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Droit d'alerte et de retrait des salariés :
En cas de danger, le salarié dispose d’un droit d’alerte et d’un droit de retrait. Ces droits permettent au salarié de prévenir l’employeur d’un danger et de se retirer de son poste de travail. Toutefois, le droit d'alerte et de retrait des salariés ne doit être utilisé que lorsque la situation présente un danger grave et imminent pour la vie ou la santé du salarié.
En pratique, le salarié doit alerter immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.
La présence de ce danger autorise le salarié à se retirer de cette situation de travail sans encourir de sanction (C. trav., art. L. 4131-3). Toutefois, si le salarié peut se retirer de son poste de travail, il n’a pas le droit d'arrêter les machines, même en cas de danger.
De son côté, l'employeur doit prendre les mesures et donner les instructions nécessaires pour permettre aux autres travailleurs d'arrêter leur activité et de se mettre en sécurité en quittant immédiatement le lieu de travail (C. trav., art. L. 4132-5).
Peut-on imposer à un salarié de signaler par écrit la situation de danger avant d’exercer son droit de retrait ?
Le règlement intérieur ne peut pas imposer une obligation immédiate de consignation par écrit avant que le salarié utilise son droit de retrait.
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Les faits
Le règlement intérieur d’une entreprise prévoit une obligation de consigner par écrit la situation de danger préalablement à tout exercice d’un droit de retrait par un salarié. Le syndicat Fédération des employés et cadres Force ouvrière, estimant que cette clause du règlement intérieur a pour conséquence de restreindre l’usage du droit de retrait accordé au salarié en présence d’un danger, décide d’assigner la société afin de supprimer cette clause.
La cour d’appel d'Aix-en-Provence reconnaît l’atteinte à la liberté d’exercice du droit de retrait et ordonne la suppression de l’article 8 du règlement intérieur. La société décide de se pourvoir en cassation.
Ce qu’en disent les juges
La Cour de cassation rappelle en premier lieu que si l’article L. 231-8 (art. L. 4131-1 nouveau) du Code du travail impose à tout salarié de signaler immédiatement l’existence d’une situation de travail qu’il estime dangereuse, elle ne l’oblige pas à le faire par écrit.
Le fait d’imposer au salarié, outre de prévenir son responsable hiérarchique, une obligation immédiate de consignation par écrit avant retrait signée soit par lui, soit par un témoin, soit par le supérieur hiérarchique, est de nature à restreindre l'usage du droit de retrait prévu par ce texte
A retenir
Si l’article L. 4131-1 du Code du travail impose au salarié d’informer immédiatement son employeur ou un de ses représentants de tout danger justifiant l’utilisation de son droit de retrait, un employeur ne peut pas imposer aux salariés de formalités supplémentaires sans porter atteinte à ce droit.
Cassation sociale, 28 mai 2008, n° 07-15.744
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 28 mai 2008 N° de pourvoi: 07-15744 Publié au bulletin Cassation partielle
Mme Collomp, président Mme Morin, conseiller rapporteur M. Lalande, avocat général Me Haas, SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société marseillaise de crédit a adressé à ses collaborateurs le 19 avril 2002 un code de déontologie, sanctionné selon les dispositions du règlement intérieur de l'entreprise et imposant à une catégorie de personnel "en situation sensible" des obligations d'information et de levée du secret bancaire sur leurs comptes ; que la Fédération des employés et cadres Force ouvrière, estimant que ce code constituait une adjonction au règlement intérieur qui n'avait pas fait l'objet des formalités prévues par l'article L. 122-36 du code du travail, en a demandé judiciairement la nullité ; qu'il a également demandé la suppression de l'alinéa 2 de la clause du règlement intérieur relative au droit de retrait des salariés ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné la suppression de l'alinéa 2 du paragraphe 8 du chapitre V du règlement intérieur, alors, selon le moyen, que l'article 8 du règlement intérieur se borne à inviter le salarié qui exerce son droit de retrait à "signer une déclaration" et indique qu'à défaut, la déclaration sera signée par un témoin ou par le responsable hiérarchique ; qu'en conséquence ce texte n'impose pas au salarié de signaler par écrit la situation de danger justifiant l'exercice du droit de retrait et ne constitue pas une atteinte à ce droit ; qu'en ordonnant la suppression de l'article 8 du règlement intérieur, la cour d'appel a violé l'article L. 231-8 du code du travail ;
Mais attendu que si les dispositions de l'article L. 231-8 du code du travail font obligation à tout salarié de signaler immédiatement l'existence d'une situation de travail qu'il estime dangereuse, elles ne l'obligent pas à le faire par écrit ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé que le règlement intérieur impose, outre l'obligation d'information du responsable hiérarchique, une obligation immédiate de consignation par écrit avant retrait signée soit par le salarié, soit par un témoin ou par le supérieur hiérarchique, en a exactement déduit que cette obligation ainsi formalisée était de nature à restreindre l'usage du droit de retrait prévu par ce texte ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles L. 122-36 et L. 122-39 du code du travail ;
Attendu que pour déclarer nulles et non avenues les dispositions du code de déontologie, intitulé "contraintes déontologiques", la cour d'appel retient que ce code comporte de nouvelles règles de discipline par rapport au règlement intérieur, comme par exemple l'obligation pour le "personnel sensible" de communiquer certaines informations sur les comptes dont il est titulaire et ne fait que renvoyer au règlement intérieur concernant la sanction des règles ; que le chapitre II, paragraphe IV, du code leur impose ainsi la levée du secret bancaire sur leurs comptes personnels ouvert en n'importe quel établissement financier sous peine de sanction disciplinaire, et qu'il crée bien une catégorie d'obligations non prévues par le code du travail, le règlement des marchés financiers ou le règlement intérieur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les obligations d'information ou de levée du secret bancaire sur les comptes personnels d'instruments financiers sur lesquels les collaborateurs exerçant une fonction sensible "ont la faculté d'agir", prévues par le règlement de l'autorité des marché financier, figuraient déjà dans le règlement intérieur, de sorte que le code de déontologie n'en constituait pas une adjonction, mais une simple modalité d'application, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré nul le code de déontologie de la Société marseillaise de crédit , l'arrêt rendu le 13 mars 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la Fédération des employés et cadres Force ouvrière aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille huit.
Des fientes d'oiseaux dans les sanitaires, la présence d'un rottweiler et d'une arme à feu dans l'entreprise ne constituent pas un danger grave et imminent de nature à justifier un droit de retrait.
Le licenciement prononcé par l'employeur pour un motif lié à l'exercice légitime par le salarié du droit de retrait de son poste de travail dans une situation de danger est nul.
Lorsque les conditions du droit de retrait individuel ne sont pas réunies, le salarié s'expose à une retenue sur salaire, peu important qu'il reste à la disposition de l'employeur, ce dernier n'étant pas tenu de saisir préalablement le juge sur l'appréciation du bien-fondé de l'existence du droit de retrait par le salarié.
Cassation sociale, 5 juillet 2011, n° 10-23.319
Des fientes d'oiseaux dans les sanitaires, la présence d'un rottweiler et d'une arme à feu dans l'entreprise ne constituent pas un danger grave et imminent de nature à justifier un droit de retrait.
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mardi 5 juillet 2011 N° de pourvoi: 10-23319 Non publié au bulletin Rejet
M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 8 février 2010), que Mme X..., engagée en qualité d'aide-comptable par la société De Sousa à compter du 28 septembre 1998, a informé son employeur, le 16 janvier 2008, qu'elle exerçait son droit de retrait en application des dispositions légales ; que, le 6 février 2008, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour faire juger que la rupture était imputable à l'employeur et demander le paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que le droit de retrait qu'elle avait exercé à compter du 16 janvier 2008 était justifié et que la société soit condamnée à lui payer une somme à titre de rappel de salaire, alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié a le droit d'exercer son droit de retrait lorsqu'il a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ; que l'article L. 4131-3 du code du travail n'exige pas que la situation rencontrée par le salarié présente effectivement un danger grave ou imminent, le fait que le salarié ait eu un motif raisonnable de le penser étant suffisant pour justifier l'exercice du droit de retrait ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait valoir qu'elle avait exercé son droit de retrait compte tenu des conditions d'hygiène déplorables dans l'entreprise, notamment dans les sanitaires, et du fait que l'employeur lui imposait la présence d'un rottweiler laissé en liberté et d'une carabine avec des munitions ; qu'en affirmant que la salariée ne justifiait pas du bien fondé de l'exercice de son droit de retrait, sans rechercher si la salariée n'avait pas un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa sécurité ou sa santé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4131-1 du code du travail ;
2°/ que l'adage "nul ne peut se constituer de preuve à lui-même" n'est pas applicable à la preuve des faits juridiques ; que la preuve est par ailleurs libre en matière prud'homale ; qu'en l'espèce, Mme X... produisait des photographies qu'elle avait prises au sein de la société De Sousa et sur lesquelles apparaissaient notamment les sanitaires sales et vétustes, une arme à feu, un rottweiler en liberté, des tourterelles dans une cage remplie de plusieurs épaisseurs de fiente, des produits raticides stockés sous l'évier de la kitchenette et des trous creusés dans les murs par les rats ; que la cour d'appel, pour débouter Mme X... de ses demandes relatives à son exercice du droit de retrait, a considéré que Mme X... ne pouvait se prévaloir des photographies qu'elle avait prises dans la mesure où elle ne pouvait pas se constituer de preuves à elle-même ; qu'en statuant ainsi, quand la salariée était en droit de prouver par tous moyens les faits qui l'avaient conduite à considérer qu'elle avait un motif raisonnable de craindre pour sa santé et sa sécurité, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
3°/ que Mme X... faisait valoir que l'employeur lui imposait la présence sur son lieu de travail d'une carabine et de munitions, ce qui lui faisait craindre pour sa sécurité et justifiait l'exercice de son droit de retrait ; que la cour d'appel a relevé que la présence d'une arme à feu et de ses munitions n'était pas contestée par l'employeur mais que ce dernier avait expliqué qu'il les avait empruntées à son gendre lequel les avait apportées au bureau par commodité ; que la cour d'appel a ensuite relevé que Mme X... ne prouvait pas, quant à elle, que l'employeur avait amené son arme pour l'intimider après qu'elle avait menacé de révéler ses conditions de travail et l'emploi de personnel non déclaré ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la présence de cette arme à feu sur le lieu de travail ne caractérisait pas en soi pour la salariée un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présentait un danger pour sa sécurité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4131-1 du code du travail ;
4°/ que Mme X... faisait valoir que l'employeur lui avait imposé sur son lieu de travail la présence d'un rottweiler, qui est un chien classé par la loi en deuxième catégorie des chiens dangereux, sans que ce chien ne soit attaché ni même muselé, ce qui lui faisait craindre pour sa sécurité et justifiait l'exercice de son droit de retrait ; que la société De Sousa n'avait pas contesté la présence de ce chien dans les locaux aux heures de travail, mais avait seulement argué qu'aucun texte n'interdisait la présence d'animaux sur les lieux de travail ; que la cour d'appel, pour juger que Mme X... ne justifiait aucunement d'une situation de travail justifiant l'exercice du droit de retrait, a relevé que l'on ignorait si le chien avait été photographié pendant les heures de travail de la salariée ; qu'en statuant ainsi, quand la présence du chien pendant les heures de travail n'était pas contestée par l'employeur, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
5°/ qu'il résulte de l'article R. 4228-13 du code du travail que l'employeur a l'obligation de faire procéder au nettoyage et à la désinfection des cabinets d'aisance au moins une fois par jour ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait valoir que son droit de retrait était justifié par les conditions d'hygiène déplorables au sein de l'entreprise et notamment des sanitaires ; que l'huissier avait d'ailleurs constaté que l'unique cabinet d'aisance était sale ; que la cour d'appel, pour juger que l'exercice par la salariée de son droit de retrait n'était pas justifié, a relevé que le gérant de la société Clairenet Nettoyage attestait entretenir les locaux de l'entreprise depuis le 15 septembre 1999 et à ce titre passer dans les bureaux et les sanitaires une fois par semaine ; qu'en statuant par un tel motif, inopérant, pour juger que l'employeur avait respecté ses obligations quant aux mesures d'hygiène, quand il avait l'obligation de faire nettoyer les sanitaires au moins une fois par jour, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 4228-13 et L. 4131-1 du code du travail ;
6°/ qu'il résulte de l'article R. 4225-5 du code du travail, qu'un siège approprié doit être mis à la disposition de chaque travailleur à son poste de travail ou à proximité de celui-ci ; que Mme X... faisait valoir que malgré ses demandes, elle ne disposait que d'une chaise vétuste parfaitement inadaptée au bureau à retour, ce qui l'obligeait à des contorsions incessantes néfastes à son état de santé ; que la cour d'appel a constaté que le constat d'huissier établi le 14 janvier 2007 mentionnait que Mme X... disposait d'une simple chaise sans système tournant, recouverte de skaï qui se craquelait ; que la cour d'appel a cependant jugé que s'il était certes plus commode de disposer d'un siège à roulettes et pivotant, la chaise de travail dont disposait Mme X... n'appelait pas d'observations au regard de l'article R. 4225-5 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de ses constatations que le siège mis à disposition du salarié n'était pas approprié par rapport au poste de travail de la salariée, la cour d'appel a violé les articles R. 4225-5 et L. 4131-1 du code du travail ;
Mais attendu que, contrairement aux énonciations de la première branche du moyen, la cour d'appel n'a pas énoncé que la salariée ne justifiait pas du bien-fondé de l'exercice de son droit de retrait mais a retenu qu'elle ne justifiait pas d'une situation de travail fondant l'exercice du droit de retrait tel que prévu par les articles L. 4131-1 et suivants du code du travail ; qu'il s'ensuit que le premier grief manque en fait ;
Et attendu que, par une appréciation souveraine, elle a estimé que la salariée n'avait pas un motif raisonnable de penser que la situation de travail dans laquelle elle se trouvait présentait un danger grave ou imminent pour sa vie ou pour sa santé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que la rupture de son contrat de travail était aux torts exclusifs de la société, que cette rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que la société soit, en conséquence, condamnée à lui verser diverses sommes ainsi qu'à lui délivrer une attestation ASSEDIC conforme, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a jugé que l'exercice par Mme X... de son droit de retrait n'était pas fondé entraînera, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a débouté Mme X... de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail équivalait à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que la société De Sousa soit condamnée à lui verser diverses sommes à ce titre et à lui délivrer une attestation ASSEDIC conforme ;
2°/ que la prise d'acte de la rupture par le salarié équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que l'employeur a commis des manquements suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat à ses torts ; que la prise d'acte est justifiée lorsque l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'employeur ne contestait pas la présence d'une arme à feu avec des munitions sur le lieu de travail de la salariée ; qu'en jugeant néanmoins que la salariée ne justifiait pas de manquements ou d'agissements de son employeur permettant d'imputer à celui-ci la responsabilité de la rupture, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1231-1 et L. 4121-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil ;
3°/ que, en outre, il résulte des articles L. 211-12 et L. 211-16 du code rural, que les rottweilers, classés dans la deuxième catégorie des chiens susceptibles d'être dangereux, doivent être muselés et tenus en laisse dans les locaux ouverts au public ; que Mme X... faisait valoir que l'employeur lui avait imposé sur son lieu de travail la présence d'un rottweiler, sans que ce chien ne soit attaché ni même muselé ; que la société De Sousa n'avait pas contesté la présence de ce chien dans les locaux aux heures de travail ; que la cour d'appel, pour juger que Mme X... ne justifiait pas de manquements ou d'agissements de son employeur permettant d'imputer à celui-ci la responsabilité de la rupture, a relevé que l'on ignorait si le chien avait été photographié pendant les heures de travail de la salariée ; qu'en statuant ainsi, quand la présence du chien pendant les heures de travail n'était pas contestée par l'employeur, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ que, en outre, il résulte de l'article R. 4228-13 du code du travail que l'employeur a l'obligation de faire procéder au nettoyage et à la désinfection des cabinets d'aisance au moins une fois par jour ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait valoir que les conditions d'hygiène dans les sanitaires étaient déplorables ; que l'huissier avait d'ailleurs constaté que l'unique cabinet d'aisance était sale ; que la cour d'appel pour juger que Mme X... ne justifiait pas de manquements ou d'agissements de son employeur permettant d'imputer à celui-ci la responsabilité de la rupture, a relevé que le gérant de la société Clairenet Nettoyage attestait entretenir les locaux de l'entreprise depuis le 15 septembre 1999 et à ce titre passer dans les bureaux et les sanitaires une fois par semaine ; qu'en statuant par un tel motif, inopérant, pour juger que l'employeur avait respecté ses obligations quant aux mesures d'hygiène, quand il avait l'obligation de faire nettoyer les sanitaires au moins une fois par jour, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 4228-13, L. 1231-1 et L. 4121-1 du code du travail, ainsi que de l'article 1134 du code civil ;
5°/ qu'enfin, il résulte de l'article R. 4225-5 du code du travail, qu'un siège approprié doit être mis à la disposition de chaque travailleur à son poste de travail ou à proximité de celui-ci ; que Mme X... faisait valoir que malgré ses demandes, elle ne disposait que d'une chaise vétuste parfaitement inadaptée au bureau à retour, ce qui l'obligeait à des contorsions incessantes néfastes à son état de santé ; que la cour d'appel a constaté que le constat d'huissier établi le 14 janvier 2007 mentionnait que Mme X... disposait d'une simple chaise sans système tournant, recouverte de skaï qui se craquelait ; qu'en affirmant que la chaise de travail dont disposait Mme X... n'appelait pas d'observations au regard de l'article R. 4225-5 du code du travail, quand le siège mis à disposition du salarié doit être approprié au poste de travail du salarié, ce qui n'était pas le cas selon les constatations mêmes de la cour d'appel, la cour d'appel a violé les articles R. 4225-5, L. 1231-1 et L. 4121-1 du code du travail, ainsi que l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a souverainement décidé que les manquements reprochés à l'employeur ne suffisaient pas à justifier la décision de la salariée de prendre acte de la rupture de son contrat de travail ; que le moyen, qui ne tend en ses diverses branches qu'à remettre en cause cette appréciation, ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que la société avait omis de lui délivrer une attestation ASSEDIC à la suite de la rupture du contrat de travail intervenue le 6 février 2008 et que la société soit condamnée à lui verser des dommages et intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que la prise d'acte de la rupture par le salarié emportant cessation immédiate du contrat de travail, l'employeur doit immédiatement transmettre au salarié l'attestation Pôle emploi anciennement nommée attestation ASSEDIC ; que la non-remise à un salarié de cette attestation lui permettant de s'inscrire au chômage entraîne nécessairement pour lui un préjudice qui doit être réparé ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait valoir que la société De Sousa ne lui avait jamais transmis son attestation ASSEDIC à la suite de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail intervenue le 6 février 2008 ce qui l'avait empêchée de s'inscrire au chômage ; qu'elle sollicitait à ce titre des dommages-intérêts ; qu'en déboutant Mme X... de cette demande, la cour d'appel a violé l'article R. 1234-9 du code du travail ;
2°/ qu'en tout état de cause, les juges du fond doivent répondre aux moyens dont ils sont saisis et que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait valoir que la société De Sousa ne lui avait jamais transmis son attestation ASSEDIC à la suite de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail intervenue le 6 février 2008 bien qu'elle en avait l'obligation et que cette carence de l'employeur avait empêché la salariée de s'inscrire au chômage ; que cela avait créé pour elle un préjudice qui devait être réparé ; qu'en déboutant Mme X... de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la carence de l'employeur dans sa délivrance de l'attestation ASSEDIC sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt, qui retient que la salariée ne justifie pas de manquements de l'employeur permettant de lui imputer la responsabilité de la rupture, n'encourt pas le grief du moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme Michèle X... de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que le droit de retrait que la salariée avait exercé à compter du 16 janvier 2008 était justifié et que la société De Sousa soit, en conséquence, condamnée à lui verser la somme de 1.142,69 euros à titre de rappel de salaire,
AUX MOTIFS QUE Mme X... soutient que les locaux où elle travaillait étaient dans un état d'hygiène et d'entretien déplorable en violation des dispositions du code du travail ; que le constat d'huissier établi le 14 janvier 2007 en vertu d'une autorisation du président du tribunal de grande instance mentionne que Mme X... dispose d'une simple chaise sans système tournant, recouverte de skaï qui se craquèle, que du côté opposé où elle travaille se trouve une grande cage à oiseaux sur pied contenant deux oiseaux, qu'une kitchenette adjacente au bureau a un sol recouvert d'un revêtement plastifié posé à même le sol brut, qu'il s'y trouve un réfrigérateur contenant une boîte d'aliments pour chien, que la pièce à suage de toilettes est sale et rapporte l'allégation de Mme X... suivant laquelle il y a d'autres toilettes installées à la demande du médecin du travail, qui n'auraient jamais été utilisées et qui seraient inaccessibles en raison de l'encombrement par divers matériaux ; que les photographies ne permettent pas de déceler un défaut d'entretien et d'hygiène du cabinet de toilette, qui paraît en revanche convenablement équipé ainsi que de la kitchenette ; que s'il est plus commode de disposer d'un siège à roulettes et pivotant, la chaise de travail dont disposait Mme X... n'appelle pas d'observations au regard de l'article R. 4225-5 du code du travail ; que la déclaration adressée à la médecine du travail pour l'année 2008 mentionne 17 salariés, dont un chauffeur poids lourds, 12 maçons, un responsable de chantier, un manoeuvre, un apprenti maçon et seulement un comptable ; qu'il va de soi que tous ces salariés à l'exception du comptable travaillent en permanence sur des chantiers extérieurs et nullement au siège de l'entreprise et dès lors l'allégation suivant laquelle les lavabos et cabinets d'aisance seraient en nombre insuffisant eu égard au nombre de salariés est totalement dépourvue de sérieux ; que les courriers de l'APAVE et de Jean-Louis Y... adressés au mois de septembre 2006 à la Sarl de Sousa concernent un chantier extérieur et sont donc rigoureusement inopérants, Mme X... ne pouvant se prévaloir que de manquements ou d'agissements dont elle a été personnellement victime pour imputer la responsabilité de la rupture à son employeur (en ce sens Limoges 11 mars 2002 D 2002 IR 1322 GP 31 juillet – 1er août 2002 p. 27 – note Vray) ; que Mme X... ne peut se prévaloir des photographies qu'elle a prises dans la mesure où elle ne peut pas se constituer des preuves à elle-même et où elles inspirent un doute sérieux sur la réalité des faits qu'elle entend prouver ; qu'il est manifeste à la comparaison avec la photographie prise par l'huissier que la photographie du cabinet de toilette a été prise alors que celui-ci était en travaux ; que les photographies du second cabinet de toilette sont inopérantes dans la mesure où, eu égard à ses effectifs, le personnel travaillant dans le bureau n'avait légalement besoin que d'un seul ; que l'on ignore si le chien a été photographié pendant les heures de travail de Mme X... ; que la présence de bouteilles d'eau minérale ne prouve nullement que l'eau du robinet ne soit pas potable et paradoxalement la présence de produits raticides dans la kitchenette n'a pas été signalée à l'huissier ; que l'on ignore où les autres photographies ont pu être prises ; que la présence d'une arme à feu et de munitions n'est pas contestée par la Sarl de Sousa, dont le dirigeant a expliqué à Mme X... qu'il les avait empruntées à son gendre, lequel les avait apportées au bureau par commodité, Mme X... ne justifiant pas de son allégation suivant laquelle il s'agissait de répondre à des menaces de sa part de révéler ses conditions de travail et l'existence d'heures de travail par du personnel non déclaré ; qu'en revanche, le gérant de la Sarl Clairenet Nettoyage atteste entretenir les locaux de l'entreprise depuis le 15 septembre 1999 et à ce titre passer dans les bureaux et les sanitaires une fois par semaine ; qu'en conséquence, Mme X... ne justifie nullement d'une situation de travail justifiant l'exercice du droit de retrait tel que prévu par les articles L. 4131-1 et suivants du code du travail ni de manquements ou d'agissements de son employeur permettant d'imputer à celui-ci la responsabilité de la rupture ; que dans ces conditions, elle doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée aux dépens ;
1°) ALORS QUE le salarié a le droit d'exercer son droit de retrait lorsqu'il a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ; que l'article L. 4131-3 du code du travail n'exige pas que la situation rencontrée par le salarié présente effectivement un danger grave ou imminent, le fait que le salarié ait eu un motif raisonnable de le penser étant suffisant pour justifier l'exercice du droit de retrait ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait valoir qu'elle avait exercé son droit de retrait compte tenu des conditions d'hygiène déplorables dans l'entreprise, notamment dans les sanitaires, et du fait que l'employeur lui imposait la présence d'un rottweiler laissé en liberté et d'une carabine avec des munitions ; qu'en affirmant que la salariée ne justifiait pas du bien fondé de l'exercice de son droit de retrait, sans rechercher si la salariée n'avait pas un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa sécurité ou sa santé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4131-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE l'adage « nul ne peut se constituer de preuve à lui-même » n'est pas applicable à la preuve des faits juridiques ; que la preuve est par ailleurs libre en matière prud'homale ; qu'en l'espèce, Mme X... produisait des photographies qu'elle avait prises au sein de la société De Sousa et sur lesquelles apparaissaient notamment les sanitaires sales et vétustes, une arme à feu, un rottweiler en liberté, des tourterelles dans une cage remplie de plusieurs épaisseurs de fiente, des produits raticides stockés sous l'évier de la kitchenette et des trous creusés dans les murs par les rats ; que la cour d'appel, pour débouter Mme X... de ses demandes relatives à son exercice du droit de retrait, a considéré que Mme X... ne pouvait se prévaloir des photographies qu'elle avait prises dans la mesure où elle ne pouvait pas se constituer de preuves à elle-même ; qu'en statuant ainsi, quand la salariée était en droit de prouver par tous moyens les faits qui l'avaient conduite à considérer qu'elle avait un motif raisonnable de craindre pour sa santé et sa sécurité, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
3°) ALORS QUE Mme X... faisait valoir que l'employeur lui imposait la présence sur son lieu de travail d'une carabine et de munitions, ce qui lui faisait craindre pour sa sécurité et justifiait l'exercice de son droit de retrait ; que la cour d'appel a relevé que la présence d'une arme à feu et de ses munitions n'était pas contestée par l'employeur mais que ce dernier avait expliqué qu'il les avait empruntées à son gendre lequel les avait apportées au bureau par commodité ; que la cour d'appel a ensuite relevé que Mme X... ne prouvait pas, quant à elle, que l'employeur avait amené son arme pour l'intimider après qu'elle avait menacé de révéler ses conditions de travail et l'emploi de personnel non déclaré ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la présence de cette arme à feu sur le lieu de travail ne caractérisait pas en soi pour la salariée un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présentait un danger pour sa sécurité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4131-1 du code du travail ;
4°) ALORS QUE Mme X... faisait valoir que l'employeur lui avait imposé sur son lieu de travail la présence d'un rottweiler, qui est un chien classé par la loi en deuxième catégorie des chiens dangereux, sans que ce chien ne soit attaché ni même muselé, ce qui lui faisait craindre pour sa sécurité et justifiait l'exercice de son droit de retrait ; que la société De Sousa n'avait pas contesté la présence de ce chien dans les locaux aux heures de travail, mais avait seulement argué qu'aucun texte n'interdisait la présence d'animaux sur les lieux de travail ; que la cour d'appel, pour juger que Mme X... ne justifiait aucunement d'une situation de travail justifiant l'exercice du droit de retrait, a relevé que l'on ignorait si le chien avait été photographié pendant les heures de travail de la salariée ; qu'en statuant ainsi, quand la présence du chien pendant les heures de travail n'était pas contestée par l'employeur, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QU'il résulte de l'article R. 4228-13 du code du travail que l'employeur a l'obligation de faire procéder au nettoyage et à la désinfection des cabinets d'aisance au moins une fois par jour ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait valoir que son droit de retrait était justifié par les conditions d'hygiène déplorables au sein de l'entreprise et notamment des sanitaires ; que l'huissier avait d'ailleurs constaté que l'unique cabinet d'aisance était sale ; que la cour d'appel, pour juger que l'exercice par la salariée de son droit de retrait n'était pas justifié, a relevé que le gérant de la société Clairenet Nettoyage attestait entretenir les locaux de l'entreprise depuis le 15 septembre 1999 et à ce titre passer dans les bureaux et les sanitaires une fois par semaine ; qu'en statuant par un tel motif, inopérant, pour juger que l'employeur avait respecté ses obligations quant aux mesures d'hygiène, quand il avait l'obligation de faire nettoyer les sanitaires au moins une fois par jour, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 4228-13 et L. 4131-1 du code du travail ;
6°) ALORS QU'il résulte de l'article R. 4225-5 du code du travail, qu'un siège approprié doit être mis à la disposition de chaque travailleur à son poste de travail ou à proximité de celui-ci ; que Mme X... faisait valoir que malgré ses demandes, elle ne disposait que d'une chaise vétuste parfaitement inadaptée au bureau à retour, ce qui l'obligeait à des contorsions incessantes néfastes à son état de santé ; que la cour d'appel a constaté que le constat d'huissier établi le 14 janvier 2007 mentionnait que Mme X... disposait d'une simple chaise sans système tournant, recouverte de skaï qui se craquelait ; que la cour d'appel a cependant jugé que s'il était certes plus commode de disposer d'un siège à roulettes et pivotant, la chaise de travail dont disposait Mme X... n'appelait pas d'observations au regard de l'article R. 4225-5 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de ses constatations que le siège mis à disposition du salarié n'était pas approprié par rapport au poste de travail de la salariée, la cour d'appel a violé les articles R. 4225-5 et L. 4131-1 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme X... de ses demandes tendant à qu'il soit jugé que la rupture de son contrat de travail était aux torts exclusifs de la société De Sousa, que cette rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que la société De Sousa soit, en conséquence, condamnée à lui verser diverses sommes ainsi qu'à lui délivrer une attestation Assedic conforme,
AUX MOTIFS QUE Mme X... soutient que les locaux où elle travaillait étaient dans un état d'hygiène et d'entretien déplorable en violation des dispositions du code du travail ; que le constat d'huissier établi le 14 janvier 2007 en vertu d'une autorisation du président du tribunal de grande instance mentionne que Mme X... dispose d'une simple chaise sans système tournant, recouverte de skaï qui se craquèle, que du côté opposé où elle travaille se trouve une grande cage à oiseaux sur pied contenant deux oiseaux, qu'une kitchenette adjacente au bureau a un sol recouvert d'un revêtement plastifié posé à même le sol brut, qu'il s'y trouve un réfrigérateur contenant une boîte d'aliments pour chien, que la pièce à suage de toilettes est sale et rapporte l'allégation de Mme X... suivant laquelle il y a d'autres toilettes installées à la demande du médecin du travail, qui n'auraient jamais été utilisées et qui seraient inaccessibles en raison de l'encombrement par divers matériaux ; que les photographies ne permettent pas de déceler un défaut d'entretien et d'hygiène du cabinet de toilette, qui paraît en revanche convenablement équipé ainsi que de la kitchenette ; que s'il est plus commode de disposer d'un siège à roulettes et pivotant, la chaise de travail dont disposait Mme X... n'appelle pas d'observations au regard de l'article R. 4225-5 du code du travail ; que la déclaration adressée à la médecine du travail pour l'année 2008 mentionne 17 salariés, dont un chauffeur poids lourds, 12 maçons, un responsable de chantier, un manoeuvre, un apprenti maçon et seulement un comptable ; qu'il va de soi que tous ces salariés à l'exception du comptable travaillent en permanence sur des chantiers extérieurs et nullement au siège de l'entreprise et dès lors l'allégation suivant laquelle les lavabos et cabinets d'aisance seraient en nombre insuffisant eu égard au nombre de salariés est totalement dépourvue de sérieux ; que les courriers de l'APAVE et de Jean-Louis Y... adressés au mois de septembre 2006 à la Sarl de Sousa concernent un chantier extérieur et sont donc rigoureusement inopérants, Mme X... ne pouvant se prévaloir que de manquements ou d'agissements dont elle a été personnellement victime pour imputer la responsabilité de la rupture à son employeur (en ce sens Limoges 11 mars 2002 D 2002 IR 1322 GP 31 juillet – 1er août 2002 p. 27 – note Vray) ; que Mme X... ne peut se prévaloir des photographies qu'elle a prises dans la mesure où elle ne peut pas se constituer des preuves à elle-même et où elles inspirent un doute sérieux sur la réalité des faits qu'elle entend prouver ; qu'il est manifeste à la comparaison avec la photographie prise par l'huissier que la photographie du cabinet de toilette a été prise alors que celle-ci était en travaux ; que les photographies du second cabinet de toilette sont inopérantes dans la mesure où, eu égard à ses effectifs, le personnel travaillant dans le bureau n'avait légalement besoin que d'un seul ; que l'on ignore si le chien a été photographié pendant les heures de travail de Mme X... ; que la présence de bouteilles d'eau minérale ne prouve nullement que l'eau du robinet ne soit pas potable et paradoxalement la présence de produits raticides dans la kitchenette n'a pas été signalée à l'huissier ; que l'on ignore où les autres photographies ont pu être prises ; que la présence d'une arme à feu et de munitions n'est pas contestée par la Sarl de Sousa, dont le dirigeant a expliqué à Mme X... qu'il les avait empruntées à son gendre, lequel les avait apportées au bureau par commodité, Mme X... ne justifiant pas de son allégation suivant laquelle il s'agissait de répondre à des menaces de sa part de révéler ses conditions de travail et l'existence d'heures de travail par du personnel non déclaré ; qu'en revanche, le gérant de la Sarl Clairenet Nettoyage atteste entretenir les locaux de l'entreprise depuis le 15 septembre 1999 et à ce titre passer dans les bureaux et les sanitaires une fois par semaine ; qu'en conséquence, Mme X... ne justifie nullement d'une situation de travail justifiant l'exercice du droit de retrait tel que prévu par les articles L. 4131-1 et suivants du code du travail ni de manquements ou d'agissements de son employeur permettant d'imputer à celui-ci la responsabilité de la rupture ; que dans ces conditions, elle doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée aux dépens ;
1°) ALORS QUE la cassation de l'arrêt en ce qu'il a jugé que l'exercice par Mme X... de son droit de retrait n'était pas fondé entraînera, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a débouté Mme X... de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail équivalait à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que la société De Sousa soit condamnée à lui verser diverses sommes à ce titre et à lui délivrer une attestation Assedic conforme ;
2°) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE la prise d'acte de la rupture par le salarié équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que l'employeur a commis des manquements suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat à ses torts ; que la prise d'acte est justifiée lorsque l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'employeur ne contestait pas la présence d'une arme à feu avec des munitions sur le lieu de travail de la salariée ; qu'en jugeant néanmoins que la salariée ne justifiait pas de manquements ou d'agissements de son employeur permettant d'imputer à celui-ci la responsabilité de la rupture, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1231-1 et L. 4121-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil ;
3°) ALORS QUE, en outre, il résulte des articles L. 211-12 et L. 211-16 du code rural, que les rottweilers, classés dans la deuxième catégorie des chiens susceptibles d'être dangereux, doivent être muselés et tenus en laisse dans les locaux ouverts au public ; que Mme X... faisait valoir que l'employeur lui avait imposé sur son lieu de travail la présence d'un rottweiler, sans que ce chien ne soit attaché ni même muselé ; que la société De Sousa n'avait pas contesté la présence de ce chien dans les locaux aux heures de travail ; que la cour d'appel, pour juger que Mme X... ne justifiait pas de manquements ou d'agissements de son employeur permettant d'imputer à celui-ci la responsabilité de la rupture, a relevé que l'on ignorait si le chien avait été photographié pendant les heures de travail de la salariée ; qu'en statuant ainsi, quand la présence du chien pendant les heures de travail n'était pas contestée par l'employeur, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE, en outre, il résulte de l'article R. 4228-13 du code du travail que l'employeur a l'obligation de faire procéder au nettoyage et à la désinfection des cabinets d'aisance au moins une fois par jour ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait valoir que les conditions d'hygiène dans les sanitaires étaient déplorables ; que l'huissier avait d'ailleurs constaté que l'unique cabinet d'aisance était sale ; que la cour d'appel pour juger que Mme X... ne justifiait pas de manquements ou d'agissements de son employeur permettant d'imputer à celui-ci la responsabilité de la rupture, a relevé que le gérant de la société Clairenet Nettoyage attestait entretenir les locaux de l'entreprise depuis le 15 septembre 1999 et à ce titre passer dans les bureaux et les sanitaires une fois par semaine ; qu'en statuant par un tel motif, inopérant, pour juger que l'employeur avait respecté ses obligations quant aux mesures d'hygiène, quand il avait l'obligation de faire nettoyer les sanitaires au moins une fois par jour, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 4228-13, L. 1231-1 et L. 4121-1 du code du travail, ainsi que de l'article 1134 du code civil ;
5°) ALORS QU'enfin, il résulte de l'article R. 4225-5 du code du travail, qu'un siège approprié doit être mis à la disposition de chaque travailleur à son poste de travail ou à proximité de celui-ci ; que Mme X... faisait valoir que malgré ses demandes, elle ne disposait que d'une chaise vétuste parfaitement inadaptée au bureau à retour, ce qui l'obligeait à des contorsions incessantes néfastes à son état de santé ; que la cour d'appel a constaté que le constat d'huissier établi le 14 janvier 2007 mentionnait que Mme X... disposait d'une simple chaise sans système tournant, recouverte de skaï qui se craquelait ; qu'en affirmant que la chaise de travail dont disposait Mme X... n'appelait pas d'observations au regard de l'article R. 4225-5 du code du travail, quand le siège mis à disposition du salarié doit être approprié au poste de travail du salarié, ce qui n'était pas le cas selon les constatations mêmes de la cour d'appel, la cour d'appel a violé les articles R. 4225-5, L. 1231-1 et L. 4121-1 du code du travail, ainsi que l'article 1134 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme X... de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que la société De Sousa avait omis de lui délivrer une attestation Assedic à la suite de la rupture du contrat de travail intervenue le 6 février 2008 et que la société De Sousa soit condamnée à lui verser des dommages-intérêts à ce titre,
1°) ALORS QUE la prise d'acte de la rupture par le salarié emportant cessation immédiate du contrat de travail, l'employeur doit immédiatement transmettre au salarié l'attestation Pôle Emploi anciennement nommée attestation Assedic ; que la non-remise à un salarié de cette attestation lui permettant de s'inscrire au chômage entraîne nécessairement pour lui un préjudice qui doit être réparé ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait valoir que la société De Sousa ne lui avait jamais transmis son attestation Assedic à la suite de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail intervenue le 6 février 2008 ce qui l'avait empêchée de s'inscrire au chômage ; qu'elle sollicitait à ce titre des dommages-intérêts ; qu'en déboutant Mme X... de cette demande, la cour d'appel a violé l'article R. 1234-9 du code du travail ;
2°) ALORS QUE, en tout état de cause, les juges du fond doivent répondre aux moyens dont ils sont saisis et que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait valoir que la société De Sousa ne lui avait jamais transmis son attestation Assedic à la suite de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail intervenue le 6 février 2008 bien qu'elle en avait l'obligation et que cette carence de l'employeur avait empêché la salariée de s'inscrire au chômage ; que cela avait créé pour elle un préjudice qui devait être réparé ; qu'en déboutant Mme X... de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la carence de l'employeur dans sa délivrance de l'attestation Assedic sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Cassation sociale, 28 janvier 2009, n° 07-44.556
Le licenciement prononcé par l'employeur pour un motif lié à l'exercice légitime par le salarié du droit de retrait de son poste de travail dans une situation de danger est nul.
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 28 janvier 2009 N° de pourvoi: 07-44556 Publié au bulletin Cassation partielle partiellement sans renvoi
Mme Collomp, président Mme Morin, conseiller rapporteur M. Duplat (premier avocat général), avocat général SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 231-8-1 devenu l'article L. 4131-3 du code du travail, ensemble l'article L. 1121-1 du même code interprété à la lumière de l'article 8 § 4 de la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 ;
Attendu d'une part qu'aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif légitime de penser qu'elle présentait une danger grave ou imminent pour chacun d'eux ; d'autre part que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection et de sécurité au travail, doit en assurer l'effectivité ; qu'il s'ensuit qu'est nul le licenciement prononcé par l'employeur pour un motif lié à l'exercice légitime par le salarié du droit de retrait de son poste de travail dans une situation de danger ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 2 février 2007) que M. X... salarié de la société Sovab occupait un poste de peintre automobile sur une chaîne de peinture ; qu'apprenant la décision de l'employeur de ne laisser qu'une seule personne sur ce poste, il a signalé, le 16 janvier 2002, le risque présenté par cette décision, en raison du sol glissant de la cabine située au dessus d'une chaîne de montage avançant en continu sans qu'un autre opérateur de l'atelier puisse se rendre compte d'une éventuelle chute pour arrêter la chaîne ; que lors de sa prise de poste le 17 janvier 2002, il a exercé le droit de retrait prévu par l'article L. 231-8-1 devenu l'article L. 4131-3 du code du travail ; qu'il a alors refusé l'ordre de sa hiérarchie de rejoindre la cabine, tant qu'un second opérateur ne serait pas présent et de rejoindre un autre poste alors qu'il avait été remplacé ; qu'après avoir quitté l'atelier, il a repris son travail deux heures plus tard lorsque la décision de maintenir provisoirement un second opérateur sur ce poste a été prise, à l'issue de la réunion exceptionnelle du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail consulté sur le sujet ; que, pour prévenir les risques d'accidents dénoncés, des aménagements ont été apportés avec l'accord de l'inspecteur du travail du 1er février 2002 ; que le salarié a été licencié pour faute grave par une lettre du 30 janvier 2002 motivée par le refus abusif de se conformer à plusieurs reprises aux consignes de la hiérarchie, la remise en cause du pouvoir de l'employeur et un "abandon de poste" ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en demandant l'annulation de ce licenciement, sa réintégration et le paiement des salaires depuis son licenciement ;
Attendu que pour rejeter ces demandes, la cour d'appel relève que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement à l'encontre de M. X... tiennent aux circonstances de l'exercice régulier de son droit de retrait, qu'ils ne sauraient dès lors ni caractériser une faute grave, ni constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement et ajoute que si ce licenciement est ainsi privé de cause, il n'est pas pour autant annulable ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié avait exercé régulièrement le droit de retrait et que les griefs formulés dans la lettre de licenciement tenaient aux circonstances de son exercice contesté par l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du licenciement et dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 2 février 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
Dit le licenciement de M. X... nul ;
Renvoie la cause et les parties pour qu'il soit statué sur les conséquences de cette nullité devant la cour de Metz ;
Condamne la société Sovab aux dépens ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Thierry X... de ses demandes tendant à l'annulation de son licenciement, à sa réintégration et au paiement de l'intégralité des salaires et accessoires depuis son licenciement.
AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article L.231-8-1 du Code du travail, le salarié est en droit de se retirer de son poste de travail s'il estime que son exécution présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ; que l'exercice de retrait, dès lors qu'il est justifié, ne peut entraîner de retenue de salaire à l'encontre du salarié qui en a usé, que de même dans cette hypothèse, le salarié ne peut faire l'objet d'aucune sanction du fait d'avoir utilisé ce droit et s'il est licencié, il pourra demander réparation de son licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse ; (…) ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que les griefs reprochés à Monsieur X... relatifs à l'insubordination et à la désorganisation concernent tant l'exercice contesté de son droit de retrait que son refus de rejoindre un autre poste ; (…) ; qu'il apparaît ainsi que c'est à bon droit que Monsieur X... a exercé son droit de retrait, sans qu'aucun grief ne puisse lui être fait sur son refus réitéré de rejoindre son poste de travail en cabine voile 2 et sur la désorganisation qui s'en est suivie ; (…) ; qu'il en résulte que le licenciement est non pas annulable, mais dénué de cause réelle et sérieuse.
ALORS QU'aucune sanction ne peut être prise à l'encontre d'un salarié qui s'est retiré d'une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le licenciement de Monsieur Thierry X... était intervenu à raison de l'exercice légitime de son droit de retrait ; qu'en refusant d'annuler le licenciement de Monsieur Thierry X..., la Cour d'appel a violé par refus d'application l'article L.231-8-1 du Code du travail ensemble les articles 8 § 4 et 13 de la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 relative à la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail.
Cassation criminelle, 25 novembre 2008, n° 07-87.650
Lorsque les conditions du droit de retrait individuel ne sont pas réunies, le salarié s'expose à une retenue sur salaire, peu important qu'il reste à la disposition de l'employeur, ce dernier n'étant pas tenu de saisir préalablement le juge sur l'appréciation du bien-fondé de l'existence du droit de retrait par le salarié.
Cour de cassation chambre criminelle Audience publique du mardi 25 novembre 2008 N° de pourvoi: 07-87650 Publié au bulletin Rejet
M. Joly (conseiller doyen faisant fonction de président), président Mme Palisse, conseiller rapporteur M. Mathon, avocat général SCP Didier et Pinet, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Didier, - Y... Olivier, - Z... Michel, - LE SYNDICAT CGT DES TRANSPORTS, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 9 octobre 2007, qui les a déboutées de leurs demandes après relaxe de Guy A... du chef de prise de sanction pécuniaire illicite ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 novembre 2008 où étaient présents : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Palisse conseiller rapporteur, Mme Anzani, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori conseillers de la chambre, Mmes Leprieur, Degorce conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Mathon ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle DIDIER et PINET, et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MATHON ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, commun aux demandeurs, pris de la violation des articles L. 122-42, L. 152-1-5, L. 231-8, L. 231-8-1 et L. 231-9 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif a relaxé Guy A... du chef d'instauration de sanction pécuniaire à l'encontre de salariés et, par voie de conséquence, rejeté les demandes de dommages-intérêts des parties civiles ;
" aux motifs qu'à la suite de difficultés rencontrées par la société Connex Nancy dans l'utilisation de bus fonctionnant au gaz, et notamment d'un incendie survenu au début du mois d'août 2005 sur l'un des bus à gaz, dont la presse s'est fait l'écho, le CHSCT a initié une procédure d'alerte pour danger grave et imminent, sur le fondement de l'article L. 231-9 du code du travail, et a saisi l'inspection du travail ; que, selon un courrier en date du 18 août 2005, l'inspection du travail a décidé que le recours à la procédure d'alerte pour danger grave et imminent était maintenu pour la série dite " Montbéliard ", mais qu'il était levé pour les véhicules Volvo au fur et à mesure de leur contrôle et de l'avis technique des services de la DRIRE ; que les réserves relatives aux bus à gaz GNV de type " Montbéliard " ont été levées par l'inspection du travail au fur et à mesure des contrôles et conclusions réalisés par le CETIM par décisions des 29 août, 8 septembre, 13 octobre et 7 novembre 2005 ; que la société Connex Nancy a dans ces conditions demandé aux conducteurs d'assurer leur service ; que Didier X..., Didier C..., Olivier Y... et Michel Z... ont toutefois refusé d'obtempérer, au cours de la période s'étendant de septembre à novembre 2005, en invoquant le droit de retrait individuel prévu à l'article L. 231-8 du code du travail, lequel texte dispose que « le salarié signale immédiatement à l'employeur ou à son représentant toute situation dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé » ; que l'article L. 231-8 du même code dispose qu'aucune sanction, aucune retenue sur salaire ne peut être prise à l'encontre d'un salarié qui s'est effectivement retiré d'une telle situation de travail ; qu'informée de la situation de Didier X... et Olivier Y..., qui avaient refusé d'assurer leur service sur les bus qui leur étaient affectés, lors de leur prise de service le samedi 3 septembre 2005 jusqu'à la fin de leur service, et avaient par conséquent été inoccupés pendant toute la journée, l'inspection du travail a, par courrier adressé à la société Connex Nancy, le 8 septembre 2005, donné raison aux intéressés, en énonçant que, même si les deux autobus en cause avaient fait l'objet d'une levée du droit d'alerte dans le cadre de l'article L. 231-9 du code du travail, tout salarié peut faire valoir un droit de retrait individuel au titre de l'article L. 231-8 du code du travail, s'il a un motif raisonnable de penser qu'une situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé ; que ce courrier précisait que seuls les juges du fond ont compétence pour apprécier si l'exercice de ce droit est fondé ou non, dans l'hypothèse où l'employeur en conteste l'existence, et rappelait les dispositions de l'article L. 231-8-1 du code du travail ; qu'il ajoutait que c'est a posteriori, une fois établi l'exercice non fondé de ce droit qu'une sanction (non pécuniaire) peut éventuellement être prononcée ; que ce point de vue n'a pas été admis par la société Connex Nancy, qui a considéré que le droit de retrait opposé par Didier X... et Olivier Y..., et postérieurement par Michel Z... et Didier C..., n'était pas justifié, et a en conséquence opéré des retenues sur leurs salaires respectifs ; que, le 16 février 2006, l'inspection du travail a en définitive établi un procès-verbal, dans lequel elle énonce que sont contraires aux dispositions de l'article L. 231-8-1 du code du travail, les faits consistant pour un employeur à contester le bien-fondé d'un droit de retrait et à opérer immédiatement une retenue pour absence irrégulière, alors même qu'il prend acte que les conducteurs concernés se sont déclarés disponibles pour exercer leur métier sur un autre véhicule que celui incriminé et sans que ladite contestation ne fasse l'objet d'une saisine du juge ; que le rédacteur de ce procès-verbal concluait que, dans de telles conditions, les retenues opérées sur les salaires des conducteurs concernés ne sauraient trouver leur justification dans une absence irrégulière, et relèvent alors des sanctions pécuniaires prohibées par l'article L. 122-42 du code du travail, lequel texte est sanctionné par l'article L. 152-1-5 du même code, qui dispose que « toute infraction aux dispositions de l'article L. 122-42 est punie d'une amende de 3. 750 euros, et, en cas de récidive, d'une amende de 7 500 euros » ; qu'à la suite de ce procès-verbal, Guy A... a été cité devant le tribunal de grande instance de Nancy, qui est entré en voie de condamnation à son encontre, par le jugement déféré ; (…) ; qu'en droit, il résulte de la jurisprudence interprétative de l'article L. 231-8 du code du travail, à laquelle se réfère l'inspection du travail, que l'employeur peut opérer une retenue sur salaire pour exercice non fondé du droit de retrait, une telle retenue ne constituant pas une sanction pécuniaire prohibée, mais la simple contrepartie de l'absence de fourniture de travail ; que, toutefois, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose à l'employeur, préalablement à une retenue sur salaire opérée en raison de l'exercice non fondé du droit de retrait, de saisir le juge fond en vue d'apprécier la légitimité ou non de cet exercice ; qu'en l'occurrence, il est constant qu'à l'époque de l'exercice des droits de retraits individuels litigieux l'inspection du travail avait levé Ie recours à la procédure d'alerte pour danger grave et imminent pour les véhicules appartenant à la série dite " Montbéliard ", et avait levé les réserves concernant les bus articulés Volvo, d'où il suit que la société Connex Nancy pouvait légitimement demander aux conducteurs d'assurer leur service ; qu'il ne résulte pas du dossier qu'à l'époque de l'exercice de leur droit de retrait individuel, un motif raisonnable autorisait Didier X..., Olivier Y... et Michel Z..., à penser qu'en dépit de la levée du recours de la procédure d'alerte, décidée par l'inspection du travail, leur situation de travail présentait un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé ; qu'il suit de là que le droit de retrait individuel exercé par les intéressés était dépourvu de légitimité, et que l'employeur était fondé à pratiquer sur leurs salaires les retenues opérées ;
" 1) alors que l'article L. 122-42 du code du travail interdit à l'employeur de pratiquer une retenue sur salaire pour sanctionner le refus du salarié d'exécuter certaines de ses tâches ; que le salarié, qui fait usage de son droit de retrait pour l'exercice de certaines tâches qu'il estime à tort dangereuses, mais reste à la disposition de l'employeur pour accomplir d'autres tâches sans abandonner son poste, ne peut dès lors voir sanctionner ce refus d'exécution par une retenue sur salaire ; qu'en retenant que les retenues sur salaire pratiquées par la société Connex, en raison du refus de Didier X..., Olivier Y... et Michel Z... d'assurer leur service sur les bus à gaz, ne constituaient pas une sanction pécuniaire interdite, quand elle constatait que les salariés étaient restés à la disposition de l'employeur, sans abandonner leur poste, et « se sont déclarés disponibles pour exercer leur métier sur un autre véhicule que celui incriminé », la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2) alors subsidiairement que, selon l'article L. 231-8-1 du code du travail, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un salarié qui s'est retiré d'une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ; que l'exercice de ce droit de retrait est contrôlé par le juge qui apprécie si le salarié a un motif raisonnable de se croire en danger ; que la société Connex ne pouvait dès lors pratiquer une retenue sur les salaires de Didier X..., Olivier Y... et Michel Z..., en raison de l'exercice de leur droit de retrait, sans avoir obtenu au préalable une décision du juge prud'homal constatant qu'ils n'avaient pas de motif raisonnable de se penser en danger lors de la conduite des bus à gaz ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure, qu'à la suite d'incendies survenus dans des autobus fonctionnant au gaz appartenant à la société Connex Nancy chargée du réseau des transports urbains, divers chauffeurs, dont les trois demandeurs au pourvoi, ont exercé leur droit de retrait individuel ; que des retenues sur leur salaire ont été pratiquées par l'employeur ; que ce dernier a été cité directement par le procureur de la République devant le tribunal correctionnel, sur le fondement de l'article L. 122-42 devenu L. 1331-1 du code du travail, pour avoir opéré des sanctions pécuniaires interdites ; que le prévenu a été condamné et qu'il a été statué sur les intérêts civils ;
Attendu que, sur l'appel de toutes les parties et du ministère public, pour relaxer le prévenu et débouter les parties civiles de leurs demandes, l'arrêt retient qu'au moment de l'exercice du droit de retrait individuel par les chauffeurs, il n'existait pas de motif raisonnable permettant à ceux-ci de penser, qu'en dépit de la levée de la procédure d'alerte, leur situation de travail présentait un danger grave et imminent pour leur vie et leur santé ; que les juges ajoutent que l'employeur était fondé à opérer une retenue sur leur salaire celle-ci s'analysant en une contrepartie de l'absence de fourniture de travail, et aucune disposition n'imposant préalablement à l'employeur de saisir le juge ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, d'une part, lorsque les conditions du droit de retrait individuel ne sont pas réunies, le salarié s'expose à une retenue sur salaire, peu important qu'il reste à la disposition de l'employeur, que, d'autre part, l'employeur n'est pas tenu de saisir préalablement le juge sur l'appréciation du bien-fondé de l'exercice du droit de retrait par le salarié ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
DIT irrecevable la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq novembre deux mille huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
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