Jurisprudence sociale
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Cassation sociale, 23 septembre 2009, n° 08-60.535
Les conditions de négociation du protocole préélectoral mettant en jeu l’intérêt collectif de la profession, tout syndicat non signataire du protocole, invité ou non à participer à cette négociation, a intérêt à agir pour en contester le déroulement.
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 23 septembre 2009 N° de pourvoi: 08-60535 Publié au bulletin Cassation
Mme Collomp, président Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur M. Duplat (premier avocat général), avocat général Me Odent, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué, qu'invoquant l'application des dispositions de la loi du 20 août 2008 aux négociations préélectorales ouvertes au sein de la RATP pour les élections de délégués du personnel de l'établissement "Département des espaces et du patrimoine", le syndicat SUD a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation du protocole préélectoral signé le 26 septembre 2008 ;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu que le pourvoi en cassation contre une décision rendue en dernier ressort est une voie de recours qui constitue pour les justiciables une garantie fondamentale ;
Qu'il s'ensuit que la décision du tribunal d'instance statuant en matière de contestation préélectorale, rendue en dernier ressort, est susceptible de pourvoi en cassation ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la RATP fait grief au jugement d'avoir dit recevable l'action du syndicat SUD, alors, selon le moyen, que l'intérêt à agir subordonne la recevabilité d'une action en justice ; qu'en l'espèce, le tribunal, qui a accueilli la demande du syndicat Sud de la RATP, qui n'avait pourtant aucun intérêt à agir, puisqu'il avait été invité à participer à l'élaboration du protocole d'accord préélectoral litigieux, a violé les articles 31,122 et 125 du code de procédure civile ;
Mais attendu que les conditions de négociation du protocole préélectoral mettant en jeu l'intérêt collectif de la profession, tout syndicat non signataire du protocole, invité ou non à participer à cette négociation, a intérêt à agir pour en contester le déroulement ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour annuler le protocole préélectoral le tribunal d'instance, après avoir retenu l'applicabilité des dispositions nouvelles de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et notamment de son article 11-IV, énonce que la RATP n'ayant pas invité à négocier le protocole d'accord préélectoral tous les syndicats visés par cet article, le protocole issu de la réunion du 26 septembre 2008 sera donc déclaré irrégulier ;
Qu'en se déterminant par ces seuls motifs qui ne permettent pas à la Cour de cassation de vérifier quels syndicats n'avaient pas été invités à la négociation du protocole préélectoral alors qu'ils auraient dû l'être, le tribunal d'instance n'a pas mis en mesure la Cour de cassation d'exercer son contrôle et a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE le pourvoi recevable ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 3 novembre 2008, entre les parties, par le tribunal d'instance de Paris 20e ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Paris 19e ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Odent, avocat aux Conseils pour la société Régie autonome des transports parisiens.
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir annulé le protocole préélectoral, relatif aux élections des délégués du personnel, négocié entre un employeur (la RATP) et les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise (parmi lesquelles avait été convié le syndicat SUD DE LA RATP), et d'avoir, en conséquence, reporté les élections ;
AUX MOTIFS QUE, pour savoir si la loi du 20 août 2008 était applicable, il convenait de déterminer si la première réunion de la négociation du protocole préélectoral litigieux était antérieure ou postérieure à la date de publication de cette loi ; que la RATP estimait que cette négociation avait été entamée les 23, 24, 25 et 27 juin 2008, lors des audiences syndicales qu'elle avait organisées, dont l'objet annoncé sur les convocations était « les élections professionnelles des délégués du personnel pour le département ESP » ; que, cependant, les pièces versées aux débats à ce sujet montraient qu'il s'agissait plutôt d'une réunion d'information à l'intention des syndicats ; qu'en effet, les syndicats avaient été reçus l'un après l'autre par l'employeur, à des jours et des horaires différents ; qu'en outre, il résultait du compte rendu même de ces « audiences syndicales » qu'à la question posée par un représentant de Force Ouvrière pour savoir s'il y existait une possibilité de négociation du protocole lors de l'« audience », il avait été répondu que « non, c'est une réunion d'information sur les modalités du scrutin » ; qu'il était difficile, dans ces conditions, de considérer qu'il s'agissait d'une négociation, celle-ci supposant des échanges, notamment entre syndicats, ce qui, de l'aveu même de la RATP, n'était pas l'objet de ces réunions ; qu'en l'espèce, la négociation avait eu lieu, lors de la réunion du 26 septembre 2008, soit postérieurement à la date de publication de la loi du 20 août 2008, dont les dispositions étaient par conséquent seules applicables, et notamment son article 11-IV ; que la RATP n'ayant pas invité à négocier le protocole tous les syndicats visés par cet article, le protocole issu de la réunion du 26 septembre 2008 devait donc être déclaré irrégulier ; qu'un nouveau protocole devait donc être négocié et, dans cette attente, les élections des délégués du personnel de l'établissement ESP devaient être reportées ;
1°/ ALORS QUE l'intérêt à agir subordonne la recevabilité d'une action en justice ; qu'en l'espèce, le tribunal, qui a accueilli la demande du syndicat SUD de la RATP, qui n'avait pourtant aucun intérêt à agir, puisqu'il avait été invité à participer à l'élaboration du protocole d'accord préélectoral litigieux, a violé les articles 31, 122, 123 et 125 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE les syndicats d'une entreprise, affiliés à la même confédération représentative sur le plan national, ne peuvent présenter qu'une seule liste de candidats au nom de la confédération nationale, lors des élections professionnelles dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, le tribunal, qui a estimé que tous les syndicats de la RATP affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national auraient dû être invités à participer à la négociation du protocole préélectoral, a violé les articles 11 de la loi n°2008-789 du 20 août 2008 et L.2314-3 du code du travail.
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