Jurisprudence sociale
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Cassation sociale, 22 novembre 2017, n° 16-12.952
Quand, à cause de l'annulation des élections, le comité d'établissement ne peut pas fonctionner, il reste créancier de la subvention de fonctionnement due annuellement par l'employeur, même si, en l'absence de délégués du personnel, ses attributions économiques et professionnelles n'ont pas pu être exercées.
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 22 novembre 2017 N° de pourvoi: 16-12952 Non publié au bulletin Rejet
M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président), président SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles 16 février 2016), que les sociétés Compass Group France, Médiance, Servirest et Evhrest constituent une unité économique et sociale (UES), que les élections des membres du personnel du comité d'établissement et des délégués du personnel de l'un des établissements, la société Compass Group France IDF 3S, qui se sont déroulées les 10 mai et 28 juin 2012, ont été annulées par jugement du 19 mars 2013 ; qu'à la suite d'un arrêt de la Cour de cassation en date du 14 janvier 2014 cassant le jugement, le comité d'établissement a repris son activité ; que l'employeur ayant refusé de verser la subvention de fonctionnement au titre de l'année 2013, le comité d'établissement a saisi le tribunal de grande instance ;
Attendu que les sociétés composant l'UES font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à verser au comité d'établissement Compass Group France IDF 3S la somme de 66 699,58 euros à titre de subvention de fonctionnement pour l'année 2013, alors, selon le moyen :
1°/ que la subvention de fonctionnement a pour seule finalité de couvrir les dépenses de fonctionnement liées à l'exercice des attributions économiques et professionnelles dévolues au comité d'entreprise ; qu'il en résulte que son versement est subordonné à l'exercice de ces attributions économiques, soit par le comité d'entreprise soit, en cas de carence de celui-ci constatée aux élections, par les délégués du personnel ; qu'en accordant au comité d'établissement IDF 3S un rappel de subvention de fonctionnement au titre de la période allant du 19 mars 2013 au 14 janvier 2014 cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'aucune des attributions économiques et professionnelles dévolues au comité d'établissement n'avait été exercée durant cette période, ni directement par le comité d'établissement IDF 3S, ni indirectement par les délégués du personnel en raison de l'annulation des élections professionnelles par jugement du 19 mars 2013 du tribunal d'instance de Vanves, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L. 2313-13 et L. 2325-43 du code du travail ;
2°/ que nul ne peut s'enrichir sans cause légitime au détriment d'autrui ; que la subvention de fonctionnement est la contrepartie de l'exercice des attributions économiques et professionnelles dévolues au comité d'entreprise ; qu'en accordant au comité d'établissement un rappel de subvention de fonctionnement au titre de la période allant du 19 mars 2013 au 14 janvier 2014, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'aucune des attributions économiques et professionnelles dévolues au comité d'établissement n'avait été exercée durant la période considérée, ni par le comité d'établissement IDF 3S, ni par les délégués du personnel, en raison de l'annulation des élections professionnelles par jugement du 19 mars 2013 du tribunal d'instance de Vanves, la cour d'appel a enrichi sans cause le comité d'établissement au détriment de l'employeur et a violé l'article 1371 du code civil et les principes régissant l'enrichissement sans cause ;
3°/ qu'après avoir relevé que « la société s'est trouvée dépourvue de comité d'établissement et de délégués du personnel pour la période du 19 mars 2013 au 14 janvier 2014 », ce dont il résultait que l'employeur était dans l'impossibilité de gérer conjointement le budget de fonctionnement avec des délégués du personnel élus dans le périmètre de l'établissement IDF 3S ou même dans le périmètre de l'UES, les premiers juges ont estimé qu'il appartenait à l'employeur, à la suite de l'annulation des élections des membres élus du comité d'établissement et des délégués du personnel, « de gérer conjointement avec les délégués du personnel dont les contrats de travail ont été transférés en juin et septembre 2013 le budget de fonctionnement et les activités sociales et culturelles pour le compte du comité d'établissement, dont la personnalité juridique demeurait malgré l'annulation des élections des membres le constituant » ; qu'en adoptant ces motifs contradictoires pour faire droit à la demande en rappel de subvention de fonctionnement du comité d'établissement IDF 3S, la cour d'appel a violé les articles L. 2313-13 et L. 2325-43 du code du travail ;
4°/ que l'employeur n'a ni intérêt ni qualité à agir en justice pour demander la désignation d'un mandataire ad hoc en lieu et place de la délégation élue du personnel du comité d'entreprise afin d'exercer les prérogatives qui lui sont dévolues ; que les premiers juges ont cru pouvoir affirmer qu'il appartenait à l'employeur, à la suite de l'annulation des élections des membres élus du comité d'établissement et des délégués du personnel, « s'il estimait que les délégués du personnel dont les contrats avaient été transférés ne pouvaient exercer leur mandat sur le périmètre du comité d'établissement, de solliciter la désignation d'un administrateur provisoire chargé de gérer les activités sociales et culturelles et le budget de fonctionnement dans l'attente de la décision de la Cour de cassation ou de l'organisation de nouvelles élections » ; qu'en adoptant ces motifs erronés pour faire droit à la demande en rappel de subvention de fonctionnement du comité d'établissement IDF 3S, la cour d'appel a de plus fort violé les articles L. 2313-13 et L. 2325-43 du code du travail ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 2325-1 du code du travail que le comité d'établissement est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine et de l'article L. 2325-43 que l'employeur verse au comité d'établissement une subvention de fonctionnement d'un montant annuel équivalent à 0,2 % de la masse salariale ; qu'il en résulte que le comité d'établissement empêché de fonctionner par suite de l'annulation des élections, demeure créancier de la subvention de fonctionnement due annuellement par l'employeur, même si en l'absence de délégués du personnel, ses attributions économiques et professionnelles n'ont pu être exercées ;
Et attendu qu'ayant constaté que la subvention de fonctionnement due pour l'année 2013 n'avait pas été versée par l'employeur au comité d'établissement, la cour d'appel a fait une exacte application des textes visés au moyen ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Compass Group France, Servirest, Mediance et EVHREST aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Compass Group France, Servirest , Mediance et EVHREST à payer au comité d'établissement Compass Group France IDF 3S la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille dix-sept. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Compass Group France, la société Servirest, la société Mediance et la société Entreprise de vente en hôtellerie et restauration en établissements de santé.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement la société Compass Group France, la société Médiance, la société Servirest et la société Evhrest à verser au comité d'établissement Compass Group France IDF 3S la somme de 66.699,58 € à titre de subvention de fonctionnement pour l'année 2013 ;
AUX MOTIFS QUE « l'article L.2325-43 du code du travail dispose que l'employeur doit verser au comité d'entreprise, et par extension au comité d'établissement dans le cas présent, une subvention de fonctionnement d'un montant annuel équivalent à 0,2 % de la masse salariale brute. Suite à l'annulation des élections des représentants du personnel au sein du comité d'établissement de la société COMPASS GROUP FRANCE IDF 3S et des délégués du personnel de l'UES, il est constant que ledit comité n'a pas pu fonctionner du 19 mars 2013 au 14 janvier 2014. Les sociétés appelantes prétendent qu'en raison de la finalité du budget de fonctionnement, qui a pour but de permettre au comité d'exercer des attributions économiques, la subvention de fonctionnement n'est pas due, en l'absence des institutions représentatives du personnel permettant le fonctionnement du comité d'établissement l'année 2013. Le comité d'établissement de la société COMPASS GROUP FRANCE IDF 3S soutient que le versement de la subvention de fonctionnement n'est subordonné ni à son fonctionnement effectif, ni à l'engagement de dépenses de sa part. Subsidiairement, il fait valoir que la direction de la société n'a pas fait les démarches nécessaires à l'organisation de nouvelles élections, sa passivité engendrant l'absence de fonctionnement du comité. Or, le comité d'établissement, même temporairement dans l'impossibilité de fonctionner du fait de l'annulation des élections des représentants du personnel, conserve sa personnalité morale et existe toujours, de sorte qu'il reste créancier de toutes les subventions légalement prévues pendant sa mise en sommeil, et notamment de la subvention de fonctionnement, indépendamment de la validation ou de l'annulation des élections. Comme l'a indiqué le tribunal, même quand il est en fonctionnement, le comité n'est pas tenu de dépenser entièrement sa subvention annuelle et peut partiellement l'affecter à des dépenses ultérieures. La cour, confirmant le jugement, fera donc droit à la demande principale du comité d'établissement de la société COMPASS GROUP FRANCE IDF 3S tendant au versement de ladite subvention par les sociétés appelantes, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les demandes subsidiaires » ;
ET AUX MOTIFS REPUTÉS ADOPTÉS QU' « en application de l'article L.2325-43 du Code du travail, l'employeur verse au comité d'entreprise une subvention de fonctionnement d'un montant annuel équivalent à 0,2% de la masse salariale brute. Ce montant s'ajoute à la subvention destinée aux activités sociales et culturelles, sauf si l'employeur fait déjà bénéficier le comité d'une somme ou de moyens en personnel équivalents à 0,2% de la masse salariale brute. En l'espèce, le tribunal d'instance de Vanves a, par jugement du 19 mars 2013, annulé les élections des comités d'établissement et des délégués du personnel au sein du groupe COMPASS. Ce jugement a été cassé par arrêt de la Cour de cassation du 14 janvier 2014. Du fait de la décision du tribunal d'instance de Vanves, la société s'est trouvée dépourvue de comité d'établissement et de délégués du personnel pour la période du 19 mars 2013 au 14 janvier 2014. Dans une telle hypothèse, les articles L. 2312-13, L. 2313-15 et L. 2313-16 du Code du travail prévoient qu'en l'absence de comité d'entreprise par suite d'une carence, l'employeur et les délégués du personnel sont tenus de gérer conjointement le budget de fonctionnement du comité d'entreprise et d'assurer le fonctionnement de toutes les institutions sociales pour le compte du comité. Or, en l'espèce, l'élection des délégués du personnel a été annulée. Il appartenait dès lors à l'employeur soit de gérer conjointement avec les délégués du personnel dont les contrats de travail ont été transférés en juin et septembre 2013 le budget de fonctionnement et les activités sociales et culturelles pour le compte du comité d'établissement, dont la personnalité juridique demeurait malgré l'annulation des élections des membres le constituant, soit s'il estimait que les délégués du personnel dont les contrats avaient été transférés ne pouvaient exercer leur mandat sur le périmètre du comité d'établissement, de solliciter la désignation d'un administrateur provisoire chargé de gérer les activités sociales et culturelles et le budget de fonctionnement dans l'attente de la décision de la Cour de cassation ou de l'organisation de nouvelles élections. En tout état de cause, l'obligation légale et annuelle de versement de la subvention de fonctionnement à la charge de l'employeur ne peut être suspendue du seul fait du non fonctionnement du comité d'entreprise, et ce même si l'obligation conjointe du délégué du personnel et du chef d'entreprise n'est pas assurée, le comité restant créancier, en principe, de ces sommes. En effet, lorsque le comité d'établissement est en activité, il n'est tenu ni de justifier de l'utilisation du budget de fonctionnement qui lui est alloué, ni de le dépenser en totalité ou en partie, cette somme lui restant en tout état de cause acquise quel que soit le montant réel de ses dépenses de fonctionnement. Il s'en déduit donc que cette subvention est due dès lors que le comité d'établissement juridiquement, cette subvention ne pouvant être due pour une période antérieure à sa création, mais qu'elle lui est due même si le comité d'établissement ne fonctionne pas durant un certain temps. Cette subvention ne peut alors être considérée comme dépourvue de cause dans la mesure où lorsque le comité d'établissement reprend son activité dans une situation où comme en l'espèce, personne n'a exercé ses prérogatives, il se trouve dans l'obligation de rattraper les prérogatives qui n'ont pu être exercées. Le comité d'établissement qui reprend son activité à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation est donc fondé à faire valoir sa créance à l'égard de la société qui a interrompu le versement de la subvention pour l'année 2013. Ainsi la société COMPASS GROUP France, la société MEDIANCE, la société SERVIREST et la société EVHREST seront condamnées solidairement à verser au comité d'établissement COMPASS GROUP France IDF 3S la somme de 66 699,58 € au titre de la subvention de fonctionnement pour l'année 2013 » ;
ALORS, DE PREMIÈRE PART, QUE la subvention de fonctionnement a pour seule finalité de couvrir les dépenses de fonctionnement liées à l'exercice des attributions économiques et professionnelles dévolues au comité d'entreprise ; qu'il en résulte que son versement est subordonné à l'exercice de ces attributions économiques, soit par le comité d'entreprise soit, en cas de carence de celui-ci constatée aux élections, par les délégués du personnel ; qu'en accordant au comité d'établissement IDF 3S un rappel de subvention de fonctionnement au titre de la période allant du 19 mars 2013 au 14 janvier 2014 cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'aucune des attributions économiques et professionnelles dévolues au comité d'établissement n'avait été exercée durant cette période, ni directement par le comité d'établissement IDF 3S, ni indirectement par les délégués du personnel en raison de l'annulation des élections professionnelles par jugement du 19 mars 2013 du tribunal d'instance de Vanves, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L. 2313-13 et L. 2325-43 du code du travail ;
ALORS, DE DEUXIÈME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE nul ne peut s'enrichir sans cause légitime au détriment d'autrui ; que la subvention de fonctionnement est la contrepartie de l'exercice des attributions économiques et professionnelles dévolues au comité d'entreprise ; qu'en accordant au comité d'établissement un rappel de subvention de fonctionnement au titre de la période allant du 19 mars 2013 au 14 janvier 2014, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'aucune des attributions économiques et professionnelles dévolues au comité d'établissement n'avait été exercée durant la période considérée, ni par le comité d'établissement IDF 3S, ni par les délégués du personnel, en raison de l'annulation des élections professionnelles par jugement du 19 mars 2013 du tribunal d'instance de Vanves, la cour d'appel a enrichi sans cause le comité d'établissement au détriment de l'employeur et a violé l'article 1371 du code civil et les principes régissant l'enrichissement sans cause ;
ALORS, DE TROISIÈME PART ET TRES SUBSIDIAIREMENT, QU'après avoir relevé que « la société s'est trouvée dépourvue de comité d'établissement et de délégués du personnel pour la période du 19 mars 2013 au 14 janvier 2014 » (jugement, p.3, al.6), ce dont il résultait que l'employeur était dans l'impossibilité de gérer conjointement le budget de fonctionnement avec des délégués du personnel élus dans le périmètre de l'établissement IDF 3S ou même dans le périmètre de l'UES, les premiers juges ont estimé qu'il appartenait à l'employeur, à la suite de l'annulation des élections des membres élus du comité d'établissement et des délégués du personnel, « de gérer conjointement avec les délégués du personnel dont les contrats de travail ont été transférés en juin et septembre 2013 le budget de fonctionnement et les activités sociales et culturelles pour le compte du comité d'établissement, dont la personnalité juridique demeurait malgré l'annulation des élections des membres le constituant » (jugement, p.3, al. 6) ; qu'en adoptant ces motifs contradictoires pour faire droit à la demande en rappel de subvention de fonctionnement du comité d'établissement IDF 3S, la cour d'appel a violé les articles L. 2313-13 et L. 2325-43 du code du travail ;
ALORS, DE QUATRIÈME PART ET TRES SUBSIDIAIREMENT, QUE l'employeur n'a ni intérêt ni qualité à agir en justice pour demander la désignation d'un mandataire ad hoc en lieu et place de la délégation élue du personnel du comité d'entreprise afin d'exercer les prérogatives qui lui sont dévolues ; que les premiers juges ont cru pouvoir affirmer qu'il appartenait à l'employeur, à la suite de l'annulation des élections des membres élus du comité d'établissement et des délégués du personnel, « s'il estimait que les délégués du personnel dont les contrats avaient été transférés ne pouvaient exercer leur mandat sur le périmètre du comité d'établissement, de solliciter la désignation d'un administrateur provisoire chargé de gérer les activités sociales et culturelles et le budget de fonctionnement dans l'attente de la décision de la Cour de cassation ou de l'organisation de nouvelles élections » (jugement, p.3, al.6) ; qu'en adoptant ces motifs erronés pour faire droit à la demande en rappel de subvention de fonctionnement du comité d'établissement IDF 3S, la cour d'appel a de plus fort violé les articles L. 2313-13 et L. 2325-43 du code du travail.
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