Cassation sociale, 2 mars 2016, n° 14-18.900 cassation sociale - Editions Tissot

Jurisprudence sociale

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Cassation sociale, 2 mars 2016, n° 14-18.900

Est constitutif de travail dissimulé l’absence de bulletin de salaire et de versement au titre des cotisations sociales pour un second contrat d’apprentissage, alors que, pour le premier contrat, les bulletins de salaire et les cotisations sociales avaient été établis.

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 2 mars 2016
N° de pourvoi: 14-18900
Non publié au bulletin Rejet

Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Grenoble, 24 octobre 2013) et des pièces de la procédure, que Mme X..., orpheline de père et de mère, a été confiée par décision du conseil de famille du 21 juin 2001 à sa tante maternelle, Mme Y..., dont l'époux, M. Z..., exploitait un restaurant ; que ce dernier a conclu le 15 septembre 2007 avec Mme X... un contrat d'apprentissage d'une durée de deux ans ; que par avenant du 15 septembre 2009, le contrat a été prorogé jusqu'au 30 juin 2010 ; que Mme Y... a perçu la rémunération due à l'apprentie et l'a affectée au paiement de ses frais d'entretien et d'hébergement ; qu'ayant démissionné à compter du 31 décembre 2009, Mme X... a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir le paiement de ses salaires ; que M. Z... est décédé le 29 avril 2011, en cours d'instance ; Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses deux premières branches, après avis de la première chambre civile en date du 28 octobre 2015 :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant constaté que l'employeur, qui avait établi des bulletins de paie pour le premier contrat d'apprentissage, n'avait en revanche établi aucun bulletin de paie, ni effectué aucun versement au titre des cotisations sociales pour le second contrat, la cour d'appel a fait ressortir qu'il avait dès lors dissimulé intentionnellement le travail de l'apprentie ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Mme Chrystel Z... à payer à Mlle X... les sommes de 9.557,92 et de 2.434,60 euros à titre de rappels de salaires, respectivement pour les périodes allant d'octobre 2007 à septembre 2009, puis du 15 septembre au 31 décembre 2009, outre les congés payés afférents, et la somme de 4.175,40 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, ainsi que de l'avoir condamnée à régulariser les cotisations sociales non versées au titre du second contrat d'apprentissage ;

AUX MOTIFS QUE la salariée demande la condamnation de Chrystel Z... au paiement de créances salariales en son nom personnel et en sa qualité d'héritière (...) ; que si Chrystel Z... ne peut être poursuivie en qualité d'employeur au titre de créances salariales, elle peut l'être en son nom personnel si elle doit celles-ci à titre personnel, et peut l'être en qualité d'héritière de son époux en cas de renonciation non valable ; qu'il ressort d'une attestation écrite de la main de Chrystel Z... (¿) qu'elle a perçu elle-même les salaires de la salariée, en compensation des frais d'entretien et de logement ; qu'en raison de l'intérêt commun des époux dans la gestion du restaurant, Chrystel Z... n'a pu décider de ce fonctionnement qu'avec l'accord de son époux ; que l'article L. 3251-4 du code du travail interdit à tout employeur d'imposer des versements d'argent ou d'opérer des retenues d'argent sous la dénomination de frais ou toute autre dénomination à l'occasion de l'exercice normal du travail dans le secteur des hôtels, restaurants, cafés et établissements similaires ; que sa qualité de tutrice ne permettait pas à Chrystel Z... de disposer des salaires de la mineure jusqu'à sa majorité, sans autorisation du conseil de famille, conformément aux articles 500 et suivants du code civil ; qu'en ne reversant pas les salaires à Stéphanie X..., Chrystel Z... a détourné ceux-ci, et est devenue débitrice de ces salaires à titre personnel (¿) ; que Stéphanie X... produit aux débats un second contrat d'apprentissage en date du 29 septembre 2099 à effet du 14 septembre 2009, signé par la salariée et l'employeur ; que jusqu'à sa démission, l'exécution de la prestation de travail de la salariée n'a pas été contestée ; qu'il n'est versé aucun bulletin de salaire ; qu'une dette professionnelle contractée par un époux est présumée commune ; qu'il convient de relever sur ce point que les deux époux géraient ensemble le restaurant, au vu du contrat de bail d'immeuble conclu entre les époux en leur qualité de commerçants et la commune de Valoire ; que Chrystel Z... n'établit pas que son époux a exécuté son obligation au paiement du salaire ; que s'agissant d'une dette de la communauté, chaque époux est redevable lors de la dissolution de la communauté, et de sa liquidation, de la moitié de la dette (¿) ; que sur l'autre moitié incombant à l'époux décédé, une renonciation à succession ne peut avoir aucun effet lorsque celui qui renonce a accepté tacitement la succession ; qu'il ressort des pièces produites aux débats que Chrystel Z... gérait avec son époux le restaurant ; qu'après le décès de l'époux, Chrystel Z... a repris seule le fonds de commerce ; qu'aucun partage de la communauté n'a été réalisé, que la succession de son époux n'a fait l'objet d'aucun règlement, les héritiers ayant renoncé à la succession ; que pourtant le fonds de commerce qui était un bien commun et faisait partie partiellement de l'actif successoral a été gardé par Chrystel Z... qui continue de l'exploiter ; qu'en renonçant à la succession alors qu'elle en bénéficie à une date où la procédure devant le conseil de prud'hommes était engagée, Chrystel Z... a tenté d'échapper au règlement des dettes de rappel de salaires ; que cette renonciation n'était guidée que par la volonté de faire échec aux demandes de Stéphanie X... ; que la renonciation ne peut dès lors avoir aucun effet ; que Chrystel Z... est tenue en qualité d'héritière de payer la moitié de la dette de son époux ;

1) ALORS QU'une personne ne peut se voir reprocher d'avoir pratiqué une retenue illicite sur la rémunération d'un salarié que si elle en est l'employeur ; que la cour d'appel, qui a retenu que Mme Z... n'avait pas la qualité d'employeur en énonçant qu'elle « ne p(ouvait) être poursuivie en qualité d'employeur au titre de créances salariales », a, en la condamnant Mme Z... au paiement de rappels de salaires sur le fondement d'une retenue prohibée, violé l'article L. 3251-4 du code du travail ;*

2) ET ALORS QUE, en toute hypothèse, deux personnes ne peuvent être tenues à l'obligation de verser sa rémunération au salarié qu'en leur qualité de co-employeurs ; que le co-emploi, qui implique une confusion, non seulement d'activités et d'intérêts, mais encore de direction entre deux personnes morales ou physiques, ne peut être qualifié en l'absence de tout élément de subordination juridique caractérisant les rapports du salarié et de l'une d'elles ; que la cour d'appel, qui a relevé l'existence d'un « intérêt commun des époux dans la gestion du restaurant » et celle d'un « contrat de bail d'immeuble conclu entre les époux en leur qualité de commerçants et la commune de Valoire », n'a pas, par ces seuls motifs, justifié la condamnation de Mme Chystel Z... au titre d'une situation de co-emploi, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard des articles L. 3241-1 et L. 3251-4 du code du travail ;

3) ET ALORS QUE la perception des revenus, ainsi que leur affectation à l'entretien et à l'éducation du mineur constituent des actes d'administration que le tuteur accomplit sans autorisation ; que la cour d'appel, en énonçant que sa qualité de tutrice ne permettait pas à Chrystel Z... de disposer des salaires de la mineure jusqu'à sa majorité, sans autorisation du conseil de famille, conformément aux articles 500 et suivants du code civil et qu'en ne reversant pas les salaires à Stéphanie X..., elle avait détourné ceux-ci, pour en déduire qu'elle était devenue débitrice de ces salaires à titre personnel, a violé l'article 496 du code civil, ensemble l'article 1er et l'annexe 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Mme Chrystel Z... à payer à Mlle X... la somme de 2.434,60 euros à titre de rappel de salaires pour la période allant du 15 septembre au 31 décembre 2009, outre les congés payés afférents, et la somme de 4.175,40 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, ainsi que de l'avoir condamnée à régulariser les cotisations sociales non versées au titre du second contrat d'apprentissage ;

AUX MOTIFS QUE Stéphanie X... produit aux débats un deuxième contrat d'apprentissage en date du 29 septembre 2009 à effet du 14 septembre 2009, signé par la salariée et l'employeur (¿) ; qu'une dette professionnelle contractée par un époux est présumée commune ; que les deux époux géraient ensemble le restaurant au vu du contrat de bail d'immeuble conclu entre les époux en leur qualité de commerçants et la commune de Valoire ; que Chrystel Z... n'établit pas que son époux a exécuté son obligation au paiement du salaire ; que s'agissant d'une dette de la communauté, chaque époux est redevable lors de la dissolution de la communauté et de sa liquidation de la moitié de la dette, que Chrystel Z... sera condamnée au paiement de la moitié de la dette ; que sur l'autre moitié incombant à son époux décédé, une renonciation à succession ne peut avoir aucun effet lorsque celui qui renonce a accepté tacitement la succession, ainsi que le soutient Stéphanie X... ; qu'il ressort des pièces produites aux débats que Chrystel Z... gérait avec son époux le restaurant ; qu'après le décès de l'époux, Chrystel Z... a repris seule le fonds de commerce ; qu'aucun partage de la communauté n'a été réalisé, que la succession de son époux n'a fait l'objet d'aucun règlement, les héritiers ayant renoncé à la succession ; que pourtant le fonds de commerce qui était un bien commun et faisait partie partiellement de l'actif successoral a été gardé par Chrystel Z... qui continue de l'exploiter ; qu'en renonçant à la succession alors qu'elle en bénéficie à une date où la procédure devant le conseil de prud'hommes était engagée, Chrystel Z... a tenté d'échapper au règlement des dettes de rappel de salaires ; que cette renonciation n'était guidée que par la volonté de faire échec aux demandes de Stéphanie X... ; que la renonciation à succession ne peut dès lors avoir aucun effet ; que Chrystel X... est tenue en qualité d'héritière de payer la moitié de la dette de son époux (¿) ; qu'aucun bulletin de salaire n'a été établi pour le deuxième contrat d'apprentissage, qu'aucune somme n'a été versée au titre des cotisations sociales aux organismes sociaux ; que l'employeur a dès lors dissimulé intentionnellement le travail de Stéphanie X... ;

1) ALORS QUE, D'UNE PART, la sauvegarde de ses droits par le créancier de celui qui renonce à une succession au préjudice de ses droits suppose qu'il saisisse le juge d'une demande tendant à être autorisé à accepter la succession du chef de son débiteur ; que la cour d'appel a jugé que la renonciation de Mme Z... à la succession de son époux était privée d'effet, pour cette seule raison qu'aucun partage de la communauté n'ayant été réalisé et que la succession de son époux n'ayant fait l'objet d'aucun règlement, elle avait continué d'exploiter le fonds, ce dont elle a déduit que cette renonciation n'aurait été guidée que par la volonté de faire échec aux demandes de Stéphanie X... ; qu'en statuant ainsi, sans avoir constaté que Stéphanie X... avait saisi le juge d'une demande tendant à être autorisée à accepter la succession du chef de Mme Z..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 779 et 806 du code civil ;

2) ET ALORS QUE, D'AUTRE PART, seuls les créanciers personnels de celui qui renonce à une succession au préjudice de leurs droits peuvent demander à être autorisés à accepter la succession du chef de leur débiteur ; qu'en retenant que Chrystel Z... était tenue en qualité d'héritière de payer la moitié de la dette de son époux, comme conséquence de l'absence d'effet à sa renonciation, la cour d'appel a violé les articles 779 et 806 du code civil ;

3) ET ALORS ENFIN QUE la condamnation de l'employeur au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé suppose une intention de l'employeur de commettre les faits prohibés, laquelle ne peut se déduire d'une absence de mention sur les bulletins de salaires, non plus que d'une absence de bulletins de salaires ; que la cour d'appel, en se fondant sur les constatations selon lesquelles aucun bulletin de salaire n'avait été établi pour le second contrat d'apprentissage et aucune somme n'avait été versée au titre des cotisations sociales aux organismes sociaux, s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser l'élément intentionnel du travail dissimulé, et a violé les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail.