Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 16 mars 2016
N° de pourvoi: 14-16359 14-16361 14-16365 14-16397 14-16398
Non publié au bulletin Rejet
Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° W 14-16. 359, Y 14-16. 361, C 14-16. 365, N 14-16. 397 et P 14-16. 398 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 25 février 2014), que cinq salariés de la société Plastique forme international ont saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de rappels de salaire et de sommes au titre de la contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage ;
Sur le premier moyen, commun aux pourvois :
Attendu que l'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à payer aux salariés certaines sommes au titre du temps d'habillage et de déshabillage, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article L. 3121-3 du code du travail, les contreparties dont fait l'objet le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ; qu'il en résulte que le bénéfice de ces contreparties est subordonné à la réalisation des deux conditions cumulatives prévues par ce texte, à savoir l'obligation au port d'une tenue de travail et l'obligation de réaliser l'habillage et le déshabillage dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ; qu'en affirmant que le bénéfice des contreparties financières aux opérations d'habillage et de déshabillage est subordonné à la réalisation de deux conditions cumulatives, le port d'une tenue de travail et le fait que les opérations d'habillage et de déshabillage soient réalisées dans l'entreprise ou sur les lieux du travail, et en accordant une contrepartie aux salariés tout en constatant qu'une partie seulement des salariés portaient une blouse et que certains salariés quittaient l'entreprise avec leurs chaussures de sécurité, ce dont il résultait qu'ils n'étaient pas tenus de s'habiller et de se déshabiller dans l'entreprise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2°/ que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en affirmant que les salariés réalisaient les opérations d'habillage et de déshabillage dans les vestiaires de l'entreprise et qu'il n'était pas sérieux de prétendre que les salariés pouvaient mettre chez eux les chaussures de sécurité et faire leurs déplacements pour se rendre au travail et quitter l'entreprise munis de ces dernières, quand elle avait relevé au préalable que les huissiers ayant établi un constat le 4 juin 2012 avaient relevé que trois salariés avaient quitté l'entreprise avec leurs chaussures de sécurité, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que l'article 4 « Outillages et machines » du règlement intérieur de la société Plastique forme international interdisant d'emporter le matériel confié par l'entreprise en dehors de celle-ci sans autorisation, et l'article 34 « conditions d'utilisation du matériel » du règlement intérieur de la société Plaselec interdisant d'emporter hors de l'établissement sans autorisation de la direction aucun objet ou document appartenant à l'entreprise ne sont pas applicables aux équipements de protection individuelle ; qu'en se fondant sur ces textes pour en déduire, faute de document autorisant les salariés à emporter à leur domicile les équipements de protection individuelle, que les salariés étaient contraints de les mettre dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 1134 du code civil et l'article L. 3121-3 du code du travail ;
4°/ qu'en tout état de cause, le temps d'habillage et de déshabillage ne constitue pas du temps de travail effectif ; qu'en accordant aux salariés au titre de ce temps un rappel de salaire calculé en appliquant le salaire horaire perçu au temps passé à ces opérations et en y ajoutant les congés payés, la cour d'appel a, sous couvert de contrepartie, accordé aux salariés la rémunération d'un temps de travail effectif et a violé les articles L. 3121-1 et L. 3121-3 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que les salariés travaillant à la production étaient astreints au port de vêtements de sécurité et fait ressortir que l'habillage et le déshabillage devaient être réalisés dans les vestiaires de l'entreprise, la cour d'appel, sans se contredire, en a déduit à bon droit que l'employeur devait à ce titre une contrepartie ;
Et attendu qu'en l'absence d'accord collectif ou de clause dans le contrat de travail, la cour d'appel a souverainement apprécié le montant de la contrepartie due ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche en ce qu'il s'attaque à un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen, commun aux pourvois :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Plastique forme international aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Plastique forme international à payer la somme globale de 1 000 euros à M. et Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens communs produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Plastique forme international, demanderesse aux pourvois n° W 14-16. 359, Y 14-16. 361, C 14-16. 365, N 14-16. 397 et P 14-16. 398.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF aux arrêts attaqués d'AVOIR condamné la société PLASTIQUE FORME INTERNATIONAL à payer aux salariés des rappels de salaire concernant le temps d'habillage et de déshabillage et les congés payés afférents,
AUX MOTIFS PROPRES QUE les salariés demandent, au visa de l'article L 3121-3 du code du travail, le paiement d'un rappel de salaire correspondant à un quart d'heure de temps de travail en raison de l'absence de contrepartie financière de ses temps d'habillage et de déshabillage ; que l'employeur s'y oppose compte tenu de l'absence d'obligation du port d'une tenue spécifique et de la possibilité pour les salariés de mettre leurs chaussures de sécurité à leur domicile ; qu'en vertu de l'article L 3121-3 du code du travail, le bénéfice des contreparties financières aux opérations d'habillage et de déshabillage est subordonné à la réalisation de deux conditions cumulatives, à savoir le port d'une tenue de travail et le fait que les opérations d'habillage et de déshabillage soient réalisées dans l'entreprise ou sur les lieux du travail ; que, comme l'ont justement indiqué les premiers juges, les notes de service et affichages obligatoires versés aux débats établissent l'obligation du port de vêtements et accessoires de sécurité, à savoir des chaussures de sécurité, une blouse et des gants ; que la société Plastique Forme International met à disposition des salariés ces vêtements ainsi que des vestiaires ; que les huissiers qui ont établi leur constat dans les locaux de l'entreprise, sur requête de l'employeur, le 4 juin 2012, ont constaté l'existence de vêtements de travail pour le personnel travaillant dans l'unité de production, à savoir des chaussures de sécurité pour tous et, soit un ensemble blousons pantalons pour les techniciens, soit un ensemble blouse pour les opérateurs ; que ces huissiers ont également mentionné dans leur constat le port par tous les salariés de chaussures de sécurité et par une moitié seulement de blouses ; que seules personnes ont quitté l'entreprise avec leur chaussures de sécurité, les autres les ont retirées dans les vestiaires ; qu'il résulte de ces éléments la preuve que les salariés travaillant à la production sont, d'une part, tenus au port de vêtements de travail et, d'autre part, réalisent les opérations d'habillage et de déshabillage dans les vestiaires de l'entreprise ; qu'il n'est pas sérieux de prétendre que les salariés peuvent mettre chez eux les chaussures de sécurité et faire leurs déplacements pour se rendre au travail et quitter l'entreprise munis de ces dernières ; qu'ils peuvent en conséquence prétendre à une contrepartie financière à ces opérations d'habillage et de déshabillage par application de l'article L 3121-3 du code du travail ; que, comme l'ont justement décidé les premiers juges, ces temps peuvent être justement compensés par le paiement de rappel de salaire correspondant à dix minutes de temps de travail ; que les calculs non détaillés des salariés basés sur un quart d'heure d'habillage et de déshabillage pendant les années 2006 à 2008 seront revus à la baisse pour tenir compte des 10 minutes nécessaires à l'enfilage des vêtements de sécurité ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE conformément aux dispositions de l'article L 3121-3 du Code du Travail, le bénéfice des contreparties financières ou sous forme de repos au temps d'habillage et de déshabillage est subordonné à la réalisation des deux conditions prévues par la loi, c'est-à-dire le port d'une tenue obligatoire dans l'entreprise et la réalisation des opérations d'habillage et de déshabillage dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ; qu'au vu de notes de service et des affichages obligatoires produits aux débats, le port des EPI est obligatoire dans les ateliers, à savoir chaussures de sécurité, bouchons auditifs, moulage, blouse et gants ; que la Société met à la disposition des salariés des vestiaires comme mentionné dans le règlement intérieur ; que le règlement intérieur de la Société PLASELEC, dans sa section « Conditions d'utilisation du matériel-34 » indique qu'« aucun objet ou document appartenant à l'entreprise ne peut être emporté hors de l'établissement sans autorisation de la Direction » ; que le règlement intérieur de la Société Plastique Forme International stipule, dans son article intitulé « 4. Outillages et machines », qu'il est interdit d'utiliser le matériel confié par l'entreprise à d'autres fins, notamment personnelles ou de l'emporter en dehors de l'entreprise sauf autorisation expresse de la Direction » ; que les EPI sont fournis par la Société Plastique Forme International ; que la Société ne produit aucun élément, ni document autorisant les salariés à emporter à leur domicile lesdits EPI ; que de fait, les salariés sont contraints de mettre lesdits EPI au sein de l'entreprise ; que les deux conditions visées par l'article L 3121-3 du Code du Travail sont remplies ; que le Conseil en sa formation estime le temps d'habillage et de déshabillage à 10 minutes ;
1. ALORS QU'aux termes de l'article L. 3121-3 du Code du travail, les contreparties dont fait l'objet le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ; qu'il en résulte que le bénéfice de ces contreparties est subordonné à la réalisation des deux conditions cumulatives prévues par ce texte, à savoir l'obligation au port d'une tenue de travail et l'obligation de réaliser l'habillage et le déshabillage dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ; qu'en affirmant que le bénéfice des contreparties financières aux opérations d'habillage et de déshabillage est subordonné à la réalisation de deux conditions cumulatives, le port d'une tenue de travail et le fait que les opérations d'habillage et de déshabillage soient réalisées dans l'entreprise ou sur les lieux du travail, et en accordant une contrepartie aux salariés tout en constatant qu'une partie seulement des salariés portaient une blouse et que certains salariés quittaient l'entreprise avec leurs chaussures de sécurité, ce dont il résultait qu'ils n'étaient pas tenus de s'habiller et de se déshabiller dans l'entreprise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2. ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en affirmant que les salariés réalisaient les opérations d'habillage et de déshabillage dans les vestiaires de l'entreprise et qu'il n'était pas sérieux de prétendre que les salariés pouvaient mettre chez eux les chaussures de sécurité et faire leurs déplacements pour se rendre au travail et quitter l'entreprise munis de ces dernières, quand elle avait relevé au préalable que les huissiers ayant établi un constat le 4 juin 2012 avaient relevé que trois salariés avaient quitté l'entreprise avec leurs chaussures de sécurité, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
3. ALORS QUE l'article 4 « Outillages et machines » du règlement intérieur de la société PLASTIQUE FORME INTERNATIONAL interdisant d'emporter le matériel confié par l'entreprise en dehors de celle-ci sans autorisation, et l'article 34 « conditions d'utilisation du matériel » du règlement intérieur de la société PLASELEC interdisant d'emporter hors de l'établissement sans autorisation de la direction aucun objet ou document appartenant à l'entreprise ne sont pas applicables aux équipements de protection individuelle ; qu'en se fondant sur ces textes pour en déduire, faute de document autorisant les salariés à emporter à leur domicile les EPI, que les salariés étaient contraints de les mettre dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 1134 du Code civil et l'article L. 3121-3 du Code du travail ;
4. ALORS en tout état de cause QUE le temps d'habillage et de déshabillage ne constitue pas du temps de travail effectif ; qu'en accordant aux salariés au titre de ce temps un rappel de salaire calculé en appliquant le salaire horaire perçu au temps passé à ces opérations et en y ajoutant les congés payés, la cour d'appel a, sous couvert de contrepartie, accordé aux salariés la rémunération d'un temps de travail effectif et a violé les articles L. 3121-1 et L. 3121-3 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF aux arrêts attaqués d'AVOIR condamné la société PLASTIQUE FORME INTERNATIONAL à payer aux salariés un rappel de salaire au titre du taux horaire,
AUX MOTIFS PROPRES QUE les salariés demandent un rappel de salaire en raison de la modification non justifiée de leur taux horaire sur leurs bulletins de paye ; que la société Plastique Forme International s'y oppose, faisant valoir que les salariés procèdent par affirmation sans justifier du bien fondé de leur demande ; que c'est avec pertinence que le conseil de prud'hommes a justement dit que l'étude des bulletins de paie des salariés
permettait de constater que jusqu'en mars 2006 pour MM. Y... et X..., Mmes A...et X.../ septembre 2005 pour M. B..., la base du salaire horaire de des salariés était calculée sur la base de 138, 67 heures pour une rémunération brute de base de ..., soit un taux horaire de ... ; qu'à partir d'avril 2006 pour MM. Y... et X..., Mmes A...et X.../ octobre 2005 pour M. B..., la même rémunération brute leur a été versée pour un horaire de travail de 151, 67 heures, soit un taux horaire de ... ; que l'employeur ne justifie pas qu'il ait obtenu l'accord des salariés à cette baisse du taux horaire ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE à l'étude des bulletins de salaires des salariés, il apparaît que, jusqu'au mois de mars 2006, la base du salaire horaire de celle-ci est calculée sur la base de 138, 67 heures pour une rémunération brute de base de (...), soit un taux horaire de (...) ; qu'à partir d'avril 2006, une rémunération brute de base de (...) pour un horaire de travail de 151, 67 heures figure sur lesdits bulletins, soit un taux horaire de (...) ; qu'au vu desdits bulletins de salaire, il est manifeste que le taux horaire des demandeurs a diminué ;
ALORS QU'une modification du taux horaire ne peut se déduire des seules mentions des bulletins de paie relatives à la durée de travail du salarié ; qu'en se bornant à relever la modification du nombre d'heures mentionnées sur les bulletins de paie intervenue en avril 2006 (pour MM. Y... et X..., Mmes A...et X...) ou octobre 2005 (pour M. B...) pour en déduire une modification du taux horaire, sans s'expliquer sur le fait que les avenants à leurs contrats de travail conclus en février 2000 prévoyaient une durée de travail de 151, 67 heures par mois ni constater une augmentation effective de la durée du travail des salariés à partir d'avril 2006 ou octobre 2005 selon les salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil.