Cassation sociale, 16 avril 2015, n° 13-21.531 cassation sociale - Editions Tissot

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Cassation sociale, 16 avril 2015, n° 13-21.531

L'employeur ne peut pas imposer aux délégués du personnel de regrouper leurs 15 heures de délégation sur 2 jours entiers dans le mois.

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du jeudi 16 avril 2015
N° de pourvoi: 13-21531
Non publié au bulletin Rejet

Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
Me Le Prado, SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mai 2013), statuant en référé, que le syndicat Sud aérien a attrait la société Air France devant le tribunal de grande instance afin notamment, qu'il soit mis fin au trouble manifestement illicite résultant selon lui de la violation des articles L. 2315-1 et suivants du code du travail par une note de la direction imposant aux représentants du personnel de prendre leur temps de délégation par jours entiers et non en heures ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'appel interjeté par le syndicat, alors, selon le moyen :

1°/ que l'appel est régulièrement formé par la remise au greffe d'une déclaration d'appel effectuée par une personne ayant le pouvoir de représenter la personne morale ; que le défaut de pouvoir d'une personne à représenter une personne morale constitue un vice de fond qui ne peut être régularisé que dans le délai d'appel qui est, en matière de référé, de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance ; que la cour d'appel a relevé que M. Z..., membre du bureau national interprofessionnel du syndicat Sud aérien, exclusivement mandaté par le syndicat Sud aérien pour interjeter appel de l'ordonnance du 18 mai 2012 rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny, n'avait régularisé l'appel effectué par le secrétaire de ce syndicat le 29 mai 2012 que par acte du 12 février 2013 ; que la cour d'appel aurait dû déduire de ses propres énonciations que l'appel ainsi interjeté n'était pas recevable faute d'une régularisation dans le délai d'appel ; qu'en décidant le contraire, lors même que les statuts de ce syndicat ne précisaient pas que le secrétaire du syndicat Sud aérien qui n'était pas M. Z... était habilité à représenter ce syndicat dans toutes les instances juridiques, la cour d'appel a violé les articles 933, 58 et 117 du code de procédure civile ;

2°/ qu'un vice de fond constitué par le défaut de pouvoir d'une personne à représenter une personne morale entraîne la nullité de l'acte sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un grief ; qu'en écartant la demande de nullité des appels formulée par la société Air France aux motifs que cette dernière ne justifiait pas d'un grief, lors même qu'elle constatait que la seule personne habilitée à interjeter appel de l'ordonnance du 18 mai 2012 du tribunal de grande instance de Bobigny au nom du syndicat Sud aérien n'avait pas régularisé la déclaration d'appel dans le délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles 58, 117 et 119 du code de procédure civile ;

3°/ que la régularité de l'appel formé par une personne ayant le pouvoir de représenter la personne morale est subordonnée au respect des procédures prévues dans les statuts de cette personne morale ; qu'en jugeant que l'appel du syndicat Sud aérien représenté par M. Z... était recevable sans s'interroger, ainsi qu'elle y était pourtant invitée par la société Air France, sur le respect par M. Z... des dispositions des statuts du syndicat Sud aérien qui prévoyaient une procédure particulière pour diligenter une action en justice au nom de ce syndicat, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que M. Z... avait été mandaté par le bureau national interprofessionnel conformément aux statuts du syndicat avant l'expiration du délai d'appel, et que la société Air France ne rapportait pas la preuve du grief que lui causait l'indication erronée dans l'acte d'appel de la désignation du représentant du syndicat, la cour d'appel a par ces seuls motifs légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de constater le trouble manifestement illicite résultant de la violation de l'article L. 2315-1 du code du travail et du principe de liberté syndicale, de juger que la société Air France était tenue de comptabiliser les temps de délégation des délégués du personnel en heures et de laisser toute liberté aux représentants du personnel dans l'exercice de leur mandat et de condamner cette dernière à verser au syndicat la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice causé à la profession, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article R. 1455-6 du code du travail et de l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile, si la formation de référé peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, c'est uniquement pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que pour affirmer que la société Air France était tenue de comptabiliser les temps de délégation des délégués du personnel navigant en heures et non pas en jours et la condamner à verser au syndicat Sud aérien la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel a jugé que les accords collectifs conclus depuis le 1er janvier 1989 par la société Air France qui prévoyaient au moins deux journées de déprogrammation pour l'exercice des mandats des délégués du personnel navigant au lieu des quinze heures mensuelles instituées par l'article L. 2315-1 du code du travail, étaient discriminatoires et contraires aux dispositions légales ; que le trouble allégué ne pouvait être manifestement illicite dans la mesure où la cour d'appel a dû se prononcer sur la validité d'accords collectifs ; que la cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail et l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile ;

2°/ que l'existence d'un trouble manifestement illicite ne peut pas être retenue lorsque l'issue du litige impose de se déterminer sur la qualification d'un acte juridique ; que pour affirmer que la société Air France était tenue de comptabiliser les temps de délégation des délégués du personnel navigant en heures et non pas en jours et la condamner à verser au syndicat Sud aérien la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel a jugé que la société Air France ne pouvait pas se prévaloir d'un usage au sein de l'entreprise consistant à comptabiliser en jours les crédits d'heures de délégation des délégués du personnel navigant ; que la cour d'appel en se prononçant sur la qualification d'un usage pour relever l'existence d'un trouble manifestement illicite a, à nouveau, violé l'article R. 1455-6 du code du travail et l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile ;

3°/ qu'il n'y a pas de trouble manifestement illicite lorsqu'il est établi que la pratique litigieuse a été instituée en raison de contraintes particulières, a fait l'objets d'accords collectifs successifs pendant des années et a été approuvée par la majorité des organisations syndicales de l'entreprise ; que la cour d'appel a relevé qu'il ressortait des accords conclus depuis le 1er janvier 1989 entre la direction générale des opérations aériennes de la société Air France et plusieurs organisations syndicales ne comprenant pas Sud aérien, que le décompte des heures de délégation des personnels navigants d'Air France est effectué par journée de travail, soit deux journées dites de déprogrammation se substituant aux quinze heures légales, outre une puis deux journées supplémentaires par délégué du personnel depuis février 2000 en raison des contraintes particulières qui pèsent sur le personnel navigant en matière de durée du travail et du temps de repos obligatoire ; que la cour d'appel aurait du déduire de ses propres énonciations, l'absence de trouble manifestement illicite ; qu'en décidant que le décompte des temps de délégation des personnels navigants par journée de travail, constituait un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail et l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile ;

4°/ que le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en affirmant pour faire droit à la demande du syndicat Sud aérien que ce dernier justifiait avoir utilisé son crédit de délégation en heures sans opposition de l'employeur jusqu'à la fin de l'année 2011 en produisant les justificatifs des heures de délégation accordées à Mmes X... et Y..., lors même qu'il ressortait des documents litigieux qu'il ne s'agissait que d'une simple demande formulée par le syndicat Sud aérien pour ces salariés et non pas d'une acceptation de la société Air France d'un décompte du crédit de délégation en heures, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1134 du code civil ;

5°/ qu'aux termes de l'article L. 2315-1 du code du travail, dans les entreprises de cinquante salariés et plus, l'employeur doit laisser aux délégués du personnel quinze heures par mois pour l'exercice de leurs fonctions ; que la cour d'appel, qui a relevé qu'au sein de la société Air France les personnels navigants disposaient de deux jours, soit quatorze heures de déprogrammation, outre une journée supplémentaire, aurait du en déduire que le système ainsi institué était plus favorable que le système légal, en sorte qu'il pouvait être valablement appliqué ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 2315-1 du code du travail, ensemble le principe de faveur ;

6°/ qu'il n'y a pas discrimination dès lors que la disparité de traitement constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en jugeant que le régime appliqué aux délégués du personnel navigant de la société Air France au titre du décompte de leur temps de délégation était discriminatoire, bien qu'elle ait relevé que ce personnel était soumis à des contraintes particulières, ce dont il résultait, l'existence d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a violé les articles 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

7°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que la cour d'appel a considéré que le système de décompte des temps de délégation existant au sein de la société Air France pour les délégués du personnel navigant était illégal et discriminatoire ; que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de la société Air France qui soutenait qu'au regard de la spécificité de l'organisation du temps de travail du personnel navigant technique soumis à des temps de repos obligatoires, un système de décompte du temps de délégation en heures et non en jours aboutirait à une absence totale de prestation de travail plusieurs mois par an pour les seuls délégués du personnel Sud aérien, toutes les autres organisations syndicales se conformant au système de décompte en jours, ce qui était contraire à l'objet même de la loi sur les crédits d'heures de délégation et aboutirait à une situation inextricable au sein de la société Air France ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef déterminant des conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté, hors toute dénaturation, que l'employeur ne démontrait pas avec l'évidence requise en référé, l'existence d'un usage général, fixe, constant et plus favorable que la loi relativement à la prise des heures de délégation par les salariés investis de mandats représentatifs, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les première et sixième branches, que la note par laquelle la direction avait imposé à ces salariés de prendre la totalité de leurs heures de délégation au cours de trois à quatre jours maximum chaque mois, constituait un trouble manifestement illicite qu'il lui appartenait de faire cesser ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Air France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Air France et condamne celle-ci à payer au syndicat Sud aérien la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize avril deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Air France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;

D'AVOIR déclaré recevable l'appel interjeté par le Syndicat Sud Aérien représenté par Monsieur Léon Z... ;

AUX MOTIFS QUE « sur la nullité de l'acte d'appel : que l'indication erronée de l'organe représentant légalement une personne morale dans un acte de procédure ne constitue qu'un simple vice de forme dont la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver l'existence d'un grief ; qu'en l'espèce, la nullité de l'appel soulevé par la société Air France a incontestablement été couverte par l'acte du 12 février 2013, dont il ressort que l'appel a été interjeté au nom du syndicat Sud Aérien pris en la personne de Monsieur Z..., membre du BNI dûment mandaté pour ce faire aux termes d'une délibération de cette instance du 24 mai 2012, régulièrement communiquée ; que la société Air France ne justifie pas de l'existence d'un grief dès lors qu'elle n'a conclu pour la première fois qu'après régularisation de l'appel ».

ALORS QUE l'appel est régulièrement formé par la remise au greffe d'une déclaration d'appel effectuée par une personne ayant le pouvoir de représenter la personne morale ; que le défaut de pouvoir d'une personne à représenter une personne morale constitue un vice de fond qui ne peut être régularisé que dans le délai d'appel qui est, en matière de référé, de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance ; que la cour d'appel a relevé que Monsieur Z..., membre du bureau national interprofessionnel du syndicat Sud Aérien, exclusivement mandaté par le syndicat Sud aérien pour interjeter appel de l'ordonnance du 18 mai 2012 rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny, n'avait régularisé l'appel effectué par le secrétaire de ce syndicat le 29 mai 2012 que par acte du 12 février 2013 ; que la cour d'appel aurait du déduire de ses propres énonciations que l'appel ainsi interjeté n'était pas recevable faute d'une régularisation dans le délai d'appel ; qu'en décidant le contraire, lors même que les statuts de ce syndicat ne précisaient pas que le secrétaire du syndicat Sud Aérien qui n'était pas Monsieur Z... était habilité à représenter ce syndicat dans toutes les instances juridiques, la cour d'appel a violé les articles 933, 58 et 117 du code de procédure civile ;

ET ALORS QU'UN vice de fond constitué par le défaut de pouvoir d'une personne à représenter une personne morale entraîne la nullité de l'acte sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un grief ; qu'en écartant la demande de nullité des appels formulée par la société Air France aux motifs que cette dernière ne justifiait pas d'un grief, lors même qu'elle constatait que la seule personne habilitée à interjeter appel de l'ordonnance du 18 mai 2012 du tribunal de grande instance de Bobigny au nom du syndicat Sud Aérien n'avait pas régularisé la déclaration d'appel dans le délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles 58, 117 et 119 du code de procédure civile.

ALORS, en toute hypothèse, QUE la régularité de l'appel formé par une personne ayant le pouvoir de représenter la personne morale est subordonnée au respect des procédures prévues dans les statuts de cette personne morale ; qu'en jugeant que l'appel du syndicat Sud Aérien représenté par Monsieur Z... était recevable sans s'interroger, ainsi qu'elle y était pourtant invitée par la société Air France, sur le respect par Monsieur Z... des dispositions des statuts du syndicat Sud Aérien qui prévoyaient une procédure particulière pour diligenter une action en justice au nom de ce syndicat, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;

D'AVOIR constaté le trouble manifestement illicite résultant de la violation de l'article L. 2315-1 du code du travail et du principe de liberté syndicale, jugé que la société Air France était tenue de comptabiliser les temps de délégation des délégués du personnel en heures et de laisser toute liberté aux représentants du personnel dans l'exercice de leur mandat et condamné cette dernière à verser au syndicat la somme de 5. 000 euros en réparation du préjudice causé à la profession ;

AUX MOTIFS QUE « sur le trouble manifestement illicite résultant de la violation de l'article L. 2315-1 du code du travail, qu'un syndicat a qualité pour agir devant le juge des référés, auquel il appartient d'interpréter une convention ou un accord dès lors que le trouble invoqué, procédant de la méconnaissance d'un droit, constitue une atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ; qu'il est acquis, aux termes de l'article L. 2315-1 susvisé, que l'employeur doit laisser aux délégués du personnel le temps nécessaire à l'exercice de leurs fonctions, considéré et payé comme temps de travail, dans les limites d'une durée qui, sauf circonstances exceptionnelles, ne peut excéder quinze heures par mois dans les entreprises d'au moins cinquante salariés ; que cette disposition légale du code du travail présente un caractère d'ordre public en tant qu'elle garantit aux travailleurs des avantages minimaux ne pouvant en aucun cas être supprimés ou réduits ; qu'en ce sens, la liberté d'utilisation par chaque représentant du personnel de son crédit d'heures de délégation, qui ne constitue pas un forfait, ne peut faire l'objet d'aucune limitation de l'employeur ; qu'en revanche, l'article en cause ne fait pas obstacle à l'augmentation des avantages légaux des délégués du personnel ou à la création de droits nouveaux par voie conventionnelle conformément aux prévisions de l'article L. 2312-6 ; qu'il ressort en l'espèce des accords conclus depuis le 1er janvier 1989 entre, d'une part, la Direction générale des Opérations aériennes et Commercial International de la société Air France, d'autre part, plusieurs organisations syndicales ne comprenant pas Sud Aérien, que le décompte des heures de délégation des personnels navigants commerciaux d'Air France est effectué par journée de travail, soit deux journées dites de « déprogrammation » se substituant aux quinze heures légales, outre une puis deux journées supplémentaires par délégué du personnel depuis février 2000 avec possibilité de report à une autre date du mois ; que, le dernier accord à durée déterminée relatif aux mandats électifs individuels étant arrivé à son terme, une note n° 10. 11 de la direction d'Air France, applicable au 1er mai 2011, reprenant en partie ces dispositions conventionnelles, a prévu la mise en place de deux jours de délégation pour le personnel navigant et 15 heures pour le personnel au sol au titre du mandat de délégué du personnel, outre un jour supplémentaire pour les personnels navigants techniques et au sol, deux pour les personnels navigants commerciaux au titre de l'assistance aux réunions ; que la société Air France, qui produit les décomptes de temps de délégation de plusieurs autres syndicats entre janvier 2003 et novembre 2011, met en avant les accords susvisés qu'elle qualifie d'« usage », pour justifier la relation qu'elle a établie entre les crédits d'heures de délégation des délégués du personnel et les jours de « programmation » ; Mais considérant que Sud Aérien fait justement valoir qu'elle a continué d'utiliser son crédit de délégation en heures sans opposition de l'employeur jusqu'à la fin de l'année 2011, ce dont elle rapporte la preuve par les justificatifs des « déprogrammations » accordées antérieurement par la direction aux déléguées de Sud, telles Mme Gaëlle X... en septembre 2011 ou Mme Sophie Y... en août et novembre 2009 ; qu'elle précise que ces modalités de décompte ne lui ont été opposées que depuis le début de l'année 2012, la programmation des heures de délégation de ses propres délégués n'ayant été convertie en jours forfaitaires qu'à compter du début de l'année 2012, ce qui a suscité son courrier de protestation du 12 janvier 2012 au fondement de l'assignation ; qu'en l'état de ces éléments, il y a lieu de constater que la société Air France n'a pas usé de la pratique qu'elle invoque, au moins à l'égard du syndicat Sud jusqu'au mois de janvier 2012 ; qu'une pratique, qui non seulement n'apparaît pas évidemment générale, constante et fixe, mais résulte au surplus de l'application d'un accord collectif, puis a fait l'objet d'un document écrit de l'employeur ne peut être qualifiée d'usage ; que le syndicat appelant argue à cet égard du fait qu'en tout état de cause, ces accords passés par Air France avec les autres organisations syndicales et matérialisés par la note de direction du 1er mai 2011 ne pourraient déroger à la loi que dans un sens plus favorable aux salariés ; qu'il y a lieu de relever avec le premier juge l'existence, dans la note en cause et les accords précédents, d'un régime différent pour les personnels au sol bénéficiant de quinze heures de délégation, outre sept heures supplémentaires, tandis que les personnels navigants disposent de deux jours, soit 14 heures de « déprogrammation », outre une journée supplémentaire ; que ce régime serait-il en rapport légitime avec les contraintes particulières qui pèsent sur le personnel navigant, apparaît non seulement différencié, voire discriminatoire à l'égard de ces derniers, mais également contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L. 2315-1 du code du travail dès lors qu'il n'apparaît pas « plus favorable » que la règle de droit applicable ; que si l'employeur, lié par un accord collectif, ne peut refuser à une organisation syndicale, signataire ou non, le bénéfice de ses dispositions estimées plus favorables que les dispositions légales, il ne lui appartient pas non plus d'imposer unilatéralement cet accord à un syndicat non signataire ; que la société Air France ne peut opposer au syndicat Sud Aérien la note litigieuse qui n'a pas valeur contractuelle et ne caractérise pas un usage constant ; qu'il y a donc lieu de constater le trouble manifestement illicite étant résulté de la violation par la société Air France des articles L. 2315-1 du code du travail, ainsi que de l'atteinte à la liberté syndicale ; que l'atteinte ainsi portée par Air France au libre exercice de l'activité syndicale des délégués du personnel de Sud Aérien a causé à cette organisation syndicale un préjudice qu'il convient de réparer par l'allocation d'une somme de 5. 000 euros ».

ALORS QU'aux termes de l'article R. 1455-6 du code du travail et de l'article 809 alinéa du code de procédure civile, si la formation de référé peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, c'est uniquement pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que pour affirmer que la société Air France était tenue de comptabiliser les temps de délégation des délégués du personnel navigant en heures et non pas en jours et la condamner à verser au syndicat Sud Aérien la somme de 5. 000 euros à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel a jugé que les accords collectifs conclus depuis le 1er janvier 1989 par la société Air France qui prévoyaient au moins deux journées de déprogrammation pour l'exercice des mandats des délégués du personnel navigant au lieu des quinze heures mensuelles instituées par l'article L. 2315-1 du code du travail, étaient discriminatoires et contraires aux dispositions légales ; que le trouble allégué ne pouvait être manifestement illicite dans la mesure où la cour d'appel a dû se prononcer sur la validité d'accords collectifs ; que la cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail et l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile.

ET ALORS QUE l'existence d'un trouble manifestement illicite ne peut pas être retenue lorsque l'issue du litige impose de se déterminer sur la qualification d'un acte juridique ; que pour affirmer que la société Air France était tenue de comptabiliser les temps de délégation des délégués du personnel navigant en heures et non pas en jours et la condamner à verser au syndicat Sud Aérien la somme de 5. 000 euros à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel a jugé que la société Air France ne pouvait pas se prévaloir d'un usage au sein de l'entreprise consistant à comptabiliser en jours les crédits d'heures de délégation des délégués du personnel navigant ; que la cour d'appel en se prononçant sur la qualification d'un usage pour relever l'existence d'un trouble manifestement illicite a, à nouveau, violé l'article R. 1455-6 du code du travail et l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile.

ALORS, PAR AILLEURS, QU'il n'y a pas de trouble manifestement illicite lorsqu'il est établi que la pratique litigieuse a été instituée en raison de contraintes particulières, a fait l'objets d'accords collectifs successifs pendant des années et a été approuvée par la majorité des organisations syndicales de l'entreprise ; que la cour d'appel a relevé qu'il ressortait des accords conclus depuis le 1er janvier 1989 entre la direction générale des opérations aériennes de la société Air France et plusieurs organisations syndicales ne comprenant pas Sud Aérien, que le décompte des heures de délégation des personnels navigants d'Air France est effectué par journée de travail, soit deux journées dites de déprogrammation se substituant aux quinze heures légales, outre une puis deux journées supplémentaires par délégué du personnel depuis février 2000 en raison des contraintes particulières qui pèsent sur le personnel navigant en matière de durée du travail et du temps de repos obligatoire ; que la cour d'appel aurait du déduire de ses propres énonciations, l'absence de trouble manifestement illicite ; qu'en décidant que le décompte des temps de délégation des personnels navigants par journée de travail, constituait un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail et l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile.

ALORS, à titre subsidiaire, QUE le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en affirmant pour faire droit à la demande du syndicat Sud Aérien que ce dernier justifiait avoir utilisé son crédit de délégation en heures sans opposition de l'employeur jusqu'à la fin de l'année 2011 en produisant les justificatifs des heures de délégation accordées à Mesdames X... et Y..., lors même qu'il ressortait des documents litigieux qu'il ne s'agissait que d'une simple demande formulée par le syndicat Sud Aérien pour ces salariés et non pas d'une acceptation de la société Air France d'un décompte du crédit de délégation en heures, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1134 du code civil.

ALORS, également à titre subsidiaire, QU'aux termes de l'article L. 2315-1 du code du travail, dans les entreprises de cinquante salariés et plus, l'employeur doit laisser aux délégués du personnel quinze heures par mois pour l'exercice de leurs fonctions ; que la cour d'appel, qui a relevé qu'au sein de la société Air France les personnels navigants disposaient de deux jours, soit quatorze heures de déprogrammation, outre une journée supplémentaire, aurait du en déduire que le système ainsi institué était plus favorable que le système légal, en sorte qu'il pouvait être valablement appliqué ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 2315-1 du code du travail, ensemble le principe de faveur ;

ALORS, en outre, également à titre subsidiaire, QU'il n'y a pas discrimination dès lors que la disparité de traitement constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en jugeant que le régime appliqué aux délégués du personnel navigant de la société Air France au titre du décompte de leur temps de délégation était discriminatoire, bien qu'elle ait relevé que ce personnel était soumis à des contraintes particulières, ce dont il résultait, l'existence d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a violé les articles 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

ALORS, en toute hypothèse, QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que la cour d'appel a considéré que le système de décompte des temps de délégation existant au sein de la société Air France pour les délégués du personnel navigant était illégal et discriminatoire ; que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de la société Air France qui soutenait qu'au regard de la spécificité de l'organisation du temps de travail du personnel navigant technique soumis à des temps de repos obligatoires, un système de décompte du temps de délégation en heures et non en jours aboutirait à une absence totale de prestation de travail plusieurs mois par an pour les seuls délégués du personnel Sud Aérien, toutes les autres organisations syndicales se conformant au système de décompte en jours, ce qui était contraire à l'objet même de la loi sur les crédits d'heures de délégation et aboutirait à une situation inextricable au sein de la société Air France ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef déterminant des conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.