Cassation sociale, 12 mars 2014, n° 13-11.696 cassation sociale - Editions Tissot

Jurisprudence sociale

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Cassation sociale, 12 mars 2014, n° 13-11.696

Une cour d'appel peut valablement retenir qu’un salarié qui a volé deux bouteilles d'alcool dont la vente était l'objet même de l'activité de l'entreprise par un procédé organisé fonctionnant avec la complicité d'un autre salarié et destiné à échapper au contrôle mis en place par la société a commis une faute grave rendait impossible son maintien dans l'entreprise et justifiait une rupture immédiate du contrat de travail.

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 12 mars 2014
N° de pourvoi: 13-11696
Non publié au bulletin Rejet

M. Lacabarats (président), président
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Le Griel, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 27 février 2012), rendu sur renvoi après cassation ( Soc., 2 décembre 2009 n° 08-42.655), que M. X..., engagé en qualité de chauffeur le 1er janvier 1980 par la société Bellonnie Bourdillon successeurs, occupait en dernier lieu les fonctions de manutentionnaire ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 25 septembre 2001, son employeur lui reprochant le vol de deux bouteilles d'alcool au préjudice de la société ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de ses demandes alors, selon le moyen, qu'en se fondant ainsi sur un seul élément de preuve émanant d'un représentant légal de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil et le principe que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des éléments de la procédure que le salarié a soutenu devant les juges du fond que l'attestation du responsable du magasin contrevenait aux règles du droit de la preuve en ce qu'elle émanait d'un représentant légal de l'employeur ; que le moyen est nouveau, mélangé de droit et de fait, et partant irrecevable ;

Sur le second moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de ses demandes alors, selon le moyen, qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas suffisamment caractérisé la gravité de la faute en violation de l'article L. 1234-1 du code de travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le salarié avait volé deux bouteilles d'alcool dont la vente était l'objet même de l'activité de l'entreprise, au moyen d'un procédé organisé fonctionnant avec la complicité d'un autre salarié et destiné à échapper au contrôle mis en place par la société, la cour d'appel a pu retenir que compte tenu de ces fonctions, ce fait rendait impossible son maintien dans l'entreprise et justifiait une rupture immédiate du contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté l'exposant de toutes ses demandes en raison d'une faute dont la gravité légitime son licenciement,

aux motifs que « dans le cadre d'une surveillance accrue organisée par le chef de dépôt, Monsieur André Y..., (celui-ci) devait surprendre Monsieur X..., le mercredi 12 septembre 2001 en train de réceptionner des mains de la femme de ménage deux bouteilles, à savoir une bouteille de Ricard de 70 cl et une bouteille de rhum vieux de 100 cl, provenant du stock de la société, que M. X... glissait dans sa voiture sur le parking de l'établissement » et que « ces faits sont attestés par M. Y..., qui a déclaré qu'il avait intercepté M. X... et Mme Jocelyne Z... en pleine transaction sur le parking du personnel, le 12 septembre 2001, et qu'il avait récupéré ce jour un sachet contenant une bouteille de Ricard et une bouteille de rhum vieux portant un numéro de lot en stock dans les magasins mais non mis en vente » (arrêt p. 4 in fine et p. 5 in limine),

alors qu'en se fondant ainsi sur un seul élément de preuve émanant d'un représentant légal de l'employeur, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil et le principe que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même.

DEUXIEME MOYEN (subsidiaire) DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté l'exposant de toutes ses demandes,

aux motifs qu'« il est difficile de retenir en l'espèce l'ancienneté du salarié comme circonstance pouvant raisonnablement atténuer la gravité de la faute reprochée à M. X..., dans la mesure au cours des années passées au sein de l'entreprise, la question de la confiance a déjà été au centre des relations entre les parties ; en effet, à l'occasion de deux incidents survenus quelques années auparavant en 1994 et 1996, l'employeur avait été amené à notifier deux avertissements à M. X... » (p.6, alinéa 5) ; que « par ailleurs la gravité des faits de vol reprochés au salarié doit être examinée au regard des circonstances concrètes dans lesquelles ceux-ci ont été commis. En l'espèce il apparaît que le vol a été commis de façon astucieuse et concertée, caractérisant une entreprise organisée entre deux employés de telle façon que la soustraction puisse échapper à tout contrôle. En outre les faits reprochés portent sur des alcools dont la valeur n'est pas négligeable, et dont la vente constitue l'objet même de l'activité de l'entreprise » (p. 7, alinéa 6) ; qu'« enfin, il n'est pas réaliste d'imposer à l'employeur de conserver à son service, après notification de la rupture du contrat de travail, même pendant deux mois de préavis, un manutentionnaire en contact permanent avec la marchandise de l'entreprise, alors qu'un sérieux différend les oppose, et que le salarié a montré une ingéniosité certaine à organiser le détournement de marchandises. Ici la perte de confiance dans le salarié est totale et s'appuie sur des éléments objectivement constatés et non sur une appréciation subjective de l'employeur » (p. 7 alinéa 7),

alors qu'en statuant ainsi la Cour d'appel de Basse-Terre n'a pas suffisamment caractérisé la gravité de la faute en violation de l'article 1234-1 du code de travail.

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