Cassation sociale, 22 mars 2017, n° 15-24.224 cassation sociale - Editions Tissot

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Cassation sociale, 22 mars 2017, n° 15-24.224

Le salarié qui s’abstient de travailler après la fin de son arrêt maladie alors que ses attributions restent conformes à celles énoncées dans son contrat de travail commet une faute grave.

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 22 mars 2017
N° de pourvoi: 15-24224
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
SCP Delvolvé et Trichet, SCP Foussard et Froger, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 juin 2015) que M. X..., engagé le 2 juin 2009 en qualité de responsable des ventes par la société ATB Begecom (la société) a été licencié le 21 juin 2011 pour faute grave, l'employeur lui reprochant une absence d'activité au retour d'un arrêt maladie, et la communication aux actionnaires et au conseil d'administration d'un mémorandum relatif à la politique menée par la direction ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de décider que le licenciement repose sur une faute grave, et de le débouter de l'intégralité de ses demandes, alors, selon le moyen, que la faute grave n'est caractérisée qu'en présence d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que ne constitue pas une faute grave l'envoi aux dirigeants d'un mémorandum critique sur la gestion de l'entreprise ne comportant pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que M. X... avait commis une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise en constatant qu'il avait envoyé aux dirigeants de l'entreprise un mémo qui n'était pas injurieux, se bornant à critiquer la capacité de la direction à gérer l'entreprise sur les plans financiers, managériaux et stratégiques, les juges du fond n'ont pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que le salarié s'était abstenu de travailler après la fin de son arrêt maladie alors que ses attributions demeuraient conformes à celles énoncées dans son contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas modifié l'objet du litige, a par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deux premières branches du moyen unique ci-après annexées qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. X...

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'IL a, par confirmation, décidé que le licenciement de M. X... reposait sur une faute grave, le déboutant, par conséquent, de l'intégralité de ses demandes indemnitaires et le condamnant au paiement d'indemnités irrépétibles de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE Monsieur X... ne conteste pas la matérialité des faits qui lui sont imputées mais tente de les justifier par des manquements de l'employeur ; que le contrat travail de M. X... ne mentionne pas de secteur attitré et ne prévoit pas qu'il soit secondé par un Assistant Chef de Vente ; que Monsieur X... ne précise pas la date à laquelle le précédent assistant est parti ; qu'il résulte des courriels, notamment de la lettre du 7 mars 2011 que la procédure de recrutement d'un assistant, à laquelle. M. X... était invitée à participer, était en cours par sa hiérarchie mais que Monsieur X... a, de sa propre initiative, désigné un autre salarié ; qu'il est ainsi établi par les échanges de courriers que M. X... savait pertinemment qu'il n'avait pas le pouvoir de recruter un assistant et qu'il a imposé ce choix à son employeur en tout en informant la personne concernée et les autres membres de son équipe de cette promotion, mettant ainsi l'employeur dans une situation délicate ; que Monsieur X... ne peut sérieusement soutenir que le refus de lui prêter un second véhicule de fonction pour permettre à son épouse et son enfant de partir en vacances constitue un manquement de l'employeur au seul prétexte que son épouse avait déjà bénéficié de ce type de service ; que Monsieur X... emploie, dans ses écrits, des termes dévalorisants pour la société et excessifs tels que manque d'humanité, autisme et abus de pouvoir caractérisé ; qu'il critique dans des courriels la gestion du personnel commercial par la direction et évoque des retards de loyers à répétition de la société alors que ces faits sont sans lien avec les reproches formulés à son encontre ; qu'enfin, il résulte de la lettre du 20 avril 2011 qu'il a adressée à la Direction des Ressources Humaines qu'il avait fait le constat de la nécessité de rompre les relations contractuelles et demandait à la société de lui propose une solution. Monsieur X... a écrit « nous ne sommes pas fait pour travailler ensemble, je ne peux pas me permettre de démissionner, (quelles possibilité) » ; que par courrier du 24 mai 2011, la société ATB BEGECOM demandait à Monsieur X..., à sa reprise après arrêt maladie, d'animer l'équipe et d'effectuer un suivi individuels des vendeurs, d'organiser les réunions et de transmettre des rapports d'activité détaillés, lettre suivie de nombreux échanges de courriels aux mois de mai et juin, sur la compensation de la redistribution du portefeuille et une recherche de solution amiable de M. X... ; qu'il était envisagé une prime de 750 € à condition de réaliser 2 nouveaux clients par semaine, tous produits confondus ; que par lettre du 1er juin, M. X... a contesté avoir demandé des jours de congés sans solde et a précisé dans une lettre du 16 juin qu'il restait en attente d'une proposition de modalités de sa reprise de travail et demandait un dédommagement et une proposition de solution amiable pour son départ ; que Monsieur X... ne précise pas en quoi il aurait été victime de mesures délibérément discriminatoires ou qu'il aurait été contraint de faire face à de nouvelles obligations incompatibles avec la réalisation du travail demandé ; qu'enfin, le mémo intitulé " Le naufrage d'ATB Bégécom, ou comment perdre 3M d'€ en 3 ans " ne peut être qualité d'exercice normal de la liberté d'expression ; que Monsieur X... revient longuement sur la gestion et la situation avant la fusion en 2008, qui ne justifie en rien les fautes qui lui sont reprochées en 2011 ; qu'en conséquence, c'est à bon droit que le conseil a dit que le licenciement reposait sur une faute grave ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la lettre de licenciement du 21 juin 2011 fait mention de deux griefs, que le premier grief est ainsi exprimé : « Suite à votre arrêt maladie, vous vous êtes abstenu de toute activité, malgré les instructions précises et les encouragements qui vous ont été fournis et confirmés par courriers des 24 et 26 mai 2011 », qu'il est constant que Monsieur X... s'est trouvé en arrêt de maladie du 26 février 2011 au 20 mai 2011 inclus, que par courrier du 20 avril 2011, Monsieur X... a fait connaître clairement à sa hiérarchie son souhait de mettre fin à l'amiable à son contrat de travail car « ne pouvant concrètement [se] permettre de donner [sa] démission », et ce, sans pour autant recevoir une réponse favorable, que par courrier du 24 mai 2011, la Société ATB BEGECOM a indiqué à Monsieur X... la nouvelle organisation de travail mise en place en son absence dans son secteur de responsabilité, et lui a rappelé et précisé ses tâches, par ailleurs en conformité avec celles figurant dans son contrat de travail, lequel, ne conférant pas le statut de VRP, n'attribue effectivement aucune clientèle personnelle, que par courrier électronique et par lettre recommandée avec avis de réception du 26 mai 2011, la Société ATB BEGECOM a accepté le versement, sous condition de réalisation d'objectifs, d'une prime en compensation de l'ouverture du secteur de LORIENT, qu'en tout état de cause, qu'un litige financier sur les conditions de reprise ne dispense pas le salarié de reprendre son activité, qu'au demeurant aucune pièce ne concrétise en l'espèce une reprise effective du travail par Monsieur X..., ni un quelconque accord sur un abandon de poste négocié, qu'en conséquence de ce qui précède, que le Conseil considère que le grief est parfaitement fondé et constitue indiscutablement une faute grave, que le second grief est ainsi exprimé : « Dans le même temps, vous avez adressé en date du 04 juin 2011 à la Présidente de la société ATB BEGECOM et au Conseil d'administration de PUBLIGROUPE un mémo, intitulé « Le naufrage d'ATB BEGECOM ou comment perdre près de 10 millions d'euros en trois ans » dans lequel vous émettez des critiques outrancières et injustifiées à l'encontre de la politique commerciale et des orientations mises en oeuvre au sein des sociétés ATB BEGECOM et AMITEL mettant en cause nominativement les dirigeants et plusieurs cadres, dans le but manifeste de décrédibiliser ces deux sociétés », que le mémo n'est pas injurieux au sens strict mais contient de nombreuses appréciations mettant en cause la Direction, y compris sur sa capacité à gérer une entreprise sur les plans financiers, managériaux et stratégiques, que ce mémo s'avère manifestement préparé, et ne saurait donc s'analyser en un cri de colère soudain, que le fait d'inclure l'actionnariat dans les destinataires de ce mémo, et non seulement la Direction de la Société ATB BEGECOM, procède d'un abus de la liberté d'expression du salarié au sein de son entreprise et constitue pour le moins, en l'espèce, une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

ALORS QUE, premièrement, le juge ne peut, sauf à excéder ses pouvoirs, modifier les termes du litige ; qu'en affirmant, en l'espèce, que Monsieur X... « ne contest (ait) pas la matérialité des faits qui lui (étaient) imputées » sans distinguer les deux griefs, bien que M. X... contestait, dans l'argumentaire qu'il avait développé devant la cour d'appel, son absence d'activité, correspondant au premier grief mentionné dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, violant, ainsi, l'article du Code de Procédure Civile ;

ALORS QUE, deuxièmement et en toute hypothèse, l'exception d'inexécution permet à l'une des parties contractantes de suspendre l'exécution de tout ou partie de ses obligations si l'autre partie n'exécute pas les siennes, dès lors que les obligations ont une origine contractuelle commune ; de sorte que le salarié qui ne perçoit pas l'intégralité de la rémunération initialement convenue est en droit, en contrepartie, de suspendre, en tout ou en partie, sa prestation ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que le licenciement de M. X... reposait sur une faute grave caractérisée par le fait qu'il s'était abstenu du 21 mai 2011, date de son retour, au 31 mai 2011, date de sa convocation à l'entretien préalable, de toute activité malgré des instructions précises et des encouragements, tout en constatant que le portefeuille de clientèle qu'il avait développé pendant deux années et qui lui permettait d'être commissionné conformément à l'article 7 de son contrat de travail avait été « redistribué », de sorte que la base de sa rémunération avait été modifiée de manière unilatérale par son employeur et que cette modification unilatérale était à l'origine d'une importante baisse de sa rémunération, les juges du fond ont violé les dispositions des articles 1134 du code civil et L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

ALORS QUE, troisièmement, la faute grave n'est caractérisée qu'en présence d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que ne constitue pas une faute grave l'envoi aux dirigeants d'un mémorandum critique sur la gestion de l'entreprise ne comportant pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que M. X... avait commis une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise en constatant qu'il avait envoyé aux dirigeants de l'entreprise un mémo qui n'était pas injurieux, se bornant à critiquer la capacité de la direction à gérer l'entreprise sur les plans financiers, managériaux et stratégiques, les juges du fond n'ont pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail.    

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