Cassation sociale, 5 février 2014, n° 12-29.130 cassation sociale - Editions Tissot

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Cassation sociale, 5 février 2014, n° 12-29.130

Le fait pour un employeur de ne pas prononcer de sanction disciplinaire à l'encontre d'un salarié qui a commis une faute à l’égard d’un autre salarié titulaire de plusieurs mandats représentatifs ne constitue pas en soi un acte de discrimination syndicale vis-à-vis de ce dernier.

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 5 février 2014
N° de pourvoi: 12-29130
Non publié au bulletin Cassation

M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la Compagnie générale des eaux, devenue société Véolia, depuis 1991, est titulaire de divers mandats représentatifs depuis 2001 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour demander l'annulation d'un avertissement prononcé à son encontre en 2009 et d'une mise à pied prononcée en 2011, et la condamnation de son employeur à des indemnités en réparation d'un comportement de répression syndicale, ainsi que d'une discrimination syndicale dans le déroulement de sa carrière ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature, à lui seul, à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1332-2, L. 1333-1 du code du travail ;

Attendu que pour annuler la mise à pied disciplinaire prononcée à l'encontre du salarié le 24 mai 2011, la cour d'appel retient que les deux griefs mentionnés dans la lettre de mise à pied n'étaient pas établis dès lors que le premier était relatif à un tract du 27 mars 2011 qui portait sur la sécurité et n'outrepassait pas la liberté syndicale, et que le second était relatif à un document diffusé à la suite d'un accident mortel d'un stagiaire survenu le 29 mars 2011 et qui n'outrepassait pas le droit d'information syndical ;

Qu'en statuant ainsi, sans examiner le troisième grief invoqué dans la lettre de mise à pied envoyée par l'employeur, qui ne portait pas sur le contenu des tracts mais sur leur mode de diffusion, par SMS envoyés sur les téléphones des salariés, l'employeur invoquant un manquement aux modes autorisés de communication de l'information syndicale, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;

Et sur le deuxième moyen :

Vu l'article L. 2141-5 du code du travail ;

Attendu que pour retenir l'existence d'actes de répression syndicale à l'encontre du salarié, la cour d'appel relève, outre l'avertissement de 2009 annulé par le conseil des prud'hommes et la mise à pied disciplinaire de 2011 également annulée, le comportement de l'employeur qui, alors qu'il avait constaté que le supérieur hiérarchique de M. X... avait en 2007 commis une faute à l'égard de ce dernier en envoyant à ses collègues cadres un courrier électronique reproduisant et commentant de manière ironique une annonce privée diffusée par le salarié, s'est contenté d'un simple courrier invitant le supérieur hiérarchique à faire part de ses regrets au salarié, sans prononcer aucune sanction réelle ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le fait pour un employeur de ne pas prononcer de sanction disciplinaire à l'encontre d'un salarié, ne peut constituer en soi un acte de répression syndicale vis-à-vis d'un autre salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé la mise à pied disciplinaire du 24 mai 2011, dit que l'employeur avait commis des actes de répression syndicale et alloué à M. X... des dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt rendu le 5 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne M. X... et le syndicat Interco CFDT aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé la mise à pied du 24 mai 2011et d'avoir condamné la société VEOLIA EAU à verser au salarié une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « Le 24 mai 2011, l'employeur a prononcé à l'encontre de Rodolphe X... une mise à pied de trois jours qui était fondée sur les griefs suivants:
* avoir le 27 mars 2011 communiqué à tous les salariés de la région Centre-Est un tract alarmiste concernant les salariés de la région Normandie relatif à une alerte du syndicat C.F.D.T. sur le brai de houille accompagné d'une consigne de sécurité établie par la région Ile de France-Centre sur ce risque professionnel alors que le risque avait été évoqué et analysé lors de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail le 3 mars 2009,
* avoir le 5 avril 2011, diffusé un tract info flash C.H.S.C.T. concernant l'accident mortel survenu à un stagiaire le 29 mars 2011 qui a dégradé le climat psycho-social et qui contenait des informations confidentielles et d'avoir envoyé un message téléphoné au tuteur du stagiaire décédé.
S'agissant du premier grief:
Le syndicat C.F.D.T. a élaboré un tract du 25 mars 2011 intitulé "Alerte sécurité" et signé par messieurs Y..., Z... et A... dans lequel était mis en exergue le risque de dégagement d'un gaz cancérigène lorsque des conduites recouvertes de brai de houille étaient tronçonnées, la nécessité d'exiger des équipement individuels de protection comme les salariés de la région Ile de France en disposent, la faculté d'exercer le droit de retrait et dans lequel était stigmatisé l'attitude de la direction qui est muette; était jointe au tract la consigne de sécurité diffusée dans la région Ile de France; le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la région Centre-Est avait évoqué le risque en question lors de sa réunion du 3 mars 2009 et une consigne régionale avait été émise en mars 2009.
Le tract était relatif à la sécurité, reprenait un risque identifié par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et étaient annexées les consignes de sécurité établies deux ans auparavant ; la mise en cause de l'employeur dans les termes suivants :
"Négligence de la direction? Scandale type amiante? Faute inexcusable? La direction est muette depuis 3 jours et depuis 2 ans. Elle n'a pas pris les mesures qui s'imposent. C'est pourquoi nous vous informons votre santé n'a pas de prix" n'outrepasse pas la liberté d'expression syndicale; dès lors, la diffusion de ce tract ne constitue pas une faute.
Dans ces conditions, le premier grief n'est pas établi.
S'agissant du second grief:
Un stagiaire est décédé le 29 mars 2011. Le syndicat C.F.D.T. a élaboré un document intitulé "INFO FLASH CHSCT Accident mortel" qui résume la réunion du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail qui s'est tenue le 31 mars 2011 et qui contient des interrogations et les revendications et actions du syndicat C.F.D.T. en matière de sécurité concernant l'accident en cause; ce document sur deux pages est rédigé en des termes mesurés; il ne cite aucun nom; il n'émet aucun reproche à l'encontre du tuteur du stagiaire se limitant à préciser que le tuteur officiel n'était pas présent ; il ne divulgue pas des informations que l'employeur aurait donné au comité en précisant qu'elles étaient confidentielles; il ne fait nullement état d'un quelconque secret de fabrication ; ainsi, ce document n'outrepasse pas le droit d'information syndical; dès lors, la diffusion de ce tract ne constitue pas une faute.
Le 6 avril 2011, Rodolphe X... a envoyé au tuteur du stagiaire décédé un message téléphoné ainsi libellé : "Bonjour Pascal, cela fait plusieurs jours que je ne t'ai pas vu, j'espère que tu ne vas pas trop mal Amicalement Rodolphe" ; ce message a pu être mal perçu par son destinataire; pour autant, ses termes ne sont pas fautifs et il n'est nullement prouvé qu'il ait été mal intentionné.
Dans ces conditions, le second grief n'est pas établi.
En conséquence, la mise à pied du 24 mai 2011 doit être annulée »

1/ALORS QUE le CHCST n'a pas pour mission de promouvoir l'expression syndicale dans l'entreprise ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que Monsieur X... avait édité un tract intitulé « info flash CHSCT » faisant état d'un tragique accident qui venait de couter la vie à un stagiaire sur le site Montceau les Mines, sur lequel le CHSCT était en train d'enquêter, dans lequel il mettait notamment en cause la réalité des déclarations faites par l'employeur à la presse et exprimait des revendications au nom de la CFDT ; que la société VEOLIA EAU soulignait que l'inspecteur du travail lui-même avait jugé particulièrement déplacé ce tract dans le courrier qu'il avait adressé à l'intéressé en lui rappelant que le CHSCT n'était pas une tribune syndicale et en lui enjoignant de distinguer ses mandats de délégué syndical et de membre du CHSCT; qu'en jugeant que ce tract ne dépassait pas la liberté d'expression syndicale, la Cour d'appel a violé ensemble les articles L 2142-5, L 4612-1 du Code du travail, et 1382 du Code civil ;

2/ ALORS QU'il appartient au juge d'examiner tous les griefs invoqués au soutien d'une sanction disciplinaire ; que la mise à pied disciplinaire notifiée à Monsieur X... le 24 mai 2011 lui reprochait en dernier lieu d'avoir utilisé un mode de diffusion de ses tracts syndicaux par SMS, non autorisé dans l'entreprise, et pour lequel il avait déjà été auparavant rappelé à l'ordre ; qu'en se dispensant d'examiner ce grief, la Cour d'appel a violé l'article L 1332-2 et L 1333-1 du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que la société VEOLIA EAU s'est livrée à des actes de répression syndicale et de l'avoir en conséquence condamnée à verser à Monsieur X... la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef ainsi qu'une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « Les articles L. 2141-1 et L. 2141-4 du code du travail confère au salarié la liberté d'adhérer au syndicat professionnel de son choix et d'exercer son droit syndical; l'article L. 2141-5 du même code interdit à l'employeur de prendre en considération l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions notamment en matière disciplinaire. Le 23 septembre 2009, l'employeur a infligé Rodolphe X... un avertissement que le conseil des prud'hommes par une disposition non contestée et définitive a annulé; la mise à pied du 24 mai 2011 est annulée; ainsi, les deux sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre de Rodolphe X... ont été jugées dénuées de fondement. Le 19 janvier 2007, le supérieur de Rodolphe X..., Pierre B..., a envoyé aux huit principaux cadres du centre de BOURGOGNE un courrier électronique dans lequel il reproduisait une annonce de rencontre diffusée en 1998 par Rodolphe X..., ajoutait un commentaire ironique sur le contenu de l'annonce et sur une faute d'orthographe et par lequel il invitait à faire connaître l'annonce "à tous ses disciples et suiveurs ... avec prudence toutefois" ; le 30 juin 2009, le tribunal correctionnel de DIJON a condamné Pierre B... pour atteinte à la vie privée de Rodolphe X...; le 3 juillet 2007, le supérieur de Pierre B... lui a envoyé un courrier simple ainsi rédigé : « Je fais suite à notre longue conversation téléphonique suite au mail que vous avez envoyé en janvier 2007 à votre équipe de direction et qui concernait R. Kalmar. Vous m'avez indiqué que vous ne souhaitiez pas porter atteinte à la vie privée de M. X.... Néanmoins, je ne peux pas tolérer au sein de la région Centre-Est ce type de dérive et je vous demande de rencontrer M. X... et de lui faire part de vos regrets. Merci de me tenir au courant » ; ce courrier était manuscrit et rédigé sur papier libre ne portant pas l'en tête de la société VEOLIA ; il ne présentait aucun caractère officiel; aucune sanction n'a été prononcée à l'encontre de Pierre B... ni observation formelle; l'employeur n'a donc pas officiellement réprimandé le comportement de Pierre B.... Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société VEOLIA s'est livrée à des actes de répression syndicale ; les éléments de la cause conduisent à chiffrer les dommages et intérêts venant réparer le préjudice de Rodolphe X... à la somme de 10.000 euros. En conséquence, la S.C.A. VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX doit être condamnée à verser à Rodolphe X... la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la répression syndicale »

1/ ALORS QUE constitue un acte de répression syndicale prohibé le fait pour l'employeur d'arrêter ses décisions en matière disciplinaire en considération de l'exercice par le salarié concerné d'une activité syndicale ; qu'en qualifiant d'acte de répression syndicale l'absence d'exercice par l'employeur de son pouvoir disciplinaire à l'égard d'un salarié non syndiqué, la Cour d'appel a violé l'article L 2141-5 du Code du travail ;

2/ ALORS EN OUTRE QUE l'employeur est libre de ne pas exercer son pouvoir disciplinaire, sous réserve de ne pas méconnaître son obligation de sécurité de résultat à l'égard du personnel ; que la société VEOLIA EAU soulignait que le différend ayant opposé Monsieur X... à Monsieur B... ayant abouti à la condamnation de ce dernier pour atteinte à la vie privée de Monsieur X... par le tribunal correctionnel de Dijon était « totalement étranger à la vie de l'entreprise » (conclusions d'appel de l'exposante p 17), ce qui justifiait d'autant plus qu'elle n'exerce pas son pouvoir disciplinaire à l'encontre de Monsieur B... ; qu'en reprochant à l'employeur de n'avoir pas sanctionné disciplinairement Monsieur B... pour avoir porté atteinte à la vie privée de Monsieur X..., la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L 2141-5 du Code du travail;

3/ ALORS QUE la notification d'un avertissement ultérieurement annulé par le conseil des prud'hommes à raison de la prescription des faits visés et du dépassement du délai pour prononcer la sanction, ne caractérise pas un acte de répression syndicale ; qu'en l'espèce, par jugement du 31 mars 2011, le conseil des prud'hommes de Lyon a annulé l'avertissement du 23 septembre 2009 notifié à Monsieur X... après avoir relevé que les faits sanctionnés étaient connus de l'employeur depuis plus de deux mois au moment de l'engagement de la procédure et que l'avertissement avait été notifié deux mois et demi après la tenue de l'entretien préalable ; qu'en se fondant sur l'annulation de cet avertissement, pour en déduire que Monsieur X... avait été victime de répression syndicale, la Cour d'appel a violé l'article L 2141-5 du Code du travail ;

4/ ALORS QUE la cassation à intervenir du chef de dispositif ayant annulé la mise à pied disciplinaire du 24 mai 2011 entrainera par voie de conséquence la cassation de ce chef de dispositif en application de l'article 624 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Monsieur X... a été victime de discrimination syndicale et d'avoir en conséquence condamné la société VEOLIA EAU à lui verser la somme de 32539 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef ainsi qu'à verser au syndicat INTERCO CFDT la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts, outre des condamnations au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « l'article L. 1132-1 du code du travail prohibe la discrimination directe ou indirecte en raison des activités syndicales; en application de l'article L. 1134-1 du code du travail, il appartient au salarié qui allègue d'une discrimination de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il appartient à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. L'accord-cadre signé le 10 juillet 2001 et relatif à l'exercice du droit syndical et du dialogue social national au sein de l'unité économique et sociale Générale des Eaux oblige la direction à s'assurer chaque fin d'année que les permanents syndicaux nationaux et les salariés consacrant plus des deux tiers de leur temps de travail à l'exercice de mandats sociaux bénéficient des mêmes conditions d'avancement et d'évolution de carrière que les autres salariés de leur société d'appartenance, de même positionnement hiérarchique et d'ancienneté comparable dans leur service d'origine. Rodolphe X... est né le 21 août 1966 ; il est entré au service de la société VEOLIA le 21 janvier 1991 ; il est titulaire d'un diplôme de technicien supérieur en chimie après deux années d'études après le baccalauréat et a suivi après l'obtention de son diplôme de technicien une année de formation complémentaire en analyse industrielle et informatique. Rodolphe X... a été admis le 1er juillet 1992 au cadre titulaire en qualité de technicien supérieur à l'indice 361/329 ; il a bénéficié le 1 er juillet 1994 d'un avancement au choix, son coefficient de rémunération passant de 354 à 358, le 1er janvier 1996 d'un avancement au choix, son coefficient de rémunération passant de 358 à 376 et le 1er juillet 1997 d'un avancement au choix, son coefficient de rémunération passant de 376 à 394 et les indices brut et nouveau majoré étant à 484 et 416 ; à compter du 1 er juillet 2001 , Rodolphe X... a progressé de l'échelon 5 à l'échelon 6 à l'ancienneté et son coefficient de rémunération est passé de 447 à 483; à compter du 1er juillet 2003 il a progressé de l'échelon 6 à l'échelon 7 et son coefficient de rémunération est passé de 483 à 510 ; à compter du 1er juillet 2007, il a conservé l'échelon 7 et s'est vu attribuer 10 points majorés et son coefficient de rémunération est passé de 511 à 511 + 10 ;à compter du 1er janvier 2011 son indice de rémunération a été maintenu à 474 et la majoration pour expérience est passée de 57 à 71. Le 4 juin 2002, l'employeur a offert à Rodolphe X... soit le poste de délégué commercial industriel du centre opérationnel soit le poste de responsable de l'animation qualité- environnement du centre opérationnel; les deux postes étant basés à BEAUNE, l'employeur précisait qu'il autorisait le salarié à habiter en SAONE ET LOIRE et à utiliser le véhicule de service pour effectuer les trajets entre son domicile et son lieu de travail; Rodolphe X... a refusé; le 17 mai 2004, l'employeur a offert à Rodolphe X... qui a accepté le poste de chargé de mission avec un poste de travail à MONTCEAU LES MINES; le 15 novembre 2011, l'employeur a proposé à Rodolphe X... une mission au niveau national sur l'élaboration de la cartographie du déploiement au sein du groupe VEOLIA ENVIRONNEMENT de l'accord FRANCE du 9 septembre 2008 sur la prévention des risques professionnels, la santé et la sécurité au travail. Rodolphe X... a été élu délégué du personnel de septembre 2001 à juin 2007 ; le 19 novembre 2002, il a été désigné délégué syndical et son mandat a été régulièrement renouvelé; le 3 décembre 2008, il a été élu conseiller prud'homme; il est membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. L'appréciation de Rodolphe X... pour l'année 2001 conclut à une bonne performance au niveau des attentes; en 2003, l'appréciateur a rempli les cases d'évaluation; à partir de2004 il n'y a plus d'évaluation et d'appréciation par le supérieur; les fiches de l'imprimé d'évaluation contiennent les renseignements mentionnés par le salarié; en 2007, il est noté à la rubrique tâches non effectuées: "agent à plein temps sur ses mandats sociaux n'effectuant pas de tâches en exploitation locale" ; en 2009 et 2010, il est noté à la rubrique tâches non effectuées: "agent à plein temps sur ses mandats sociaux avec une fonction de conseiller prud'homal". Rodolphe X... a saisi le conseil des prud'hommes en mars 2009 ; afin d'éviter tout risque d'interférence entre la rémunération et la notation donnée par l'employeur et l'initiation de la procédure prud'homale, les éléments de comparaison seront arrêtés à l'année 2008 comprise. La note attribuée à Rodolphe X... en 1997 et 1998 est de 14,3, en 1998 et 1999 de14,4, en 2000 de 14,6, en 2001 de 14,8, en 2002 et 2003 de 14,9, en 2004, 2005, 2006 et 2007 de 15 et en 2008 de 15,1 ; ainsi, la note qui sert de base au calcul de la prime de productivité a augmenté de 0,3 entre 1997 et 2001 soit sur une période de cinq années précédant les mandats et a augmenté de 0,5 entre 2002 et 2008 soit sur une période de sept années postérieure aux mandats; la prise de mandats syndicaux a été sans incidence sur l'évolution de la notation. Les feuilles de paie de Rodolphe X... révèlent qu'il a perçu en juin 2001 une rémunération hors complément lié à la situation familiale de 2.179,02 euros et en juillet 2008 une rémunération hors complément familial de 2.740,73 euros, soit une augmentation de 25,77 % en sept ans. Il est versé des tableaux comparatifs; Eric C... qui a obtenu un diplôme d'ingénieur le 12 décembre 2002 doit être écarté des comparaisons puisqu'il détient un diplôme supérieur à celui de Rodolphe X.... Le tableau établi par l'employeur qui tient compte de la rémunération brute fiscale révèle qu'entre 2001 et 2008 :
* la rémunération de Rodolphe X... est passée de 32.610 euros à 41.153 euros, soit une augmentation de 26,19 %,
* la rémunération de Jean-Pierre D... est passée de 35.437 euros à 42.954 euros, soit une augmentation de 21,21 %,
* la rémunération de Francis E... est passée de 24.258 euros à 33.353 euros, soit une augmentation de 37,49 %,
* la rémunération de Lionel F... est passée de 33.130 euros à 49.360 euros, soit une augmentation de 48,98 %,
* la rémunération de Laurent G... est passée de 28.318 euros à 40.814 euros, soit une augmentation de 44,12 %,
Selon ce tableau:
1)toutes ces personnes sont cadres en échelle avec la classification 6,
2)en 2008, Rodolphe X... comptabilisait une ancienneté de 19,19 années, Jean-Pierre D... une ancienneté de 19,30 année, Francis E... une ancienneté de 15,95 années, Lionel F... une ancienneté de 19,42 années et Laurent G... une ancienneté de 19,32 années, 3)en 2008, Rodolphe X..., Lionel F... et Laurent G... avaient l'emploi d'inspecteur de maîtrise,
4)en 2001, Rodolphe X... et Laurent G... avaient l'emploi d'inspecteur de maîtrise,
5)Rodolphe X..., Lionel F... et Laurent G... ont tous trois le même âge.
Ainsi, les situations de Rodolphe X..., Lionel F... et Laurent G... sont très semblables; or de 2001 à 2008, le premier a bénéficié d'une augmentation de rémunération bien moindre que les deux autres.
Le tableau établi par Rodolphe X... qui tient compte de l'ensemble de la rémunération annuelle brute hors indemnité de logement révèle que:
- entre 2001 et 2008 :
* la rémunération de Rodolphe X... est passée de 31.962 euros à 38.691 euros, soit une augmentation de 21,05 %,
* la rémunération de Marina H... est passée de 29.156 euros à 31.506 euros, soit une augmentation de 8,06 %,
- entre 2003 et 2008 :
* la rémunération de Rodolphe X... est passée de 34.560 euros à 38.691 euros, soit une augmentation de 11,95 %,
* la rémunération d'Alain I... est passée de 33.543 euros à 43.620 euros, soit une augmentation de 30,42 %,
* la rémunération de Corinne J... est passée de 24.319 euros à 31.594 euros, soit une augmentation de 29,91 %.
Selon ce tableau :
1) toutes ces personnes sont cadres en échelle avec la classification 6,
2) en 2008, Rodolphe X... comptabilisait une ancienneté de 18,71 années, Marina H... une ancienneté de 9,74 année, Alain I... une ancienneté de 20,10 années et Corinne J... une ancienneté de 13,89 années.
Ainsi, Rodolphe X... a été moins augmenté.
Ces données démontrent une différence de traitement en défaveur de Rodolphe X....
L'employeur ne s'explique pas sur la différence de traitement entre Rodolphe X... et Lionel F... et Laurent G... ; ses conclusions sont taisantes sur ces deux salariés.
Dans ces conditions, Rodolphe X... présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe et l'employeur ne prouve pas que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En conséquence, il doit être jugé que Rodolphe X... a été victime d'une discrimination syndicale et le jugement entrepris doit être infirmé.
Rodolphe X... sollicite une expertise afin de déterminer le chiffrage précis du préjudice résultant de la discrimination.
Rodolphe X... impute la discrimination à son activité syndicale qui a débuté en 2001 ; la discrimination est avérée par rapport à Laurent G... qui se trouve dans la même situation de sexe, d'âge, d'ancienneté dans l'entreprise, de coefficient et de fonction que Rodolphe X...; dès lors, le préjudice de Rodolphe X... doit être calculé à partir des augmentations de rémunération dont a bénéficié Laurent G... depuis 2001 et dont Rodolphe X... aurait dû également bénéficier; la Cour dispose des éléments suffisants pour chiffrer le préjudice sans recourir à une mesure d'expertise.
En conséquence, Rodolphe X... doit être débouté de sa demande d'expertise.
Laurent G... a obtenu une augmentation annuelle de 6,41 % en 2002, de 5,20 % en 2003, de 9,92 % en 2004, de 5,76 % en 2005, de 4,39 % en 2006, de 7,22 % en 2007 et de 13,45 % en 2009 ; il a eu une baisse de rémunération de 1,06 % en 2008.
L'application de ces taux d'augmentation à la rémunération de Rodolphe X... conduit à une rémunération brute fiscale de 34.700 euros en 2002, de 36.504 euros en 2003, de 40.125 euros en 2004, de 42.437 euros en 2005, de 44.300 euros en 2006, de 47.498 euros en 2007, de 46.995 euros en 2008 et de 53.316 euros en 2009, soit une rémunération totale de 345.875 euros ; de 2002 à 2009, la rémunération brute fiscale totale de Rodolphe X... s'est montée à la somme de 313.336 euros; l'écart s'élève à la somme de 32.539 euros.
En premier lieu, Rodolphe X... réclame des dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la discrimination et non des rappels de salaire; en second lieu, la somme précitée est en brute et inclut tous les éléments de rémunération soumis à impôt; il n'y a donc pas lieu à majoration pour diminution des droits à la retraite, des primes et des éléments de rémunération variables comme le réclame le salarié. Aucune pièce n'est versée au dossier qui permette de supposer que la discrimination a perduré après l'année 2009 ; dès lors, aucune projection ne peut être opérée sur les années 2010, 2011 et 2012 comme le souhaite le salarié.
L'ensemble de ces éléments conduit à chiffrer les dommages et intérêts à la somme de 32.539 euros.
En conséquence, la S.C.A. VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX doit être condamnée à verser à Rodolphe X... la somme de 32.539 euros nette devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination syndicale.
Sur l'intervention du syndicat
L'article L. 2132-3 du code du travail autorise les syndicats professionnels à agir en justice et à exercer devant toutes les juridictions les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. Les faits de répression syndicale et de discrimination syndicale précédemment retenus ont porté atteinte au syndicat INTERCO C.F.D.T. auquel appartient Rodolphe X.... En conséquence, l'intervention volontaire à l'instance du syndicat INTERCO C.F.D.T. doit être déclarée recevable. Les éléments de la cause justifient d'allouer au syndicat INTERCO C.F.D.T. la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts. En conséquence, la S.C.A. VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX doit être condamnée à verser au syndicat INTERCO C.F.D.T. la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts et le jugement entrepris doit être infirmé »

1/ ALORS QUE la discrimination syndicale n'est caractérisée que si est établi qu'un salarié subit un traitement défavorable du fait de son activité syndicale ; qu' il résultait des tableaux versés aux débats par les parties sur lesquels s'est fondée la Cour d'appel que Monsieur X..., dont la Cour d'appel a constaté qu'il se trouvait dans la même situation de sexe, d'âge, d'ancienneté dans l'entreprise, de coefficient et de fonction que Monsieur G..., avait toujours eu une rémunération supérieure à celle de ce dernier, y compris sur la période considérée au cours de laquelle Monsieur X... était investi de mandats syndicaux ; qu'en jugeant néanmoins que ce dernier avait été victime de discrimination syndicale par rapport à Monsieur G... et en lui allouant des dommages et intérêts au motif inopérant que le salaire de Monsieur G... avait davantage augmenté sur la période considérée que celui de Monsieur X..., la Cour d'appel a violé les articles L 11321, L 1134-1 et L 2141-5 du Code du travail ;

2/ ALORS QUE la comparaison de l'évolution de carrière doit être effectuée sur toute la carrière avec des salariés engagés au même moment à des conditions identiques ; qu'en l'espèce, la société VEOLIA faisait valoir que dans les premières années de sa carrière, Monsieur X... avait bénéficié d'une progression exceptionnelle résultant de trois avancements au choix lorsque la moyenne dans l'entreprise est de deux avancements au choix au cours de toute une carrière (conclusions d'appel de l'exposante p 6); que la Cour d'appel a elle-même constaté que Monsieur X... avait bénéficié le 1er juillet 1994 d'un avancement au choix, son coefficient de rémunération passant de 354 à 358, le 1 er janvier 1996 d'un avancement au choix, son coefficient de rémunération passant de 358 à 376 et le 1er juillet 1997 d'un avancement au choix, son coefficient de rémunération passant de 376 à 394 et les indices brut et nouveau majoré étant à 484 et 416 ; qu'en limitant la comparaison de sa progression de carrière à la période comprise entre 2001 et 2008 au cours de laquelle il était investi de mandats, pour conclure que celle-ci avait été moindre que celle, sur la même période, de Messieurs F... et G..., embauchés au même moment que lui à des conditions comparables, sans tenir compte de la carrière respective de chacun dans sa globalité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1132-1, L 1134-1 et L 2141-5 du Code du travail.

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