Cassation sociale, 12 juillet 2006, n° 04-46.473 cassation sociale - Editions Tissot

Jurisprudence sociale

Version gratuite

Retour au sommaire thématique : Jurisprudence «Embauche»
Retour à la fiche : Jurisprudence «Avantages acquis»

Cassation sociale, 12 juillet 2006, n° 04-46.473

L’indemnité de licenciement ne constitue pas un avantage individuel acquis, car ce droit ne naît qu’au moment de la rupture du contrat de travail.

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 12 juillet 2006
N° de pourvoi: 04-46473
Non publié au bulletin Cassation partielle

Président : M. SARGOS, président


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 juin 2004), le contrat de travail de Mme X..., engagée à temps partiel le 14 mars 1994 en qualité de médecin par l'association Jeanne-d'Arc qui assurait la gestion d'un centre de soins à Antibes, soumis aux dispositions de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, a été transféré, à la suite du retrait de l'agrément de cette association à la mutualité française des Alpes-maritimes à compter du 1er janvier 2000 ;

que l'employeur qui a conclu avec la salariée un contrat de travail à temps complet en qualité de médecin directeur, l'a informée que son contrat de travail serait "régi par la convention collective du travail du 15 mars 1966 pendant un an, suivant l'article L. 132-8 du code du travail, et que si aucun accord n'était conclu durant ce délai, le contrat de travail se poursuivra conformément aux dispositions de la convention collective nationale de travail du personnel des organismes mutualistes ;

qu'invoquant la dénonciation par la DDASS, organisme de tutelle de la convention qui la liait à la mutualité pour la gestion du centre, l'employeur a licencié la salariée pour motif économique le 21 avril 2001 ;

Sur le pourvoi incident de l'employeur :

Attendu que la mutualité française des Alpes-Maritimes, qui a déposé un mémoire en défense au pourvoi principal dirigé contre l'arrêt du 21 juin 2004 s'est incidemment pourvue contre l'arrêt rendu avant dire droit par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 15 mars 2004 qui a déclaré recevable l'appel formé au nom de Mme X... ;

Mais attendu que le pourvoi incident, formé au-delà des délais d'un pourvoi principal, est irrecevable en ce qu'il s'attaque à une décision qui n'a pas fait l'objet du pourvoi principal ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée, pris en sa première branche :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la convention collective applicable lors de son licenciement était la convention collective nationale de travail du personnel des organismes mutualistes et de l'avoir en conséquence déboutée de ses demandes tendant à l'allocation d'un complément d'indemnité de licenciement et d'un complément d'indemnité compensatrice de préavis, outre l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente, alors, selon le moyen :

1 / qu'en l'absence de conclusion d'un accord de substitution, au sens de l'article L. 132-8 septième alinéa du code du travail, les salariés conservent, à l'expiration des délais prévus par le troisième alinéa de ce texte, conformément à son sixième alinéa, les avantages individuels qu'ils ont acquis sous l'empire des dispositions conventionnelles antérieures ; que la convention ou l'accord substitué visé par ce texte est celui résultant de la négociation qui doit s'engager dans l'entreprise, soit pour l'adaptation des dispositions conventionnelles antérieures à celles nouvellement applicables, soit pour l'élaboration de nouvelles disposition ; qu'en se prononçant de la sorte, après avoir justement énoncé qu'"il résulte des dispositions de l'article L. 132-8 du code du travail qu'en l'absence d'accord de substitution visé à l'alinéa 7, la convention collective remise en cause par le changement d'employeur est maintenue pendant un an, passé lequel délai seuls sont maintenus les avantages individuels", puis constaté qu'aucun accord de substitution n'avait en définitive été conclu " en l'absence de concrétisation du projet d'accord envisagé", ce dont il se déduisait qu'elle devait bénéficier des avantages individuels, en matière d'indemnités de rupture, qu'elle avait acquis sous l'empire de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, qui était encore applicable le 27 avril 2001, lors de la notification du licenciement, date à laquelle était né le droit aux indemnités de rupture, ainsi qu'il résulte, notamment, des bulletins de paie versés aux débats, et non se voir appliquer, sur ce point, les dispositions de la convention collective du personnel des organismes
mutualistes, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres énonciations et constatations, a violé l'article L. 132-8 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, qu'il résulte de l'article L. 132-8, alinéas 3, 6 et 7, du code du travail que la convention dont l'application est mise en cause dans une entreprise déterminée continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis ; que, d'autre part, l'avantage individuel acquis est celui qui correspond à un droit déjà ouvert et non à un droit simplement éventuel ; que la cour d'appel a relevé que la convention mise en cause le 1er janvier 2000 n'avait pas été remplacée dans les délais prévus au troisième alinéa de l'article L. 132-8 du code du travail, en sorte qu'elle avait cessé de produire effet dans le délai d'un an augmenté du préavis ; qu'ayant ainsi fait ressortir que le droit de la salariée à l'indemnité de licenciement, qui n'est né qu'au moment de la rupture du contrat de travail, ne pouvait constituer un avantage individuel acquis au sens de l'alinéa 6 du même texte avant cette rupture, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres branches du moyen qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le troisième moyen du pourvoi de la salariée :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais, sur le deuxième moyen du pourvoi de la salariée, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 321-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel se borne à énoncer que le motif économique à l'origine de la suppression du poste est avéré ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la dénonciation par l'organisme de tutelle d'une convention pour la gestion d'un centre de soins spécialisé consécutive à l'absence de renouvellement de l'agrément de l'employeur, visée à la lettre de licenciement ne constitue pas en soi un motif économique de licenciement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

Déclare irrecevable le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions relatives aux demandes afférentes au licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 21 juin 2004, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la mutualité française des Alpes-Maritimes aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille six.