainsi, le risque grave est généralement présent dès que se révèlent dans l'entreprise des possibilités sérieuses de préjudices. Il doit être identifié, actuel, et ce préalablement à l’expertise commandée.

La Cour de cassation s’est prononcée à plusieurs reprises sur les cas de recours à l’expertise par le CHSCT. Dernièrement, elle a statué sur la question du recours à une expertise au motif d’un risque grave généré par un projet important mis en place par l’entreprise.

Un projet important au national peut avoir des conséquences relevant du risque grave au plan local

Un projet important peut avoir des conséquences sur les salariés relevant du risque grave et ainsi justifier le recours par le CHSCT à une expertise. Le CHSCT n’est pas obligé de fonder son expertise sur le motif du « projet important ».

Dans cette affaire une société avait annoncé un plan de réorganisation. A la suite de cette annonce, le CHSCT national a recouru à une expertise du projet important. Parallèlement un CHSCT régional sollicitait lui aussi une expertise sur le fondement du risque grave, en application de l’article L.2315-94 du Code du travail, estimant que ce risque était né en réaction aux conséquences du plan de réorganisation.

Mais la société va contester le recours à l’expertise et saisir le tribunal de grande instance. Le président du TGI annule la décision du CHSCT régional et fait droit aux demandes de l’employeur. Il estimait que le recours à l’expertise pour risque grave du CHSCT local était infondée notamment eu égard aux motivations avancées qui relevaient finalement d’un projet important tel qu’identifié au 2° de l’article visé par le CHSCT national et non du risque grave.

Insatisfait de cette décision le CHSCT forme un pourvoi en cassation contre cette ordonnance. Et c’est à raison puisque les hauts magistrats vont lui donner raison. Pour la Cour de cassation, le président du TGI n’a pas recherché si les éléments invoqués par le CHSCT local à l’appui de sa décision de recourir à une expertise ne caractérisaient pas un risque grave.

C’est ainsi que des éléments tels que des salariés en souffrance au travail, traduite par de nombreux accidents du travail, dont deux pour choc psychologiques, la dégradation de l’état de santé de nombreux salariés soumis à un stress grandissant, la fermeture d’établissements, des méthodes de management, de salariés laissés sans affectation ou encore de carence dans le suivi santé travail, peuvent caractériser un risque grave. Il importe peu à ce titre qu’une expertise ait été lancée par le CHSCT national sur le fondement du projet important.

La décision du président du TGI est donc cassée.

Vous vous questionnez encore sur les expertises pour risque grave ? Les Editions Tissot vous proposent leur fiche « Faire appel à un expert en santé-sécurité et conditions de travail » qui figure dans leur documentation « Comité social et économique : agir en instance unique ».


Cour de cassation, chambre sociale, 9 octobre 2019, n°18-17.784 (un projet d'aménagement important au niveau national n'exclut pas l’apparition d’un risque grave, et donc une expertise d’un CHSCT/CSE local dès lors que l’on est en présence de souffrance au travail et de dégradation de l'état de santé des salariés en lien avec le projet depuis de nombreux mois)

Audrey Gillard

Juriste droit social