Jurisprudence sociale
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Cassation sociale, 10 janvier 2018, n° 15-27.781
La faute grave n’est pas caractérisée et le licenciement est sans cause réelle et sérieuse quand les opérations bancaires effectuées par le salarié ont été portées à la connaissance de ses supérieurs hiérarchiques et que l'employeur, informé de ces démarches, ne s'y est jamais opposé.
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 10 janvier 2018 N° de pourvoi: 15-27781 Non publié au bulletin Rejet
M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président), président SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 6 octobre 2015), que M. Y..., occupant à compter du 3 septembre 2005 les fonctions de chargé d'affaires activités haut bilan au sein de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre France, a été licencié pour faute grave par lettre du 13 avril 2012 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement à l'intéressé de diverses sommes ainsi qu'au remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu des articles L. 227-5 et L. 227-6 du code de commerce, la société par actions simplifiée est représentée à l'égard des tiers par son président ; que seuls les statuts de la SAS peuvent accorder à une personne autre que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, un pouvoir de représentation de la société identique à celui confié par la loi au président ; que le mandat de représentant permanent d'une personne morale nommée administrateur d'une société tierce confère uniquement un pouvoir de représentation de la personne morale, par une personne physique, au sein de cette société tierce ; que la désignation de M. Y... en qualité de président de la société Vecteurimmo et de représentant permanent de la SAS CACF développement (filiale de la caisse régionale de Crédit agricole Centre France) au sein de la société Vecteurimmo, ne lui conférait dès lors pas de mandat de dirigeant, ni de pouvoir décisionnel au sein de la caisse régionale de Crédit agricole Centre France, ni de la SAS CACF développement ; que l'intéressé ne pouvait en conséquence céder les titres de la société Vecteurimmo, détenus par la SAS CACF développement, sans obtenir le consentement exprès préalable des dirigeants de cette dernière ; qu'en se fondant, pour juger au contraire que le salarié avait pu prendre la décision unilatérale de céder les titres de la société Vecteurimmo et écarter sa faute grave, sur les motifs impropres selon lesquels ce dernier disposait des mandats de représentant permanent de la SAS CACF développement et de président de la société Vecteurimmo, la cour d'appel a violé les articles L. 227-5 et L. 227-6 du code de commerce, ensemble les articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ qu'en retenant que le mandat de M. Y... de représentant permanent de la SAS CACF développement au sein de la société Vecteurimmo « [lui] permet de disposer des pouvoirs qu'a Monsieur B... [Président de la SAS CACF développement et de la Caisse régionale de Crédit agricole centre France] et que de ce fait il pouvait céder la totalité des titres de la société Vecteurimmo et disposait ainsi « des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social », cependant que le mandat de représentant permanent ne conférait à l'intéressé que le pouvoir de représenter physiquement la personne morale CACF développement au sein des instances de direction de la société tierce Vecteurimmo dont elle détenait les titres, sans lui conférer le moindre pouvoir de direction de la SAS CACF développement, et notamment sans lui donner le pouvoir de décider à la place de son président de céder les titres qu'elle détenait de la société tierce Vecteurimmo, la cour d'appel a violé les articles L. 227-5 et L. 227-6 du code de commerce, ensemble les articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3°/ que selon l'article 1988 du code civil, « le mandat conçu en termes généraux n'embrasse que les actes d'administration. S'il s'agit d'aliéner ou hypothéquer, ou de quelque autre acte de propriété, le mandat doit être exprès » ; qu'en vertu de ce texte, le mandat donné à une personne d'aliéner un bien doit être exprès ; que, par courrier du 10 juillet 2009, le président de la SAS CACF développement a donné pouvoir à M. Y... « de signer pour le compte de la SAS CACF développement l'ensemble des actes (convention de portage, constitution de la société, dépôts des statuts au Greffe du Tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, statuts,...) liés à la constitution et à la création de la société Vecteurimmo et à l'opération d'investissement de CACF développement au capital de la société Vecteurimmo ( ) à l'effet de représenter CACF développement en tant qu'associé unique et président de la SAS Vecteurimmo» ; qu'en se bornant à relever, pour déduire que le salarié « avait le pouvoir de revendre les actifs acquis » par la SAS CACF développement et écarter en conséquence sa faute grave, que « le pouvoir donné à Monsieur Y... ne se limitait pas aux formalités de constitution de la société Vecteurimmo mais qu'il s'entendait, ainsi qu'il est précisé dans l'acte du 10 juillet 2009, à l'ensemble de « l'opération d'investissement » mise en oeuvre avec la convention de portage », cependant que cet acte du 10 juillet 2009 ne conférait pas de mandat exprès au salarié pour céder les titres de la société Vecteurimmo détenus par la SAS CACF développement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble les articles 1134 (alors applicable) et 1988 du code civil ;
4°/ qu'en déduisant du courrier du 10 juillet 2009 du président de la SAS CACF développement que M. Y... « avait le pouvoir de revendre les actifs acquis [par ladite société], cependant que cet acte ne valait pas mandat exprès, ni pouvoir donné à l'intéressé de céder au tiers de son choix les titres de la société Vecteurimmo détenus par la SAS CACF développement, la cour d'appel a dénaturé l'acte susvisé du 10 juillet 2009 en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les pièces qu'il examine ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les opérations effectuées par le salarié, dont la signature des ordres de mouvement de la totalité des titres de la société Vecteurimmo au profit de la société KLP le 22 décembre 2011, avaient été portées à la connaissance de ses supérieurs hiérarchiques et que l'employeur, informé de ces démarches, ne s'y était jamais opposé, la cour d'appel a pu en déduire, par ces seuls motifs, que la faute grave n'était pas caractérisée et, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1, alinéa 3, du code du travail, a décidé que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Centre France CACF
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur Y... ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société exposante à payer à Monsieur Y... les sommes de 75.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice moral, 15.787 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.578,00 € au titre des congés payés afférents, 98.662,50 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour non information sur les droits en matière de DIF et 500 € à titre de dommages-intérêts pour retard dans le paiement de l'épargne salariale, et d'AVOIR condamné la société exposante au remboursement au Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Monsieur Y... dans la limite de six mois ;
AUX MOTIFS QU' « en droit, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d'appréciation ou l'insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire. Il incombe à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il invoque, l'absence de preuve d'une faute ayant pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. En l'espèce, la lettre de licenciement est ainsi motivée : « (...) Vous avez : - procédé à la cession de l'intégralité des titres de la SAS VECTEURIMMO en agissant seul et sans être habilité à le faire, - sans avoir obtenu l'accord du comité d'investissement comme le prévoit la procédure du Pôle haut de bilan, procédure dont vous aviez pourtant parfaitement connaissance, - émis des courriers au nom de la SAS CACF DEVELOPPEMENT sans habilitation ni pouvoir, - volontairement dissimulé certaines informations se rapportant au dossier, - accompli des actes de gestion après le 22 décembre 2011 pour le compte de la SAS VECTEURIMMO (signature de chèques, déclaration fiscale, courriers), - transmis des documents comptables, pris des contacts et organisé une réunion avec la société KLP INDUSTRIES dans les locaux de la Caisse régionale pendant une journée de congé, et cela malgré l'interdiction faite par la Direction suite à la découverte des faits reprochés. A ce comportement s'ajoutent plusieurs manquements fautifs aux dispositions du règlement intérieur parmi lesquels la conservation, à votre domicile, d'un certain nombre de documents professionnels, dont les originaux ayant trait à cette affaire (...) ». La société CRÉDIT AGRICOLE explique qu'elle avait été sollicitée par M. C... et la société C... DÉVELOPPEMENT qui, en 2007, avaient cédé à la société VITALIA le groupe CHP exploitant plusieurs cliniques, pour qu'elle se porte acquéreur de ces actifs par l'intermédiaire de sa filiale, CACFDÉVELOPPEMENT , à charge de les lui revendre ultérieurement. Elle indique que c'est dans ce contexte que, le 10 juillet 2009, le président de la société CACFDÉVELOPPEMEN a donné pouvoir à M. Y... de représenter cette dernière pour signer les actes liés à la constitution de la société VECTEURIMMO et qu'à cette même date, la société CACFDÉVELOPPEMENT , représentée par M. Y..., a conclu avec la société C... DÉVELOPPEMENT une convention de portage aux termes de laquelle elle s'est engagée à acquérir les actifs immobiliers de VITALIA et à les revendre à la société C... DÉVELOPPEMT dans un certain délai prorogé ultérieurement jusqu'au 15 novembre 2011. Il résulte des éléments versés aux débats qu'en exécution de ces conventions, la société VECTEURIMMO a procédé au rachat des actifs et des droits immobiliers détenus par des filiales du groupe CHP, que, le 14 octobre 2011, la société C... DÉVELOPPEMENT a notifié à la société CACF G... l'exercice de sa promesse d'achat mais, M. C..., représentant la société C... DÉVELOPPEMENT, ne s'étant pas présenté au rendez-vous qui lui avait été fixé pour finaliser la cession, M. Y... a cédé, le 22 décembre 2011, l'intégralité des titres de la société VECTEURIMMO à la société KLP INDUSTRIES. L'employeur reproche au salarié d'avoir ainsi outrepassé les pouvoirs qui lui avaient été donnés et qui ont été formalisés par acte du 10 juillet 2009 ainsi rédigé : « Je soussigné Bernard B..., Président de la SAS CACF G..., (...), Donne par la présente pouvoir à Christian Y..., à l'effet de signer pour le compte de la SAS CACF DÉVELOPPEMENT l'ensemble des actes(convention de portage, constitution de la société, dépôts des statuts au Greffe du Tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, statuts,...) liés à la constitution et à la création de la société Vecteurimmo et à l'opération d'investissement de CACF DÉVELOPPEMENT au capital de la société Vecteurimmo, société par actions simplifiée au capital de 400.000,00 € en cours de constitution et dont le siège social est [...] , à l'effet de représenter CACF DÉVELOPPEMENT en tant qu'associé unique et Président de la SAS Vecteurimmo ; CACF DÉVELOPPEMENT participera à cette opération par apport en numéraires de 400.000,00 € (quatre cent mille euros) au capital de la SAS VECTEURIMMO, société de marchands de biens qui a pour objet l'acquisition et la revente d'actifs immobiliers appartenant au groupe VITALIA, groupe qui exploite plusieurs cliniques privées et qui a son siège social [...] ». L'employeur soutient que ce document n'est pas une délégation de pouvoir mais une simple délégation de signature « dans le strict contexte de la création de la société VECTEURIMMO ». M. Y... fait, cependant, valoir, à juste titre, qu'aux termes de l'article 27 des statuts de la société VECTEURIMMO, il a été désigné comme président de cette société et qu'il a été désigné par M. B... comme représentant permanent de la société CACF DÉVELOPPEMENT. Il invoque également l'article 14.1-2 de ces mêmes statuts aux termes duquel 'le président est le seul représentant légal de la société à l'égard des tiers' et 'est investi des pouvoirs les plus étendus' dans les rapports avec les associés. La formulation employée dans l'acte du 10 juillet 2009 n'est, certes, pas dénuée d'ambiguïté mais il convient de relever que le rôle de M. Y... ne s'est pas limité à l'accomplissement des formalités nécessaires à la constitution de la société VECTEURIMMO. En effet, en sa qualité de président de cette société et de représentant de la société CACF DÉVELOPPEMENT, son action s'est poursuivie pendant toutes les différentes phases prévues par la convention de portage. Il a ainsi signé les actes d'acquisitions des actifs appartenant à CHP et a procédé à diverses cessions de biens jusqu'en octobre 2011. Il apparaît, en outre, que les opérations effectuées l'ont été en connaissance de cause de ses supérieurs hiérarchiques. M. Y... produit, ainsi, la note qu'il a adressée à M. D..., directeur général adjoint de CACF et à M. E... de la Direction des Finances, le 13 octobre 2011, dans lequel il rappelle l'objet de l'investissement de CACF DÉVELOPPEMENT dans VECTEURIMMO en décrivant l'historique de l'opération de portage, le contexte et les raisons de la création de VECTEURIMMO ainsi que les opérations effectuées (acquisitions, prorogation des délais pour la levée d'option) et faisant le point sur la situation existant à la date de la note, à savoir les difficultés rencontrées avec M. C... et les diverses solutions envisagées, notamment la possibilité de présenter un autre acquéreur. Alors que M. Y... a ainsi précisément décrit les actions qu'il a menées en sa qualité de président de la société VECTEURIMMO et qu'il a expressément évoqué ses démarches devant mener à la revente des actifs qu'il avait acquis, il est constant qu'aucune observation ne lui a été adressée quant à un quelconque dépassement de ses pouvoirs. Il n'a pas non plus été discuté que la revente des actifs immobiliers en exécution de la convention de portage avec remise des titres à la société C... DÉVELOPPEMENT à l'échéance pour le cas où celle-ci lèverait l'option entrait dans ses pouvoirs. Il ressort ainsi des pièces produites qu'il a notifié à la société C... DÉVELOPPEMENT, le 14 octobre 2011, la levée de la promesse d'achat des titres de la société VECTEURIMMO et qu'il a fixé rendez-vous à M. C... le 28 octobre suivant en lui précisant les modalités de paiement concernant la cession de titres. Par une nouvelle note interne du 17 novembre 2011, M. Y... a informé ses supérieurs hiérarchiques des difficultés rencontrées suite à l'absence de M. C... au rendez-vous fixé en exposant les solutions possibles et en montrant son intérêt pour la cession des titres VECTEURIMMO à la société KLP INDUSTRIES. Cette note n'a pas non plus appelé de réserves ni d'observations quant aux pouvoirs de M. Y.... Il s'ensuit, contrairement à ce que soutient l'employeur, que le pouvoir donné à M. Y... ne se limitait pas aux formalités de constitution de la société VECTEURIMMO mais qu'il s'étendait, ainsi qu'il est précisé dans l'acte du 10 juillet 2009, à l'ensemble de 'l'opération d'investissement' mise en oeuvre avec la convention de portage et qu'il avait le pouvoir de revendre les actifs acquis. M. Y... justifie avoir adressé à ses supérieurs plusieurs notes et fiches relativement à l'alternative présentée par la société KLP INDUSTRIES, avoir sollicité l'agrément de ce nouvel actionnaire et avoir accompli les démarches pour le passage du dossier devant le comité d'engagement qui devait se prononcer sur l'agrément de KLP. Il convient de relever que, malgré sommation faite par le salarié, l'employeur n'a pas communiqué les procès-verbaux de ce comité alors que M. Y... fait valoir qu'il n'aurait pas pu procéder à la cession des titres VECTEURIMMO à KLP si l'agrément n'avait pas été donné. Le salarié justifie avoir signé les ordres de mouvement de la totalité des titres au profit de KLP le 22 décembre 2011, avoir informé Mme F..., chargée du suivi juridique et comptable de
CACF DÉVELOPPEMENT , de la cession et de la remise du chèque de paiement. Il justifie également que le courrier de M. C... en date du 19 décembre 2011 par lequel celui-ci entendait procéder au rachat des titres, a été reçu par M. A..., directeur des marchés et de la relation client, en faisant observer que cette lettre n'a pas empêché le CACF de laisser se poursuivre la formalisation de la cession à KLP. L'ensemble de ces éléments est de nature à démontrer que M. Y... a agi dans le cadre du mandat qui lui avait été confié, que le CACF était informé de ces démarches et qu'il ne s'y est jamais opposé. Il s'ensuit que le grief formulé pour avoir procédé à la cession de titres 'en agissant seul et sans être habilité à le faire' n'est pas démontré et ne peut être retenu. Il ne peut non plus lui être reproché de ne pas avoir obtenu l'accord du comité d'investissement comme le prévoit la procédure du Pôle haut de bilan. Selon la note interne du 7 novembre 2011 produite par l'employeur (rédigée par M. Y...), les opérations d'investissement et de désinvestissement menées par les chargés d'affaires du pôle haut de bilan doivent faire l'objet d'une présentation devant un comité d'investissement chargé de statuer sur la suite à donner. M. Y... fait valoir que cette procédure ne vise que les opérations d'investissement conduites par le pôle haut de bilan et que l'opération litigieuse ne constitue pas une opération haut de bilan mais une opération atypique de portage qui n'entre pas dans le processus décrit dans la note. Outre qu'il n'est pas contesté que les opérations haut de bilan portent sur des titres de participation, il est, en tout état de cause certain qu'aucune réserve sur ce point n'a jamais été formulée par l'employeur alors que le salarié justifie avoir tenu sa hiérarchie informée des différentes étapes de l'opération. L'employeur ne peut non plus reprocher au salarié d'avoir 'émis des courriers au nom de la SAS CACF DÉVELOPPEMENT sans habilitation ni pouvoir' puisque les éléments versés aux débats démontrent qu'il disposait du pouvoir pour le faire. De même ne peut être retenu le grief d'avoir « volontairement dissimulé certaines informations se rapportant au dossier » en soutenant qu'il n'aurait pas informé sa hiérarchie qu'il céderait les titres VECTEURIMMO à la société KLP INDUSTRIES sans s'être assuré au préalable que la société C... DÉVELOPPEMENT renoncerait à sa promesse d'achat alors que les pièces produites démontrent que l'employeur avait connaissance non seulement des démarches de M. Y... quant à la notification de la promesse d'achat et de celles devant conduire à la cession au profit de KLP mais aussi de la position adoptée par la société C... DÉVELOPPEMENT
. S'agissant de l'accomplissement d''actes de gestion après le 22 décembre 2011 pour le compte de la SAS VECTEURIMMO', l'employeur vise le fait que M. Y... a endossé le 23 décembre 2011, un chèque de 460.000,00 € émis par la société KLP INDUSTRIES en paiement des titres de la société VECTEURIMMO, qu'il a établi, pour le compte de la société VECTEURIMMO, trois déclarations fiscales de TVA les 20 janvier, 23 janvier et 18 mars 2012 ainsi qu'un courrier adressé à la Direction des Finances Publiques le 4 janvier 2012 pour convenir d'un rendez-vous dans le cadre d'un contrôle fiscal. Alors que M. Y... fait valoir que ses démarches ne visaient qu'à aider la société KLP dans le prolongement de la cession des titres et de répondre à ses demandes de renseignements, l'existence de ces démarches ne révèle en elle-même aucun caractère fautif en l'absence de tout autre élément. Sur le fait d'avoir 'pris des contacts et organisé une réunion avec la société KLP INDUSTRIES dans les locaux de la Caisse régionale pendant une journée de congé, et cela malgré l'interdiction faite par la Direction', l'employeur ne justifie aucunement ses affirmations selon lesquelles il aurait fait interdiction d'entrer en contact avec les représentants de la société KLP INDUSTRIES, cette interdiction n'ayant été formulée que le 19 mars 2012, soit après la réunion critiquée. Quant au grief tenant au fait que le salarié aurait conservé des documents professionnels à son domicile, ce fait est contesté et n'est étayé par aucune preuve. Aucun des griefs formulés n'est de nature à justifier le licenciement et le comportement fautif allégué n'est pas établi. Par conséquent, sans qu'il y ait lieu de rechercher si la procédure de licenciement a ou non été régulièrement suivie, il apparaît que le licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse et que le jugement doit être confirmé sur ce point. Compte tenu de la durée de la présence du salarié au sein de l'entreprise (près de 7 ans), du montant de son salaire, des conditions dans lesquelles le licenciement est intervenu et des pièces justificatives produites, le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. Y... la somme de 75.000,00 €, cette somme étant de nature à réparer le préjudice résultant du licenciement. Le jugement sera également confirmé en ses dispositions relatives à l'indemnité conventionnelle de licenciement, à l'indemnité compensatrice de préavis et à l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante, les sommes allouées étant conformes aux dispositions conventionnelles applicables, eu égard à l'ancienneté et au salaire de l'intéressé » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « Monsieur Y... considère son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Attendu que la lettre de licenciement évoque des motifs qui peuvent se résumer ainsi : « Vous avez - Procédé à la cession de l'intégralité des titres de la SAS VECTEURIMMO en agissant seul et sans être habilité à le faire. - Sans avoir obtenu l'accord du comité d'investissement comme le prévoit la procédure du Pôle haut de bilan, procédure dont vous aviez pourtant parfaitement connaissance. Emis des courriers au nom de la SAS CACF DEVELOPPEMENT sans habilitation ni pouvoir. - Volontairement dissimulé certaines Informations se rapportant au dossier. - Accompli des actes de gestion après le 22 décembre 2011 pour le compte de la SAS VECTEURIMMO (signature de chèques, déclaration fiscale, courriers). « Transmis des documents comptables, pris des contacts et organisé une réunion avec la société KLP INDUSTRIES dans les locaux de la Caisse régionale pendant une journée de congé, et cela malgré l'interdiction faite par la Direction suite à la découverte des faits reprochés. « A ce comportement s'ajoutent plusieurs manquements fautifs aux dispositions du règlement intérieur parmi lesquels la conservation, à votre domicile, d'un certain nombre de documents professionnels, dont des originaux ayant trait à cette affaire ». Attendu que la lettre de licenciement fixe les limites du litige. Attendu que Monsieur Y... est essentiellement accusé d'avoir cédé les titres VECTEURIMMO sans être habilité à le faire et sans l'accord préalable du Comité d'investissement prévu par la procédure du Pôle haut de bilan. Attendu que le CRÉDIT AGRICOLE affirme dans ses conclusions que seul le Président d'une société dispose d'un tel pouvoir, qu'il est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social. Attendu que Monsieur Y... a bénéficié le 10 juillet 2009 d'un pouvoir ainsi libellé : Je soussigné Bernard B..., Président de la SAS CACF DEVELOPPEMENT, société par actions simplifiée à capital variable, dont le siège social est [...] , donne par la présente pouvoir à Christian Y..., à l'effet de signer pour le compte de la SAS CACF DEVELOPPEMENT l'ensemble des actes (convention de portage, constitution de la société, dépôts des statuts au Greffe du Tribunal de commerce de Clermont-Ferrand ) liés à la constitution, et à la création de la société VECTEURIMMO et à l'opération d'investissement de CACF DEVELOPPEMENT au capital de la Société « VECTEURIMMO » en cours de constitution à l'effet de représenter CACF DEVELOPPEMENT en tant qu'associé unique et Président de la SAS VECTEURIMMO. (...) » Attendu que le CRÉDIT AGRICOLE prétend que ce pouvoir se limitait aux actes de constitution de la société VECTEURIMMO, que de ce fait Monsieur Y... ne disposait pas des pouvoirs de céder les titres de cette société. Attendu que ceci constitue une interprétation limitée de ce pouvoir, ce dernier en effet comprend deux sortes de pouvoirs, le premier est effectivement de signer l'ensemble des actes lies à la constitution, mais le second est beaucoup plus large, il est de représenter CACF DEVELOPPEMENT en tant qu'associé unique et Président de la SAS VECTEURIMMO, Attendu que ce pouvoir permet à Monsieur Y... de disposer des pouvoirs qu'a Monsieur B... et que de ce fait il pouvait céder la totalité des titres de la SAS VECTEURIMMO et disposait ainsi « des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social », comme l'indique le CREDIT AGRICOLE dans ses conclusions page 12. Attendu que l'ensemble des faits reprochés à Monsieur Y... dans la lettre de licenciement découlent des pouvoirs réels de ce dernier. Compte tenu de ce qui précède Monsieur Y... disposait des pouvoirs les plus étendus, identiques à ceux du Président et de l'actionnaire unique. (..) que les actes reprochés à Monsieur Y... ont été faits dans le cadre de ce pouvoir du 10 juillet 2009, que de ce fait ce licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en vertu des articles L. 227-5 et L. 227-6 du code de commerce, la société par actions simplifiée est représentée à l'égard des tiers par son président ; que seuls les statuts de la SAS peuvent accorder à une personne autre que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, un pouvoir de représentation de la société identique à celui confié par la loi au président ; que le mandat de représentant permanent d'une personne morale nommée administrateur d'une société tierce confère uniquement un pouvoir de représentation de la personne morale, par une personne physique, au sein de cette société tierce ; que la désignation de Monsieur Y... en qualité de président de la société VECTEURIMMO et de représentant permanent de la SAS CACF DEVELOPPEMENT (filiale de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE) au sein de la société VECTEURIMMO, ne lui conférait dès lors pas de mandat de dirigeant, ni de pouvoir décisionnel au sein de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE, ni de la SAS CACF DEVELOPPEMENT ; que Monsieur Y... ne pouvait en conséquence céder les titres de la société VECTEURIMMO, détenus par la SAS CACF DEVELOPPEMENT, sans obtenir le consentement exprès préalable des dirigeants de cette dernière ; qu'en se fondant, pour juger au contraire que le salarié avait pu prendre la décision unilatérale de céder les titres de la société VECTEURIMMO et écarter sa faute grave, sur les motifs impropres selon lesquels ce dernier disposait des mandats de représentant permanent de la SAS CACF DEVELOPPEMENT et de Président de la société VECTEURIMMO, la cour d'appel a violé les articles L. 227-5 et L. 227-6 du code de commerce, ensemble les articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en retenant que le mandat de Monsieur Y... de représentant permanent de la SAS CACF DEVELOPPEMENT au sein de la société VECTEURIMMO « [lui] permet de disposer des pouvoirs qu'a Monsieur B... [Président de la SAS CACF DEVELOPPEMENT et de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE] et que de ce fait il pouvait céder la totalité des titres de la SAS VECTEURIMMO et disposait ainsi « des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social » » (jugement p. 11 § 1), cependant que le mandat de représentant permanent ne conférait à Monsieur Y... que le pouvoir de représenter physiquement la personne morale CACF DEVELOPPEMENT au sein des instances de direction de la société tierce VECTEURIMMO dont elle détenait les titres, sans lui conférer le moindre pouvoir de direction de la SAS CACF DEVELOPPEMENT, et notamment sans lui donner le pouvoir de décider à la place de son président de céder les titres qu'elle détenait de la société tierce VECTEURIMMO, la cour d'appel a violé les articles L. 227-5 et L. 227-6 du code de commerce, ensemble les articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE selon l'article 1988 du code civil, « le mandat conçu en termes généraux n'embrasse que les actes d'administration. S'il s'agit d'aliéner ou hypothéquer, ou de quelque autre acte de propriété, le mandat doit être exprès » ; qu'en vertu de ce texte, le mandat donné à une personne d'aliéner un bien doit être exprès ; que, par courrier du 10 juillet 2009, le Président de la SAS CACF DEVELOPPEMENT a donné pouvoir à Monsieur Y... « de signer pour le compte de la SAS CACF DÉVELOPPEMENT l'ensemble des actes (convention de portage, constitution de la société, dépôts des statuts au Greffe du Tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, statuts,...) liés à la constitution et à la création de la société VECTEURIMMO et à l'opération d'investissement de CACF DÉVELOPPEMENT au capital de la société VECTEURIMMO ( ) à l'effet de représenter CACF DÉVELOPPEMENT en tant qu'associé unique et Président de la SAS VECTEURIMMO » ; qu'en se bornant à relever, pour déduire que le salarié « avait le pouvoir de revendre les actifs acquis » par la SAS CACF DEVELOPPEMENT et écarter en conséquence sa faute grave, que « le pouvoir donné à Monsieur Y... ne se limitait pas aux formalités de constitution de la société VECTEURIMMO mais qu'il s'entendait, ainsi qu'il est précisé dans l'acte du 10 juillet 2009, à l'ensemble de « l'opération d'investissement » mise en oeuvre avec la convention de portage » », cependant que cet acte du 10 juillet 2009 ne conférait pas de mandat exprès au salarié pour céder les titres de la société VECTEURIMMO détenus par la SAS CACF DEVELOPPEMENT, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1988 du code civil ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'en déduisant du courrier du 10 juillet 2009 du Président de la SAS CACF DEVELOPPEMENT que Monsieur Y... « avait le pouvoir de revendre les actifs acquis [par la SAS CACF DEVELOPPEMENT] », cependant que cet acte ne valait pas mandat exprès, ni pouvoir donné à Monsieur Y... de céder au tiers de son choix les titres de la société VECTEURIMMO détenus par la SAS CACF DEVELOPPEMENT, la cour d'appel a dénaturé l'acte susvisé du 10 juillet 2009 en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les pièces qu'il examine.
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