Cassation sociale, 5 juillet 2017, n° 15-21.389 cassation sociale - Editions Tissot

Jurisprudence sociale

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Cassation sociale, 5 juillet 2017, n° 15-21.389

Lorsque le licenciement d'un salarié protégé intervient après une autorisation de l'inspection du travail contre laquelle aucun recours n'a été formé, la lettre de licenciement est suffisamment motivée si elle fait référence soit à cette autorisation administrative soit au motif de licenciement pour lequel l'autorisation a été demandée. À défaut, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 5 juillet 2017
N° de pourvoi: 15-21389
Non publié au bulletin Rejet

M. Frouin (président), président
SCP Foussard et Froger, SCP Sevaux et Mathonnet, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 28 mai 2015), que Mme X..., engagée en janvier 1999 par la Société de distribution alimentaire (SDA) en qualité d'employée et occupant, en dernier lieu, les fonctions de responsable de magasin à partir de 2004 et de déléguée suppléante du personnel, a fait l'objet d'un licenciement pour faute lourde par lettre du 30 novembre 2012, avec mise à pied conservatoire le même jour, l'employeur ayant obtenu, le 29 novembre 2012, de l'inspection du travail l'autorisation de la licencier ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner, par conséquent, à payer à la salariée les indemnités de la rupture alors, selon le moyen :

1°/ que lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur la légalité de cette décision ; que s'il suffit de mentionner, dans la lettre de licenciement, l'autorisation administrative obtenue de l'inspecteur du travail pour motiver la lettre de licenciement, cette mention ne constitue pas une condition de légalité de la décision de licenciement prise après une autorisation administrative, la lettre étant suffisamment motivée si elle vise, même brièvement, les griefs ayant donné lieu à l'autorisation administrative ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que le fait, par la société SDA de n'avoir pas motivé précisément la lettre de licenciement et de n'avoir pas fait expressément référence à l'autorisation administrative de licenciement privait le licenciement de cause réelle et sérieuse, tout en constatant que la société SDA avait fait état d'un agissement constitutif de faute lourde et alors qu'il n'était pas contesté que la salariée avait reconnu, lors de l'examen effectué par l'inspecteur du travail, avoir « utilisé l'argent du coffre régulièrement, pour ses besoins personnels, qu'elle n'effectuait aucune comptabilité de ces retraits mais qu'elle avait pris un million deux cent cinquante mille francs, dont un million avait été restitué », et qu'enfin l'autorisation administrative de licenciement était définitive, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, le principe de la séparation des pouvoirs ensemble les articles Lp. 122-6 et Lp. 351-1 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie ;

2°/ qu'en l'état d'une autorisation de licenciement devenue définitive, le salarié ne peut plus contester la validité ou la cause de la rupture ; que par ailleurs, le détournement, non contesté, à plusieurs reprises, concerté avec d'autres salariés de l'entreprise, de sommes d'argent appartenant à l'employeur pour en faire un usage personnel est de nature à caractériser la faute lourde ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que le licenciement ne reposait pas sur une faute lourde car l'employeur n'avait pas rapporté la preuve d'une intention de nuire de la part de la salariée, laquelle ne se déduirait pas du seul détournement de sommes d'argent tout en constatant l'existence d'une administrative de licenciement devenue définitive, en l'état, d'un aveu non contesté à l'inspecteur du travail du détournement des sommes d'argent aux côtés de deux subordonnées, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, le principe de la séparation des pouvoirs ensemble les articles Lp. 122-3 et Lp. 122-22 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie ;

Mais attendu que, lorsque le licenciement d'un salarié protégé est intervenu après une autorisation administrative contre laquelle aucun recours n'a été formé, la lettre de licenciement est suffisamment motivée si elle fait référence, soit à l'autorisation administrative, soit au motif du licenciement pour lequel l'autorisation a été demandée ;

Et attendu qu'ayant constaté que la lettre de licenciement ne faisait pas référence à l'autorisation administrative de licenciement et ne précisait pas les motifs du licenciement, la cour d'appel a, par ces seuls motifs et sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société de distribution alimentaire aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société de distribution alimentaire à payer à la SCP Sevaux et Mathonnet la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la Société de distribution alimentaire


L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'IL a décidé que le licenciement de Madame X..., salarié protégée dont le licenciement avait été autorisé par une décision administrative définitive, était néanmoins dépourvue de cause réelle et sérieuse, condamnant, par conséquent, la société SDA, employeur, à lui payer divers sommes au titre des indemnités de rupture, des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'au titre des frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE pour satisfaire à l'exigence de motivation posée par l'article 122-6 code du travail de la Nouvelle Calédonie, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de faits précis et contrôlables ; que lorsque le licenciement d'un salarié protégé a été autorisé par décision administrative, il suffit que la lettre de licenciement se réfère à cette autorisation, l'office du juge étant seulement de vérifier que le motif du licenciement est bien celui pour lequel l'autorisation a été donnée ; que la lettre de licenciement se contente de faire référence à un agissement constitutif d'une faute lourde mettant en cause la bonne marche de l'entreprise ; que l'exigence de motivation était d'autant plus importante en l'espèce qu'en invoquant la faute lourde, l'employeur devait rapporter la preuve d'une intention de nuire de la part de la salariée qui ne se déduit pas du seul détournement de sommes d'argent ; que l'insuffisance de motivation équivaut à une absence de motivation et que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

ALORS QUE, premièrement, lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur la légalité de cette décision ; que s'il suffit de mentionner, dans la lettre de licenciement, l'autorisation administrative obtenue de l'inspecteur du travail pour motiver la lettre de licenciement, cette mention ne constitue pas une condition de légalité de la décision de licenciement prise après une autorisation administrative, la lettre étant suffisamment motivée si elle vise, même brièvement, les griefs ayant donné lieu à l'autorisation administrative ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que le fait, par la société SDA de n'avoir pas motivé précisément la lettre de licenciement et de n'avoir pas fait expressément référence à l'autorisation administrative de licenciement privait le licenciement de cause réelle et sérieuse, tout en constatant que la société SDA avait fait état d'un agissement constitutif de faute lourde et alors qu'il n'était pas contesté que la salariée avait reconnu, lors de l'examen effectué par l'inspecteur du travail, avoir « utilisé l'argent du coffre régulièrement, pour ses besoins personnels, qu'elle n'effectuait aucune comptabilité de ces retraits mais qu'elle avait pris un million deux cent cinquante mille francs, dont un million avait été restitué », et qu'enfin l'autorisation administrative de licenciement était définitive, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, le principe de la séparation des pouvoirs ensemble les articles Lp. 122-6 et Lp. 351-1 du code du travail de la Nouvelle Calédonie ;

ALORS QUE, deuxièmement, en l'état d'une autorisation de licenciement devenue définitive, le salarié ne peut plus contester la validité ou la cause de la rupture ; que par ailleurs, le détournement, non contesté, à plusieurs reprises, concerté avec d'autres salariés de l'entreprise, de sommes d'argent appartenant à l'employeur pour en faire un usage personnel est de nature à caractériser la faute lourde ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que le licenciement ne reposait pas sur une faute lourde car l'employeur n'avait pas rapporté la preuve d'une intention de nuire de la part de la salariée, laquelle ne se déduirait pas du seul détournement de sommes d'argent tout en constatant l'existence d'une administrative de licenciement devenue définitive, en l'état, d'un aveu non contesté à l'inspecteur du travail du détournement des sommes d'argent aux côtés de deux subordonnées, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, le principe de la séparation des pouvoirs ensemble les articles Lp. 122-3 et Lp. 122-22 du code du travail de la Nouvelle Calédonie.    

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