Cassation sociale, 12 décembre 2018, n° 17-21.126 cassation sociale - Editions Tissot

Jurisprudence sociale

Version gratuite

Retour au sommaire thématique : Jurisprudence «Sécurité et santé au travail»
Retour à la fiche : Jurisprudence «Harcèlement moral»

Cassation sociale, 12 décembre 2018, n° 17-21.126

Depuis la loi travail du 8 août 2016, le juge qui prononce la nullité d’un licenciement intervenu en méconnaissance des règles protectrices contre le harcèlement moral ordonne le remboursement par l’employeur fautif au Pôle emploi de tout ou partie des indemnités chômage versées au salarié licencié. Toutefois, la Cour de cassation précise que ces dispositions n’ont pas lieu de s’appliquer pour un licenciement prononcé antérieurement à la loi travail.

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 12 décembre 2018
N° de pourvoi: 17-21126
Non publié au bulletin Cassation partielle sans renvoi

Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président), président
SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Aigle International (la société) à compter du 6 octobre 2003 comme responsable de magasin ; qu'après deux examens médicaux, elle a été licenciée le 25 février 2014 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Sur les premier et deuxième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 2 du code civil, ensemble l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa version applicable au litige ;

Attendu que pour ordonner le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée à concurrence de quatre mois, l'arrêt retient qu'aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 8 août 2016, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé, ce remboursement étant ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, que la nullité du licenciement étant prononcée en application des dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail, il convient dès lors d'ordonner le remboursement par la société des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée à concurrence de quatre mois ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le licenciement de la salariée a été prononcé le 25 février 2014, soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée à concurrence de quatre mois, l'arrêt rendu le 15 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article L. 1235-4 du code du travail ;

Condamne la société Aigle international aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Aigle international à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Aigle international

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré l'action de Mme X... recevable devant le conseil des prud'hommes ;

AUX MOTIFS QUE « la SA Aigle International conclut à l'irrecevabilité des demandes de Mme Martine X..., laquelle se fonde sur le fait que l'inaptitude reconnue par le médecin du travail serait la conséquence d'une maladie professionnelle imputable à l'employeur, dans la mesure où dans le même temps de la saisine du conseil des prud'hommes, la salariée a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur en invoquant exactement les mêmes griefs, de sorte que la juridiction prud'homale n'est pas compétente pour statuer sur la demande d'indemnisation de la perte de l'emploi consécutive au licenciement pour inaptitude ; que la salariée appelante n'a pas répondu à l'irrecevabilité ainsi soulevée de sa demande ; Attendu qu'il est constant que : - le 3 octobre 2013 Mme Martine X... a fait une chute lors d'un déplacement professionnel à Boulogne-Billancourt, lui occasionnant des douleurs et contusion de la hanche droite, du pied droit, de l'épaule droite et gauche ; la SA Aigle International ayant finalement déclaré cet accident comme accident du trajet, le caractère professionnel en a été reconnu par la CPAM le 22 janvier 2014 ; - le 1er avis du médecin du travail a été rendu à l'occasion de la visite médicale de reprise mettant fin à la période de suspension du contrat de travail due à cet accident de travail ; - le 31 octobre 2014, la CPAM a notifié à Mme Martine X..., suite à la demande du 4 novembre 2013, la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie professionnelle inscrite au tableau n° 57 : affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail, s'agissant d'une "maladie Coiffe des rotateurs : tendinopathie chronique non rompue, non calcifiante objectivée par IRM" ; Attendu qu'il est constant par ailleurs que Mme Martine X... a le 19 août 2015, postérieurement à la saisine du conseil des prud'hommes, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une demande de reconnaissance de faute inexcusable de son employeur, en invoquant à l'appui de cette demande et de l'expertise sollicitée le fait qu'elle a été soumise par son employeur en dépit des avis médicaux connus de lui à l'obligation d'accomplir des tâches de manutention lourde en manipulant palettes et cartons lors des livraisons ; que certes dans ces conclusions, elle mettait en avant le harcèlement moral dont elle est victime de la part de son employeur ; Attendu cependant que Mme Martine X... a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir déclarer nul son licenciement en raison du harcèlement moral sur le fondement des articles L. 1152-1 et suivants du code du travail ; que si dans cette instance elle articule certes les mêmes griefs tenant à ces tâches de manutention, elle invoque d'autres griefs, notamment des interventions vexatoires de M. Z... qui la persécutait, le non-respect des règles en matière d'heures supplémentaires et récupération des dimanches travaillés, le comportement de son employeur suite à son accident du trajet et son exclusion avant son licenciement ; que la demande en nullité du licenciement, qui permettrait à la salariée de solliciter sa réintégration, distincte de celle en indemnisation de la perte de l'emploi comme suite de la faute inexcusable de l'employeur, ressort bien de la compétence du conseil des prud'hommes, qui d'ailleurs peut seul se prononcer sur le respect de l'obligation de reclassement, contestée également par la salariée ; Attendu que dans ces conditions, c'est à tort que l'intimée entend opposer l'irrecevabilité de la demande de Mme Martine X... » ;

ALORS QUE relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale l'indemnisation des dommages résultant d'une maladie professionnelle, qu'elle soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme X... a été licenciée pour inaptitude résultant d'une maladie professionnelle et qu'elle a introduit devant le tribunal des affaires de sécurité sociale une action tendant à la reconnaissance d'une faute inexcusable de la société Aigle International à l'origine de cette maladie professionnelle, en invoquant des conditions de travail non conformes aux préconisations formulées par le médecin du travail, dans un avis d'aptitude avec réserves du 14 septembre 2012, et un harcèlement moral ; que, parallèlement, Mme X... demandait au conseil de prud'hommes de condamner la société Aigle International à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement nul sur le fondement de l'article L. 1152-3 du code du travail, en invoquant un harcèlement moral résultant essentiellement de conditions de travail prétendument non-conformes aux préconisations du médecin du travail ; qu'en conséquence, cette demande tendant à la réparation du préjudice de perte d'emploi né de la maladie professionnelle que la salariée imputait à un harcèlement moral relevait de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale et entrait dans le cadre de la réparation spécifique prévue par le régime des accidents du travail et maladies professionnelles ; qu'en affirmant le contraire, aux motifs inopérants que la demande en nullité du licenciement fondée sur l'article L. 1152-3 du code du travail permettrait à la salariée de solliciter sa réintégration, que Mme X... invoquait d'autres griefs que ceux invoqués devant le tribunal des affaires de sécurité sociale et qu'elle contestait également le respect de l'obligation de reclassement, la cour d'appel a violé les articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale.



DEUXIEME MOYEN DE CASSATION, SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré nul le licenciement de Mme X... intervenu le 25 février 2014 dans un contexte de harcèlement moral, d'AVOIR condamné la société Aigle International à payer à Mme X... les sommes de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Aigle International à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée à concurrence de 4 mois ;

AUX MOTIFS QUE « qu'aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que l'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, Mme Martine X... invoque les faits suivants : - les méthodes de gestion de son employeur, par l'importance et la mauvaise planification des livraisons de palettes dans une cellule commerciale de capacité limitée, la contraignant ainsi à de lourdes tâches de manutention contraires à l'avis du médecin du travail délivré en 2012 pour assurer le stockage des colis et la mise en place des articles en hauteur dans le magasin, -la dégradation de son état de santé, surtout depuis la prise de fonction de M. Cyril Z..., animateur magasin d'usine, qui s'est livré à des interventions vexatoires lui donnant un sentiment de persécution et de manque de compétence, -le non-respect par l'employeur de la réglementation en matière d'heures supplémentaires et de récupération des dimanches travaillés, -le comportement de son employeur suite à son accident de trajet lors d'un déplacement professionnel, -son exclusion avant même son licenciement, son employeur lui ayant interdit d'accéder au magasin le 7 février 2014 et l'ayant dès décembre 2013 rayée de la liste des salariés ; qu'il convient de relever que parmi les pièces produites par l'appelante, aucune ne permet d'étayer le grief fait s'agissant des heures supplémentaires et dimanches travaillés en ce qui concerne Mme Martine X..., laquelle n'a d'ailleurs formé aucune réclamation pécuniaire à ce titre ; que ce grief est en conséquence invoqué de façon inopérante par l'appelante ; que, pour étayer ses autres affirmations, Mme Martine X... produit notamment : - l'avis du médecin du travail en date du 14 septembre 2012, indiquant "apte. Pas de travail les bras en l'air au-dessus de la ligne des épaules. Doit avoir un tabouret patte d'éléphant' ; -copie des courriels adressés par elle à M. Cyril Z... pour signaler les difficultés consécutives aux livraisons importantes de palettes, tels celui du 9 octobre 2012 "nous avons reçu début de cette semaine 57 colis... tu nous annonces une palette de réassort de 49 colis...j'ai bien noté qu'il ne fallait pas refuser les palettes sachant que nous avions précisé que notre réserve ne pouvait contenir que 75 colis merci de me dire ce que vous suggérez- pour ma partie souhaiterais que ce réassort n'arrive que vendredi afin de libérer de la place", ou celui du 21 novembre 2012 "nous avons reçu 2 palettes de marchandise hier et aujourd'hui pour un total de 106 cartons. Sachant que nous sommes en inventaire demain et vendredi, et que nous ne pouvons réceptionner qu'un total de 75 cartons dans notre réserve, nous nous retrouvons dans l'incapacité de tout entreposer et d'effectuer l'inventaire dans cette dernière. Après bien des démarches auprès du centre, exceptionnellement et provisoirement, le magasin Black et Decker a accepté de nous prêter une partie de sa réserve afin d'y entreposer la dernière livraison, soit 55 cartons" ; - copie du courrier recommandé du 10 décembre 2012 adressé par Mme Martine X... à sa hiérarchie, faisant notamment état de retard dans la validation des congés payés ou formalisation d'avenants pour les heures complémentaires du personnel du magasin, et signalant en fin de son courrier "mon état de santé s'en trouvant fortement ébranlé, je me trouve aujourd'hui arrêtée pour dépression", ainsi que le mail adressé le 11 décembre 2012 pour transmission du même courrier qui "résume la situation conflictuelle rencontrée depuis plus de deux mois sur [...]" ; - l'attestation de Mme Véronique A... qui, la rencontrant régulièrement dans le magasin Aigle de [...] lors de ses pauses déjeuners, indique que "Martine X... était affairée à la réalisation de son marchandisime de façon hebdomadaire, portant des vestes lourdes ou boîtes de bottes, à placer en hauteur en fonction de l'agencement du magasin...il est inévitable de lever les bras au-dessus de la ligne des épaules... je confirme que Martine se trouvait très souvent en souffrance physique. Je confirme en outre avoir retrouvé Martine X... seule sur la surface de vente, qui déchargeai des palettes de cartons lourds, en présence du transporteur qui attendait pour reprendre sa palette... Depuis deux ans l'état physique et moral de Martine s'est fortement dégradé, elle m'a d'ailleurs confié subir de perpétuelles pressons physiques, avec son nouvel animateur" ; - les attestations de Mmes Isabelle B... et Charlène C..., toutes deux employées du magasin Aigle de [...], faisant état des "pénibilités des conditions de travail subies, suite aux mauvaises planifications des livraisons imposées par le service des expéditions.... malgré les innombrables réclamations téléphoniques et mails de Mme X... et ses mises en garde", précisant que "le magasin de [...] agencé sur une hauteur de mur très importante nous obligeait à avoir les bras constamment en hauteur pour le rangement des produits, ainsi que pour la présentation des produits à la vente", mentionnant que "Martine X... à qui le marchandasing du magasin incombait tous les quinze jours devait, pour la réalisation de celui-ci, avoir les bras en l'air assidument", signalant l'absence de nouvel aménagement du magasin à la différence des autres magasins Aigle et la suppression en 2010 d'une réserve importante cédée à une autre société, relatant que "les fonctions de Martine ont été changées suite à différents changements de direction. Celle-ci n'étant plus autorisée à passer les commandes de produits, et d'organiser les plannings de livraison, ces activités étant assurées par le service RETAIL dont la responsabilité incombait à Marie-Claude D.... Les conditions de travail ont été totalement insoutenables et ceci de façon radicale et sans analyse de situation malgré nos revendications et appels au secours auprès du service RETAIL et de notre responsable de réseau Cyril Z..." ; - ces deux mêmes attestations dans lesquelles Mme B... précise que "la pression de Cyril Z..., par des propos vexatoires, nous imposaient des cadences inhumaine «vous devez réceptionner et mettre en place les produits reçus en 24 heures, vous avez 48 heures pour valider une réception» et Mme C... précise que "l'état de santé de Martine s'est dégradé de jour en jour physiquement et moralement"; -une autre attestation de Mme Isabelle B..., qui indique "avoir eu Thomas E..., directeur Aigle, au téléphone avant l'arrivée de Mme Martine X..., en date du vendredi 7 février dernier sur le site de [...], accompagné de son époux, afin de récupérer ses affaires personnelles en réserve. Il nous a été interdit de laisser franchir la porte de la réserve à Martine X..., encore responsable du magasin à cette date, même en présence du personnel. Les explications à donner à Mme Martine X... étaient les suivantes : Nous avons reçu des instructions de Thomas E... le 7-02-2014au matin, vous n'êtes plus notre responsable, nous devons vous considérer comme une cliente..." ; - l'attestation du Cabinet de psychologie en Santé & Travail attestant du soutien psychothérapeutique apporté à Mme Martine X..., le certificat médical du Dr L... faisant état du syndrome anxiodépressif présenté par Mme Martine X... et la contraignant à suivre un traitement médical ; - les documents relatifs à son accident survenu le 3 octobre 2013 à Boulogne-Billancourt à l'occasion d'une réunion régionale des magasins d'usine, notamment le couriel de M. Cyril Z... précisant "présence obligatoire des RM" et l'attestation de Mme Stéphanie F... relatant que "lors de ce dîner, Mme D... Marie-Claude a stipulé bien haut sous forme de moquerie à M, Z... Cyril, qui était placé en face, la grosse chute de Mme X.... Ce dernier est resté muet et indifférent à la situation, ce qui a surpris tout le monde" ; que si les attestations de témoins font état de propos vexatoires tenus par M. Z..., elles n'en précisent cependant pas la teneur exacte et ces faits avancés par l'appelante ne peuvent donc été retenus comme établis ; que cependant s'agissant des autres griefs tenant aux méthodes de gestion, au traitement de l'accident du trajet et son exclusion des locaux du magasin, au vu des éléments ci-dessus retracés, Mme Martine X... établit l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui, pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ; que la SA Aigle International fait valoir qu'il ne peut être tenu compte de l'attestation de Mme F..., qui a été licenciée et décrit dans un esprit de vengeance personnelle les conditions générales de travail dans les magasins, ni de l'attestation de Mme "N..." qui ne travaille pas davantage que Mme F... dans le magasin Aigle de [...] ; que cependant il sera simplement rappelé que dans les éléments précédemment examinés, ont été seulement retenues les attestations des employés travaillant dans le magasin Aigle de [...], qui peuvent donc utilement témoigner des conditions de travail dans ce magasin, à la différence effectivement de Mme F... qui était employée dans un autre établissement, ainsi que celle de Mme Véronique A... qui certes ne travaille pas dans le magasin de [...] mais, qui rencontrant régulièrement à l'occasion de ses pauses déjeuners Mme Martine X... dans le magasin de [...], a pu personnellement constater les tâches accomplies par cette dernière et en attester sans que son témoignage ne puisse être suspecté de partialité à raison d'une communauté d'intérêt que pourraient provoquer les liens de travail dans une même équipe, son attestation venant au contraire conforter celles de Mmes B... et C... ; que la société intimée fait valoir que Mme Martine X... était employée comme responsable de magasin d'usine, dans un poste à caractère exclusivement administratif, bénéficiant d'une équipe de quatre personnes à ses côtés qui avaient dans leurs fonctions la réception et mise en place des marchandises à la différence de Mme X..., se référant en cela aux fiches de poste qu'elle produit ; qu'elle ajoute que la politique d'approvisionnement suivie pour le magasin de [...] était identique à celle suivie pour les autres magasins, se référant en cela aux attestations de Mme D..., responsable du service gestion Rétail et responsable de l'approvisionnement des magasins d'usine, et de M. Z... ; qu'elle précise s'agissant de l'accident du 3 octobre 2013, que Mme Martine X... a fait une chute en se rendant avec des collègues au restaurant pour un dîner organisé à l'initiative de quelques salariés ne présentant aucun caractère obligatoire, qu'elle a estimé que l'accident n'étant pas intervenu sur un temps de trajet professionnel, sa prise en charge ne pouvait se faire au titre des accidents de trajet professionnels et que cependant, sur sollicitations de la salariée, elle a effectué la déclaration d'accident du trajet le 22 octobre 2013 ; qu'elle estime que Mme Martine X... déforme la réalité en invoquant son exclusion, dans la mesure où l'employeur s'étant aperçu que celle-ci se faisait remettre, notamment par Stéphanie F..., des documents internes à l'entreprise pendant son arrêt maladie, il a sommé les salariés d'arrêter cette pratique ; qu'il soutient enfin que Mme Martine X... n'établit pas le lien de causalité entre son travail et la détérioration de son état de santé ; que certes les fiches de poste produites par la SA Aigle International font apparaître que le "responsable de magasin d'usine", poste occupé par Mme Martine X..., "est chargé de conduire et d'appliquer en magasin la politique décidée par la direction du réseau Magasin d'usine et organise l'activité terrain de ses vendeurs en fonction des objectifs quantitatifs et qualitatifs fixés par sa direction" et n'a pas dans les activités dominantes qui y sont décrites de tâches de manutention, à la différence des emplois de "responsable adjoint" qui a notamment pour activités dominantes "réception des marchandises, mise en rayon en respectant les règles de merchandising et de propreté définies par la marque" et "rangement des rayons, des réserves, petites réparations" ou de vendeur qui a notamment dans ses activités dominantes ces mêmes tâches de réception des marchandises, mise en rayon et rangement des rayons et réserves ; que la composition de l'équipe du magasin de [...], communiquée par l'intimée, montre que Mme G... H... était employée comme vendeuse à raison de 86,66 heures par mois, Mme Isabelle B... comme vendeuse à raison de 138,66 heures par mois, Mme Isabelle I... comme responsable adjointe à raison de 151,67 heures par mois et Mme Charlène C... comme apprentie vendeuse à raison de 151,67 heures ; que les nombreux avenants au contrat de travail produits par la société intimée, s'agissant de Mmes B... et H..., montrent la fréquence des heures complémentaires demandées à ces deux salariées, portant certes leur temps de travail hebdomadaire à 35 heures mais cela ponctuellement pour quelques jours ou quelques semaines à l'occasion de périodes de fêtes ou vacances, ou de soldes ou d'animation commerciale tout au long de l'année, sans pour autant que ces salariées ne puissent être considérées comme employées à temps plein en permanence ; qu'or il ressort de l'attestation de M. Cyril Z... que celui-ci a pour fonctions principales selon son contrat de travail notamment "l'organisation du temps de travail de l'équipe, son management et le développement de son chiffre d'affaires", ses responsabilités intégrant "la formation des équipes, des entretiens et de suivi individuel de l'activité du terrain" ; que si Mme D..., responsable du service gestion Rotail et responsable de l'approvisionnement, indique dans son attestation que "le réassort est toujours programmé en début de semaine après les ventes du week-end. Les magasins sont avertis par mail la veille de la livraison du nombre de colis expédiés ainsi que leur quantité", il n'en demeure pas moins que les bons de livraison produits par l'appelante font apparaître un rythme de livraison autre puisque plusieurs livraisons peuvent être enregistrées au cours d'une même semaine ; que la société intimée ne conteste pas avoir eu connaissance de l'avis du médecin du travail ayant le 14 septembre 2012 préconisé "Pas de travail les bras en l'air au-dessus de la ligne des épaules", ce qui ne pouvait manquer d'intriguer l'employeur, qui se doit d'être soucieux de la santé de son personnel, dès lors qu'il soutient que Mme Martine X... comme responsable de magasin n'avait aucunement dans ses attributions de tâches de manutention ; que par ailleurs la configuration particulière du magasin de [...] évoquée par les témoignages produits par l'appelante, différente des autres magasins refaits en fonction de nouvelles normes, n'est pas démentie par la société intimée ; qu'alertée par Mme Martine X... des difficultés d'approvisionnement, de stockage et d'organisation ainsi que des répercussions sur sa santé tant physique que morale, la SA Aigle International ne justifie pourtant pas avoir pris en compte ces signalements el, avoir cherché à trouver des remèdes permettant par d'autres méthodes de gestion de rétablir la salariée dans ses fonctions purement administratives, alors qu'il a été vu de par l'attestation de M. Z... que l'appelante n'avait pas la maîtrise des horaires du personnel de vente ayant dans leurs attributions la réception des marchandises et leur mise en rayon ; que si l'appelante n'apporte aucun élément faisant apparaître qu'elle aurait été rayée des listes de l'entreprise dès décembre 2013, elle établit cependant par l'attestation qui e été citée que l'accès du magasin lui a été interdit le 7 février 2014 sur instruction de son employeur ; que celui-ci répond en produisant le courriel de M. Thomas J... du 10 février 2014: "comme indiqué, Martine X... a énormément d'info sur l'entreprise, elle a eu par exemple connaissance du PV du CE la concernant etc...Après avoir démêlé la pelote, ce n'est pas Sylvette M... qui la renseigne mais l'équipe de Romans, en l'occurrence, Jennifer et Stéphanie F.... Je vous tiens au courant des suite, Jennifer est en CP, je la somme d'arrêter dès son retour" ; que toutefois, ce courriel, postérieur à l'incident du 7 février 2014, alors qu'au surplus le personnel de [...] n'est aucunement mis en cause dans la transmission critiquée de documents à Mme Martine X..., ne peut justifier objectivement l'interdiction formelle qui a été faite à celle-ci de pénétrer dans le magasin de [...], alors qu'à cette date elle était encore salariée, n'était pas licenciée et surtout venait récupérer des effets personnels ; s'agissant de l'accident du 3 octobre 2013, que l'employeur justifie certes avoir effectué auprès de la CPAM le 22 octobre 2013 la déclaration d'accident du trajet ; que cependant il ressort des pièces de la société intimée que c'est seulement en réponse à une réclamation de la salariée dans un courrier du 10 octobre 2013, que la SA Aigle International a répondu à Mme Martine X... et fait le nécessaire auprès de la CPAM ; qu'or d'une part, il n'appartient pas à l'employeur, à la place de la CPAM, de se faire juge du caractère professionnel ou non de l'accident, alors que le retard mis dans la déclaration a causé un préjudice à la salariée dans la prise en charge des soins nécessités par sa chute; que d'autre part, l'employeur était informé de l'existence de cet accident, dès lors qu'il ressort de l'attestation de Mme F... qu'il en a été fait état lors du dîner par Mme D... en présence de M. Z..., c'est-à-dire des supérieurs de Mme X... ; que par ailleurs, la SA Aigle International n'apporte aucun élément permettant de contredire la relation faite, au cours du dîner réunissant du personnel de la société après une réunion régionale des responsables de magasin d'usine, de la chute de Mme Martine X... par Mme D... sur le ton de la moquerie et l'absence de réaction de M. Z..., tels qu'ils ressortent de l'attestation de Mme F... ; que l'attitude désobligeante de l'une en présence de collègues de travail et l'indifférence affichée par les deux qui ne se sont pas souciés de l'état de leur collègue, laquelle pouvait avoir été blessée dans sa chute, ne peuvent être justifiés objectivement par l'employeur ; qu'au vu de l'ensemble de ses éléments, l'employeur échoue ainsi à démontrer que les faits matériellement établis par Mme Martine X... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que les agissements répétés ainsi établis de la part de l'employeur ont bien eu pour effet une dégradation des conditions de travail de Mme Martine X..., se répercutant de façon néfaste sur la santé de celle-ci qui présente un état dépressif ; qu'il s'ensuit que le harcèlement moral doit être retenu, de sorte qu'en application de l'article L.1152-3 du code du travail, le licenciement de Mme Martine X... intervenu dans ce contexte est nul ; que le jugement entrepris, qui a rejeté la demande de la salariée, devra dès lors être infirmé. Sur l'indemnisation : que compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée, et des conséquences dommageables qu'il a eu pour Mme Martine X... telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, le préjudice en résultant pour l'appelante sera justement apprécié à la somme de 5.000 € qui lui sera allouée à titre de dommages-et-intérêts, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande en dommages-et-intérêts pour harcèlement moral ; que Mme Martine X... ne sollicite pas sa réintégration mais réclame des dommages-et-intérêts en réparation du préjudice que lui cause son licenciement nul ; qu'eu égard à l'âge de la salariée lors du licenciement (57 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (10 ans et 5mois), du salaire qu'elle percevait à l'époque de 2.688,85 € bruts par mois, du fait que la qualité de travailleur handicapé lui a été reconnue par la Maison départementale des personnes handicapées de Moselle pour la période du 1er mars 2014 au 28 février 2019, à ses capacités de retrouver un nouvel emploi, et en l'absence de précision apportée par l'appelante sur sa situation financière actuelle, il convient d'allouer à Mme Martine X... la somme de 35.000 € à titre de dommages-et-intérêts pour licenciement nul ; qu'aux termes de l'article L 1235-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 8 août 2016, dans les cas prévus aux articles L 1132-4, L 1134-4, L 1144-3, L 1152-3, L 1153-4, L 1235-3 et L 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé, ce remboursement étant ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées ; que la nullité du licenciement étant prononcée en application des dispositions de l'article L 1152-3 du code du travail, il convient dès lors d'ordonner le remboursement par la SA Aigle international des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée à concurrence de 4 mois » ;

1. ALORS QUE le licenciement d'un salarié victime d'agissements de harcèlement moral n'est nul que s'il est établi que le salarié a été licencié pour avoir subi, refusé de subir ou relaté ces agissements de harcèlement moral ; qu'en conséquence, en cas de licenciement motivé par l'inaptitude du salarié, la reconnaissance d'un harcèlement moral n'entraîne la nullité du licenciement qu'à la condition que l'inaptitude du salarié soit la conséquence des agissements de harcèlement moral relevés par les juges ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'inaptitude de la salariée avait pour origine, selon les indications du médecin du travail, la maladie professionnelle alors en cours de reconnaissance et que cette maladie professionnelle consiste en une affectation périarticulaire sur les deux épaules provoquée par certains gestes et postures de travail ; qu'il résulte que l'inaptitude de la salariée n'avait pas pour origine les faits de harcèlement moral relevés par la cour d'appel ; qu'en affirmant cependant que le licenciement de Mme X... était nul, comme étant intervenu dans un contexte de harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-3 du code du travail ;

2. ALORS QUE le licenciement d'un salarié victime d'agissements de harcèlement moral n'est nul que s'il est établi que le salarié a été licencié pour avoir subi, refusé de subir ou relaté ces agissements de harcèlement moral ; qu'en conséquence, en cas de licenciement motivé par l'inaptitude du salarié, la reconnaissance d'un harcèlement moral n'entraîne la nullité du licenciement qu'à la condition que l'inaptitude du salarié soit la conséquence des agissements de harcèlement moral relevés par les juges ; qu'en se bornant à relever que le harcèlement s'est répercuté sur la santé de la salariée qui présente un état dépressif et que son licenciement est intervenu dans un contexte de harcèlement, sans faire ressortir que l'inaptitude de la salariée aurait eu pour origine les agissements de harcèlement moral qu'elle a relevés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-3 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION, INFINIMENT SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné à la société Aigle International le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée à concurrence de quatre mois ;

AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 8 août 2016, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4 , L. 1134-4, L. 1144-3, L 1152-3, L 1153-4, L 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé, ce remboursement étant ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées ; Attendu que la nullité du licenciement étant prononcée en application des dispositions de l'article L 1152-3 du code du travail, il convient dès lors d'ordonner le remboursement par la SA Aigle International des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée à concurrence de 4 mois » ;

ALORS QUE la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ;
que la loi nouvelle ne s'applique pas, sauf rétroactivité expressément décidée par le législateur, aux actes juridiques passés antérieurement à son entrée en vigueur ; que l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 16 août 2016, prévoit que le remboursement des indemnités de chômage versées au salarié ne peut être ordonné à l'employeur dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L. 1235-11 du code du travail ; qu'il en résulte qu'en cas de licenciement nul sur le fondement de l'article L. 1152-3 du code du travail, le juge ne peut ordonner le remboursement à l'employeur des indemnités de chômage ; que si la loi n° 2016-1088 du 16 août 2016 a modifié l'article L. 1235-4 du code du travail en élargissant les cas dans lesquels le juge peut ordonner le remboursement des allocations chômage, elle ne prévoit pas que ces dispositions nouvelles sont applicables aux licenciements prononcés avant son entrée en vigueur ; qu'en l'espèce, il est constant que la société Aigle International a prononcé le licenciement de Mme X... le 25 février 2014, soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 août 2016 ; qu'en jugeant néanmoins qu'en conséquence de la nullité du licenciement de Mme X..., prononcée en application de l'article L. 1152-3 du code du travail, la société Aigle International devait être condamnée à rembourser les indemnités de chômage versées à Mme X..., dans la limite de quatre mois d'allocations chômage, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil.    

Aller plus loin sur “Jurisprudence Harcèlement moral”

Articles liés du Code du travail
Également jugé