Cassation sociale, 29 juin 2016, n° 15-12.958 cassation sociale - Editions Tissot

Jurisprudence sociale

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Cassation sociale, 29 juin 2016, n° 15-12.958

Constituent une faute grave la consommation exagérée de boissons alcoolisées par un employé de maison et l’hébergement de sa fille et de relations dans l'appartement de son employeur sans l'autorisation de celui-ci.

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 29 juin 2016
N° de pourvoi: 15-12958
Non publié au bulletin Rejet

M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
SCP Piwnica et Molinié, SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 7 mai 2014), que M. X... a été engagé le 1er mai 2006 par M. Y... en qualité d'employé de maison ; que licencié pour faute grave par lettre du 8 février 2011, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en contestation de son licenciement et paiement de différentes sommes ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt confirmatif de rejeter ses demandes au titre du licenciement alors, selon le moyen :

1°/ qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; que la cour d'appel a reconnu établies les fautes tenant, d'une part, à ce que le salarié hébergeait des personnes au domicile de l'employeur sans son autorisation, et en particulier sa fille durant l'été 2010 et, d'autre part, à ce qu'il consommait trop d'alcool et avait failli provoquer un accident ; que la cour d'appel, en jugeant que le licenciement de M. X... était fondé sur une faute grave, sans se prononcer sur la prescription des faits invoqués, opposée par le salarié, a violé les articles L. 1332-4, L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail ;

2°/ que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués, dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ; qu'en jugeant que le licenciement du salarié reposait sur une faute grave, lorsqu'ils ressortait des circonstances de la cause que la procédure de rupture n'avait pas été mise en oeuvre dans un délai restreint à compter du moment où l'employeur avait eu connaissance de la consommation excessive d'alcool de M. X... ou du fait qu'il hébergeait parfois des personnes à son domicile, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail ;

3°/ que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ; que la cour d'appel, en décidant que le « sans-gêne » dont faisait preuve le salarié rendait impossible la poursuite de son contrat de travail et justifiait son licenciement pour faute grave, sans caractériser la gravité du manquement qui lui était reproché, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, qu'il ne ressort pas de l'arrêt ni des pièces de la procédure que le salarié a soutenu devant la cour d'appel le moyen tiré de la prescription des faits fautifs autres que celui relatif à l'accident ayant failli être provoqué ni le moyen tenant au non-respect du délai restreint dans lequel doit être mise en oeuvre la procédure de licenciement disciplinaire ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel qui, par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve, a retenu qu'étaient établis les faits de consommation exagérée de boissons alcoolisées et d'hébergement, par l'intéressé, de sa fille et de relations dans l'appartement de son employeur sans l'autorisation de celui-ci, a pu en déduire que ces faits rendaient impossible la poursuite du contrat de travail et constituaient une faute grave ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable comme nouveau, mélangé de fait et de droit en sa deuxième branche et pour partie en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté les demandes du salarié au titre du licenciement ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE (…) les pièces versées aux débats ne permettent pas de retenir le grief relatif au délaissement par le salarié de tâches qui lui étaient confiées, le constat d'huissier produit à cet effet n'étant pas suffisamment démonstratif d'une telle attitude, ainsi que celui tenant aux propos désobligeants tenus par le salarié, les deux attestations produites à cet égard faisant état de propos entendus postérieurement à la rupture ; qu'en revanche, il ressort des témoignages concordants d'une employée de maison, Mme Z..., et d'un ami de M. Y..., M. B..., que M. X... consommait exagérément des boissons alcoolisées et a failli provoquer, selon le deuxième témoin, un accident de circulation alors qu'il était au volant du véhicule de son employeur ; que par ailleurs, la propre fille de M. X..., Mme Dominique C..., relate qu'en l'absence des époux Y... et sans autorisation de leur part, elle a dormi avec son mari, durant l'été 2010, dans l'appartement même de ces derniers « dans des draps apportés par nous-mêmes », ce qui, ajouté au témoignage de l'employée de maison, selon laquelle « en l'absence de M. et Mme Y..., M. X... utilisait la voiture du docteur et hébergeait ses relations dans la chambre d'ami », établit incontestablement que le salarié abusait de sa situation et faisait preuve d'un sans-gêne inadmissible ; que tant pris isolément que dans leur ensemble, ces comportements, contraires aux devoirs élémentaires du salarié à l'égard de son employeur, rendaient impossible la poursuite du contrat se travail et justifiaient son licenciement pour faute grave ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les faits reprochés à M. X... démontrent que la relation contractuelle basée sur la confiance et le respect dans ce type de métier ne pouvait perdurer ;

1) ALORS QUE, D'UNE PART, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; que la cour d'appel a reconnu établies les fautes tenant, d'une part, à ce que le salarié hébergeait des personnes au domicile de l'employeur sans son autorisation, et en particulier sa fille durant l'été 2010 et, d'autre part, à ce qu'il consommait trop d'alcool et avait failli provoquer un accident ; que la cour d'appel, en jugeant que le licenciement de M. X... était fondé sur une faute grave, sans se prononcer sur la prescription des faits invoqués, opposée par le salarié, a violé les articles L. 1332-4, L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail ;

2) ALORS QUE, D'AUTRE PART, la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués, dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ; qu'en jugeant que le licenciement du salarié reposait sur une faute grave, lorsqu'ils ressortait des circonstances de la cause que la procédure de rupture n'avait pas été mise en oeuvre dans un délai restreint à compter du moment où l'employeur avait eu connaissance de la consommation excessive d'alcool de M. X... ou du fait qu'il hébergeait parfois des personnes à son domicile, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail ;

3) ET ALORS ENFIN QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ; que la cour d'appel, en décidant que le « sans-gêne » dont faisait preuve le salarié rendait impossible la poursuite de son contrat de travail et justifiait son licenciement pour faute grave, sans caractériser la gravité du manquement qui lui était reproché, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.

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