Jurisprudence sociale
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Cassation sociale, 28 septembre 2016, n° 15-17.542
Se rattache à la vie de l'entreprise et justifie le licenciement pour faute grave le fait, pour un salarié, d’adresser plusieurs messages de menaces et d'injures à son collègue sur son téléphone portable professionnel pendant son temps de travail. Ces messages concernaient un remboursement d'une somme d'argent qui aurait été prêtée à l'occasion d'un événement professionnel organisé par l'employeur et avaient eu pour effet de perturber leur destinataire dans son travail.
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 28 septembre 2016 N° de pourvoi: 15-17542 Non publié au bulletin Rejet
M. Lacabarats (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 juin 2014), qu'engagé le 26 mai 2008 par la société Sandorgel en qualité de représentant de commerce, M. X... a été mis à pied à titre conservatoire le 11 mai 2011 puis licencié pour faute grave par lettre du 1er juin 2011 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre du licenciement, alors, selon le moyen, que ne constitue pas une faute grave l'envoi isolé, par un salarié, de messages à l'un de ses collègues se rapportant à un différend de nature non professionnelle ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que deux des messages adressés par le salarié à son collègue l'avaient été sur le téléphone professionnel de ce dernier, quand il résultait de ses propres constatations que lesdits messages avaient trait au remboursement d'une dette à caractère strictement privé, dépourvue de lien direct avec la relation professionnelle des deux intéressés, la cour d'appel a violé les articles 1232-6 et 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté que plusieurs messages de menaces et d'injures avaient été adressés par le salarié à son collègue sur son téléphone portable professionnel pendant son temps de travail, qu'ils concernaient un remboursement d'une somme d'argent qui aurait été prêtée à l'occasion d'un événement professionnel organisé par l'employeur et avaient eu pour effet de perturber leur destinataire dans son travail, la cour d'appel a pu décider que ces faits, qui affectaient l'obligation de l'employeur d'assurer la sécurité des salariés, se rattachaient à la vie de l'entreprise et justifiaient le licenciement pour faute grave de leur auteur ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les première, troisième et quatrième branches du moyen annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille seize. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué D'AVOIR débouté monsieur X..., salarié, de l'intégralité de ses demandes au titre de son licenciement, à l'encontre de la société Sandorgel, employeur,
AUX MOTIFS QUE dans ses écritures de première instance, M. X... a soutenu que son licenciement lui avait été notifié irrégulièrement alors qu'il était en arrêt maladie ; qu'il n'avait adressé qu'un seul et unique message vocal ne pouvant être qualifié d'agression verbale et de menaces du fait de son caractère unique et ponctuel et n'avait pas pour objectif de nuire à son collègue et de lui porter préjudice ; qu'en dépit de cette mésentente passagère, il n'a pas rompu le contact amical qu'il entretenait avec M. Y..., lequel n'a jamais voulu porter plainte contre M. X... et n'a déposé une main courante que sur les recommandations du Directeur de la société SANDORGEL, lequel avait alors pour objectif de trouver un motif de licenciement à son encontre ; que la faute qui lui est reprochée relève de la sphère privée et s'est produite en dehors du temps et du lieu de travail dans un cadre purement amical et n'a aucunement affecté le climat général au travail ayant pour origine une dette purement privée ; qu'aucune disposition légale ou conventionnelle ne s'oppose à ce que le licenciement d'un salarié soit prononcé pendant une période d'arrêt de travail pour maladie non professionnelle ; qu'en l'espèce, la maladie de M. X... est postérieure à l'entretien préalable et ne l'a pas empêché de s'expliquer sur les griefs qui lui ont été reprochés à l'occasion de la procédure de licenciement ; que M. Y...indique, dans le relevé de main courante versé au dossier, que depuis un mois, M. X... lui laissait régulièrement des messages vocaux sur ses téléphones aussi bien professionnel que personnel contrairement aux allégations du salarié selon lesquelles il s'agirait d'un message unique ; que 4 de ces messages envoyés sur le téléphone professionnel n° 06. 24. 42. 76. 49 ont été retranscrits par un huissier ; qu'il convient d'en reproduire ici quelques extraits significatifs : « t'es un pédé spécial, la merde des pédés que je connais (...) C'est pas des menaces, c'est des promesses, je te garantis que tu me connais pas et que tu vas me connaître mon ami, alors, t'as intérêt à cracher les 22 euros que tu me dois parce que je te jure sur la vie de ta mère que je vais te mener la vie dure, et je vais te balancer mais grave, parce que t'es une grande gueule et t'es une dégonflette, moi j'ai la grande gueule et je passe aux actes, et je demande jamais ce qui m'est pas dû ; t'as intérêt à te bouger mon ami mais t'es pas mon ami, parce que je te mettrai le doigt dans le cul et le doigt dans le nez et je te tourne comme une brochette parce que t'es une merde grave (…). Je te jure tu vas ramper sur la vie de ma race et la vie de ma mère, (...) Si tu as des couilles, remarque, j'ai des doutes, tu vois, parce que tu les as pas toi, d'accord, un mec comme toi, t'es la marche arrière » (message du lundi 02 mai 2012) ; « Je vais te mener la vie dure sur tout ton secteur de Versailles, je vais te niquer ta race grave, parce que t'es une merde, maintenant c'est plus 20 euros, c'est 22 euros que je t'ai donné alors tu dois me les rendre, espèce de connard, ou bien je vais te baiser la gueule et en plus, je vais me renseigner pour m'occuper autrement de toi, mon fils, tu es d'accord, les connards comme toi, je les ai matés et c'est pas un de plus ou de moins qui vont me faire trembler ou me faire chier (...) Je veux que tu sois comme un cafard, que tu rases les murs, et je te jure sur la vie de ma mère que je vais m'occuper de toi pour que je te montre qui je suis » (second message du 02 mai 2012) ; que ces messages dont le contenu n'est pas contesté, contiennent des insultes et des menaces intolérables pour leur victime ; que leur gravité est renforcée par leur caractère itératif ; qu'ainsi que le relève l'employeur, les messages envoyés à l'aide d'un téléphone professionnel sont présumés professionnels de sorte que l'employeur peut les consulter et les invoquer à l'appui d'une sanction disciplinaire ; que ces menaces ont été adressées à un salarié de entreprise sur son téléphone portable professionnel pendant son temps de travail à propos du remboursement d'une somme d'argent qui aurait été prêtée à celui-ci à l'occasion d'un événement professionnel de sorte que M. X... ne peut soutenir utilement que les messages litigieux relèveraient de la sphère privée ; qu'ils ont causé à leur destinataire une anxiété insupportable et ont perturbé ses conditions de travail en même temps qu'elles ont porté atteinte à sa dignité ; que le fait, invoqué par M. X..., que M. Y...ait par la suite déposé une attestation suivant laquelle c'était à l'instigation de la Direction qu'il aurait déposé une main courante à son encontre ne fait pas disparaître le caractère injurieux et menaçant des propos tenus dans les messages ni l'effet qu'ils ont produit sur leur victime laquelle s'est vue contrainte de dénoncer les faits à la hiérarchie en précisant : « Je ne me permettrais de vous incommoder avec ce genre d'histoire si elle ne prenait pas d'ampleur inimaginable » ; que la violence des propos ci-dessus évoqués, leur caractère menaçant victime laissent d'ailleurs penser que cette attestation a été établie sous la contrainte ce qui affaiblit la valeur de ce témoignage ; qu'il en va de même du mandat donné par M. Y...à M. X... pour récupérer son solde de tout compte qui ne remet nullement en cause le sérieux des menaces et la gravité des injures proférées à l'encontre de celui-ci dans les 4 messages produits ; que le licenciement pour faute grave était donc justifié par l'attitude inacceptable de M. X... vis à vis de M. Y...; que c'est donc à bon droit que le Conseil de Prud'hommes a débouté le salarié de ses demandes de salaire de la mise à pied, de préavis, de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que M. X... réclame par ailleurs les sommes de : 2 384, 00 euros à titre de commissions impayées, 720, 00 euros à titre d'indemnités de repas lui restant dues ; que toutefois, il ne justifie par aucun argument ni aucune pièce ces demandes qui ont été justement rejetées par le Conseil de Prud'hommes (arrêt, pp. 4-5),
ALORS D'UNE PART QU'en cas de maladie professionnelle, le contrat de travail est suspendu ; que l'employeur ne peut rompre le contrat que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ; que dans ses conclusions de première instance, auxquelles il renvoyait expressément devant la cour d'appel, M. X... se prévalait de l'origine professionnelle de la maladie à l'origine de son arrêt de travail, au cours duquel le licenciement lui avait été notifié ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions par lesquelles M. X... invoquait l'existence d'une maladie professionnelle, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE ne constitue pas une faute grave l'envoi isolé, par un salarié, de messages à l'un de ses collègues se rapportant à un différend de nature non professionnelle ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que deux des messages adressés par M. X... à M. Y...l'avaient été sur le téléphone professionnel de ce dernier, quand il résultait de ses propres constatations que lesdits messages avaient trait au remboursement d'une dette à caractère strictement privé, dépourvue de lien direct avec la relation professionnelle des deux intéressés, la cour d'appel a violé les articles 1232-6 et 1235-1 du code du travail ;
ALORS DE PLUS QU'en se limitant, pour débouter M. X... de ses demandes au titre de commissions impayées et d'indemnités de repas, à énoncer que le salarié n'apportait pas d'élément de preuve à l'appui de ses prétentions, sans examiner le bien-fondé de celles-ci au regard, à tout le moins, des éléments produits aux débats par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS ENFIN QU'en condamnant M. X..., salarié, à verser à son ex-employeur la somme de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, quand le juge de première instance avait d'ores et déjà prononcé à son encontre une condamnation sur le même fondement à hauteur de la somme de 1. 000 euros, et après avoir pourtant débouté l'employeur de sa demande au titre du caractère prétendument abusif du recours du salarié, la cour d'appel, qui a prononcé une condamnation punitive excédant manifestement les possibilités financières du salarié, a méconnu les exigences du procès équitable et violé l'article 6, paragr. 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
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