Jurisprudence sociale
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Cassation sociale, 23 mars 2016, n° 14-21.772
Le caractère intentionnel de la dissimulation peut résulter du paiement des heures supplémentaires en partie sous forme de primes.
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 23 mars 2016 N° de pourvoi: 14-21772 Non publié au bulletin Cassation partielle
Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 8221-5 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par arrêt du 12 septembre 2013, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a dit que la démission de M. X... s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur, la société Sadispin, au paiement d'une somme à titre d'heures supplémentaires ; que le salarié a déposé une requête en omission de statuer sur sa demande au titre du travail dissimulé ;
Attendu que, pour débouter le salarié de cette demande, l'arrêt retient que le salarié ne produit ni ne développe aucun élément objectif de nature à établir que le défaut de paiement des heures supplémentaires et l'absence de mentions de celles-ci sur ses bulletins de salaire revêtent un caractère intentionnel ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, comme il lui était demandé, le caractère intentionnel de la dissimulation ne résultait pas du paiement des heures supplémentaires en partie sous forme de primes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. X... au titre du travail dissimulé, l'arrêt rendu le 23 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Sadispin aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sadispin à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. X...
IL FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QU' il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 8223-1 du code du travail que le fait de mentionner sur les bulletins de salaire un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué caractérise de façon automatique une dissimulation d'emploi, le caractère intentionnel de travail dissimulé ne pouvant se déduire, de la seule absence de mention de ces heures sur les bulletins de salaire ; qu'il appartient au salarié de démontrer le caractère intentionnel de cette omission ; qu'en l'espèce, M. X... ne produit, ni ne développe aucun élément objectif de nature à établir que le défaut de paiement des heures supplémentaires et l'absence de mention de celles-ci sur ses bulletins de salaire revêtent un caractère intentionnel ; que M. X... sera dès lors débouté de sa demande ;
1°) ALORS QUE le délit de travail dissimulé est constitué lorsque les heures supplémentaires effectuées par le salarié sont rémunérées par le paiement de primes exceptionnelles ; qu'en l'espèce, pour débouter M. X... de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, la cour d'appel a estimé que « M. X... ne produit ni ne développe aucun élément objectif de nature à établir que le défaut de paiement des heures supplémentaires et l'absence de mention de celles-ci sur ses bulletins de salaire revêtent un caractère intentionnel » (arrêt, p. 4 § 9) ; qu'en ne recherchant pas, comme il lui était demandé, si le caractère intentionnel de la dissimulation était établi par le paiement de plusieurs primes à la place du paiement des heures supplémentaires effectuées par le salarié, ce qui était reconnu par l'employeur dans la lettre du 28 mars 2011 produite aux débats et qui ressortait des bulletins de salaire des mois de mars, juin et septembre 2010, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE M. X... faisait valoir que « la société Sadispin indique elle-même avoir versé des primes en lieu et place des heures supplémentaires » (concl., p. 17 § 5) ; qu'il produisait la lettre du 28 mars 2011 dans laquelle l'employeur indiquait que « l'examen de vos bulletins de paye et des primes exceptionnelles qui vous ont été versées aux mois précités illustre qu'à ces époques, votre temps de travail correspond très exactement à l'activité complémentaire qui vous a été occasionnée par l'absence de M. Y.... C'est ainsi que la prime de 100 euros que vous avez touchée en mars 2010 correspond à 6 heures 88 centièmes supplémentaires majorées à 25%. La prime de 100 euros que vous avez perçue au titre de votre salaire de juin 2010 (...) correspond toujours pour une semaine, à 6 heures 88 centièmes supplémentaires majorées à 25%. La prime de 200 euros que vous avez perçue au titre du mois de septembre 2010 (...) correspond à 13 heures 70 centièmes supplémentaires majorées à 25% (...). De tous ces éléments, il ressort que, contrairement à ce que vous soutenez, les heures supplémentaires qui vous ont été demandées par la direction vous ont bel et bien été rémunérées » (lettre du 28 mars 2011, p. 5) ; qu'en affirmant néanmoins que « M. X... ne produit ni ne développe aucun élément objectif de nature à établir que le défaut de paiement des heures supplémentaires et l'absence de mentions de celles-ci sur ses bulletins de salaire revêtent un caractère intentionnel » (arrêt, p. 4 § 9), sans analyser la lettre du 28 mars 2011 qui démontrait au contraire que le défaut de paiement des heures supplémentaires était intentionnel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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