Jurisprudence sociale
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Cassation sociale, 17 novembre 2015, n° 14-13.072
Le CE ne peut pas agir en justice contre l'employeur pour demander l'application des clauses de la convention collective dont l'entreprise relève.
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mardi 17 novembre 2015 N° de pourvoi: 14-13072 Non publié au bulletin Cassation partielle
M. Mallard (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Helpline ayant pour activité principale l'assistance technique par téléphone et relevant de la convention collective nationale des commerces de détail de la papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie du 15 décembre 1988 a fusionné le 1er janvier 2007 avec la société Victoria consulting, relevant de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (Syntec) du 15 décembre 1987 ; qu'un accord d'entreprise du 28 février 2007 a prévu que la nouvelle société appliquerait la convention précitée du 15 décembre 1988, les salariés bénéficiaires de la convention Syntec conservant leurs avantages acquis ; que le comité d'entreprise et le syndicat FNPSECP-CGT (le syndicat) ont assigné le 1er juin 2011 la société devant le tribunal de grande instance d'une demande tendant à l'application de la convention Syntec à la société ; que celle-ci a appliqué la convention à compter du 1er juillet 2011 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le moyen fait grief à l'arrêt de rejeter la demande du syndicat visant à voir enjoindre à la société d'appliquer la convention Syntec à l'ensemble des salariés de la société depuis 2007 alors, selon le moyen :
1°/ que la convention collective applicable à une entreprise est celle qui régit son activité principale, si elle est plus favorable, peu important un accord décidant d'appliquer une autre convention ; que les salariés peuvent donc prétendre au bénéfice des dispositions de la convention dans le champ d'application de laquelle entre l'entreprise ; que dès lors en disant que l'employeur pouvait ne pas accorder aux salariés les avantages de la convention collective correspondant à l'activité principale de l'entreprise en raison d'un accord collectif, contesté dans la procédure, faisant choix d'une autre convention, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 2261-2, L. 2253-1 à L. 2253-3 du code du travail ;
2°/ que la décision de justice qui déclare applicable une convention collective est déclarative et non constitutive de droits ; que, dès lors en disant qu'une convention applicable en raison de son champ d'application mais non appliquée, ne pouvait l'être qu'à compter du jugement la déclarant applicable, la cour d'appel a encore violé ensemble les articles L. 2132-3 et 2261-2 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'un accord d'entreprise signé le 28 février 2007 prévoyait que la convention collective applicable serait celle de la bureautique, la cour d'appel a exactement décidé que cet accord ne pouvait être remis en cause de manière rétroactive ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que le comité d'entreprise fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en son action tendant à demander l'application des dispositions de la convention Syntec au bénéfice des salariés de la société alors, selon le moyen, que le comité d'entreprise justifie de son intérêt à agir dès lors que son action porte sur une question ayant une incidence sur la masse salariale sur laquelle est calculée la subvention de fonctionnement annuelle fixée à 0,2 % de ladite masse et sur le montant de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles, dès lors en déclarant le comité d'entreprise irrecevable à demander l'application d'une convention collective et à enjoindre l'employeur à verser à l'ensemble des salariés des primes et compléments de salaire, et à leur attribuer des jours de congés payés découlant de l'application du texte conventionnel alors que ce versement avait un impact sur les droits patrimoniaux du comité d'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-1, L. 2325-43 et L. 2323-86 du code du travail ;
Mais attendu que si les organisations ou groupements ayant la capacité d'ester en justice, liés par une convention ou un accord collectif de travail, peuvent en leur nom propre intenter contre toute personne liée par la convention ou l'accord toute action visant à obtenir l'exécution des engagements contractés et le cas échéant, des dommages-intérêts, cette disposition ne concerne pas le comité d'entreprise mais seulement les organisations ou groupements qui ont le pouvoir de conclure une convention ou un accord collectif de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais, sur le deuxième moyen :
Vu l'article L. 2132-3 du code du travail ;
Attendu que pour rejeter la demande du syndicat, l'arrêt retient qu'il n'y pas lieu de prononcer une injonction concernant l'application des dispositions particulières relatives aux primes et compléments de salaires, la détermination de ces droits dépendant de la situation individuelle de chaque salarié, et notamment de ceux provenant de la société Victoria Consulting qui ont conservé le bénéfice de ces avantages individuels, chaque salarié ayant le droit d'agir en paiement de sommes qui ne lui auraient pas été versées conformément à sa situation personnelle ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses énonciations que l'action du syndicat ne tendait pas au paiement de sommes déterminées à des personnes nommément désignées mais à l'application d'une convention collective à l'ensemble du personnel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande du syndicat FNPSECP-CGT, en ce que cette demande tendait à l'application d'une convention collective à l'ensemble du personnel, l'arrêt rendu le 4 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Helpline-Victoria aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Helpline-Victoria à payer au comité d'entreprise de la société Helpline-Victoria et à la Fédération nationale des personnels des sociétés d'étude de conseil et de prévention CGT la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour le comité d'entreprise de la société Helpline-Victoria et la Fédération nationale des personnels des sociétés d'étude de conseil et de prévention CGT
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande du syndicat FNPSECP-CGT visant à voir enjoindre à la société d'appliquer la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils à l'ensemble des salariés de la société HELPLINE depuis 2007;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le syndicat FNPSECP-CGT a qualité pour solliciter l'application de ces dispositions au sein de la société HELPLINE, s'agissant de la défense de l'intérêt collectif des salariés qu'ils représentent conformément à l'article L. 2132-3 ; ce texte ne lui permet pas d'obtenir le paiement de sommes déterminées que chaque salarié serait en droit d'obtenir dans le cadre d'une action individuelle exercée devant le conseil de prud'hommes ; mais la demande du syndicat FNPSECP-CGT visant à enjoindre à la société de verser à l'ensemble des salariés des primes et compléments de salaire, et de leur attribuer des jours de congés payés découlant de l'application d'un texte conventionnel, ressort bien de l'action collective que le syndicat peut exercer devant le tribunal de grande instance ; dès lors, le jugement qui a rejeté les moyens d'irrecevabilité soutenus par la société HELP-LINE-VICTORIA à l'encontre du syndicat FNPSECP-CGT, doit également être confirmé de ces chefs ; Sur l'application de la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils ; en application de l'article L. 2261-2 du code du travail, la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur. En cas de pluralité d'activités rendant incertaine l'application de ce critère, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l'entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables ; à l'appui de son appel, la société HELPLINE soutient que son activité prépondérante entre 2007 et 2010 est l'activité de support technique au regard de son chiffre d'affaires et de ses effectifs, le conseil informatique ne constituant qu'une activité minoritaire de son département Experteam ; que l'assistance technique ne relève d'aucun métier informatique, ni d'aucune convention collective spécifique, l'activité centre d'appels ne relevant pas d'une activité d'études informatiques ; que les techniciens fournissent une assistance technique aux utilisateurs, mais pas de conseils au sens de recommandations ou de préconisations ; à titre subsidiaire, la société fait valoir que l'accord conclu le 28 février 2007 applicable depuis le 1er janvier 2007, a écarté la convention collective des bureaux d'études, sans contestation entre 2007 et 2010, mais qu'elle a accepté de faire une application volontaire de cette convention à compter du 1er juillet 2011 dans le cadre de la négociation collective au sein du CE ; en réplique, le syndicat FNPSECP-CGT fait valoir que la société HELPLINE exerce une activité de conseils informatiques ce qui résulte de ses statuts, de ses comptes, 99 % de son chiffre d'affaire étant constitué par l'activité de prestation de services informatiques ; qu'elle est un prestataire de services informatiques certifié ISO 9001 en prestations d'assistance technique en informatique, systèmes et réseaux et architectures distribuées ; que son code INSEE est le 62.03Z visé par l'article 1 de la convention collective SYNTEC ; au vu des pièces produites, il apparaît qu'un accord d'entreprise a été signé avec les syndicats CFDT et CFTC le 28 février 2007 à effet du 1er janvier 2007, afin de tenir compte de la fusion des sociétés HELP-LINE et VICTORIA CONSULTING ; l'accord dispose que la convention collective applicable au sein de la nouvelle entreprise HELPLINE-VICTORIA est celle de la bureautique, avec reconnaissance expresse pour les salariés de la société VICTORIA CONSULTING du maintien des avantages individuels acquis ; cet accord à durée indéterminée n'a pas été contesté à l'époque, ni formellement dénoncé, mais une négociation s'est engagée dans le courant de l'année 2010 afin d'étudier l'opportunité de changer de convention collective en réponse à la demande des représentants des salariés d'appliquer la convention collective des bureaux d'études qu'ils jugeaient 'mieux adaptée' à l'activité de l'entreprise (PV du 3 novembre 2010) ; ces négociations ont abouti à des comparaisons entre les avantages issus de l'application respective de la convention collective de la bureautique et celle des bureaux d'études, puis ont été interrompues suite à un vote du comité d'entreprise du 9 décembre 2010 de solliciter en justice l'application de la convention collective des bureaux d'études ; dans le cadre de ses conclusions d'instance, la société HELPLINE a indiqué qu'elle s'est engagée à faire une application volontaire de cette convention à compter du 1er juillet 2011, le litige provenant de la volonté du comité d'entreprise d'obtenir une application à compter du 1er janvier 2011, ces éléments bien que ne ressortant pas des pièces versées aux débats devant être considérés comme acquis ; il convient toutefois au préalable de rappeler le caractère obligatoire de l'accord du 28 février 2007, qui sans porter atteinte aux avantages individuels acquis par les salariés de VICTORIA CONSULTING, interdit la remise en cause de façon rétroactive par une action collective, de l'accord conclu au sein de l'entreprise ; le syndicat FNPSECP-CGT ne peut donc solliciter l'application du texte conventionnel conformément à l'article L. 2261-2 du code du travail que par l'effet déclaratif d'une décision de justice, en l'absence d'un nouvel accord collectif ; L' article L. 2261-2 du code du travail doit conduire à rechercher l'activité principale exercée par l'employeur pour déterminer la convention collective applicable ; le code NAF attribué par l'INSEE donne une indication sur l'activité de l'entreprise, permettant son rattachement à une convention collective déterminée, et il appartient à celui qui demande l'application d'une convention distincte, d'établir que l'activité réelle de l'entreprise la rattache au champ professionnel du texte revendiqué ; il convient de constater que le code APE de la société HELPLINE, 62.03Z, permet de la rattacher à la convention collective des bureaux d'études ; pour s'opposer à cette application, la société fait valoir que son activité prépondérante est le support technique par téléphone ; or, cette activité de support relève bien de la convention collective des bureaux d'études, s'agissant d'une activité de conseils et de services informatiques, et non pas de la convention collective de la bureautique qui vise globalement la fourniture et le commerce de détail de matériels de bureautique et d'informatique ; il s'ensuit que la convention collective des bureaux d'études doit s'appliquer au sein de la société HELPLINE pour l'ensemble des salariés, la cour constatant que la société s'est engagée à faire une application volontaire de cette convention à compter du 1er juillet 2011 ; il n'y pas lieu de prononcer une injonction concernant l'application des dispositions particulières relatives aux primes et compléments de salaires, la détermination de ces droits dépendant de la situation individuelle de chaque salarié, et notamment de ceux provenant de la société VICTORIA CONSULTING qui ont conservé le bénéfice de ces avantages individuels, chaque salarié ayant le droit d'agir en paiement de sommes qui ne lui auraient pas été versées conformément à sa situation personnelle.
ALORS QUE la convention collective applicable à une entreprise est celle qui régit son activité principale, si elle est plus favorable, peu important un accord décidant d'appliquer une autre convention ; que les salariés peuvent donc prétendre au bénéfice des dispositions de la convention dans le champ d'application de laquelle entre l'entreprise ; que dès lors en disant que l'employeur pouvait ne pas accorder aux salariés les avantages de la convention collective correspondant à l'activité principale de l'entreprise en raison d'un accord collectif, contesté dans la procédure, faisant choix d'une autre convention, la Cour d'appel a violé ensemble les articles L 2261-2, L. 2253-1 à L. 2253-3 du code du travail ;
ALORS QUE la décision de justice qui déclare applicable une convention collective est déclarative et non constitutive de droits ; que, dès lors en disant qu'une convention applicable en raison de son champ d'application mais non appliquée, ne pouvait l'être qu'à compter du jugement la déclarant applicable, la Cour d'appel a encore violé ensemble les articles L. 2132-3 et 2261-2 du code du travail ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande du syndicat FNPSECP-CGT visant à voir enjoindre à la société d'appliquer la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils à l'ensemble des salariés de la société HELPLINE depuis 2007 et de verser en conséquence à l'ensemble des salariés les primes et compléments de salaire et de leur attribuer des jours de congés payés découlant de l'application de la convention collective dont ils auraient dû bénéficier depuis 2007 ainsi qu'au prononcé d'une astreinte ;
AUX MOTIFS ENONCES AU PREMIER MOYEN
ALORS QU'en écartant la demande du syndicat visant à obtenir qu'il soit enjoint à l'employeur d'appliquer à l'ensemble des salariés les dispositions de la convention collective relatives aux primes et compléments, alors qu'une telle demande ne tendait pas au paiement de sommes déterminées à des personnes nommément désignées, mais seulement à l'application de la convention collective la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail ;
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