Jurisprudence sociale
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Cassation sociale, 26 septembre 2012, n° 10-27.508
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 26 septembre 2012 N° de pourvoi: 10-27508 Publié au bulletin Cassation partielle
M. Lacabarats, président M. Ballouhey, conseiller rapporteur M. Weissmann, avocat général SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 21 octobre 2002 comme aide-puéricultrice par l'association Enfance et Jeunesse de Biguglia à laquelle s'appliquait la convention collective nationale des établissements médico-sociaux du 26 août 1965 relevant de l'Union intersyndicale des secteurs sanitaires et sociaux (UNISSS) ; qu'ayant été licenciée en juillet 2008 elle a saisi la juridiction prud'homale, notamment, de demandes en paiement de rappels de salaire à titre d'heures supplémentaires, de majoration pour amplitude horaire habituelle supérieure à dix heures et de prime de sujétion prévue par l'article 93 de la convention collective ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 3171-4 du Code du travail ;
Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;
Attendu que pour rejeter la demande en paiement de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires la cour d'appel énonce que, des pièces produites aux débats par la salariée, seule mérite examen, au titre de ces réclamations, la pièce intitulée "chiffrage des points à faire valoir aux prud'hommes" qui se limite, à l'exclusion de toute autre précision, à un simple chiffrage dépourvu de la moindre explication ou justification quant aux éventuels dépassements horaires ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la salariée avait produit un relevé des heures qu'elle prétendait avoir réalisées auquel l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel, qui a fait peser sur la seule salariée la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;
Sur le deuxième moyen :
Vu l'article 93 de la convention collective nationale des établissements médico-sociaux du 26 août 1965 relevant de l'Union intersyndicale des secteurs sanitaires et sociaux (UNISSS) ;
Attendu que, selon ce texte intitulé "Indemnité de sujétion spéciale de 8,21 %" sans autre mention, une prime de sujétion est attribuée à tous les salariés couverts par la convention collective nationale du travail du 26 août 1965, à l'exception des directeurs, que cette prime est égale à 8,21 % de la somme du salaire brut annuel hors toute prime et qu'elle est versée mensuellement ;
Attendu que l'arrêt, pour rejeter la demande, énonce que la salariée en sa qualité d'aide-puéricultrice n'appartient pas à un personnel soignant, dispensant de manière effective des soins médicaux et ne se limitant pas à la simple hygiène du corps, seule catégorie professionnelle ouvrant droit au bénéfice de l'indemnité de sujétion visée par l'article 93 de la convention collective applicable ;
Qu'en statuant ainsi, en ajoutant une condition qui n'existe pas d'appartenance à la catégorie du personnel soignant, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que la cassation sur le premier moyen emporte la cassation par voie de conséquence sur les dispositions de l'arrêt relatives aux majorations pour amplitude habituelle de travail supérieure à dix heures ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions qui déboutent Mme X... de sa demande en paiement de rappel de salaire à hauteur de 293,80 euros au titre d'heures supplémentaires, en paiement de majorations pour amplitude habituelle de travail supérieure à dix heures et de sa demande en paiement de la prime de sujétion spéciale à hauteur de 2.860,54 euros prévue à l'article 93 de la convention collective nationale des établissements médico-sociaux du 26 août 1965 relevant de l'Union intersyndicale des secteurs sanitaires et sociaux (UNISSS), l'arrêt rendu le 14 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne l'association Enfance et Jeunesse de Bugaglia aux dépens ;
Vu l'article 700 du Code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2.500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande de rappel de salaire ;
AUX MOTIFS QUE « des pièces produites aux débats par la salariée seule mérite examen, au titre de ces réclamations, la pièce intitulée "chiffrage des points à faire valoir aux prud'hommes" qui, si elle quantifie les demandes en les faisant même remonter pour certaines à octobre 2002, se limite également, à l'exclusion de toute autre précision, à un simple chiffrage dépourvu de la moindre explication ou justification quant aux éventuels dépassements horaires, sujétions et dates des repas supposés partagés qui seraient de nature à éventuellement ouvrir droit à paiement des indemnités sollicitées » ;
ALORS QU' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient seulement au salarié de produire des éléments de nature à étayer sa demande, à charge pour l'employeur de justifier de l'horaire réellement accompli ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la salariée avait versé aux débats un décompte d'heures de réunion non rémunérées (arrêt, p. 5, dernier al. et p. 6, 1er al.) auquel l'employeur pouvait répondre ; qu'en déboutant cependant la salariée de sa demande aux motifs inopérants que ce décompte était dépourvu d'explication ou de justification, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande de 2.860,54 € au titre de la prime de sujétion prévue par l'article 93 de la convention collective des établissements médicaux sociaux ;
AUX MOTIFS QUE « l'AEJ établit que Madame X... en sa qualité d'aide puéricultrice n'appartient pas à un personnel soignant, dispensant de manière effective des soins médicaux et ne se limitant pas à de la simple hygiène du corps, seule catégorie professionnelle ouvrant droit au bénéfice de l'indemnité de sujétion visée par l'article 93 de la convention collective applicable » ;
ALORS QU' en vertu de l'article 93 de la convention collective des établissements médicaux sociaux du 26 août 1965, la prime dite de « sujétion spéciale » est attribuée « à tous les salariés couverts par la convention collective du travail du 26 août 1965, à l'exception des directeurs », de sorte qu'en excluant Mme X... du bénéfice de cet avantage au motif que ce texte réserverait l'octroi de cette prime au personnel soignant dont elle ne faisait pas partie, la cour d'appel l'a violé.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande de 122,98 € au titre des heures supplémentaires pour amplitude habituelle de travail supérieure à 10 heures ;
AUX MOTIFS QUE « Concernant la demande relative à l'application de la majoration de 6 points par mois pour toute amplitude habituelle de travail supérieure à dix heures, aucun élément matériel objectif du dossier ne permet d'établir que de tels dépassements auraient eu lieu et si oui quand et selon quelle fréquence » ;
ALORS QU' en vertu de l'article 24-1 du titre VIII (heures supplémentaires) de la convention collective des établissements médico-sociaux du 26 avril 1965, les salariés dont l'amplitude habituelle de travail est supérieure à 10 heures ont droit à une majoration de 6 points par mois ; qu'en déboutant Madame X... de cette demande au motif qu'aucun élément objectif du dossier ne permet d'établir une telle amplitude (arrêt, p. 6, al. 5), quand il appartenait à l'employeur de justifier de l'amplitude horaire effectuée par la salariée, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1315 du Code civil.
QUATRIEME MOYEN MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande d'indemnisation au titre des temps d'habillage et de déshabillage ;
AUX MOTIFS QUE « s'agissant de la demande d'indemnisation liée au temps d'habillage l'article L. 3121-3 du Code du travail dispose clairement que le bénéfice des contreparties pécuniaires aux temps d'habillage ou déshabillage est subordonné à la réalisation cumulative des deux conditions que sont le caractère obligatoire du port d'une tenue de travail imposée par des dispositions légales et le fait que cet habillage et déshabillage se réalisent sur les lieux mêmes du travail ; que dès lors que le port d'une tenue de travail particulière au sein de l'AEJ n'émane ni de clauses conventionnelles, ni du règlement intérieur et pas davantage du contrat de travail, il ne saurait être fait droit à la demande en paiement formulée par la salariée »;
ALORS QUE pour débouter Madame X... de sa demande au titre des temps d'habillage et de déshabillage, la cour d'appel a relevé que « le port d'une tenue de travail particulière au sein de l'AEJ n'émane ni de clauses conventionnelles, ni du règlement intérieur et pas davantage du contrat de travail » (arrêt, p.6, al.4) ; qu'en se déterminant par ces considérations purement formelles sans rechercher si la salariée était effectivement astreinte au port d'une tenue spécifique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-3 du Code du travail.
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