Cassation sociale, 17 novembre 2010, n° 09-42.358 cassation sociale - Editions Tissot

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Cassation sociale, 17 novembre 2010, n° 09-42.358

Dans le cadre d’une procédure de licenciement économique, les propositions de reclassement doivent être précises, notamment sur la question de la rémunération.

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 17 novembre 2010
N° de pourvoi: 09-42358
Non publié au bulletin Rejet

M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
SCP Tiffreau et Corlay, avocat(s)

 

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 mars 2009), qu'engagé le 1er décembre 1997 par la société Games Workshop, au sein de laquelle il exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable de région, M. X... a été licencié pour motif économique le 7 juin 2006 ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié une somme au titre de la rupture, alors, selon le moyen :

1°/ que dans un courrier du 28 avril 2006, la société Games Workshop avait écrit à M. X... : «s'agissant des primes dont vous bénéficiez du fait de votre statut actuel, nous vous rappelons qu'elles ne revêtent en aucun cas un caractère obligatoire et demeurent liées à l'atteinte de vos objectifs, tels que définis tous les mois par votre responsable. Néanmoins, là encore, nous sommes en mesure de vous préciser que le poste de superviseur opérationnel fera lui aussi l'objet d'une prime qui sera liée à l'atteinte des objectifs mensuels qui seront définis par votre responsable» ; que dans un courrier du 2 juin 2006, l'employeur avait encore précisé au salarié : «concernant le poste de superviseur opérationnel, notre courrier du 28 avril dernier a précisément répondu à votre demande de remboursement de frais de déplacement et vous confirmons une fois de plus l'attribution pour ce même poste d'une prime liée à l'atteinte d'objectifs mensuels qui seraient définis d'un commun accord avec votre responsable hiérarchique. A l'instar de la prime attachée au poste que vous occupez à l'heure actuelle, le montant de cette prime serait déterminé comme suit : «primes semestrielles sur CA en fonction de l'atteinte de l'objectif sur chiffre d'affaires : atteinte de l'objectif chiffre d'affaires à 105 % : 250 euros de prime ; atteinte de l'objectif chiffre d'affaires à 110 % : 500 euros de prime ; atteinte de l'objectif chiffre d'affaires à 115 % : 750 euros de prime» ; qu'en jugeant que les courriers de l'employeur n'auraient pas apporté de précisions claires sur la prime attachée à la fonction de superviseur opérationnel, la Cour d'appel a dénaturé le courrier précité du 2 juin 2006, en violation de l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'en cas de licenciement économique, il appartient à l'employeur de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure ; qu'il ressort des propres constatations des juges du fond que la société Games Workshop avait offert à M. X..., en vue de son reclassement, «divers postes disponibles au sein de la société» ; qu'en jugeant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, au prétexte que l'offre de reclassement au poste de «superviseur opérationnel» n'aurait pas été «suffisamment sérieuse», sans s'expliquer sur les autres offres de reclassement faites au salarié, et sans rechercher si ces autres offres permettaient de considérer que l'employeur avait satisfait à ses obligations au titre du reclassement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1, al. 3 (devenu L. 1233-4) du code du travail ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de preuve produits devant elle et sans dénaturer la lettre datée du 2 juin 2006, la cour d'appel, qui a retenu que la seule offre sérieuse de reclassement faite au salarié sur un emploi de même catégorie était insuffisamment précise sur la rémunération attachée aux fonctions proposées, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Games workshop aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Tiffreau et Corlay, avocat aux Conseils pour la société Games workshop

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamné la société GAMES WORKSHOP à lui payer la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts,

AUX MOTIFS QUE « sur le bien fondé du licenciement :

« attendu que la lettre du 7 juin 2006 mentionne notamment : « ...nous avons été contraints de poursuivre à votre encontre une procédure de licenciement pour les motifs économiques suivant ; Depuis le mois de janvier 2005, les performances de notre chaîne de magasins se sont considérablement dégradées. Cette dégradation de la situation s'analyse au cours de l'exercice comptable à travers les données suivantes : sur la période juin 2005-février 2006, nous enregistrons une baisse du chiffre d'affaires de 29 % par rapport à l'année précédente et une détérioration du résultat d'exploitation de 50 %. Ce constat nous a conduit à mener une réflexion sur la nécessité de retrouver le chemin de l'efficacité. La réorganisation de la structure d'encadrement de notre chaîne de magasins est alors imposée afin de permettre plus de proximité, une meilleure réactivité dans la mise en oeuvre du plan d'action, une meilleure communication vers les équipes pour une meilleure compréhension des décisions prises, au final assurer le développement et la croissance de notre chaîne de magasins et préserver notre compétitivité. Cette recherche d'efficacité a dû se traduire par la suppression d'un échelon hiérarchique et la création de nouvelles fonctions synonymes d'un meilleur support aux responsables de magasins. Il a donc été décidé de supprimer les postes de responsable de région, dont celui que vous occupez actuellement au sein de notre société. En contrepartie, de nouvelles fonctions ont été créées, à savoir les postes de responsables événementiels et produits et de superviseurs opérationnels, ainsi que la création de deux cellules (groupe de trois à cinq magasins) supplémentaires portant leur nombre à 10. Cette nouvelle structure a pour but d'assurer une proximité d'encadrement et de support sous la supervision directe du responsable de la chaîne de magasins. La restructuration ainsi opérée a pour objectif de sauvegarder et d'améliorer la compétitivité de l'entreprise. Plusieurs offres de reclassement ont été proposées, sans malheureusement recueillir votre acceptation. Dès lors, nous avons été contraints de poursuivre la procédure de licenciement économique pour suppression de poste vous concernant» ;

« attendu que ce courrier fait état de la dégradation des performances de la chaîne des magasins de la société depuis le mois de janvier 2005 et de la nécessaire réorganisation de la structure d'encadrement de la chaîne des magasins se traduisant par la suppression des postes de responsables des régions et la création des postes de « responsable événementiel et produits» et de « superviseur opérationnel » ainsi que de deux cellules afin de sauvegarder et améliorer la compétitivité de l'entreprise ;

« attendu que M. X... conteste le caractère réel et sérieux de son licenciement en invoquant la méconnaissance par l'employeur de l'article L 1222-6 du Code du travail, l'absence de difficultés financières réelles, la situation de l'EURL GAMES WORKSHOP étant, au contraire, florissante et la baisse de la croissance s'expliquant par la cessation des effets de la croissance due aux droits acquis sue le film le seigneur des anneaux pour en faire un jeu et la violation de l'obligation de reclassement ;

« attendu que l'article L 1222-6 précité n'est pas applicable à l'employeur qui propose au salarié une modification de son contrat de travail au titre de son obligation de reclassement ;

« qu'en cas de licenciement économique collectif, une telle obligation a pour point de départ l'engagement de la procédure de consultation des représentants du personnel ;

« qu'en l'espèce, l'EURL GAMES WORKSHOP établit par les pièces produites que le comité d'entreprise a été convoqué le 23 mars 2006 pour la réunion du 29 mars 2006 ayant pour ordre du jour la réorganisation de la structure de la chaîne des magasins Retail et sa conséquence sur la suppression des trois postes de région ;

« que le courrier du 30 mars 2006, mentionnant expressément la suppression des postes de responsables de région et proposant deux postes de classement constituent, ainsi que les offres postérieures, contrairement à ce que prétend M. X..., des propositions de reclassement ;

« que l'article L 1222-6 précité n'était donc pas applicable ;

« attendu, selon l'article L1233-3 du Code du travail, que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;

« que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise ;

« attendu que l'EURL GAMES WORKSHOP justifie par les documents comptables qu'elle verse aux débats que si ses résultats sont bénéficiaires en 2006, une dégradation s'est produite à partir de l'exercice de juin 2005 à mai 2006 (moins 41% par rapport à l'exercice précédent) e s'est poursuivie lors de l'exercice 2006-2007 et que les ventes ont baissé de 23% lors de l'exercice 2005/2006 et de 8% pour l'exercice suivant ;

« que les pièces comptables intéressant le groupe GAMES WORKSHOP montre également une baisse des ventes de 16% lors de l'exercice 2006/2006 et de 3% lors de l'exercice suivant ;

« que la dégradation des résultats ainsi établie justifiait, pour l'enrayer et pour permettre la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, une réorganisation de la structure de la chaîne des magasins ;

« attendu, par ailleurs, que l'obligation de reclassement sur un emploi relevant de la même catégorie que celui occupé par l'intéressé ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, est un élément constitutif de la cause économique du licenciement et doit être exécutée de bonne foi par l'employeur ;

« attendu que M. X... estime que l'EURL G AMES WORKSHOP n'a cessé de lui proposer des postes dont elle savait pertinemment qu'ils ne seraient pas acceptés par lui tant ils manquaient de concret et imposaient une baisse de son revenu ;

« qu'il ajoute qu'il a refusé le poste de « responsable opérationnel Retail » car il n'avait pas les connaissances techniques suffisantes et qu'aucune formation n'était prévue, que le trajet quotidien sur Aix en Provence impliquait des frais supplémentaires de 520 euros par mois et que les primes dont il bénéficiait n'étaient pas visées dans le contrat proposé ;

« attendu que l'employeur doit, en priorité, chercher à reclasser l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent et que sa proposition doit concerner un poste bien défini, notamment en ce qui concerne la rémunération ;

« que les pièces versées aux débats font apparaître que l'EURL GAMES WORKSHOP a offert à M. X..., au titre de son reclassement divers postes disponibles au sein de la société, soit ceux de superviseur opérationnel, responsable de cellule, secrétaire d'accueil, vendeur à temps partiel à Aix en Provence et conseiller commercial trade ;

« que le seul emploi proposé, parmi ceux-ci, équivalent à celui occupé jusqu'alors par M. X..., est celui de superviseur opérationnel, également classé au niveau 7 ;

« que l'EURL GAMES WORKSHOP soutient que ce poste comportait le même temps de travail par semaine et la même rémunération y compris les primes susceptibles d'être versées en cas de réalisation des objectifs sur demande du salarié ;

« mais attendu que les courriers échangés entre 1'employeur et le salarié, en particulier celui du 28 avril 2006 font apparaître une incertitude s'agissant des primes attachées à la fonction de superviseur opérationnel versées au superviseur puisque le courrier précité du 28 avril 2006 émanant de la gérante et adressé à M. X... indique : « S'agissant des primes dont vous bénéficiez du fait de votre statut actuel, nous vous rappelons qu'elles ne revêtent en aucun cas un caractère obligatoire et demeurent liées à l'atteinte de vos objectifs, tels que définis tous les mois par votre responsable. Néanmoins, là encore, nous sommes en mesure de vous préciser que le poste de superviseur opérationnel fera lui aussi l'objet d'une prime qui sera liée à l'atteinte des objectifs mensuels qui seront définis par votre responsable » ;

« attendu, ainsi, que faute de précisions claires sur la prime rattachée à la fonction de superviseur opérationnel, M. X... était dans l'impossibilité de connaître son niveau de rémunération en cas d'acceptation ;

« que la proposition ne peut, en conséquence, être considérée comme suffisamment sérieuse pour être retenue ;

« qu'il en résulte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

« que le jugement doit, donc, être confirmé de ce chef et l'appel de l'EURL GAMES WORKSHOP rejeté (…) »,

ALORS QUE 1°), dans un courrier du 28 avril 2006, la société GAMES WORKSHOP avait écrit à Monsieur X... : « s'agissant des primes dont vous bénéficiez du fait de votre statut actuel, nous vous rappelons qu'elles ne revêtent en aucun cas un caractère obligatoire et demeurent liées à l'atteinte de vos objectifs, tels que définis tous les mois par votre responsable. Néanmoins, là encore, nous sommes en mesure de vous préciser que le poste de superviseur opérationnel fera lui aussi l'objet d'une prime qui sera liée à l'atteinte des objectifs mensuels qui seront définis par votre responsable » ; que dans un courrier du 2 juin 2006, l'employeur avait encore précisé au salarié : « concernant le poste de superviseur opérationnel, notre courrier du 28 avril dernier a précisément répondu à votre demande de remboursement de frais de déplacement et vous confirmons une fois de plus l'attribution pour ce même poste d'une prime liée à l'atteinte d'objectifs mensuels qui seraient définis d'un commun accord avec votre responsable hiérarchique. A l'instar de la prime attachée au poste que vous occupez à l'heure actuelle, le montant de cette prime serait déterminé comme suit : « primes semestrielles sur CA en fonction de l'atteinte de l'objectif sur chiffre d'affaires : atteinte de l'objectif chiffre d'affaires à 105% : 250 € de prime ; atteinte de l'objectif chiffre d'affaires à 110% : 500 € de prime ; atteinte de l'objectif chiffre d'affaires à 115% : 750 € de prime » ; qu'en jugeant que les courriers de l'employeur n'auraient pas apporté de précisions claires sur la prime attachée à la fonction de superviseur opérationnel, la Cour d'appel a dénaturé le courrier précité du 2 juin 2006, en violation de l'article 1134 du Code civil,

ALORS QUE 2°), en cas de licenciement économique, il appartient à l'employeur de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure ; qu'il ressort des propres constatations des juges du fond que la société GAMES WORKSHOP avait offert à Monsieur X..., en vue de son reclassement, « divers postes disponibles au sein de la société » ; qu'en jugeant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, au prétexte que l'offre de reclassement au poste de « superviseur opérationnel » n'aurait pas été « suffisamment sérieuse », sans s'expliquer sur les autres offres de reclassement faites au salarié, et sans rechercher si ces autres offres permettaient de considérer que l'employeur avait satisfait à ses obligations au titre du reclassement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1, al. 3 (devenu L. 1233-4) du Code du travail.

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