Jurisprudence sociale
Version gratuite
Cassation sociale, 29 juin 2017, n° 16-15.897
Est suffisamment motivée la lettre de licenciement qui mentionne la suppression du poste de travail du salarié et les difficultés économiques de l’entreprise, sans préciser les données chiffrées.
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 29 juin 2017 N° de pourvoi: 16-15897 Non publié au bulletin Cassation partielle
M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1233-3, L. 1233-4 et L. 1233-16 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X...a été engagée le 1er décembre 2009, en qualité d'infirmière, par la société JM Y... ; qu'elle a été licenciée pour motif économique le 26 août 2011 ;
Attendu que pour dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel retient que, si la réalité des difficultés économiques est justifiée, la lettre de licenciement ne comportait aucune donnée chiffrée permettant de les apprécier et que, par ailleurs, l'employeur ne justifiait d'aucune proposition de reclassement alors que celui-ci avait continué à exercer sa profession, avec nécessairement l'assistance d'une infirmière, poste qui aurait dû être proposé à la salariée ;
Qu'en statuant ainsi alors, d'une part, qu'est suffisamment motivée la lettre de licenciement qui mentionne la suppression du poste de travail de la salariée et les difficultés économiques, sans avoir à préciser les données chiffrées qui en justifient et alors, d'autre part, que l'employeur faisait valoir qu'il avait supprimé le poste occupé par la salariée et avait désormais recours, pour exercer ses fonctions, à des prestataires extérieurs, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse et condamne l'employeur à lui payer la somme de 15 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 24 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Docteur Jean-Michel Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Jean-Michel Y... à payer à la salariée 15. 000 euros de dommages et intérêts à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement indique que l'exercice de la médecine en matière de chirurgie plastique esthétique et reconstructrice connaît depuis plusieurs mois un très fort ralentissement se caractérisant par une réduction alarmante des interventions, qu'il s'agisse du nombre de patients opérés ou de l'ampleur des interventions pratiquées ; que cette situation a pour conséquence directe et immédiate une très nette réduction des honoraires facturés, le chiffre d'affaires étant en fort repli ; que par ailleurs, ce phénomène se double de difficultés d'encaissement dont les délais génèrent une forte tension sur la trésorerie de la société, déficitaire de façon récurrente ; que ces difficultés économiques rendent impératives des mesures de réorganisation afin de sauvegarder la compétitivité de la société et impliquent la suppression du poste ; que l'employeur indique enfin qu'il recherche des solutions de reclassement susceptibles d'être proposées à la salariée ; que Mme Virginie X... conteste le motif économique du licenciement intervenu, précise que l'activité d'infirmière est indispensable à la poursuite des opérations pratiquées et que M. Jean-Michel Y... qui a continué à exercer a forcément pourvu à son remplacement ; que la société Jean-Michel Y... indique que son chiffre d'affaires a été divisé par 2 entre le 31 décembre 2010 et le 31 décembre 2011, que le résultat d'exploitation et le résultat courant avant impôt sont devenus négatifs au 31 décembre 2011, qu'enfin, outre la baisse de rémunération du praticien, le poste d'infirmière supprimé a été externalisé, permettant ainsi de réduire les charges ; qu'aux termes de l'article L 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe ; qu'il appartient à l'employeur de démontrer la réalité des difficultés économiques et la nécessité de la suppression du poste dans l'entreprise ; que ces difficultés doivent être appréciées au jour de la rupture du contrat de travail ; que la lettre de licenciement doit contenir les éléments permettant de s'assurer de la réalité du motif conformément aux dispositions précitées ; qu'il appartient également à l'employeur, dans le cadre de l'obligation mise à sa charge, de démontrer la sincérité et la réalité des démarches effectuées nécessairement en amont du licenciement ; que force est de constater que si le bilan au 31 décembre 2011 démontre la réalité des difficultés économiques rencontrées, la lettre de licenciement du 26 août 2011 ne comportait aucune donnée chiffrée permettant d'apprécier l'étendue des difficultés économiques ; que la société Jean-Michel Y... ne justifie d'aucune proposition de reclassement alors que M. Jean-Michel Y... ne conteste pas qu'il a continué à exercer sa profession, nécessairement assisté d'une infirmière lors des interventions chirurgicales, et que dès lors, il devait à tout le moins demander à son ancienne infirmière si elle acceptait d'effectuer des remplacements au lieu de prospecter auprès d'anciens collègues de celle-ci ; que le document produit en qualité de livret d'entrée et sortie du personnel n'a aucun caractère probant ; que dès lors, le licenciement intervenu est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'il convient d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris sur ce point et de condamner la société Jean-Michel Y... à payer à Mme Virginie X... la somme de 15. 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1°) ALORS QU'est suffisamment motivée la lettre de licenciement qui mentionne la suppression du poste de travail occupé par le salarié consécutive à des difficultés économiques ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement énonçait : « nous avons pour activité l'exercice de la médecine en matière de chirurgie plastique esthétique et reconstructrice. Or, cette activité connaît depuis plusieurs mois un très fort ralentissement se caractérisant par une réduction alarmante des interventions, qu'il s'agisse du nombre de patients opérés ou de l'ampleur des interventions pratiquées. Cette situation a pour conséquence directe et immédiate une très nette réduction des honoraires facturés, le chiffre d'affaires du cabinet étant en fort repli. Par ailleurs, ce phénomène se double de difficultés d'encaissement, dont les délais génèrent une forte tension sur la trésorerie du cabinet, déficitaire de façon récurrente. Cette situation, qui est générale et qui frappe l'ensemble de notre secteur d'activité, s'explique par la conjonction de deux phénomènes, à savoir :- les soulèvements politiques intervenus au début de l'année 2011 dans les pays du Proche et Moyen Orient, dont est issue la très grande majorité de notre clientèle, qui revoit ses priorités et n'affecte plus d'importants budgets à des dépenses médicales de confort et non obligatoires ;- la très forte baisse de recrutement de la clientèle en chirurgie esthétique liée à la conjoncture de crise économique depuis plusieurs mois. Au regard de la situation, le planning opératoire des prochaines semaines n'annonce aucun signe de redémarrage et aucune amélioration n'est prévisible. Ces difficultés économiques rendent impératives des mesures de réorganisation afin de sauvegarder la compétitivité du cabinet. Elles impliquent la suppression de votre poste. Malgré nos recherches, aucune solution de reclassement ne peut vous être proposée au sein du cabinet. Dans ces conditions, la suppression de votre poste et l'absence de reclassement nous contraignent à vous licencier par la présente » ; que cette lettre se prévalait ainsi de difficultés économiques et de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, entraînant la suppression de l'emploi de la salariée ; qu'en retenant, pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, que la lettre de licenciement ne comportait aucune donnée chiffrée permettant d'apprécier l'étendue des difficultés économiques, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-16 du code du travail ;
2°) ALORS QUE le licenciement pour motif économique s'entend du licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'en jugeant le licenciement pour motif économique de Mme Virginie X... sans cause réelle et sérieuse, quand elle constatait que l'employeur établissait, par la production du bilan de l'entreprise pour l'année 2011, les difficultés économiques qu'il avait rencontrées et invoquées au soutien de la mesure de licenciement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
3°) ALORS QU'il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement si l'employeur justifie de l'absence de poste disponible, à l'époque du licenciement, dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, M. Jean-Michel Y... rappelait que l'entreprise-qui n'appartenait à aucun groupe-ne comptait, outre lui-même exerçant en qualité de médecin-chirurgien, qu'une secrétaire médicale, un agent d'entretien et une infirmière instrumentiste, Mme Virginie X... ; qu'il en déduisait qu'en suite du licenciement de cette dernière-qui n'avait pas été remplacée-, il ne disposait plus dans l'entreprise que de deux postes de travail de secrétaire médical et d'agent d'entretien, lesquels demeuraient occupés ; qu'au soutien de sa démonstration, l'employeur produisait une attestation du comptable de l'entreprise, M. Pierre Z..., confirmant au 5 juin 2012 que « Mme Virginie X... était la seule assistante instrumentiste du docteur Y.... A la suite de son licenciement, celle-ci n'a pas été remplacée et il n'y a plus d'infirmière instrumentiste dans son effectif à ce jour » ; qu'en reprochant dès lors à M. Jean-Michel Y... de ne justifier d'aucune proposition de reclassement à la salariée, sans rechercher si l'employeur ne justifiait pas, au vu de cette attestation et compte tenu de la taille modeste de son entreprise, de l'absence de tout poste disponible susceptible d'être proposé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
4°) ET ALORS QUE seuls les emplois salariés doivent être proposés dans le cadre du reclassement ; qu'en retenant dès lors que « le docteur Y... ne conteste pas qu'il a continué à exercer sa profession, nécessairement assisté d'une infirmière lors des interventions chirurgicales, et que dès lors, il devait à tout le moins demander à son ancienne infirmière si elle acceptait d'effectuer des remplacements au lieu de prospecter auprès d'anciens collègues de celle-ci », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invité, si les fonctions d'infirmières n'avaient pas été externalisées et exécutées par des prestataires extérieurs n'étant pas salariés de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail.
Aller plus loin sur “Jurisprudence Procédure de licenciement”
Articles liés du Code du travail
|
|