Cassation sociale, 21 mars 2012, n° 10-23.841 à 10-23.856 et 10-25.973 cassation sociale - Editions Tissot

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Cassation sociale, 21 mars 2012, n° 10-23.841 à 10-23.856 et 10-25.973

Dans le cadre de la modulation ou de l’annualisation du temps de travail, le salarié qui a travaillé un jour férié légal bénéficie d'un repos supplémentaire de même durée si la convention collective le prévoit.

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 21 mars 2012
N° de pourvoi: 10-23841 10-23842 10-23843 10-23844 10-23845 10-23846 10-23847 10-23848 10-23849 10-23850 10-23851 10-23852 10-23853 10-23854 10-23855 10-23856 10-25973
Publié au bulletin Cassation partielle

M. Lacabarats (président), président
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° W 10-23.841 à N 10-23.856 et P 10-25.973 ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article 23 bis de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, en cas de modulation ou d'annualisation, le salarié qui a travaillé un jour férié légal bénéficie d'un repos d'égale durée ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que l'Association du Rhône pour l'hygiène mentale, ci-après désignée "l'association", exerce une activité d'accueil en foyers de personnes handicapées ; qu'elle est soumise à la fois à la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 et à l'accord-cadre du 12 mars 1999 relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail ; que ses foyers fonctionnant en continu 365 jours par an et 24 heures sur 24, l'association pratique depuis le 1er juin 2000 une annualisation du temps de travail de ses salariés, intégrant 11 jours fériés annuels selon la formule suivante : (365 jours calendaires - 104 jours de repos hebdomadaire - 25 jours de congés payés - 11 jours fériés) x 7 heures (horaire journalier lissé d'un salarié à temps complet) = 1 575 heures annuelles, de sorte que la répartition de la durée collective annuelle de travail y est programmée sans tenir compte des jours fériés ; que se prévalant des dispositions de l'article 23 bis de la convention collective, M. X... et quinze autres salariés de l'association ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de rappels de salaire au titre de la récupération des jours fériés travaillés, outre congés payés afférents, ainsi que de dommages-intérêts pour violation des dispositions conventionnelles relatives au repos compensateur ; que les syndicats Sud santé sociaux et Solidaires Rhône sont intervenus à l'instance et ont sollicité des dommages-intérêts en application de l'article L. 2132-3 du code du travail ;

Attendu que pour dire que les salariés ont bénéficié d'un repos d'égale durée au sens de l'article 23 bis de la convention collective applicable et les débouter, ainsi que les syndicats, de leurs demandes, les arrêts relèvent qu'aucune disposition légale ou conventionnelle n'interdit d'inclure un ou plusieurs jours fériés dans le programme de modulation, ce qu'a pratiqué en l'espèce l'employeur en répartissant la durée collective annuelle de travail sans tenir compte de tels jours, et demandant ainsi à des salariés de travailler au cours de ceux-ci ; que l'article 23 bis de la convention collective n'a ni pour effet d'affecter les heures de travail accomplies un jour férié d'un coefficient de majoration pour le calcul en fin de période annuelle du nombre des heures de travail effectuées, ni d'accorder au salarié un repos supplémentaire quand il travaille un jour férié, mais seulement de le faire bénéficier d'un repos d'égale durée au temps travaillé, dont il est tenu compte dans le calcul de l'annualisation ; que les jours fériés ouvrés par les salariés demandeurs ont remplacé des jours ouvrables pendant lesquels les autres salariés avaient travaillé tandis qu'eux-mêmes étaient au repos ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le travail un jour férié légal ouvrait droit pour le salarié à un congé supplémentaire d'une durée correspondant aux heures de travail réalisées au cours de cette journée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils disent que chaque salarié a bénéficié d'un repos d'égale durée au sens de l'article 23 bis de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 et déboutent les salariés et les syndicats de l'ensemble de leurs demandes de ce chef, les arrêts rendus les 25 juin 2010 et 3 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne l' Association du Rhône pour l'hygiène mentale aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Association du Rhône pour l'hygiène mentale à payer aux demandeurs la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour le syndicat Sud santé sociaux du Rhône et les dix-sept autres demandeurs

Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués D'AVOIR dit que chaque salarié avait bénéficié d'un repos d'égale durée au sens de l'article 23 bis de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 et d'avoir débouté les salariés et les syndicats, exposants, de l'ensemble de leurs demandes ;

AUX MOTIFS QUE le litige qui oppose les parties concerne l'application des articles 23 et 23 bis de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées, spécialement l'article 23 bis, l'employeur opérant une annualisation du temps de travail intégrant 11 jours fériés annuels selon la formule suivante :
(365 jours -104 repos hebdomadaires-11 jours fériés) x 7 heures ; que ces 7 heures sont l'horaire journalier lissé d'un salarié à temps complet ; que la répartition du temps annuel de travail se fait donc sur l'ensemble de la période de modulation y compris sur les jours fériés ; que la Cour observe que l'article 23 bis ne prévoit pas le bénéfice d'un repos supplémentaire mais celui d'un repos d'égale durée ; que la Cour comprend également que cet article tend à adapter le dispositif conventionnel aux salariés dont le temps de travail est annualisé ; que ce dispositif tend également à garantir aux salariés que le temps de travail correspondant aux 11 jours fériés annuels ne sera pas effectivement travaillé ; que contrairement à ce que le salarié soutient, les textes conventionnels ne prévoient pas le bénéfice d'un repos compensateur supplémentaire ; que la Cour observe par ailleurs que dans les pièces de l'employeur qui lui permettent d'assurer un suivi de l'annualisation, les heures dues par le salarié mais non réalisées à l'issue de la période d'annualisation ne sont pas reportées sur l'année suivante ; qu'en revanche les heures effectuées par le salarié au-delà de l'obligation annuelle de travail ont été payées, soit en heures de récupération soit en heures supplémentaires ; que d'autre part, il résulte de l'article L 212-8 de l'ancien code du travail qu'une convention ou un accord collectif étendu peut prévoir une variation de la durée hebdomadaire de travail sur tout ou partie de l'année à condition que sur un an, cette durée n'excède pas en moyenne trente-cinq heures par semaine travaillée et, en tout état de cause, le plafond de 1600 heures au cours de l'année; que la durée moyenne est calculée sur la base de la durée légale ou de la durée conventionnelle hebdomadaire si elle est inférieure, diminuée des heures correspondant aux jours de congés légaux et aux jours fériés mentionnés à l'article L 222-1; que dans un but de simplification, l'article 2 de la loi n° 2003-47 du 17janvier 2003 a supprimé la référence à la durée moyenne de 35 heures travaillées pour ne plus retenir que le plafond de 1600 heures annuelles ou le plafond inférieur fixé par la convention ou l'accord ; que la création de la journée de solidarité a porté le plafond légal à 1607 heures ; qu'en l'espèce, l'Association du Rhône pour l'hygiène mentale fait application de l'accord-cadre du 12 mars 1999 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail qui a fixé la durée collective annuelle à 1575 heures en l'absence de prise de congés payés ; que ce plafond a été déterminé en déduisant des 365 ou 366 jours calendaires les jours de congés payés et de repos hebdomadaires ainsi que les jours fériés ; qu'en pratique, les contraintes inhérentes à l'activité de l'association la conduisent à répartir la durée collective annuelle de travail sans tenir compte des jours fériés ; qu'ainsi le salarié, exposant a travaillé plusieurs jours fériés au cours de la période litigieuse ; que le salarié exposant sollicite l'application de l'article 23 bis de la convention collective nationale du 15 mars 1996, aux termes duquel en cas de modulation ou d'annualisation, le salarié qui a travaillé un jour férié légal bénéficie d'un repos d'égale durée ; qu'il soutient que l'article 23 bis, précité, instaure un repos compensateur distinct des onze jours fériés décomptés au titre de l'annualisation du temps de travail ; qu'en réponse, l'Association du Rhône pour l'hygiène mentale soutient que le salarié a effectivement bénéficié d'un tel repos, le repos d'égale durée étant intégré dans la programmation initiale ; mais que la Cour fait observer qu'aucune disposition légale ou conventionnelle n'interdit d'inclure un ou plusieurs jours fériés dans le programme de la modulation ; que l'article 23 bis susvisé n'a pas pour effet d'affecter les heures de travail accomplies un jour férié d'un coefficient de majoration pour le calcul en fin de période annuelle du nombre des heures de travail effectuées ; que cet article n'accorde pas non plus au salarié un repos supplémentaire quand il travaille un jour férié: il n'accorde qu'un repos d'égale durée au temps travaillé dont il est tenu compte dans le calcul de l'annualisation ; Ainsi les jours fériés travaillés par le salarié exposant n'ont pas entraîné pour celui-ci de dépassement du plafond annuel de la modulation ; qu'en effet, pour le salarié, ces jours fériés ouvrés ont remplacé des jours ouvrables pendant lesquels les autres salariés ont travaillé, tandis que le salarié exposant était au repos ; que celui-ci a par conséquent bénéficié d'un repos d'égale durée au sens de l'article 23 bis de la convention collective applicable ;

1°- ALORS QUE selon l'article 23 bis de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées, « en cas de modulation ou d'annualisation, le salarié qui a travaillé un jour férié légal bénéficie d'un repos d'égale durée », ce dont il ressort que le salarié qui a travaillé un jour férié a doit à un repos d'égale durée qui constitue un avantage supplémentaire venant s'ajouter au repos prévu dans le cadre de l'annualisation de la durée de travail ; qu'en énonçant que cet article « n'accorde pas au salarié un repos supplémentaire quand il travaille un jour férié », la cour d'appel a violé l'article 23 bis précité ;

2°- ALORS de plus qu'ayant relevé que l'accord- cadre du 12 mars 1999 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail avait fixé la durée collective annuelle à 1575 heures, plafond « déterminé en déduisant des 365 jours ou 366 jours calendaires les jours de congés payés, les jours de repos hebdomadaires ainsi que les jours fériés », ce dont il s'infère que n'était pas défalqué le temps de repos attribué en cas de travail un jour férié légal, et en considérant cependant que l'article 23 bis « n'accorde qu'un repos d'égale durée au temps travaillé dont il est tenu compte dans le calcul de l'annualisation », la cour d'appel a encore violé l'article 23 bis de la convention collective applicable ;

3°- ALORS enfin que l'article 23 bis de la convention collective applicable instaure, en cas d'annualisation, un repos d'une égale durée au travail effectué les jours fériés ouvrés ; que les jours fériés ouvrés ne peuvent être assimilés à des jours ouvrés non fériés ; qu'en considérant que le salarié aurait bénéficié d'un repos d'égale durée dès lors que les jours fériés ouvrés auraient remplacé des jours ouvrables pendant lesquels les autres salariés ont travaillé, tandis que le salarié qui avait travaillé un jour férié, était au repos, la cour d'appel qui a statué par un motif inopérant, a violé le texte susvisé.