Cassation sociale, 21 novembre 2018, n° 17-15.174 cassation sociale - Editions Tissot

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Cassation sociale, 21 novembre 2018, n° 17-15.174

Le salarié privé d'une possibilité de promotion par suite d'une discrimination peut prétendre, en réparation du préjudice qui en est résulté dans le déroulement de sa carrière, à un reclassement dans le coefficient de rémunération qu'il aurait atteint en l'absence de discrimination.

Le juge doit alors rechercher à quel coefficient de rémunération le salarié serait parvenu sans la discrimination constatée.

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 21 novembre 2018
N° de pourvoi: 17-15174
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président), président
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a été engagée le 16 janvier 2001 par la Fédération nationale de la mutualité française (la Fédération) selon contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de médecin santé publique ; qu'estimant être victime d'une discrimination en raison de son sexe et de ses origines, elle a saisi le 21 juillet 2010 la juridiction prud'homale en annulation de l'avertissement dont elle a fait l'objet le 19 décembre 2011, en fixation de son salaire à un niveau supérieur, en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral et manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu que la Fédération fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination toutes causes de préjudice confondues, alors, selon le moyen :

1°/ que le salarié qui se prétend victime d'une discrimination doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination ; que le simple fait qu'un salarié ait réclamé de manière répétée une revalorisation salariale ne constitue pas un fait laissant présumer l'existence d'une discrimination ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la salariée avait saisi formellement son employeur, puis l'inspecteur du travail, en 2003, 2007 et 2010, de la question de l'adéquation de sa rémunération à ses fonctions et que les entretiens annuels d'évaluation faisaient apparaître que la salariée avait réclamé de bénéficier d'une augmentation dès 2001, ainsi que dans les années suivantes ; qu'en affirmant que ces éléments laissaient supposer l'existence d'une discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'en 2005, la supérieure hiérarchique de la salariée notait ne pas avoir connaissance des rémunérations pratiquées sur le marché tout en cochant sur le formulaire d'évaluation de la salariée que la rémunération accordée était inférieure à ce qui était conventionnellement prévu et que la salariée se plaignait à nouveau de l'absence d'augmentation, qu'en 2006, la supérieure hiérarchique indiquait : « salaire à revoir en fonction des collaborateurs de même fonction », que par ailleurs, la salariée exposait, au vu des documents produits par la Fédération, que les salaires des femmes étaient inférieurs à ceux des hommes de la catégorie cadre niveau 3 C3 à laquelle elle appartenait, que le sien était moins important que le salaire moyen des femmes de sa catégorie dès l'embauche et jusqu'en 2009, que si la Fédération opposait que le salaire annuel de la salariée en 2009 était de 58 921 euros, le rapport de situation de cette même année mentionnait pour les cadres C3 une rémunération moyenne pour les hommes de 78 410 euros et pour les femmes de 76 809 euros, la cour d'appel a pu en déduire que ces éléments laissaient supposer l'existence d'une discrimination ; que le moyen, inopérant en sa troisième branche qui vise des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu que la Fédération fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l'obligation de sécurité, alors, selon le moyen :

1°/ que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'un employeur qui refuse une promotion à un salarié qui n'en remplit pas les conditions ne méconnaît pas son obligation de sécurité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'état de santé de Mme Y... s'était dégradé après que l'employeur avait décidé d'accéder à ses revendications salariales mais avait refusé « un repositionnement hiérarchique qui ne se justifiait pas compte tenu des missions qui lui étaient effectivement confiées » ; que la cour d'appel a ensuite estimé que « cette situation a placé la salariée dans une position de blocage et revendicative sur le long terme dont la responsabilité incombe incontestablement à l'employeur » ; qu'en attribuant ainsi une responsabilité à l'employeur pour une situation qui résultait, d'après ses propres constatations, de la position de blocage et revendicative de la salariée, à qui l'employeur avait accepté d'accorder une revalorisation salariale et n'avait refusé un repositionnement hiérarchique qu'en raison de son caractère injustifié, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ qu'il appartient au juge saisi d'une demande de dommages-intérêts fondée sur l'obligation de sécurité de l'employeur de caractériser in concreto un manquement subi personnellement par le salarié ; qu'en l'espèce, en se fondant, au vu du rapport établi par l'organisme SECAFI, sur l'existence au sein de l'entreprise de problèmes généraux, tels que surcharge de travail, carences dans le fonctionnement, management insuffisant, sans vérifier si ces problèmes affectaient personnellement Mme Y..., pour en déduire que « la Fédération nationale de la mutualité française n'a manifestement pas su protéger la santé physique et mentale de sa salariée et l'a placée, de fait, en situation de danger », la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'un manquement à l'encontre de la salariée et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;

3°/ que le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en affirmant que « l'accident cardiaque subi sur le lieu de son travail le 18.01.2013 sera reconnu comme accident du travail » et que la FNMF était informée de « la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du 18.01.2013 », alors que la FNMF produisait (pièce d'appel n° 151) un courrier du 11 avril 2013 de la CPAM l'informant que l'accident avait été classé sans suite faute de certificat médical, la cour d'appel a dénaturé ce courrier du 11 avril 2013, en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause ;

4°/ que le juge doit préciser l'origine de ses constatations ; qu'en affirmant que « l'accident cardiaque subi sur le lieu de son travail le 18.01.2013 sera reconnu comme accident du travail » et que la FNMF était informée de « la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du 18.01.2013 », sans à aucun moment préciser d'où résultait que cet accident avait effectivement été reconnu comme accident du travail, d'autant que la FNMF contestait les allégations de la salariée sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les troisième et quatrième branches du moyen, la cour d'appel, ayant relevé que la Fédération avait été informée des difficultés rencontrées par sa salariée du fait du renouvellement des arrêts maladie de cette dernière pour le même motif, en dépit des soins suivis, qu'elle avait été alertée non seulement par la salariée, mais aussi par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et également par une salariée concernée, qui était la supérieure directe de la salariée en cause, et était demeurée sans prendre de mesures pendant de longs mois, laissant ainsi la situation se dégrader, a légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen du pourvoi principal de la salariée :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles L. 1132-1 et L. 1134-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause ;

Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes de repositionnement et de rappels de salaire et limiter à la somme de 30 000 euros les dommages-intérêts alloués en réparation du préjudice consécutif à la discrimination, l'arrêt retient que la salariée se fonde sur la situation professionnelle du Dr A... qui n'a pas une situation comparable eu égard aux fonctions exercées dans l'entreprise depuis son embauche, qu'à défaut elle réclame un salaire équivalent à la rémunération la plus élevée des hommes de la catégorie C3 au vu du bilan social sans justifier concrètement des fonctions exercées par son homologue masculin ni de ses responsabilités effectives ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié privé d'une possibilité de promotion par suite d'une discrimination peut prétendre, en réparation du préjudice qui en est résulté dans le déroulement de sa carrière, à un reclassement dans le coefficient de rémunération qu'il aurait atteint en l'absence de discrimination et qu'il appartenait au juge de rechercher à quel coefficient de rémunération la salariée serait parvenue sans la discrimination constatée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de ses demandes de repositionnement et de rappels de salaire et limite à la somme de 30 000 euros les dommages-intérêts alloués en réparation du préjudice consécutif à la discrimination, l'arrêt rendu le 24 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Con damne la Fédération nationale de la mutualité française aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de ses demandes de repositionnement et de rappels de salaire et d'AVOIR limité à la somme de 30 000 euros les dommages et intérêts allouées à la salariée en réparation du préjudice consécutif à la discrimination ;

AUX MOTIFS QUE aux termes de l'article L 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison notamment de son origine et de son sexe ; que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II (Principe de non discrimination), le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-789 du 20.08.08 ; qu'au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse, donc à l'employeur, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'à l'appui de ses prétentions Fatima Y... fait valoir une absence d'évolution salariale et professionnelle et donc une inégalité de traitement qui serait la traduction d'une discrimination fondée sur le sexe et l'origine ; qu'elle constate n'avoir obtenu en 9 ans de présence qu'une augmentation individuelle de 93,91 € par mois à la suite de la saisine de la juridiction prud'homale et une prime de 600 € ; qu'il est exact que, après que Fatima Y... ait saisi formellement par courrier son employeur de la question de l'adéquation de sa rémunération à ses fonctions en juillet 2003, puis l'inspection du travail, une première fois le 07.03.2007, et une seconde fois le 02.04.2010 pour demander que soit effectuée une enquête en discrimination salariale, son employeur lui a proposé un plan d'accompagnement salarial sous forme d'un avenant en date du 19.05.2010, lui octroyant des augmentations par paliers à partir du 01.05.2010 et jusqu'au 01.05.2011, ce qui représentait une augmentation cumulée de 5.284 €, soit environ un mois de salaire lissé sur une année, ce, sous réserve que la salariée accepte un mode de travail "transversal et collaboratif eu égard aux difficultés relationnelles déjà mentionnées ; que les entretiens annuels d'évaluation communiqués font apparaître que la salariée a réclamé de bénéficier d'une augmentation salariale dès 2001 ; qu'elle s'interrogeait déjà sur son positionnement au sein de l'équipe et il lui était demandé par sa hiérarchie de respecter un "fonctionnement transversal" ; que le 26.01.2014 Fatima Y... faisait état d'une attitude discriminatoire de la part de sa hiérarchie ; que l'année suivante sa supérieure note ne pas avoir connaissance des rémunérations pratiquées sur le marché tout en cochant sur le formulaire d'évaluation que la rémunération accordée était inférieure à ce qui était conventionnellement prévu et Fatima Y... se plaint à nouveau de l'absence d'augmentation ; puis qu'en 2006 sa supérieure indique : "salaire à revoir en fonction des collaborateurs de même fonction" ; qu'en 2008, Fatima Y... demande que son périmètre d'intervention s'élargisse compte tenu de la réorganisation projetée ; que par ailleurs, Fatima Y... relève au vu des documents produits par la Fédération Nationale de la Mutualité Française que les salaires des femmes sont inférieurs à ceux des hommes de la catégorie cadre niveau 3 C3 à laquelle elle appartient, que le sien est moins important que le salaire moyen des femmes de sa catégorie dès l'embauche et jusqu'en 2009, et que ce salaire moyen ne tient pas compte de son expérience professionnelle, cette situation se confirme selon elle en 2013 ; que Fatima Y... se compare à deux collègues les Dr B... et A... qui, à l'embauche, avaient toutes deux une rémunération supérieure tout en étant plus jeunes et moins expérimentées, alors qu'elle-même a obtenu par la suite le diplôme de nutrition thérapeutique et clinique et le diplôme obésités et maladies métaboliques ; que ces éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination fondée sur le sexe ; que la Fédération Nationale de la Mutualité Française pour sa part rectifie les chiffres de la rémunération annuelle revendiquée par la salariée qui cependant reste inférieure au salaire moyen des femmes, lui-même inférieur au salaire moyen des hommes de la même catégorie ; qu'elle indique à juste titre qu'il n'y avait pas lieu à modification de sa classification C3 dès lors que ses missions et fonctions n'avaient pas changé et correspondaient à ce positionnement ; qu'elle constate que Fatima Y... a obtenu une augmentation conséquente entre 2006 et 2014, mais il faut constater que cette augmentation n'intervient qu'à compter de 2010 ; que la Fédération Nationale de la Mutualité Française déclare que les augmentations substantielles dont Fatima Y... a bénéficié ont été accordées en application du plan de rattrapage des rémunérations mis en place qui a été mis en place à partir de 2009 bien après que Fatima Y... ait formulé ses réclamations ; que le document "Politique de rémunération de FNMF' de 2014 mentionne ces mesures de rattrapages salariaux ; qu'il est donc acquis que la salariée ne percevait pas le salaire auquel elle pouvait prétendre ; que par ailleurs sur le plan global, l'employeur ne conteste pas l'existence d'un écart de rémunération hommes/femmes qui s'est amenuisé depuis l'application des dispositions de l'accord relatif à l'égalité professionnel du 02.12.2009 qui a constaté notamment que l'écart relevé était plus important pour les collaborateurs "seniors", tout en précisant qu'il n'était au sein de l'UES que de 15,26% en 2010 " soit 10 points de moins que la moyenne nationale" et qu'il était pour la population C3 de 6% en 2010 puis de 4% en 2012 ; qu'un des indicateurs de suivi était relatif à l'absence d'augmentation individuelle ; que la Fédération Nationale de la Mutualité Française a refusé d'opérer une comparaison vis à vis des autres cadres C3 dont le groupe serait d'après elle hétérogène en termes de responsabilités et de fonctions exercées ; qu'elle a refusé également de faire cette comparaison avec des collègues médecins en opposant le fait que Fatima Y... n'exerçait pas la médecine dans le cadre de ses fonctions ; qu'or c'est bien en tant que médecin santé publique que Fatima Y... a été recrutée pour exercer des fonctions d'animation en cette qualité et en raison de ses compétences particulières qu'elle a complétées d'ailleurs dans la durée ; que sur les comparaisons entreprises, la Fédération Nationale de la Mutualité Française justifie de ce que Fatima Y... a été embauchée à un salaire supérieur à celui octroyé en fin de carrière à son prédécesseur, à poste équivalent, l'âge pouvant être retenu comme critère de comparaison puisqu'il détermine une expérience professionnelle plus grande ; quant au Dr A..., recrutée en 2007 comme conseiller auprès du Directeur général chef de projet addiction, ses missions et responsabilités étaient plus larges, elle sera nommée en 2012 conseiller médical auprès de la Directrice santé, la comparaison n'est de ce fait pas pertinente ; qu'il n'en reste pas moins que si la Fédération Nationale de la Mutualité Française oppose que le salaire annuel de Fatima Y... en 2009 était de 58.921 € (conclusions p. 25) le Rapport de situation de cette même année mentionne pour les cadres C3 une rémunération moyenne pour les hommes de 78.410 € et pour les femmes de 76.809 € ; que ce document comprend un tableau de l'évolution comparée hommes/femmes entre 2001 et 2009 qui montre la diminution de l'écart de rémunération sur la période ; que par suite, il résulte de ces éléments en terme de rémunération annuelle pour Fatima Y... une inégalité de traitement sur le plan global vis à vis de la population masculine de même classification, que l'employeur n'explique pas, mais aussi vis à vis de la population féminine, ce qui constitue une discrimination fondée sur le sexe sans pour autant que la discrimination soit justifiée comme étant fondée sur l'origine puisque Fatima Y... a bénéficié de conditions d'embauche adaptées et que l'entreprise compte de nombreux salariés d'origine étrangère ; que les autres éléments invoqués dans ses écritures ne font pas référence à l'origine de la salariée ; qu'en ce qui concerne la demande de repositionnement, Fatima Y... se fonde sur la situation professionnelle du Dr A... qui n'a pas une situation comparable eu égard aux fonctions exercées dans l'entreprise depuis son embauche ; qu'à défaut elle réclame un salaire équivalent à la rémunération la plus élevée des hommes de la catégorie C3 au vu du bilan social sans justifier concrètement des fonctions exercées par son homologue masculin ni de ses responsabilités effectives ; que ses prétentions seront rejetées en l'absence d'éléments plus probants ; qu'il n'y a pas lieu à modifier le salaire de base ; que la Fédération Nationale de la Mutualité Française sera condamnée à verser à Fatima Y... la somme de 30.000 € en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination subie toutes causes de préjudices confondues ; que la décision du premier juge sera infirmée ;

1°) ALORS QUE lorsqu'un salarié présente des éléments de fait constituant, selon lui, une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que pour dire que la discrimination en raison de l'origine n'était pas établie, la cour d'appel s'est bornée à retenir que la salariée avait bénéficié de conditions d'embauche adaptées, que l'entreprise compte de nombreux salariés d'origine étrangère et que les autres éléments invoqués dans ses écritures ne font pas référence à son origine ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, quand il ressortait par ailleurs de ses constatations que la salariée subissait une inégalité de traitement au sein même de la population féminine, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ; qu'en conséquence, le salarié victime d'une discrimination ayant eu des incidences sur sa rémunération doit être reclassé au coefficient auquel il serait parvenu en l'absence de discrimination ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt qu'en terme de rémunération annuelle, la salariée subissait « une inégalité de traitement vis-à-vis de la population masculine de même classification, que l'employeur n'explique pas, mais aussi vis-à-vis de la population féminine, ce qui constitue une discrimination fondée sur le sexe » ; que la cour d'appel l'a néanmoins déboutée de ses demandes de repositionnement et de rappels de salaire au motif qu'elle « se fonde sur la situation professionnelle du Dr A... qui n'a pas une situation comparable eu égard aux fonctions exercées dans l'entreprise depuis son embauche ; [qu']à défaut, elle réclame un salaire équivalent à la rémunération la plus élevée des hommes de la catégorie C3 au vu du bilan social sans justifier concrètement des fonctions exercées par son homologue masculin ni de ses responsabilités effectives » ; qu'en statuant ainsi, quand il lui appartenait de rechercher le coefficient de rémunération auquel la salariée serait parvenue si elle n'avait pas subie la discrimination constatée, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles L. 1132-1 et L. 1134-5 du code du travail ;


3°) ALORS QUE la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ; qu'en limitant à la somme de 30 000 euros les dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à la discrimination, sans expliquer en quoi le montant ainsi alloué permettait la réparation intégrale du dommage subi et de placer la salariée dans la situation où elle se serait trouvée si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe de la réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles L. 1132-1 et L. 1134-5 du code du travail ;

4°) ALORS, à tout le moins, QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en limitant à la somme de 30 000 euros les dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à la discrimination, sans exprimer aucun motif justifiant ce montant, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) ALORS encore QUE le principe de la réparation intégrale impose d'apprécier in concreto l'ensemble des chefs de préjudice subis par la victime ; qu'en se bornant à prononcer une indemnisation globale, « toutes causes de préjudices confondues », la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles L. 1132-1 et L. 1134-5 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

AUX MOTIFS QU'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que Fatima Y... fait valoir des critiques, accusations infondées et un climat de suspicion alors que les sanctions qui lui ont été infligées ont été confirmées sauf en ce qui concerne la dernière, en raison de son irrégularité ; que son employeur l'a mise en garde formellement dès 2005 contre un comportement inadapté dans l'exercice de ses fonctions, sans effet notable de sa part ; que sa hiérarchie s'est montrée agacée de cette situation répétée sans que les termes employés la discréditent alors que la salariée avait adressé des messages en adoptant un ton critique très vif à plusieurs reprises ; que les tracasseries invoquées ne sont pas démontrées, l'employeur ayant usé de son strict pouvoir de direction notamment pour rappeler à la salariée la nécessité de prendre des précautions lors de l'envoi de courriels ; que la mise à l'écart n'est pas davantage démontrée dès lors que la politique d'équipement en matière de téléphonie mobile a été suivie, que l'ensemble de son équipe n'a pas participé à l'organisation du séminaire de Deauville, les autres griefs n'étant pas davantage démontrés ; que compte tenu du rôle exercé en externe par la salariée, son employeur a pu lui demander de soumettre ses écrits à supervision. Fatima Y... a formé une réclamation en vue d'une augmentation dès 2003, et il n'apparaît pas que l'information des délégués du personnel, de même que les sanctions, confirmées, ou un entretien annuel dans le but de soutenir la responsable hiérarchique directe de Fatima Y..., soient constitutifs de mesures de rétorsion, étant précisé que la mutation disciplinaire a été acceptée par la salariée ; que les relations entretenues avec sa supérieure directe, M. C..., qui était sa collègue mais a été promue en tant que supérieure hiérarchique, ont été tendues dès l'origine et se sont dégradées rapidement sur une période de 18 mois, sans que les mesures prises puissent être critiquées dès lors que M. C... a souhaité se faire aider pour faire face à la situation ; qu'ainsi les éléments soumis à la discussion par Fatima Y..., ne laissent pas supposer un harcèlement moral, l'employeur démontrant que les décisions prises relatives à la salariée étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

1°) ALORS QUE le seul exercice du pouvoir de direction de l'employeur ne peut suffire à justifier des faits de harcèlement ; que la salariée, qui soutenait avoir été victime de mesures de déstabilisation et procédés vexatoires, faisait état de l'ordre qu'elle avait reçu de cesser de travailler sur un dossier, de la réponse tardive quant à la prise en charge d'une formation sollicitée 6 mois auparavant, de la modification a posteriori de son entretien annuel de 2012, des reproches concernant ses commentaires personnels et de l'annonce qu'elle ne pouvait plus désormais tenir de réunions dans son bureau ; qu'en se bornant à retenir que ces « tracasseries » procédaient du « strict pouvoir de direction » de l'employeur, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE les juges sont tenus de motiver leur décision et ne peuvent statuer par voie de simple affirmation sans justifier en fait leur appréciation ; que la salariée, qui soutenait avoir été victime d'une mise à l'écart, faisait valoir qu'une autre salariée est devenue le « pilote » d'une activité qu'elle gérait auparavant, qu'elle ne disposait pas de téléphone portable à usage professionnel contrairement aux autres salariés, qu'elle n'a pas été sollicitée pour l'organisation du séminaire de Deauville, qu'elle n'a pas été associée à la journée de travail du comité stratégique de prévention, que sa responsable hiérarchique Mme C... s'adressait systématiquement à Mme A... pour tout conseil médical de santé publique alors qu'il s'agissait de ses attributions phares conformément à sa fiche de poste, et qu'elle s'était trouvée écartée du comité de pilotage relatif à la préparation du séminaire prévention de 2013 auquel elle était intégrée à titre normatif et au titre du pôle prévention ; que s'agissant des deuxième et troisième griefs, la cour d'appel a retenu que « la politique d'équipement en matière de téléphonie mobile a été suivie » et que « l'ensemble de son équipe n'a pas participé à l'organisation du séminaire de Deauville » ; que s'agissant en revanche des « autres griefs », la cour d'appel s'est bornée à affirmer qu'ils n'étaient « pas davantage démontrés », sans donner la moindre précision pour justifier cette affirmation et sans procéder à une analyse même sommaire de ces griefs ; qu'en statuant ainsi, par voie de simple affirmation, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE l'existence d'un harcèlement moral n'implique pas une comparaison avec la situation d'autres salariés ; qu'en se bornant à relever, s'agissant du deuxième grief, que « l'ensemble de son équipe n'a pas participé à l'organisation du séminaire de Deauville », la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

4°) ALORS QUE constitue des faits de harcèlement moral l'utilisation par l'employeur de mesures d'intimidation ou de rétorsion ; qu'il en est ainsi de l'annonce faite au personnel de l'existence d'un litige prud'homal en cours ; qu'en l'espèce, la salariée faisait valoir que le 8 décembre 2011, la direction avait annoncé publiquement en réunion des délégués du personnel l'existence de la procédure prud'homale en cours ; qu'en jugeant que cette « information » n'était pas constitutive d'une mesure de rétorsion et, partant, d'un fait de harcèlement, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, alors applicable ;

5°) ALORS QUE le consentement du salarié à une mesure d'intimidation ou de rétorsion est sans effet ; qu'en affirmant que la mutation disciplinaire du 18 septembre 2014, dont elle a constaté l'irrégularité, n'était pas constitutive d'une mesure de rétorsion au motif qu'elle « a été acceptée par la salariée », la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, alors applicable ;

6°) ALORS QUE la salariée soutenait également que sa supérieure hiérarchique, Mme C..., avait adopté à son endroit une attitude particulièrement déstabilisante et humiliante ; que la cour d'appel a constaté que les relations entretenues avec cette dernière « ont été tendues dès l'origine et sont dégradées rapidement sur une période de 18 mois », mais a néanmoins considéré que les mesures prises ne pouvaient être critiquées « dès lors que Mme C... a souhaité se faire aider pour faire face à la situation » ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si, nonobstant son souhait de se faire aider, Mme C... n'avait pas adopté une attitude déstabilisante et humiliante à l'égard de la salariée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. Moyens produits AU POURVOI INCIDENT par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la Fédération nationale de la mutualité française.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la Fédération Nationale de la Mutualité Française à payer à Mme Y... la somme de 30 000 € en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination toutes causes du préjudice confondues, et de l'AVOIR condamnée aux entiers dépens et à payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article L 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison notamment de son origine et de son sexe ; que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II (Principe de non discrimination), le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-789 du 20.08.08 ; qu'au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse, donc à l'employeur, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'à l'appui de ses prétentions Fatima Y... fait valoir une absence d'évolution salariale et professionnelle et donc une inégalité de traitement qui serait la traduction d'une discrimination fondée sur le sexe et l'origine ; qu'elle constate n'avoir obtenu en 9 ans de présence qu'une augmentation individuelle de 93,91 € par mois à la suite de la saisine de la juridiction prud'homale et une prime de 600 € ; qu'il est exact que, après que Fatima Y... ait saisi formellement par courrier son employeur de la question de l'adéquation de sa rémunération à ses fonctions en juillet 2003, puis l'inspection du travail, une première fois le 07.03.2007, et une seconde fois le 02.04.2010 pour demander que soit effectuée une enquête en discrimination salariale, son employeur lui a proposé un plan d'accompagnement salarial sous forme d'un avenant en date du 19.05.2010, lui octroyant des augmentations par paliers à partir du 01.05.2010 et jusqu'au 01.05.2011, ce qui représentait une augmentation cumulée de 5.284 €, soit environ un mois de salaire lissé sur une année, ce, sous réserve que la salariée accepte un mode de travail "transversal et collaboratif eu égard aux difficultés relationnelles déjà mentionnées ; que les entretiens annuels d'évaluation communiqués font apparaître que la salariée a réclamé de bénéficier d'une augmentation salariale dès 2001 ; qu'elle s'interrogeait déjà sur son positionnement au sein de l'équipe et il lui était demandé par sa hiérarchie de respecter un "fonctionnement transversal" ; que le 26.01.2014 Fatima Y... faisait état d'une attitude discriminatoire de la part de sa hiérarchie ; que l'année suivante sa supérieure note ne pas avoir connaissance des rémunérations pratiquées sur le marché tout en cochant sur le formulaire d'évaluation que la rémunération accordée était inférieure à ce qui était conventionnellement prévu et Fatima Y... se plaint à nouveau de l'absence d'augmentation ; puis qu'en 2006 sa supérieure indique : "salaire à revoir en fonction des collaborateurs de même fonction" ; qu'en 2008, Fatima Y... demande que son périmètre d'intervention s'élargisse compte tenu de la réorganisation projetée ; que par ailleurs, Fatima Y... relève au vu des documents produits par la Fédération Nationale de la Mutualité Française que les salaires des femmes sont inférieurs à ceux des hommes de la catégorie cadre niveau 3 C3 à laquelle elle appartient, que le sien est moins important que le salaire moyen des femmes de sa catégorie dès l'embauche et jusqu'en 2009, et que ce salaire moyen ne tient pas compte de son expérience professionnelle, cette situation se confirme selon elle en 2013 ; que Fatima Y... se compare à deux collègues les Dr B... et A... qui, à l'embauche, avaient toutes deux une rémunération supérieure tout en étant plus jeunes et moins expérimentées, alors qu'elle-même a obtenu par la suite le diplôme de nutrition thérapeutique et clinique et le diplôme obésités et maladies métaboliques ; que ces éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination fondée sur le sexe ; que la Fédération Nationale de la Mutualité Française pour sa part rectifie les chiffres de la rémunération annuelle revendiquée par la salariée qui cependant reste inférieure au salaire moyen des femmes, lui-même inférieur au salaire moyen des hommes de la même catégorie ; qu'elle indique à juste titre qu'il n'y avait pas lieu à modification de sa classification C3 dès lors que ses missions et fonctions n'avaient pas changé et correspondaient à ce positionnement ; qu'elle constate que Fatima Y... a obtenu une augmentation conséquente entre 2006 et 2014, mais il faut constater que cette augmentation n'intervient qu'à compter de 2010 ; que la Fédération Nationale de la Mutualité Française déclare que les augmentations substantielles dont Fatima Y... a bénéficié ont été accordées en application du plan de rattrapage des rémunérations mis en place qui a été mis en place à partir de 2009 bien après que Fatima Y... ait formulé ses réclamations ; que le document "Politique de rémunération de FNMF' de 2014 mentionne ces mesures de rattrapages salariaux ; qu'il est donc acquis que la salariée ne percevait pas le salaire auquel elle pouvait prétendre ; que par ailleurs sur le plan global, l'employeur ne conteste pas l'existence d'un écart de rémunération hommes/femmes qui s'est amenuisé depuis l'application des dispositions de l'accord relatif à l'égalité professionnel du 02.12.2009 qui a constaté notamment que l'écart relevé était plus important pour les collaborateurs "seniors", tout en précisant qu'il n'était au sein de l'UES que de 15,26% en 2010 " soit 10 points de moins que la moyenne nationale" et qu'il était pour la population C3 de 6% en 2010 puis de 4% en 2012 ; qu'un des indicateurs de suivi était relatif à l'absence d'augmentation individuelle ; que la Fédération Nationale de la Mutualité Française a refusé d'opérer une comparaison vis à vis des autres cadres C3 dont le groupe serait d'après elle hétérogène en termes de responsabilités et de fonctions exercées ; qu'elle a refusé également de faire cette comparaison avec des collègues médecins en opposant le fait que Fatima Y... n'exerçait pas la médecine dans le cadre de ses fonctions ; qu'or c'est bien en tant que médecin santé publique que Fatima Y... a été recrutée pour exercer des fonctions d'animation en cette qualité et en raison de ses compétences particulières qu'elle a complétées d'ailleurs dans la durée ; que sur les comparaisons entreprises, la Fédération Nationale de la Mutualité Française justifie de ce que Fatima Y... a été embauchée à un salaire supérieur à celui octroyé en fin de carrière à son prédécesseur, à poste équivalent, l'âge pouvant être retenu comme critère de comparaison puisqu'il détermine une expérience professionnelle plus grande ; quant au Dr A..., recrutée en 2007 comme conseiller auprès du Directeur général chef de projet addiction, ses missions et responsabilités étaient plus larges, elle sera nommée en 2012 conseiller médical auprès de la Directrice santé, la comparaison n'est de ce fait pas pertinente ; qu'il n'en reste pas moins que si la Fédération Nationale de la Mutualité Française oppose que le salaire annuel de Fatima Y... en 2009 était de 58.921 € (conclusions p. 25) le Rapport de situation de cette même année mentionne pour les cadres C3 une rémunération moyenne pour les hommes de 78.410 € et pour les femmes de 76.809 € ; que ce document comprend un tableau de l'évolution comparée hommes/femmes entre 2001 et 2009 qui montre la diminution de l'écart de rémunération sur la période ; que par suite, il résulte de ces éléments en terme de rémunération annuelle pour Fatima Y... une inégalité de traitement sur le plan global vis à vis de la population masculine de même classification, que l'employeur n'explique pas, mais aussi vis à vis de la population féminine, ce qui constitue une discrimination fondée sur le sexe sans pour autant que la discrimination soit justifiée comme étant fondée sur l'origine puisque Fatima Y... a bénéficié de conditions d'embauche adaptées et que l'entreprise compte de nombreux salariés d'origine étrangère ; que les autres éléments invoqués dans ses écritures ne font pas référence à l'origine de la salariée ; qu'en ce qui concerne la demande de repositionnement, Fatima Y... se fonde sur la situation professionnelle du Dr A... qui n'a pas une situation comparable eu égard aux fonctions exercées dans l'entreprise depuis son embauche ; qu'à défaut elle réclame un salaire équivalent à la rémunération la plus élevée des hommes de la catégorie C3 au vu du bilan social sans justifier concrètement des fonctions exercées par son homologue masculin ni de ses responsabilités effectives ; que ses prétentions seront rejetées en l'absence d'éléments plus probants ; qu'il n'y a pas lieu à modifier le salaire de base ; que la Fédération Nationale de la Mutualité Française sera condamnée à verser à Fatima Y... la somme de 30.000 € en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination subie toutes causes de préjudices confondues ; que la décision du premier juge sera infirmée »

1) ALORS QUE le salarié qui se prétend victime d'une discrimination doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination ; que le simple fait qu'un salarié ait réclamé de manière répétée une revalorisation salariale ne constitue pas un fait laissant présumer l'existence d'une discrimination ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que Mme Y... avait saisi formellement son employeur, puis l'inspecteur du travail, en 2003, 2007 et 2010, de la question de l'adéquation de sa rémunération à ses fonctions et que les entretiens annuels d'évaluation faisaient apparaitre que la salariée avait réclamé de bénéficier d'une augmentation dès 2001, ainsi que dans les années suivantes ; qu'en affirmant que ces éléments laissaient supposer l'existence d'une discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail.

2) ALORS QUE pour apprécier l'existence d'une différence de traitement discriminatoire, une comparaison ne peut être utilement faite qu'avec des salariés dans une situation comparable à celle du salarié demandeur au regard des fonctions exercées, de la formation, de la qualification et de l'expérience professionnelle ; que la seule appartenance à une même catégorie professionnelle ne constitue pas une identité de situation ; qu'en l'espèce, pour se prétendre victime de discrimination, Mme Y... soutenait qu'elle percevait une rémunération inférieure à celle de la moyenne des salariés de même classification qu'elle, à savoir la classification C3 ; que la FNMF, dans ses conclusions oralement soutenues (pages 29 et suivantes), opposait à la salariée qu'une comparaison n'était pas possible avec l'ensemble des autres salariés classés C3, dès lors que les responsabilités et fonctions exercées n'étaient pas similaires ; qu'en se fondant néanmoins sur un écart entre la rémunération de Mme Y... et celle de l'ensemble des salariés de classification C3, pour en déduire l'existence d'une discrimination, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si ces salariés étaient dans une situation comparable à celle de Mme Y..., notamment en termes de responsabilités et de fonctions exercées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail.

3) ALORS QU'il ne peut y avoir de discrimination que si le traitement défavorable infligé au salarié est fondé sur un des motifs prohibés par l'article L. 1132-1 du code du travail ; qu'en comparant en l'espèce la rémunération à l'embauche de Mme Y... avec celle des docteurs B... et A..., qui étaient également des femmes, pour en déduire que cet élément laissait supposer l'existence d'une discrimination fondée sur le sexe, la cour d'appel a violé l'article L. 1132-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la Fédération Nationale de la Mutualité Française à payer à Mme Y... la somme de 30 000 € en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l'obligation de sécurité et de l'AVOIR condamnée aux entiers dépens et à payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QU'« Il n'en reste pas moins que l'état de santé de Fatima Y... s'est rapidement dégradé de manière continue à partir de juin 2011 après que l'employeur ait décidé certes d'accéder aux revendications salariales de Fatima Y... manifestées depuis 10 ans, mais en refusant un repositionnement hiérarchique qui ne se justifiait pas compte tenu des missions qui lui étaient effectivement confiées ; cette situation a placé la salariée dans une position de blocage et revendicative sur le long terme dont la responsabilité incombe incontestablement à l'employeur. On doit noter que Fatima Y... a été ainsi mise en arrêt maladie en juin 2011 en raison de son état dépressif, puis en décembre de la même année, qu'elle a saisi le CHSCT de sa situation à la même période, sans effet, elle a à nouveau été placée en arrêt maladie fin 2012 après avoir été sanctionnée d'un blâme, et en définitive l'accident cardiaque subi sur le lieu de son travail le 18.01.2013 sera reconnu comme accident du travail ; le CHSCT a réclamé à l'employeur une enquête à ce sujet tandis que la salariée a été à plusieurs reprises mise en arrêt maladie. Le rapport établi par l'organisme spécialisé SECAFI sur demande du CHSCT fait apparaître dans l'entreprise, notamment, une surcharge de travail permanente générant stress et frustration, des demandes ou projets multiples sans évaluation, avec des équilibres inefficaces ; il relève des carences dans le fonctionnement collectif de l'institution, le fait que le management n'ait pas été suffisant à la suite de la réorganisation de 2011 ; il constate que les problèmes de personnes pointées par l'encadrement résultent en réalité du fonctionnement perfectible de l'organisation du travail ainsi que du positionnement de l'institution ; il soulève le problème de la reconnaissance des chefs de projet possédant une grande expertise, notamment en termes d'évolution professionnelle mais aussi de salaire ; il observe que deux collaborateurs étaient en position de risque psychosocial, ce qui est la traduction de manquements institutionnels, alors que la gestion des ressources humaines a tendance à se durcir. L'employeur doit prendre, en application de l'article 4121-1 du code du travail, les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : des actions de prévention des risques professionnels ; des actions d'information et de formation ; la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. En conséquence la responsabilité de l'employeur est engagée sauf à prouver : la faute exclusive de la victime ou l'existence de circonstances relevant de la force majeure, imprévisibles, irrésistibles et extérieures. Il suffit que l'employeur manque à l'une de ses obligations en matière de sécurité pour qu'il engage sa responsabilité civile même s'il n'en est résulté ni accident du travail ni maladie professionnelle. Pour satisfaire à son obligation de résultat l'employeur doit vérifier : les risques présentés par l'environnement de travail, les contraintes et dangers liés aux postes de travail, les effets de l'organisation du travail, la santé des salariés, les relations du travail. La simple constatation du manquement à l'obligation de sécurité suffit à engager la responsabilité de l'employeur. Mais encore faut-il que la victime apporte la preuve de l'existence de deux éléments : la conscience du danger qu'avait ou aurait dû avoir l'employeur (ou son préposé substitué) auquel il exposait ses salariés ; l'absence de mesures de prévention et de protection. Il résulte des éléments produits que la Fédération Nationale de la Mutualité Française n'a manifestement pas su protéger la santé physique et mentale de sa salariée et l'a placée, de fait, en situation de danger. Elle était informée des difficultés rencontrées par sa salariée du fait du renouvellement des arrêts maladie de Fatima Y... pour le même motif, en dépit des soins suivis, mais aussi de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du 18.01.2013, elle a spontanément proposé que les faits du 06.03.2013 soient aussi reconnus comme accidents du travail ce qui n'a pas été admis par la CPAM. La Fédération Nationale de la Mutualité Française a été alertée non seulement directement par la salariée, mais aussi par le CHSCT en son nom, et également par l'autre salariée concernée, qui était la supérieure directe de Fatima Y..., et là sans prendre de mesures pendant de longs mois, laissant ainsi la situation se dégrader. En définitive Fatima Y... a accepté sa mutation après une longue dégradation de ses conditions de travail. Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est démontré ; la Fédération Nationale de la Mutualité Française sera condamnée à verser à Fatima Y... la somme de 30.000 €. La décision du premier juge sera infirmée. »

1) ALORS QUE ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'un employeur qui refuse une promotion à un salarié qui n'en remplit pas les conditions ne méconnait pas son obligation de sécurité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'état de santé de Mme Y... s'était dégradé après que l'employeur avait décidé d'accéder à ses revendications salariales mais avait refusé « un repositionnement hiérarchique qui ne se justifiait pas compte tenu des missions qui lui étaient effectivement confiées » ; que la cour d'appel a ensuite estimé que « cette situation a placé la salariée dans une position de blocage et revendicative sur le long terme dont la responsabilité incombe incontestablement à l'employeur » ; qu'en attribuant ainsi une responsabilité à l'employeur pour une situation qui résultait, d'après ses propres constatations, de la position de blocage et revendicative de la salariée, à qui l'employeur avait accepté d'accorder une revalorisation salariale et n'avait refusé un repositionnement hiérarchique qu'en raison de son caractère injustifié, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

2) ALORS QU'il appartient au juge saisi d'une demande de dommages et intérêts fondée sur l'obligation de sécurité de l'employeur de caractériser in concreto un manquement subi personnellement par le salarié ; qu'en l'espèce, en se fondant, au vu du rapport établi par l'organisme SECAFI, sur l'existence au sein de l'entreprise de problèmes généraux, tels que surcharge de travail, carences dans le fonctionnement, management insuffisant, sans vérifier si ces problèmes affectaient personnellement Mme Y..., pour en déduire que « la Fédération Nationale de la Mutualité Française n'a manifestement pas su protéger la santé physique et mentale de sa salariée et l'a placée, de fait, en situation de danger », la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'un manquement à l'encontre de la salariée et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

3) ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en affirmant que « l'accident cardiaque subi sur le lieu de son travail le 18.01.2013 sera reconnu comme accident du travail » et que la FNMF était informée de « la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du 18.01.2013 », alors que la FNMF produisait (pièce d'appel n° 151) un courrier du 11 avril 2013 de la CPAM l'informant que l'accident avait été classé sans suite faute de certificat médical, la cour d'appel a dénaturé ce courrier du 11 avril 2013, en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause.

4) ALORS à tout le moins QUE le juge doit préciser l'origine de ses constatations ; qu'en affirmant que « l'accident cardiaque subi sur le lieu de son travail le 18.01.2013 sera reconnu comme accident du travail » et que la FNMF était informée de « la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du 18.01.2013 », sans à aucun moment préciser d'où résultait que cet accident avait effectivement été reconnu comme accident du travail, d'autant que la FNMF contestait les allégations de la salariée sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.    

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