Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 26 septembre 2012
N° de pourvoi: 11-14083
Publié au bulletin Rejet
M. Lacabarats (président), président
SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 janvier 2011), que M. X... a été engagé le 13 mai 2001 par la société de transports Daniel Menage en qualité de chauffeur ; que contestant l'opposabilité d'un accord d'entreprise du 25 août 2003 relatif à l'annualisation du temps de travail, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et des repos compensateurs ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de faire droit à cette demande, alors, selon le moyen, que si, lorsqu'un accord d'entreprise ayant pour objet d'organiser une variation de la durée hebdomadaire du travail sur l'année est applicable, les heures effectuées au-delà du plafond annuel de 1 607 heures constituent en principe des heures supplémentaires devant être rémunérées comme telles, ce plafond qui correspond à l'annualisation de la durée hebdomadaire légale du travail peut néanmoins être relevé à due proportion pour les salariés exerçant un emploi comportant des périodes d'inaction et pour lesquels un décret a fixé, conformément à l'article L. 3121-9 anciennement L. 212-4 alinéa 5 du code du travail, une durée du travail équivalente à la durée légale ; qu'en l'espèce, l'accord d'entreprise du 25 août 2003 prévoyait une annualisation du temps de travail en tenant compte, pour les personnels roulants effectuant de longues distances et pour les autres personnels effectuant des transports de marchandises, de la durée du travail équivalente à la durée légale instituée par l'article 5.3° du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 de telle sorte que le plafond annuel se trouvait fixé respectivement, pour ces deux catégories de salariés, à 1 965 et 1 782 heures annuelles ; qu'en jugeant que ces stipulations conventionnelles étaient inopposables au salarié au seul motif qu'elles augmentaient au-delà de 1 607 heures le plafonnement annuel à partir duquel les heures effectuées constituaient des heures supplémentaires, sans tenir compte de la durée équivalente à la durée légale du travail instituée par le décret précité, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 3122-9 anciennement L. 212-4-8 du code du travail et par refus d'application, l'article L. 3121-9 anciennement L. 212-4 alinéa 5 du même code, ensemble l'article 5.3° du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 dans sa rédaction applicable à l'espèce et l'accord d'entreprise sur l'aménagement du temps de travail de la société de transports Daniel Menage en date du 25 août 2003 ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 3122-9 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, "Une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas un plafond de 1607 heures. La convention ou l'accord peut fixer un plafond inférieur..." ; qu'aux termes de l'article L. 3122-10 du même code dans sa rédaction applicable au litige"... II- Constituent des heures supplémentaires auxquelles s'appliquent les dispositions relatives au décompte et au paiement des heures supplémentaires au contingent annuel d'heures supplémentaires et au repos compensateur obligatoire : ...2° les heures effectuées au-delà de 1 607 heures ou d'un plafond inférieur fixé par la convention ou l'accord, déduction faite des heures supplémentaires déjà comptabilisées au titre du 1°." ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un accord d'entreprise ne peut fixer, comme seuil de déclenchement des heures supplémentaires, un plafond supérieur à 1 607 heures de travail par an, nonobstant l'existence, dans son secteur d'activité, d'horaires d'équivalence ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'accord d'entreprise du 25 août 2003 fixait le seuil de déclenchement des heures supplémentaires au-delà de la 1965e heure pour les grands routiers et de la 1 782e heure pour les autres personnels roulants, en a exactement déduit, d'une part, qu'il était inopposable au salarié en ce qu'il ne pouvait augmenter le plafonnement annuel au-delà de 1 607 heures fût-ce par le biais d'heures d'équivalence, d'autre part, que les heures effectuées par celui-ci au-delà de la 1 607e heure annuelle devaient être qualifiées d'heures supplémentaires ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société de transports Daniel Menage aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société de transports Daniel Menage.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré inopposable à Monsieur X... l'accord de modulation du 25 août 2003 et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société TRANSPORTS DANIEL MÉNAGE à lui payer diverses sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires (7.286,16 €), congés payés y afférents (728,61 €) et indemnité de repos compensateur non pris (1.406,57 €) ;
AUX MOTIFS QUE « selon le salarié l'accord en cause est irrégulier parce que, autorisant une durée annuelle de travail de 1.965 et 1.782 heures, selon la catégorie de chauffeur concernée, il dépasse le plafond annuel réglementaire d'heures travaillées (1.607 heures) ; que d'après la société de transports Daniel MENAGE cette durée conventionnelle de travail comprend en réalité des heures d'équivalence correspondant à des périodes où l'intensité du travail est moindre de sorte qu'en définitive le plafond est respecté ; que selon l'article L212-4-8 du Code du Travail devenu l'article L3122-9, une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas un plafond de 1.607 heures, un plafond inférieur pouvant être conventionnellement fixé; que dans le principe doit être comptée comme heures supplémentaires toute celles effectuées au-delà de ce plafond annuel ou au-delà de la durée maximale conventionnellement fixée ; que selon l'accord en cause :
- la durée annuelle de travail est de 1.965 heures pour les chauffeurs zones longues et de 1.782 heures pour les chauffeurs zone courtes l'horaire hebdomadaire pouvant varier de 0 à 56 heures pour les uns et de 0 à 48 heures pour les autres (tunnel) ;
- la durée moyenne hebdomadaire calculée sut une période consécutive de 12 semaines est de 44 heures ;
- les heures effectuées au-delà du plafond annuel sont rémunérées comme heures supplémentaires et s'imputent sur le contingent annuel d'heures supplémentaires sauf repos de remplacement équivalent ;
- la rémunération est établie sur la base mensuelle de 190 heures ;
qu'il résulte de cet accord que se compensent arithmétiquement et sont rémunérées au taux normal les heures situées dans le « tunnel » ainsi défini et que sont rémunérées comme heures supplémentaires celles effectuées :
1°) au-delà de la 48 ème ou de la 56ème selon la catégorie ;
2°) au-delà de la 1.782 ème ou de la 1.965ème selon le cas, déduction faite du 1° ;
Qu'en pratique Pascal X..., était rémunéré sur une base mensuelle de 190 heures comprenant :
- 152 heures au taux normal ;
- 34 heures d'équivalence majorées de 25%
- 4 heures supplémentaires majorées de 50% ;
que cet accord ne pouvait augmenter le plafonnement annuel au-delà de 1.607 heures fût ce par le biais d'heures d'équivalence; qu'il en résulte l'inopposabilité de l'accord de modulation en son entier, le dispositif étant conçu de manière globale; qu'ainsi toute heure effectuée au-delà 44ème chaque semaine, conformément à l'article 1er 3° alinéa 2 du décret du 25 avril 2002 et au-delà de la 1.607ème, doit faire l'objet d'une rémunération majorée; que le salarié est par suite en droit d'obtenir un rappel de salaire correspondant à la différence entre la rémunération ainsi due et les sommes effectivement versées ; qu'il lui est donc dû un rappel non autrement discuté de 7.286,16 €, au titre de ses heures supplémentaires pour la période du 22 avril 2003 au 31 décembre 2009 ; que celle de 6.151,83 € produira intérêts au taux légal à compter de la demande; qu'il s'y ajoute 728,61 €, pour les congés payés y afférents ; que le calcul des repos compensateurs proposé par Pascal X... respecte les conditions posées par les articles L3121-26 et L3121-16 du Code du Travail ; qu'il n'est pas autrement discuté par l'employeur ; que ce dernier sera en conséquence condamné au paiement de la somme réclamée de 1.406,57 € avec intérêts au taux légal à compter de ta demande » ;
ALORS QUE si, lorsqu'un accord d'entreprise ayant pour objet d'organiser une variation de la durée hebdomadaire du travail sur l'année est applicable, les heures effectuées au-delà du plafond annuel de 1.607 heures constituent en principe des heures supplémentaires devant être rémunérées comme telles, ce plafond qui correspond à l'annualisation de la durée hebdomadaire légale du travail peut néanmoins être relevé à due proportion pour les salariés exerçant un emploi comportant des périodes d'inaction et pour lesquels un décret a fixé, conformément à l'article L. 3121-9 anciennement L. 212-4 alinéa 5 du Code du travail, une durée du travail équivalente à la durée légale ; qu'en l'espèce, l'accord d'entreprise du 25 août 2003 prévoyait une annualisation du temps de travail en tenant compte, pour les personnels roulants effectuant de longues distances et pour les autres personnels effectuant des transports de marchandises, de la durée du travail équivalente à la durée légale instituée par l'article 5.3° du décret n°83-40 du 26 janvier 1983 de telle sorte que le plafond annuel se trouvait fixé respectivement, pour ces deux catégories de salariés, à 1.965 et 1.782 heures annuelles ; qu'en jugeant que ces stipulations conventionnelles étaient inopposables au salarié au seul motif qu'elles augmentaient au-delà de 1.607 heures le plafonnement annuel à partir duquel les heures effectuées constituaient des heures supplémentaires, sans tenir compte de la durée équivalente à la durée légale du travail instituée par le décret précité, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 3122-9 anciennement L. 212-4-8 du Code du travail et par refus d'application, l'article L. 3121-9 anciennement L. 212-4 alinéa 5 du même Code, ensemble l'article 5.3° du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 dans sa rédaction applicable à l'espèce et l'accord d'entreprise sur l'aménagement du temps de travail de la société TRANSPORTS DANIEL MÉNAGE en date du 25 août 2003.