Cassation sociale, 12 septembre 2018, n° 17-12.746 cassation sociale - Editions Tissot

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Cassation sociale, 12 septembre 2018, n° 17-12.746

La procédure propre et spécifique à la proposition de modification de contrat de travail pour motif économique, prévue par l’article L. 1222-6 du Code du travail (délai d’un mois pour répondre notamment) n’est pas applicable à la proposition de modification de contrat de travail faite au salarié dans le cadre de l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur préalablement à un licenciement pour motif économique.

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 12 septembre 2018
N° de pourvoi: 17-12746
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président), président
SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 9 décembre 2016), que M. Y... a été engagé par la société Sagem, le 22 décembre 1995, en qualité de responsable de gestion de l'établissement de Montauban ; que, le 1er juillet 2008, son contrat de travail a été transféré à la société Anovo à l'égard de laquelle une procédure de redressement judiciaire a été ouverte le 28 juillet 2011 ; que, le 28 octobre 2011, le tribunal de commerce a arrêté un plan de cession de ses actifs, ordonnant le transfert de certains contrats et autorisant le licenciement économique des salariés non repris dans le cadre de la cession ; que, par lettre du 2 novembre 2011, le mandataire judiciaire lui a adressé une proposition de modification de son contrat de travail portant sur le changement de lieu d'exécution de celui-ci, que le salarié a refusée ; qu'il a été licencié pour motif économique le 14 décembre 2011 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à la fixation d'une certaine somme, à titre de dommages-intérêts, au passif de la liquidation judiciaire alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte de l'article L. 1222-6 du code du travail que lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3 de ce même code, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ; que l'employeur est tenu de l'informer de ses nouvelles conditions d'emploi comme des éventuelles mesures accompagnant cette modification afin de lui permettre de prendre position sur l'offre qui lui est faite en mesurant les conséquences de son choix et qu'à défaut, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse ; que pour considérer que l'information transmise par l'employeur sur la modification proposée avait été suffisante, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'une « note d'information » détaillait les « notions » de « modification du contrat de travail » ; qu'en statuant ainsi, quand cette note d'information était collective et que si elle indiquait les différents sites de mutation possibles, elle ne précisait aucunement sur quel établissement le salarié pourrait être muté, pas plus que le courrier du 2 novembre 2011 qu'il avait reçu et qui, selon les constatations de la cour d'appel, précisait qu'il devait « se positionner sur une modification » de son contrat de travail et qu'enfin rien n'était indiqué sur les conditions financières et matérielles de cette mobilité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article L. 1222-6 du code du travail ;

2°/ que caractérise une fraude le licenciement, même prévu par le jugement arrêtant le plan de cession, lorsqu'est établi le recrutement concomitant ou postérieur d'un salarié auquel sont attribuées les tâches auparavant dévolues au salarié licencié ; qu'en écartant la fraude pour la raison, inopérante, que le premier remplacement de M. Y... l'avait été par un contrat de mission, quand il résulte de ses propres constatations que, ensuite de ce contrat de mission, la société a pourvu le poste par contrat à durée indéterminée, ce dont il résultait que la fraude était caractérisée, la cour d'appel a violé les articles L. 1224-1 et L. 1233-3 du code du travail, ensemble les articles L. 631-19, L. 631-22, L. 642-5 et R. 631-36 du code commerce ;

3°/ qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement, prononcé en application d'un plan de cession, d'un salarié dès lors que les possibilités de reclassement n'ont pas toutes été envisagées ; que, sauf fraude, la date d'appréciation de ces possibilités de reclassement est celle du licenciement ; qu'en ne vérifiant pas, ainsi qu'il le lui était demandé, si l'offre d'emploi, puis le recrutement sur un poste de contrôleur de gestion en contrat de mission, et enfin le recrutement d'une autre salariée sur ce même poste en contrat à durée indéterminée ne révélaient pas l'existence d'une fraude destinée à faire obstacle au reclassement de M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-19, L. 631-22, L. 642-5 et R. 631-36 du code commerce, ensemble l'article L. 1224-1 du code du travail ;

Mais attendu que les dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail ne sont pas applicables à la proposition de modification du contrat de travail faite au salarié dans le cadre de l'exécution par l'employeur de son obligation de reclassement en vue d'éviter le licenciement résultant de la suppression d'un emploi ;

Et attendu que la cour d'appel ayant constaté que le poste de responsable de gestion de l'établissement de Montauban, occupé par le salarié, faisait partie des catégories professionnelles pour lesquelles le licenciement pour motif économique était autorisé dans le cadre du plan de cession arrêté par le tribunal de commerce et fait ressortir que la modification du contrat de travail avait été proposée en exécution de l'obligation de reclassement, a par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen :

Attendu que, sous le couvert du grief de violation de la loi, le moyen critique une omission de statuer qui peut être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile ; qu'il n'est pas recevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. Y...


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et par conséquent de sa demande que soit fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Anovo la somme de 85 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE par applications cumulées des dispositions des articles L. 1233-2, L. 1233-3 et L. 1233-4-1 du code du travail, tout licenciement pour motif économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par l'employeur pour un ou plusieurs motifs, non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; que le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel elle appartient. Le reclassement doit s'effectuer sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut et sous réserve de l'accord du salarié, le reclassement peut s'effectuer sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement doivent être écrites et précises ; que la charge de la preuve de l'impossibilité de proposer un reclassement au salarié pèse sur l'employeur qui doit justifier de recherches actives, sérieuses, loyales effectuées en vue de reclasser le salarié ; que aux termes des dispositions de l'article L. 1233-16 du code du travail, la lettre de licenciement doit énoncer les motifs économiques invoqués par l'employeur et mentionner la priorité de réembauchage ainsi que ses conditions de mise en oeuvre ; que les énonciations de la lettre de licenciement fixent les limites du litige ; * sur la cause réelle et sérieuse de licenciement : que la lettre de licenciement en date du 14 décembre 2011, fait référence notamment au jugement du tribunal de commerce de Beauvais en date du 28 octobre 2011, ayant arrêté le plan de cession et autorisé le licenciement du personnel non-repris dans le cadre de la cession, et précise que le jugement du 6 décembre 2011 a prononcé la liquidation judiciaire de la société Anovo ; que après avoir rappelé les consultations des institutions représentatives du personnel et que la restructuration conduisait à la suppression de 336 postes de travail dont celui occupé par M. Y... au sein de la catégorie contrôleur de gestion, l'impossibilité de procéder à son reclassement, en raison de l'absence de suite favorable donnée par le salarié aux propositions transmises, la lettre de licenciement indique que la mise en oeuvre des critères d'ordre de licenciement ainsi que la prise en compte des éventuelles demandes de départs volontaires au sein de sa catégorie professionnelle entraînent la suppression de son poste de travail. Cette lettre comporte par ailleurs les éléments d'information relatifs au contrat de sécurisation professionnelle, et comporte rappel des conditions de mise en oeuvre du congé de reclassement, des droits acquis au titre du droit individuel à la formation et enfin de la priorité de réembauchage pendant deux ans ; que la discussion qui oppose les parties ne porte pas sur la réalité des difficultés économiques énoncées dans la lettre de licenciement ; que M. Y... soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse d'une part en raison des imprécisions de la proposition de modification de son contrat de travail qui lui a été faite le 2 novembre 2011 par l'administrateur judiciaire, de l'absence de suppression de son poste et d'autre part du non-respect de l'obligation de reclassement ; qu'il relève que la proposition de modification du contrat de travail n'indique, précisément, ni les lieux de mutations envisageables, ni les conditions tant matérielles que financières dans lesquelles s'effectuerait la mutation. Que n'étant pas suffisamment précise cette proposition ne lui permettait pas de prendre position sur l'offre qui lui était faite en mesurant les conséquences de son choix ; qu'il soutient qu'il n'y a pas eu de recherche loyale de reclassement puisqu'elles se sont limitées à lui proposer le 15 novembre 2011 des postes d'ouvriers qu'il ne pouvait pas accepter ; qu'il conteste que ses fonctions aient été reprises par M. B... sur Brive la Gaillarde ; que le mandataire liquidateur de la société Anovo, réplique que la proposition de modification du contrat de travail faite le 2 novembre 2011, par l'administrateur judiciaire, était concomitante d'une note d'information, également en date du 2 novembre 2011, communiquée à l'ensemble des salariés par le même administrateur judiciaire, listant les postes repris et non repris ainsi que d'un formulaire de volontariat au départ, contenait également information des critères d'ordre de licenciement s'appliquant par catégorie professionnelle au niveau de l'entreprise, et précisait que du fait de l'existence de sites multiples et géographiquement éloignés, les salariés appartenant à une catégorie professionnelle multi-site, donnant lieu à application des critères d'ordre, allaient être interrogés aux fins de leur proposer une modification de leur contrat de travail portant sur un changement de lieu de travail. Il souligne que la proposition de modification interrogeait M. Y... sur son éventuelle mobilité sur un autre établissement, listait les établissements de Beauvais et de Brive comme ceux où de tels postes étaient repris, et précisait que la mobilité ne pouvait intervenir qu'à la double condition de son acceptation par le salarié et du fait que l'application des critères d'ordre et du volontariat aboutisse à son acceptation sur un poste repris ; que Le Centre de gestion et d'études AGS reprend la même argumentation quant au caractère précis des conditions de la modification du contrat de travail faites au salarié et à la suppression de son poste ; il résulte du jugement du tribunal de commerce de Beauvais en date du 28 octobre 2011 qui a arrêté le plan de cession de la société Anovo au profit de la société Buttler capital partners, à laquelle la société Anov Expansion est autorisée à se substituer, que le poste de responsable de gestion de l'établissement de Montauban fait partie des catégories professionnelles pour lesquelles le licenciement pour motif économique est autorisé dans le cadre de l'application des critères d'ordre de licenciement des salariés non repris ; que la note d'information en date du 2 novembre 2011, relative à l'arrêté du plan de cession adressée par l'administrateur judiciaire à l'ensemble des salariés, dont M. Y..., indique clairement, par catégorie et par site, la liste des postes repris (dont ceux de contrôleurs de gestion à Beauvais : 2 postes, et à Brive (1 poste), ainsi que la liste des postes non repris (dont celui de contrôleur de gestion à Montauban : 1 poste et à Suresnes : 1 poste). Elle précise que le jugement du 28 octobre 2011 prévoit la reprise de 758 postes de travail permanents, et que la liste nominative des salariés repris et non-repris ne pourra être établie qu'après consultation des institutions représentatives du personnel, mise en oeuvre des critères d'ordre de licenciement, prise en compte des acceptations ou refus des modifications de lieu de travail, réception des volontaires au départ et mise en oeuvre de reclassement. Cette note d'information détaille sur trois pages, les notions de volontariat au départ, de proposition de modification du contrat de travail et de reclassement ; que, ainsi que l'ont relevé avec pertinence les premiers juges, la note d'information est particulièrement précise, et permettait à M. Y... d'apprécier, en particulier, la mobilité géographique au sujet de laquelle il lui était demandé expressément, dans le courrier également en date du 2 novembre 2011, qui lui était adressé personnellement, de se positionner sur "une modification de (son) contrat de travail portant sur un changement de (son) lieu de travail ». Ce courrier lui précisait également que le changement de son lieu de travail ne pourra être effectif que si les deux conditions relatives d'une part à l'acceptation de la modification du lieu de travail sur l'un des sites repris par le cessionnaire et d'autre part à l'application des critères d'ordres et la prise en compte du volontariat au départ entraînent le transfert de son poste de travail au cessionnaire sont réunies ; que la réorganisation des fonctions de contrôleur de gestion sur le poste situé à Brive, a été avalisée par le plan de cession et de restructuration. La suppression du poste sur Montauban en est la conséquence, et M. Y... n'est pas fondé à contester cette restructuration ; que le refus de cette modification du contrat de travail a donc été opérée en toute connaissance de cause par M. Y... ; qu'il est par ailleurs justifié que l'administrateur judiciaire a également demandé à M. Y... : * le 8 novembre 2011, s'il accepterait de recevoir des offres de reclassement à l'étranger, ce que ce dernier a refusé le 18 novembre 2011, * le 15 novembre 2011, s'il acceptait un reclassement interne sur l'un des sept postes de diagnostiqueur réparateur ouverts au reclassement sur le site de Montauban, sur l'un des dix postes d'opérateur polyvalent sur le site de Beauvais, et sur l'un des vingt postes d'opérateur polyvalent sur le site de Montauban. Le mandataire judiciaire précisait dans cette transmission qu'il y aurait une prise en charge des frais engendrés par le déménagement dans la limite de 3 000 euros, et sur les fiches de poste annexées, la nature détaillée de chacun de ces postes, de leur classification, des horaires de travail et conditions précises de rémunération. M. Y... a également refusé le 18 novembre 2011 cette proposition ; que ce faisant le mandataire liquidateur justifie avoir respecté l'obligation de recherche de reclassement, en interne et en externe ; qu'il ne peut donc être considéré, que l'obligation de recherche de reclassement n'aurait pas été respectée et que, pour ce motif, que le licenciement de M. Y..., ne reposerait pas sur une cause réelle et sérieuse ; * Sur la fraude : que M. Y... expose avoir découvert, publiée le 23 février 2012 sur le site cadreemploi, par la société Anov Expansion, une offre d'emploi pour un poste de contrôleur de gestion sur l'établissement de Montauban, avoir alors demandé à bénéficier de la priorité de réembauchage et demandé à être réintégré sur son poste, et qu'il lui a été répondu par la société Anovo et non par la société Anov Expansion que par erreur l'annonce ne précisait pas qu'il s'agissait d'un simple poste de contrôleur de gestion junior, et lui a alors proposé de réintégrer la société sur ce poste ; que il soutient que son poste n'a pas été supprimé puisque moins de six semaines après son départ il a été remplacé d'abord par M. E..., puis par Mme Christelle C... ; que il souligne que les documents à l'entête du recruteur Robert D... sont siglés Anovo et non Anov France, ce qui confirme le fait que l'embauche d'un remplaçant avait été prévue à l'époque de la reprise des actifs d'Anovo à la barre du tribunal de commerce, en fraude de ses droits ; que enfin, il soutient qu'en raison de la fraude, il peut agir contre Anovo et Anov France puisque son licenciement a été prononcé dans le cadre d'un plan de cession ordonné par le juge commissaire ; que le mandataire liquidateur de la société Anovo, réplique que le poste occupé par M. Y... sur le site de Montauban a bien été supprimé, que la société Anovo a cessé toute activité suite au jugement de liquidation judiciaire et a été cédée à la société Anov Expansion, laquelle est libre de son organisation et de l'embauche de son personnel, dans la limite de ses obligations légales et notamment de la priorité de réembauchage ; qu'il soutient que le poste pour lequel M. E... a été embauché, a été proposé à M. Y... qui n'a pas donné suite à cette proposition et que le poste occupé par Mme C..., bien qu'ayant le même intitulé, n'est pas équivalent, les qualifications professionnelles requises n'étant pas non plus équivalentes. Il n'y a eu aucune collusion frauduleuse entre la société Anov France cessionnaire et l'administrateur judiciaire de la société Anovo. Il rappelle que le périmètre de la cession a été déterminé par le Tribunal de commerce quant aux biens et quant aux contrats ; que la société Anov France soutient que M. Y... est irrecevable à agir à son encontre, faute d'intérêt à agir, dès lors qu'elle est repreneur et n'a pas à répondre du licenciement d'un salarié non repris aux termes du jugement du tribunal de commerce et licencié de ce fait par l'administrateur judiciaire, les demandes afférentes aux conséquences juridiques du licenciement ne pouvant être dirigées à son encontre ; qu'elle conteste avoir commis une fraude quelconque, le plan de cession ne prévoyant pas le transfert de l'emploi de M. Y... au repreneur, son poste ayant été supprimé ; qu'elle soutient que le poste de contrôleur de gestion de l'établissement de Montauban occupé par M. Y... a été supprimé, cette fonction étant reprise par le contrôleur de gestion de l'établissement de Brive la Gaillarde ; que si elle reconnaît avoir opéré en juin 2012 et avril 2013 deux embauches, elle soutient que la première concernait un recrutement d'intérimaire justifié par la réorganisation du contrôle de gestion consécutivement à la reprise, et que la seconde correspondait à une création de poste dans le cadre du développement de l'activité régénération ; l'intérimaire embauché en juin 2012 l'a été sur un poste différent du poste supprimé, cette embauche étant motivée par la réorganisation de la fonction de contrôle de gestion sur la région France Sud, mission renouvelée une fois, qui s'est achevée le 31 décembre 2012 ; que l'argument tiré de l'intitulé de l'offre d'emploi publiée sur cadreemploi est dépourvu de pertinence, le salarié intérimaire recruté étant non cadre, et avec un salaire moindre, de sorte qu'il ne s'agissait pas du même poste ; que le recrutement effectué en avril 2013 correspond à une création de poste de contrôleur de gestion France dans un contexte de développement de l'activité de régénération, telle que prévue dans l'offre de reprise, il s'agit par ailleurs d'un poste inter-établissement basé à Paris-Montauban-Brive-Beauvais, rattaché au responsable de "la Business Unit Régénération France" au sein d'Anov France alors que le poste de M. Y... était basé sur Montauban et rattaché au responsable du contrôle de gestion du sud de la France de l'entreprise Anovo. Elle conteste ne pas avoir respecté la priorité de réembauchage ce qui en tout état de cause ne constitue pas une fraude mais la non-application de l'article L. 1233-45 du code du travail ; que la fraude, si elle est établie, est de nature à rendre le licenciement pour motif économique sans cause réelle et sérieuse, alors que le non-respect de la priorité de réembauchage ouvre uniquement droit à des dommages et intérêts ; que alors que son licenciement lui a été notifié par lettre en date du 14 décembre 2011, que le contrat de travail a été rompu le 5 janvier 2012 par suite de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle et que par lettre en date du 3 janvier 2012, M. Y... a indiqué à son employeur vouloir bénéficier de la priorité de réembauche, l'offre d'embauche publiée sur le site cadreemploi le 23 février 2012 pour un poste de contrôleur de gestion industriel, ayant une expérience de 2 ans, est effectivement de nature, alors même qu'elle n'a pas été spontanément proposée à M. Y..., à laisser suspecter une fraude au licenciement ; que cependant, il résulte de la réponse en date du 26 mars 2012 apportée par la société Anovo à M. Y..., que cette offre comportait une erreur dans la mesure où le poste proposé n'était pas du même niveau que le sien, et la fiche de poste lui a alors été transmise sans que pour autant M. Y... ne fasse acte de candidature ; que par ailleurs, la société Anov justifie qu'en réalité ce poste a été pourvu par M. E..., dans le cadre d'un contrat de mission en date du 11 juin 2012, ayant pour terme le 29 septembre 2012, renouvelé le 28 septembre 2012, avec pour terme le 31 décembre 2012, le motif de recours étant un accroissement temporaire d'activité lié à la réorganisation de la fonction de contrôle gestion sur la région France sud ; que la cour considère que ce contrat de travail précaire ne peut suffire à caractériser la fraude au licenciement pour motif économique de M. Y... ; que la société Anov ne conteste pas avoir ensuite embauché, en avril 2013, Mme C..., sans avoir proposé le poste ainsi pourvu à M. Y... ; que le contrat de travail conclu avec Mme C... n'est pas versé aux débats par la société Anov, qui reconnaît cependant que Mme C... a bien été embauchée en avril 2013, en qualité de contrôleur de gestion, en contrat de travail à durée indéterminée ; que si cette embauche est manifestement intervenue en violation de la priorité de réembauchage, pour autant la cour relève qu'il s'est écoulé un délai de l'ordre de 14 mois entre la rupture du contrat de travail de M. Y... et cette embauche ; que ce délai ne permet pas de caractériser, contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, une fraude au licenciement, et ne peut donc avoir pour conséquence de rendre ce licenciement sans cause réelle et sérieuse. Que le jugement sera donc infirmé et M. Y... débouté de ses demandes ; que ce jugement qui servait de titre étant infirmé, la cour n'a pas à ordonner la restitution des sommes payées dans le cadre de son exécution ;

1° ALORS QU'il résulte de l'article L. 1222-6 du code du travail que lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article 1233-3 de ce même code, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ; que l'employeur est tenu de l'informer de ses nouvelles conditions d'emploi comme des éventuelles mesures accompagnant cette modification afin de lui permettre de prendre position sur l'offre qui lui est faite en mesurant les conséquences de son choix et qu'à défaut, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse ; que pour considérer que l'information transmise par l'employeur sur la modification proposée avait été suffisante, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'une « note d'information » détaillait les « notions » de « modification du contrat de travail » ; qu'en statuant ainsi, quand cette note d'information était collective et que si elle indiquait les différents sites de mutation possibles, elle ne précisait aucunement sur quel établissement le salarié pourrait être muté, pas plus que le courrier du 2 novembre 2011 qu'il avait reçu et qui, selon les constatations de la cour d'appel, précisait qu'il devait « se positionner sur une modification » de son contrat de travail et qu'enfin rien n'était indiqué sur les conditions financières et matérielles de cette mobilité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article L. 1222-6 du code du travail ;

2° Et ALORS QUE caractérise une fraude le licenciement, même prévu par le jugement arrêtant le plan de cession, lorsqu'est établi le recrutement concomitant ou postérieur d'un salarié auquel sont attribuées les tâches auparavant dévolues au salarié licencié ; qu'en écartant la fraude pour la raison, inopérante, que le premier remplacement de M. Y... l'avait été par un contrat de mission, quand il résulte de ses propres constatations que, ensuite de ce contrat de mission, la société a pourvu le poste par contrat à durée indéterminée, ce dont il résultait que la fraude était caractérisée, la cour d'appel a violé les articles L. 1224-1 et L. 1233-3 du code du travail, ensemble les articles L. 631-19, L. 631-22, L. 642-5 et R. 631-36 du code commerce ;

3° ALORS, enfin, QU'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement, prononcé en application d'un plan de cession, d'un salarié dès lors que les possibilités de reclassement n'ont pas toutes été envisagées ; que, sauf fraude, la date d'appréciation de ces possibilités de reclassement est celle du licenciement ; qu'en ne vérifiant pas, ainsi qu'il le lui était demandé, si l'offre d'emploi, puis le recrutement sur un poste de contrôleur de gestion en contrat de mission, et enfin le recrutement d'une autre salariée sur ce même poste en contrat à durée indéterminée ne révélaient pas l'existence d'une fraude destinée à faire obstacle au reclassement de Monsieur Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-19, L. 631-22, L. 642-5 et R. 631-36 du code commerce, ensemble l'article L. 1224-1 du code du travail.


SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande que soit inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société Anovo les sommes de 7 773,11 euros à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement et 15 923,20 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents ;

ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que le salarié poursuivait le paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement et d'une indemnité compensatrice de préavis au titre du non-respect de la convention collective ; qu'en le déboutant de ces demandes sans donner aucun motif à sa décision de ce chef, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.    

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