Cassation sociale, 21 septembre 2017, n° 15-24.927 cassation sociale - Editions Tissot

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Cassation sociale, 21 septembre 2017, n° 15-24.927

La lettre de licenciement doit énoncer la cause économique telle que prévue à l'article L. 1233-3 du Code du travail, et l'incidence matérielle de cette cause sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié.

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du jeudi 21 septembre 2017
N° de pourvoi: 15-24927
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1232-6 , L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 10 juillet 2002 en qualité de responsable informatique et production par la société Axe logistique, a été licencié pour motif économique par lettre du 7 juin 2007 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que la réalité du motif économique est avérée de même que son caractère sérieux dès lors que la mutation technologique était nécessaire pour s'adapter aux exigences des appels d'offre de clients potentiels, que la qualification et le poste occupé par le salarié étaient la maintenance informatique, qu'il résulte de l'audit que la qualification requise pour l'installation du nouveau système était celle d'un ingénieur réseaux et pour sa maintenance un responsable architecture et maintenance, qu'il résulte nécessairement de ces transformations technologiques une incidence sur le poste occupé par le salarié ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, lorsqu'un motif économique est invoqué, la lettre de licenciement doit énoncer la cause économique telle que prévue par l'article L. 1233-3 du code du travail et l'incidence matérielle de cette cause économique sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié, et qu'il résultait de la lettre de licenciement de l'intéressé que le motif énoncé était "la réorganisation de notre service informatique : changement de technologie du système d'exploitation, mise en place de la radio", ce dont il résultait qu'aucun motif ne portait sur l'incidence de la réorganisation sur l'emploi du salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la société Axe logistique de sa demande de dommages et intérêts, l'arrêt rendu le 9 juillet 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Axe logistique aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Axe logistique à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR jugé que M. X... avait été licencié pour un motif économique réel et sérieux et de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes,

AUX MOTIFS QUE les dispositions de l'article L. 1235-7 du code du travail étant applicables aux contestations susceptibles d'entraîner la nullité de la procédure de licenciement pour motif économique en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un plan de sauvegarde de l'emploi, le moyen tiré de la prescription de l'action engagée par M. X... n'est pas fondé ; que la lettre de licenciement fixant les limites du litige, il convient de rappeler que M. X... a été licencié par courrier du 7 juin 2007 aux motifs suivants : "Nous vous avons exposé lors de notre entretien préalable du 18 mai 2007, au cours duquel nous vous avons remis la documentation établie par les Assedic sur la convention de reclassement personnalisé, les raisons pour lesquelles nous envisagions votre licenciement pour motif' économique. Nous vous les rappelons ci-après : La réorganisation de notre service informatique : changement de technologie du système d'exploitation, mise en place de la radio. Afin d'éviter votre licenciement, nous avons activement recherché toutes les possibilités de reclassement dans l'entreprise mais nos tentatives se sont révélées infructueuses. Compte tenu de ces éléments et du fait que vous n'avez pas fait connaître votre réponse sur la proposition de convention de reclassement personnalisé, nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement pour motif économique. La présentation de la présente lettre marque le point de départ de votre préavis d'une durée de trois mois que nous vous dispensons d'exécuter (.)" ; qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; que le juge prud'homal est tenu de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, mais ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue dans la mise en oeuvre de la réorganisation ;
que le motif économique doit s'apprécier à la date du licenciement, mais qu'il peut être tenu compte d'éléments postérieurs à cette date pour permettre au juge de vérifier si la réorganisation était nécessaire ou non à la sauvegarde de la compétitivité ; que l'article L. 1233-4 dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'aux mois de janvier 2006 la société Axe Logistique a perdu un client, la société Pitney Bowles qui lui a reproché de ne pas disposer de la technologie et des compétences permettant de l'accompagner sur son projet ; qu'au mois de novembre 2006, la MSA n'a pas retenu son offre de marché au motif qu'elle n'avait pas répondu de façon satisfaisante à son besoin d'informatique ; qu'au mois de novembre 2006 la société Alstom a lancé un appel d'offre relatif à la gestion logistique et au fonctionnement quotidien d'un nouveau magasin ; que pour se montrer compétitive et présenter un système performant, elle a souhaité installer un logiciel W MS Egov9, mais a fait réaliser préalablement par la société ID. Concept un audit de son service informatique dans le but d'évaluer si ses installations, ressources et compétences informatiques étaient adaptées aux nouvelles technologies dont elle envisageait de s'équiper ; que le rapport de la société mandatée a été le suivant : "Conclusions sur le matériel : le réseau actuel est dimensionné pour recevoir les applications technologiques de nouvelle génération pilotage entrepôt (WMS) et pilotage radiofréquence (...) Compétences nécessaires pour la gestion et la maintenance de la nouvelle technologie: profil du poste : Ingénieur réseaux, Bac+( avec spécialisation dans le domaine des télécommunications (école d'ingénieurs ou université). Conclusion sur les ressources humaines : Vous avez actuellement un service informatique constitué d'une personne dont les compétences sont orientées maintenance de matériel informatique (maintenance de PC essentiellement). Si vous souhaitez accompagner votre migration technologique vous devrez recourir à des compétences inexistantes à l'heure actuelle au sein de votre entreprise. Le besoin devra être exprimé sur deux postes distincts : 1 Chef de projet (voir profil de poste ci-dessus) pour vous accompagner dans la mise en place de cette nouvelle technologie, 1 Responsable architecture et maintenance du réseau." ; que le 9 mars 2007, la société Alstom a conditionné sa commande de prestations logistiques à la fourniture d'un système informatique permettant trois niveaux de traçabilité la conduisant à la réorganisation du service informatique ; que la réalité du motif économique est dans ces conditions avérée de même que son caractère sérieux dès lors que la mutation technologique était nécessaire pour s'adapter aux exigences des appels d'offre de clients potentiels, celui de la société Alstom représentant un montant non négligeable ; que l'introduction d'une nouvelle technologie, que constitue le logiciel installé par la société, est un motif économique de licenciement alors même que la société ne rencontre pas de difficultés économiques ; que la qualification et le poste occupé par M. X... est la maintenance informatique ; qu'il ressort de l'audit que la qualification requise pour l'installation du nouveau système est celle d'un ingénieur réseaux et pour sa maintenance un responsable "architecture et maintenance" ; qu'il résulte nécessairement de ces transformations technologiques une incidence sur le poste occupé par M. X... ; qu'en raison de l'insuffisance de ses compétences techniques, la société Axe Logistique, lui a proposé une formation professionnelle ; que Mme Francine Y..., comptable au sein de la société, atteste en effet : "Au cours du mois d'avril 2007, j'ai vu M. Daniel X..., alors responsable informatique de notre société déménager de nombreux cartons de son bureau vers sa voiture. Durant cette période, il y avait de fréquentes disputes entre M. Daniel X... et Mme Christine Z... car M. X... ne voulait pas entendre parler de trouver d'autres personnes pour le service informatique. Il a également refusé une proposition de formation de 2 ans que lui avait faite Madame Z... et pour laquelle j'avais pris contact avec notre organisme de formation AGEFOS. Au début du mois de mai, M. X... ne s'est plus présenté au bureau jusqu'au 18 mai 2007, date à laquelle M. X... a été reçu par Madame Z.... (.)" ; que la cour relève sur ce point que la privation à tout accès informatique à compter du 9 mai 2007 invoquée par M. X... ne résulte que de ses seules affirmations ; qu'en outre, la sarl Axe Logistique produit un courrier de la société Tophranger, avec laquelle elle entretenait des relations commerciales, du 6 février 2007 dont les termes sont les suivants : "Nous avons bien reçu votre demande du 9 courant, relatif au reclassement de votre collaborateur, Monsieur Daniel X.... Nous avons étudié la possibilité de son intégration dans notre groupe et, comme nous vous l'avons indiqué téléphoniquement, il existe, une possibilité de recrutement à un poste de responsable de maintenance informatique sur notre site de Melun. Or, et malgré un premier contact téléphonique prometteur, ce Monsieur ne se manifeste plus. Pourriez-vous nous préciser s'il compte donner une suite à notre proposition, et dans le cas contraire, nous le faire savoir très rapidement (..)" ; qu'il résulte de ce qui précède que l'employeur a satisfait à son obligation de proposition de formation et de reclassement du salarié, étant rappelé que le reclassement interne, s'agissant du seul poste du service informatique existant dans l'entreprise, qui ne fait pas partie d'un groupe, était impossible, et qu'il ne peut lui être imposé de lui délivrer une qualification nouvelle ni une formation initiale lui faisant défaut ; que le jugement sera dans ces conditions confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes ; qu'outre les motifs pertinents des premiers juges, que la cour adopte, le rapport d'expertise produit aux débats par la société Axe Logistique ne permet pas davantage de retenir avec certitude l'imputabilité de la panne informatique du 21 mai 2007 à M. X... en l'absence de preuve de la situation constatée et la traçabilité des interventions réalisées par la société ID Concept ; que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté la sarl Axe Logistique de sa demande reconventionnelle ;

1°) ALORS QUE lettre de licenciement doit énoncer, lorsqu'un motif économique est invoqué, à la fois la raison économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié ; qu'à défaut de l'une ou l'autre de ces mentions, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; qu'en jugeant le licenciement de M. X... justifié par une cause réelle et sérieuse quand la lettre de licenciement mentionnait uniquement la cause économique du licenciement résultant d'une mutation technologique y était mentionnée, sans préciser son impact sur l'emploi du salarié, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations a violé les articles L. 1232-6, L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail ;

2°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ne répondant pas au moyen des conclusions d'appel de M. X... qui faisait valoir que son licenciement était nécessairement sans cause réelle et sérieuse du fait que la lettre de notification ne précisait pas l'impact de la mutation technologique sur son emploi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le juge ne peut suppléer la carence de l'employeur en retenant que le licenciement pour motif économique est justifié par une cause qui n'est pas invoquée dans la lettre de licenciement ; qu'en jugeant que le licenciement de M. X... était justifié par une cause réelle et sérieuse au motif « qu'il résulte nécessairement de ces transformations technologiques une incidence sur le poste occupé par M. X... » quand les constatations de la cour ne pouvaient suppléer l'absence de toute précision, dans la lettre de notification de l'impact de la cause économique du licenciement sur l'emploi du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6, L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail.

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