Cassation sociale, 3 novembre 2016, n° 15-22.364 cassation sociale - Editions Tissot

Jurisprudence sociale

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Cassation sociale, 3 novembre 2016, n° 15-22.364

Le comportement d’un salarié qui commet plusieurs négligences créant ainsi un danger pour les autres salariés rend impossible son maintien dans l'entreprise et constitue une faute grave.

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du jeudi 3 novembre 2016
N° de pourvoi: 15-22364
Non publié au bulletin Rejet

M. Frouin (président), président
SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Zribi et Texier, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 28 mai 2015), que M. X..., engagé le 5 janvier 2009 par la société Armafer en qualité de monteur soudeur, a été licencié pour faute grave le 24 décembre 2011 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en annulation des avertissements infligés et en condamnation de la société au paiement de dommages-intérêts pour sanctions disciplinaires abusives alors, selon le moyen :

1°/ qu'en cas de litige relatif à une sanction disciplinaire, le juge doit s'assurer de la réalité des faits invoqués par l'employeur, de leur caractère fautif et de la proportionnalité des sanctions prononcées ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler les sanctions disciplinaires litigieuses, que M. Christel X... n'opposerait aucun moyen ni argument aux griefs contenus dans le premier avertissement et qu'il n'apparaîtrait pas contester les faits retenus par son employeur à l'appui des deux avertissements suivants, la cour d'appel a violé les articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail ;

2°/ qu'à tout le moins, en statuant sans rechercher si les faits invoqués par l'employeur étaient établis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail ;

3°/ que le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait ; qu'en se bornant à dire s'agissant du premier avertissement que M. Christel X... n'opposerait aucun moyen ni argument aux griefs contenus dans cet avertissement, et s'agissant des deux autres avertissements que M. Christel X... n'apparaîtrait pas contester les faits retenus par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

4°/ que s'agissant du premier avertissement, M. Christel X... soutenait en tout état de cause que les comportements qui lui étaient reprochés devaient s'apprécier au regard du comportement de son employeur, et des conditions de travail qui lui étaient imposées, qu'il détaillait ; qu'en affirmant que M. Christel X... n'aurait opposé aucun moyen ni argument aux griefs contenus dans cet avertissement, la cour d'appel a dénaturé ses écritures d'appel en violation de l'article 1134 du code civil ;

5°/ que s'agissant du grief énoncé à l'appui du deuxième avertissement, M. Christel X... faisait valoir qu'il ne disposait pas de place pour ranger et que les conditions de travail sur son poste ne lui permettaient pas d'effectuer un travail de qualité sur les armatures, ce qu'il étayait par la production d'attestations propres à le démontrer ; qu'en refusant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait litigieux présentait un caractère fautif ou s'il n'était pas au contraire imputable au seul employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail ;

6°/ que s'agissant du grief énoncé à l'appui du dernier avertissement, M. Christel X... faisait valoir qu'il ne disposait ni du règlement intérieur ni encore de sa fiche de poste ni même de la formation professionnelle nécessaire ; qu'en affirmant que ces arguments ne sont pas de nature à permettre l'annulation de l'avertissement quand ils étaient au contraire de nature à exclure toute faute du salarié et appelaient en conséquence une réponse des juges du fond, la cour d'appel a violé les articles L. 1333-1 et L. 133-2 du code du travail ;

Mais attendu que, sous couvert de divers griefs non fondés de violation de la loi, défaut de base légale et dénaturation, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation des éléments de fait et de preuve par les juges du fond qui, prenant en compte les éléments retenus par l'employeur pour prendre les sanctions et l'absence de contestation par le salarié de la réalité des faits reprochés, a estimé qu'ils étaient établis ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral, pour licenciement nul et subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents et d'une indemnité de licenciement alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, qu'il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en se déterminant en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par le salarié, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, dont les certificats médicaux, laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2°/ que s'agissant du harcèlement moral dont il avait été la victime, M. Christel X... produisait aux débats l'attestation de M. Y..., lequel faisait notamment état des conditions de travail dangereuses imposées à M. Christel X... en guise de rétorsion, des insultes proférées à son encontre, et de la volonté de son employeur de lui « trouver des fautes professionnelles à la moindre occasion » ; qu'en affirmant que M. Y... se limiterait dans son attestation à ses propres plaintes, la cour d'appel a dénaturé l'attestation de M. Y... en violation de l'article 1134 du code civil ;

3°/ que M. Christel X... produisait encore les attestations de MM. Z... et A..., lesquels faisaient état de faits précis relatifs aux conditions de travail anormales qui étaient imposées à M. Christel X..., aux insultes et menaces proférées à son encontre et aux bousculades dont il avait été la victime ; qu'en affirmant que ces attestations ne feraient état que de faits vagues et imprécis, la cour d'appel a dénaturé les attestations de MM. Z... et A... en violation de l'article 1134 du code civil ;

4°/ que la multiplication de sanctions disciplinaires injustifiées constitue un harcèlement moral ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, relatif aux sanctions disciplinaires injustifiées dont M. Christel X... a fait l'objet, emportera la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif critiqué par le présent moyen en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, sous couvert des griefs non fondés de défaut de base légale et de dénaturation, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit qu'il n'était pas établi de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul et subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents et d'une indemnité de licenciement alors, selon le moyen, que la lettre de licenciement fixe les limites du litige quant aux motifs qui y sont énoncés ; que lorsqu'il résulte des termes de la lettre de licenciement que l'employeur a reproché au salarié des fautes, et prononcé un licenciement disciplinaire, les juges du fond doivent se prononcer sur le caractère fautif ou non du comportement du salarié ; que pour dire fondé le licenciement pour faute de M. Christel X..., la cour d'appel s'est contentée de retenir un défaut de soudure et des malfaçons au niveau du montage de pièces assemblées par M. Christel X... ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a caractérisé aucune faute à la charge du salarié, a violé les articles L. 1232-1 L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1331-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le salarié avait commis plusieurs négligences de nature à créer un danger pour les autres salariés, la cour d'appel a caractérisé un comportement du salarié rendant impossible son maintien dans l'entreprise et constituant une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité de congés payés alors, selon le moyen, que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en déboutant M. Christel X... de sa demande de congés payés sans donner aucun motif à sa décision de ce chef, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, sous le couvert d'un défaut de motifs, le moyen critique une omission de statuer ; que l'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, le moyen n'est pas recevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Christel X... de ses demandes tendant à l'annulation des avertissements infligés et à la condamnation de la société Armafer au paiement de dommages-intérêts pour sanctions disciplinaires abusives.

AUX MOTIFS QU'il apparaît que M. X... a reçu des avertissements antérieurement à son licenciement, dont il demande l'annulation : le 26 novembre 2010 (sa pièce n° 4), la société lui adresse un avertissement : sur le plan professionnel (il doit attacher les commandes normalement pour des raisons de sécurité), sur le plan individuel (il a détérioré une porte à coups de pieds), sur le plan relationnel avec ses collègues (il a plusieurs fois proféré des insultes voire des menaces) ; que M. X... n'oppose aucun moyen ni argument aux griefs contenus dans cet avertissement, qu'il n'y a aucunement lieu d'annuler ; que le 30 août 2011 (sa pièce n° 5), la société lui adresse un avertissement ; il a soudé sa commande et constitué un paquet d'armatures impossible à charger en l'état. M. X... n'articule aucun moyen ni argument à ce grief, et se limite à énoncer qu'il l'a contesté le 6 septembre 2011 (sa pièce n° 6) ; que dans cette lettre, dans laquelle il n'apparaît pas contester les faits retenus par l'employeur, il déclarait qu'il ne disposait pas de place pour ranger, et qu'il estimait que les conditions de travail sur son poste ne lui permettait pas d'effectuer un travail de qualité sur les armatures, affirmations aucunement étayées ; qu'il n'y a en conséquence aucunement lieu d'annuler ce grief ; que le 7 novembre 2011 (sa pièce n° 8), la société lui adresse un avertissement : il a mis des crochets de levage de diamètre 10 ou 12 au lieu de 20 sur une poutre, faute grave pour la sécurité ; que M. X..., qui n'apparaît pas contester les faits, soutient qu'il relève dans une lettre du 14 novembre 2011 (sa pièce n° 9) qu'il n'est toujours pas en possession du règlement intérieur et que l'employeur ne saurait lui reprocher ce grief faute de formation professionnelle dont il aurait bénéficié ; que ces arguments n'ont pas été retenus par l'employeur, qui n'a pas modifié sa décision (pièce n° 10), et ne sont pas de nature à permettre aujourd'hui l'annulation de l'avertissement ; qu'ainsi, M. X... doit être débouté de ses demandes d'annulation de ces avertissements et de dommages-intérêts consécutifs.

ALORS QU'en cas de litige relatif à une sanction disciplinaire, le juge doit s'assurer de la réalité des faits invoqués par l'employeur, de leur caractère fautif et de la proportionnalité des sanctions prononcées ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler les sanctions disciplinaires litigieuses, que M. Christel X... n'opposerait aucun moyen ni argument aux griefs contenus dans le premier avertissement et qu'il n'apparaîtrait pas contester les faits retenus par son employeur à l'appui des deux avertissements suivants, la Cour d'appel a violé les articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail.

QU'à tout le moins, en statuant sans rechercher si les faits invoqués par l'employeur étaient établis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail.

ALORS en outre QUE le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait ; qu'en se bornant à dire s'agissant du premier avertissement que M. Christel X... n'opposerait aucun moyen ni argument aux griefs contenus dans cet avertissement, et s'agissant des deux autres avertissements que M. Christel X... n'apparaîtrait pas contester les faits retenus par l'employeur, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil.

ALORS encore QUE s'agissant du premier avertissement, M. Christel X... soutenait en tout état de cause que les comportements qui lui étaient reprochés devaient s'apprécier au regard du comportement de son employeur, et des conditions de travail qui lui étaient imposées, qu'il détaillait ; qu'en affirmant que M. Christel X... n'aurait opposé aucun moyen ni argument aux griefs contenus dans cet avertissement, la cour d'appel a dénaturé ses écritures d'appel en violation de l'article 1134 du code civil.

ET ALORS QUE s'agissant du grief énoncé à l'appui du deuxième avertissement, M. Christel X... faisait valoir qu'il ne disposait pas de place pour ranger et que les conditions de travail sur son poste ne lui permettaient pas d'effectuer un travail de qualité sur les armatures, ce qu'il étayait par la production d'attestations propres à le démontrer ; qu'en refusant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait litigieux présentait un caractère fautif ou s'il n'était pas au contraire imputable au seul employeur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail.

ALORS enfin QUE s'agissant du grief énoncé à l'appui du dernier avertissement, M. Christel X... faisait valoir qu'il ne disposait ni du règlement intérieur ni encore de sa fiche de poste ni même de la formation professionnelle nécessaire ; qu'en affirmant que ces arguments ne sont pas de nature à permettre l'annulation de l'avertissement quand ils étaient au contraire de nature à exclure toute faute du salarié et appelaient en conséquence une réponse des juges du fond, la cour d'appel a violé les articles L. 1333-1 et L. 133-2 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Christel X... de ses demandes tendant au paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, de dommages-intérêts pour licenciement nul et subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents et d'une indemnité de licenciement.

AUX MOTIFS QUE M. X... soutient que son licenciement est nul compte tenu du fait qu'il constitue l'expression ultime de la situation de harcèlement moral qu'il a eue à subir dans le cadre de son emploi au sein de la société Armafer ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il résulte des dispositions de ce même texte et des articles L. 1152-2 et L. 1154-1 du même code du travail qu'il incombe au salarié qui se prétend victime d'un harcèlement moral d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence de ce harcèlement, et il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses actes et décisions sont justifiés par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ; que s'il n'est donc pas exigé du salarié qu'il rapporte la preuve que le fait allégué est un fait de harcèlement, en revanche, il lui incombe d'établir des faits, c'est-à-dire d'établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu'il présente au soutien de son allégation ; qu'en l'espèce, M. X... soutient qu'il a subi des violences physiques et verbales, des insultes, du dénigrement, des brimades, et une soumission à des conditions de travail inadaptées ; que M. X... produit l'attestation de M. Y... (sa pièce n° 25), qui toutefois se limite aux propres plaintes de ce salarié, qui atteste seulement avoir trouvé un soutien en M. X..., ce qui n'est pas de nature à étayer des faits de harcèlement qui aurait été commis à l'encontre de ce dernier ; qu'il produit l'attestation de M. Z... (sa pièce n° 26), qui y déclare sur un plan général que les conditions de travail étaient « détestables » dans cette entreprise ; que s'agissant plus précisément de M. X..., M. Z... déclare que, en son absence, le chef d'atelier traitait M. X... « de PD, d'Homosexuel, de Fainéant », qu'il avait isolé M. X... dans un atelier où il était dangereux de travailler, et faisait en sorte de saboter délibérément le travail de M. X... pour pouvoir ensuite lui faire des reproches. M. Z... ajoute que, à plusieurs reprises, le directeur, M. B..., a menacé physiquement M. X... ; qu'il le bousculait et le provoquait ; qu'il apparaît toutefois des termes mêmes de cette attestation que M. Z..., ancien salarié de la société Armafer, estime qu'il a été lui-même licencié car il a été poussé à bout par ses supérieurs, ce qui dénote un contentieux entre lui et la société Armafer de nature à porter atteinte à l'objectivité de son attestation ; que c'est à juste titre que l'employeur relève que les insultes invoquées n'auraient été prononcées qu'en l'absence de M. X..., qui n'aurait pu en être affecté ; que de même, l'attestant ne fait état que de faits vagues et imprécis (« un atelier où il était dangereux de travailler », « saboter délibérément le travail »), qui ne mettent pas l'employeur en mesure d'apporter des réponses et explications précises ; que s'agissant des menaces ou violences, M. B..., mis en cause, certifie (pièce n° 8 de l'employeur) qu'il affirme ne pas avoir menacé physiquement M. X... malgré les provocations dont celui-ci était coutumier ; que M. X... produit enfin l'attestation de M. A... (sa pièce n° 27), ancien salarié, qui déclare notamment, s'agissant de M. X..., que le « chef prenait un malin plaisir à énerver. Il lui donnait des travaux compliqués à exécuter et le critiquait quand il n'y arrivait pas » ; que pour autant, de la même façon que dans l'attestation Z... ci-dessus, l'attestant n'évoque pas de faits précis sur lesquels l'employeur pourrait apporter des explications ; qu'ainsi, les attestations produites par M. X... ne permettent pas d'établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants ; que M. X... invoque également des photographies qu'il déclare avoir prises de son poste de travail (sa pièce n° 28) ; qu'il s'avère qu'il s'agit en réalité de 3 photographies aucunement authentifiées d'un endroit qui n'est pas identifiable, et qui se révèlent inexploitables pour venir à l'appui des griefs invoqués par le salarié ; qu'au surplus, la société Armafer rapporte la preuve contraire des allégations de M. X... par des attestations (M. D..., ancien soudeur ayant travaillé sur le même poste, pièce n° 2, M. E..., salarié, pièce n° 10, M. F..., tiers dirigeant d'une autre société, pièce n° 7), qui établissent la conformité et la bonne qualité du poste de travail, ainsi que par un constat d'huissier du 24 avril 2012 ; que la référence à la saisine de l'inspection du travail par l'union locale CGT n'est pas davantage de nature à établir la matérialité des faits invoqués par M. X..., aucune suite qui aurait pu le cas échéant être donnée par l'administration n'étant d'ailleurs invoquée ; que le certificat médical du 29 janvier 2012 d'un médecin psychiatre attestant que M. X... est régulièrement suivi pour troubles psychologiques, et l'arrêt de travail pour syndrome dépressif du 19 décembre 2011 de ce même médecin (pièces n° 7 et 13 du salarié), ne sont même pas de nature à établir un lien avec le travail de M. X..., et moins encore à établir la matérialité de faits laissant présumer un harcèlement moral ; qu'ainsi, et contrairement à ce qu'a estimé le conseil de prud'hommes, M. X..., qui se prétend victime d'un harcèlement moral, échoue à établir des faits qui permettraient de présumer l'existence de ce harcèlement ; que le jugement sera en conséquence infirmé et M. X... débouté de l'ensemble de ses demandes relatives à un harcèlement moral et à ses conséquences sur la validité de son licenciement ainsi que financières.

ALORS QUE lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, qu'il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en se déterminant en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par le salarié, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, dont les certificats médicaux, laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail

ALORS aussi QUE s'agissant du harcèlement moral dont il avait été la victime, M. Christel X... produisait aux débats l'attestation de M. Y..., lequel faisait notamment état des conditions de travail dangereuses imposées à M. Christel X... en guise de rétorsion, des insultes proférées à son encontre, et de la volonté de son employeur de lui « trouver des fautes professionnelles à la moindre occasion » ; qu'en affirmant que M. Y... se limiterait dans son attestation à ses propres plaintes, la Cour d'appel a dénaturé l'attestation de M. Y... en violation de l'article 1134 du code civil.

ET ALORS QUE M. Christel X... produisait encore les attestations de MM. Z... et A..., lesquels faisaient état de faits précis relatifs aux conditions de travail anormales qui étaient imposées à M. Christel X..., aux insultes et menaces proférées à son encontre et aux bousculades dont il avait été la victime ; qu'en affirmant que ces attestations ne feraient état que de faits vagues et imprécis, la Cour d'appel a dénaturé les attestations de MM. Z... et A... en violation de l'article 1134 du code civil

ALORS enfin QUE la multiplication de sanctions disciplinaires injustifiées constitue un harcèlement moral ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, relatif aux sanctions disciplinaires injustifiées dont M. Christel X... a fait l'objet, emportera la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif critiqué par le présent moyen en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION, subsidiaire

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Christel X... de ses demandes tendant au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul et subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents et d'une indemnité de licenciement.

AUX MOTIFS QUE M. X... a été licencié le 24 décembre 2011 pour faute grave ; que la faute grave dont la preuve appartient à l'employeur se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que pour qualifier la faute grave il incombe donc au juge de relever le ou les faits constituant pour le salarié licencié une violation des obligations découlant de son contrat de travail ou des relations de travail susceptible d'être retenue, puis d'apprécier si ledit fait était de nature à exiger le départ immédiat du salarié ; que M. X... ne conteste pas le licenciement autrement qu'en opposant le harcèlement moral ci-dessus écarté ; qu'au demeurant, la société Armafer soutient à juste titre que la lettre de licenciement exprime précisément les faits reprochés, en l'espèce le fait que les semelles d'un mur à destination du client Roncarolo sur un chantier Carrière Lafitte s'étaient effondrées et que le client avait noté que cet effondrement était dû à une malfaçon du montage des pièces d'armature ; qu'il avait été relevé un défaut de soudure et des malfaçons au niveau du montage des pièces, à l'origine de l'incident ; que ces faits sont établis, de même, par la vérification des numéros de série, le fait que ces semelles avaient bien été assemblées par M. X... ; que la gravité de ces faits résulte des risques de sécurité que ces malfaçons ont fait encourir aux salariés présents sur le chantier, si ces semelles de mur de plus de 800 kg les avaient atteints lors de l'effondrement, ainsi que du fait que de nouvelles semelles ont dû être fabriquées en urgence et la préparation défectueuse abandonnée ; que c'est à juste titre que l'employeur rappelle que des faits similaires avaient déjà été reprochés à M. X..., par les avertissements ci-dessus évoqués ; qu'ainsi, les faits imputés à M. X... sont bien constitutifs d'une faute grave au sens de la définition ci-dessus rappelée, et son licenciement apparaît fondé ; que le jugement attaqué sera donc infirmé dans toutes ses dispositions, et M. X... débouté de l'ensemble de ses demandes.

ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige quant aux motifs qui y sont énoncés ; que lorsqu'il résulte des termes de la lettre de licenciement que l'employeur a reproché au salarié des fautes, et prononcé un licenciement disciplinaire, les juges du fond doivent se prononcer sur le caractère fautif ou non du comportement du salarié ; que pour dire fondé le licenciement pour faute de M. Christel X..., la cour d'appel s'est contentée de retenir un défaut de soudure et des malfaçons au niveau du montage de pièces assemblées par M. Christel X... ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a caractérisé aucune faute à la charge du salarié, a violé les articles L. 1232-1 L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1331-1 du code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Christel X... de sa demande tendant au paiement d'une indemnité de congés payés.

AUX MOTIFS QUE M. X... a été licencié le 24 décembre 2011 pour faute grave ; que la faute grave dont la preuve appartient à l'employeur se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que pour qualifier la faute grave il incombe donc au juge de relever le ou les faits constituant pour le salarié licencié une violation des obligations découlant de son contrat de travail ou des relations de travail susceptible d'être retenue, puis d'apprécier si ledit fait était de nature à exiger le départ immédiat du salarié ; que M. X... ne conteste pas le licenciement autrement qu'en opposant le harcèlement moral ci-dessus écarté ; qu'au demeurant, la société Armafer soutient à juste titre que la lettre de licenciement exprime précisément les faits reprochés, en l'espèce le fait que les semelles d'un mur à destination du client Roncarolo sur un chantier Carrière Lafitte s'étaient effondrées et que le client avait noté que cet effondrement était dû à une malfaçon du montage des pièces d'armature ; qu'il avait été relevé un défaut de soudure et des malfaçons au niveau du montage des pièces, à l'origine de l'incident ; que ces faits sont établis, de même, par la vérification des numéros de série, le fait que ces semelles avaient bien été assemblées par M. X... ; que la gravité de ces faits résulte des risques de sécurité que ces malfaçons ont fait encourir aux salariés présents sur le chantier, si ces semelles de mur de plus de 800 kg les avaient atteints lors de l'effondrement, ainsi que du fait que de nouvelles semelles ont dû être fabriquées en urgence et la préparation défectueuse abandonnée ; que c'est à juste titre que l'employeur rappelle que des faits similaires avaient déjà été reprochés à M. X..., par les avertissements ci-dessus évoqués ; qu'ainsi, les faits imputés à M. X... sont bien constitutifs d'une faute grave au sens de la définition ci-dessus rappelée, et son licenciement apparaît fondé ; que le jugement attaqué sera donc infirmé dans toutes ses dispositions, et M. X... débouté de l'ensemble de ses demandes.

ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en déboutant M. Christel X... de sa demande de congés payés sans donner aucun motif à sa décision de ce chef, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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