Etape
1 -
Déterminer s'il s'agit de modifier les conditions ou le contrat de travail
La question n'est pas aisée, car le Code du travail ne donne aucune définition de la modification du contrat de travail. Les tribunaux ont comblé cette lacune par une jurisprudence abondante qui reste dans certains cas incertaine.
Un principe directeur se dégage toutefois : il y a modification du contrat de travail lorsqu'elle porte :
sur un élément qui a été déterminant lors de la conclusion du contrat et formalisé par écrit ;
sur un élément qui constitue un élément fondamental du contrat et sans lequel celui-ci n'existerait pas, que cet élément figure ou non dans le contrat.
Les tribunaux considèrent que le salaire et la qualification relèvent du contrat de travail et ne peuvent pas être modifiés sans l'accord express du salarié.
Concernant les fonctions, les horaires, le lieu ou la durée du travail, les juges ont parfois considéré qu'il y avait modification du contrat, parfois modification des conditions de travail. Il s'agit là d'un examen au cas par cas, en fonction des circonstances de fait.
Les fonctions
Ce sont les tâches que le salarié doit accomplir telles qu'elles découlent de sa qualification.
Modifier les tâches peut selon le cas constituer soit un aménagement des fonctions qui s'impose au salarié, soit une transformation de celles-ci exigeant l'accord du salarié.
Selon les tribunaux, si les nouvelles tâches correspondent à la qualification du salarié, si celui-ci conserve son positionnement hiérarchique et son salaire, il y a aménagement de ses fonctions. En revanche, si un de ces éléments est affecté, il y a modification du contrat de travail.
Exemple
Les tribunaux ont jugé que constituait une modification du contrat de travail le fait :
d'affecter une secrétaire à un poste d'employée de ménage ;
de muter un salarié engagé au chargement et déchargement des camions à un poste de chauffeur ;
de diminuer ou d'accroître les responsabilités d'un salarié ;
de muter un salarié embauché comme carrossier à un poste de responsable d'atelier.
Le salaire
Le salaire indiqué dans le contrat de travail est un élément essentiel qui ne peut pas être modifié sans l'accord du salarié.
Ce salaire peut être fixe et/ou variable. Il peut par exemple être fixé en fonction d'un pourcentage sur le chiffre d'affaires TTC réalisé par le salarié. Dans ce cas, vous ne pouvez modifier ni le montant du pourcentage, ni le mode de calcul ou la structure de la rémunération sans l'accord du salarié (calculer le pourcentage sur un montant hors taxe par exemple).
La rémunération peut également être constituée d'avantages en nature, comme une voiture de fonction ou un logement, etc. Si ces avantages sont stipulés au contrat, vous ne pouvez pas les modifier sans l'accord du salarié.
attention
Vous ne pouvez pas modifier unilatéralement la rémunération et les avantages stipulés au contrat ou qui ont été déterminants lors de la signature de l'engagement, même si la modification apportée est plus avantageuse pour le salarié.
Le lieu de travail
Plusieurs cas de figure peuvent se présenter, selon que le contrat mentionne ou non un lieu de travail.
La simple mention du lieu de travail dans le contrat n'a qu'une valeur informative. En revanche, si vous avez précisé dans le contrat que les fonctions s'exécuteront exclusivement dans ce lieu, vous ne pourrez pas le modifier sans l'accord du salarié.
Si le contrat de travail ne mentionne aucun lieu de travail, vous pouvez modifier unilatéralement le lieu de travail s'il est situé dans le même secteur géographique. En cas de litige, les juges compareront notamment la distance à parcourir entre le domicile et le nouveau lieu de travail avec la situation antérieure du salarié, le temps que le salarié va mettre pour se rendre sur son nouveau lieu de travail en fonction des facilités de transports en commun, etc.
Si la mutation est temporaire, vous pouvez modifier unilatéralement le lieu de travail même s'il est situé dans un autre secteur géographique. Il faut dans ce cas que les conditions suivantes soient remplies :
l'affectation provisoire est motivée par l'intérêt de l'entreprise et justifiée par des circonstances exceptionnelles (fermeture pour travaux par exemple) ;
le salarié est informé suffisamment à l'avance du lieu et de la durée de l'affectation provisoire.
Si le contrat comporte une clause de mobilité, alors vous pouvez changer le lieu de travail du salarié sans son accord (voir
la fiche «La clause de mobilité : prévoir la possibilité de changer le lieu de travail du salarié »).
En cas de litige, le salarié devra rapporter la preuve de votre mauvaise foi et démontrer que la décision de le muter a été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise.
Enfin, une clause exigeant un changement de domicile du salarié n'est valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et proportionnée au but recherché, compte tenu de l'emploi occupé.
La durée du travail
Il faut distinguer la durée et les horaires de travail.
La durée du travail relève du contrat de travail dès lors qu'elle sert de base de calcul à la rémunération.
Tout passage d'un temps plein à un temps partiel (et inversement) constitue une modification du contrat de travail.
En revanche, vous pouvez, en cas de besoin, imposer des heures supplémentaires dans la mesure où vous respectez les dispositions légales et conventionnelles concernant ces heures.
Vous pouvez également supprimer les heures supplémentaires faites habituellement, dans la mesure où le salaire ne fait pas l'objet d'une convention de forfait.
Enfin, si vous concluez un accord de réduction du temps de travail sans diminution de rémunération, cet accord s'impose aux salariés.
Vous pouvez modifier les horaires de travail (c'est-à-dire la répartition du temps de travail sur la journée de vos salariés) sans leur accord dans la mesure où cette répartition n'a pas été contractualisée et que ce changement n'entraîne aucune modification de la durée du travail ni du salaire.
Par exception, les tribunaux considèrent que vous ne pouvez pas imposer au salarié :
attention
Le contrat de travail à temps partiel doit préciser obligatoirement :
la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail ;
la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
les conditions de la modification éventuelle de cette répartition.
Modifier ces éléments sans recueillir l'accord du salarié peut constituer une rupture injustifiée du contrat de travail aux torts de l'employeur.
La mise en activité partielle des salariés ne modifie pas le contrat de travail dans la mesure où vous respectez le cadre légal d'indemnisation (voir « Pour aller plus loin »).
Sur la mise en place du télétravail, voir la rubrique « Pour aller plus loin ».
Etape
2 -
Procéder à la modification
Pour modifier les conditions de travail
Le changement des conditions de travail s'impose au salarié, vous n'avez aucun avenant au contrat de travail à proposer. Mais vous pouvez avoir dans certains cas des conditions à respecter, telles que l'information du salarié dans un délai suffisant (voir
Questions/réponses).
Si le salarié refuse la modification, il commet une faute que vous êtes en droit de sanctionner.
Pour modifier le contrat de travail
Vous devez obtenir l'accord du salarié en suivant des procédures différentes en fonction de l'origine de la modification.
Motif tenant au salarié ou motif personnel
Vous devez :
vérifier que les accords collectifs applicables à votre entreprise n'imposent pas une procédure spécifique ;
organiser un entretien avec le salarié ;
formaliser ensuite votre proposition par écrit en donnant à votre salarié un délai de réflexion suffisant pour prendre sa décision (un délai de 15 jours semble suffisant).
En cas de refus, vous pouvez soit entamer une procédure de licenciement, soit, en fonction des circonstances, revenir sur votre décision.
En cas d'acceptation, formalisez votre accord par un avenant au contrat de travail.
Motif économique
Ce sera le cas, par exemple, si vous fermez un établissement et que vous mutez les salariés dans un autre établissement.
Vous devez alors :
vérifier que les accords collectifs applicables dans votre entreprise n'imposent pas une procédure spécifique ;
dans la négative, suivre la procédure légale : faites la proposition au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception en précisant les motifs économiques qui vous amènent à proposer ces changements. Indiquez également que le salarié dispose d'un délai d'un mois pour donner sa réponse et qu'à défaut de réponse dans ce délai, il est réputé avoir accepté la modification.
En cas de refus, vous pouvez soit entamer la procédure de licenciement pour motif économique, soit revenir sur votre décision.
En cas d'acceptation, aucun écrit n'est exigé par la loi. Nous vous conseillons toutefois de faire signer à votre salarié un avenant à son contrat de travail clair et précis.
Etape
3 -
Revenir aux conditions antérieures de travail : le cas particulier du remplacement
C'est un cas que vous pouvez rencontrer si vous modifiez le contrat de travail d'un salarié pour faire face à un remplacement.
Si le remplacement n'entraîne pas de modification des conditions de travail du remplaçant
Vous n'avez pas besoin de son accord et aucun avenant au contrat de travail ne doit être signé. Le refus du salarié peut justifier son licenciement pour faute.
Exemple
Remplacement sur un poste correspondant à la même qualification avec un temps de travail identique, dans le même secteur géographique.
attention
Si la rémunération du salarié remplacé est inférieure à celle du remplaçant, vous devez maintenir la rémunération que percevait le remplaçant à son poste d'origine. À défaut, le salarié est en droit de refuser le remplacement.
Si la rémunération est supérieure, et en l'absence de dispositions conventionnelles spécifiques en la matière dans le BTP, vous devrez, en fonction du principe d'égalité des rémunérations, attribuer au salarié remplaçant le salaire du remplacé. À la fin du remplacement, le salarié percevra son salaire antérieur. Dans ce cas, les juges ne considèrent pas la baisse de rémunération comme une modification du contrat de travail.
Si le remplacement entraîne une modification du contrat de travail
Vous devrez recueillir l'accord écrit du salarié. Le salarié peut légitimement refuser. Un tel refus ne constitue pas une faute justifiant un licenciement.
En cas d‘acceptation, vous devrez faire signer un avenant au contrat de travail. Lorsque le salarié réintégrera son poste d'origine, un nouvel avenant sera nécessaire.
En pratique, vous pouvez vous trouver dans une situation difficile si le salarié refuse de signer ce nouvel avenant. Ce refus ne serait pas constitutif d'une faute. Vous pourriez être tenté de vous prémunir de cette situation en prévoyant dans l'avenant initial de mutation le retour aux conditions du contrat antérieur à la fin du remplacement. Sachez que la jurisprudence reste incertaine sur la validité d'une telle clause.