Cassation civile 2e, 4 avril 2019, n° 18-14.734 cassation sociale - Editions Tissot

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Cassation civile 2e, 4 avril 2019, n° 18-14.734

La rémunération du dirigeant ne peut pas donner lieu à la réduction générale des cotisations patronales (ex-Fillon) dès lors que celui-ci n’est pas éligible à l'assurance chômage.

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 4 avril 2019
N° de pourvoi: 18-14734
Non publié au bulletin Cassation partielle

Mme Flise (président), président
SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'à la suite d'un contrôle portant sur les années 2009 et 2010, l'URSSAF d'Alsace (l'URSSAF) a notifié à la société Ectal (la société) une lettre d'observations en date du 26 juin 2012 comportant un redressement au titre de la réduction Fillon, opérée sur les rémunérations de son gérant, puis une mise en demeure en date du 5 septembre 2012 ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour accueillir ce recours, l'arrêt énonce qu'il est justifié que M. N... est salarié de la société Ectal, ayant été embauché en qualité de monteur par contrat de travail du 2 septembre 2002 et qu'il a régulièrement perçu en rémunération un salaire égal au SMIC pendant la période contrôlée ; qu'il a été désigné gérant de la société par l'assemblée générale extraordinaire du 24 juillet 2006 et ne perçoit aucune rémunération à ce titre ; qu'ainsi, dès lors que la société Ectal a calculé la réduction Fillon sur la rémunération perçue par son gérant M. N... en contrepartie des fonctions techniques exercées, le redressement n'est pas fondé ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions oralement soutenues par l'URSSAF, qui faisait valoir que la rémunération versée à M. N... ne pouvait donner lieu à la réduction Fillon dès lors que celui-ci n'était pas éligible à l'assurance chômage, selon l'avis de Pôle emploi, versé aux débats, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel interjeté par l'URSSAF d'Alsace, l'arrêt rendu le 8 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la société Ectal, représentée par son mandataire judiciaire la selas Y... et associés, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Alsace.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris et, ce faisant, d'AVOIR annulé la mise en demeure du 5 septembre 2012 notifiée par l'URSSAF d'Alsace en ce qui concerne le chef de redressement portant sur la réduction des charges patronales au titre du salaire de Monsieur Q... N...,

AUX MOTIFS QUE : « Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour un plus ample exposé de leurs moyens et arguments, Attendu qu'il résulte de l'article L. 241-13 modifié du code de la sécurité sociale que les cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des maladies professionnelles et des allocations familiales qui sont assises sur les gains et rémunérations tels que définis à l'article L. 242-1 dudit code, versés au cours d'un mois civil aux salariés, font l'objet d'une réduction dite « réduction Fillon » ; que la réduction s'applique aux gains et rémunérations versés aux salariés au titre desquels l'employeur est soumis à l'obligation d'assurance contre le risque de privation d'emploi, aux salariés mentionnés au 3° de l'article L. 5424-1 du code du travail ainsi qu'aux salariés relevant de régimes spéciaux, à l'exception des gains et rémunérations versés par les particuliers employeurs ; Attendu, comme l'ont dit les premiers juges, que la réduction Fillon s'applique au titre des seuls salariés titulaires d'un contrat de travail ; qu'en sont en revanche exclues les rémunérations versées à un dirigeant de société sauf dans le cas où celui-ci est titulaire d'un contrat de travail ; que dans ce cas, la réduction ne s'applique qu'à la rémunération due au titre de ce contrat ; Attendu qu'en l'espèce il est justifié que M. Q... N... est salarié de la société Ectal, ayant été embauché en qualité de monteur par contrat de travail du 2 septembre 2002 et qu'il a régulièrement perçu en rémunération un salaire égal au SMIC pendant la période contrôlée ; qu'il a été désigné gérant de la société par l'assemblée générale extraordinaire du 24 juillet 2006 et ne perçoit aucune rémunération à ce titre ; Qu'ainsi, dès lors que la société Ectal a calculé la réduction Fillon sur la rémunération perçue par son gérant M. N... en contrepartie des fonctions techniques exercées, le redressement n'est pas fondé ; Attendu donc qu'il y a lieu de confirmer le jugement rendu qui a annulé la mise en demeure du 5 septembre 2012 en ce qui concerne ce chef de redressement et les majorations de retard subséquentes, et débouté l'URSSAF d'Alsace de sa demande reconventionnelle ; Attendu qu'il n'y a pas lieu en la cause à application de l'article 700 du code de procédure civile. »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « La réduction Fillon s'applique au titre des salariés titulaires d'un contrat de travail. Si les rémunérations versées à un dirigeant de société en sont exclues, si ceux-ci sont titulaires d'un contrat de travail, la réduction s'applique à la seule rémunération due au titre de ce contrat. Il résulte des pièces produites que Monsieur Q... N... est titulaire d'un contrat de travail depuis le 2 septembre 2002 en qualité de monteur et que selon les bulletins de salaire pour la période contrôlée, il perçoit un salaire égal au SMIC et aucune rémunération au titre de son mandat social. Dès lors que Monsieur Q... N... est titulaire d'un contrat de travail et que la réduction « FILLON » a été calculée sur la seule rémunération résultant de ce contrat, le redressement à ce titre est mal fondé. Il convient d'annuler la mise en demeure du 5 septembre 2012 en ce qui concerne ce chef de redressement et des majorations de retard. La demande reconventionnelle de l'URSSAF sera rejetée. »

1/ ALORS QUE les salaires versés à un salarié non éligible à l'assurance chômage ne peuvent donner lieu au bénéfice de la réduction des cotisations patronales au titre de la loi Fillon ; qu'en l'espèce, l'URSSAF d'Alsace faisait valoir que M. N... n'était pas couvert par l'assurance chômage ; qu'en affirmant néanmoins que la rémunération versée à M. N... devait permettre à l'entreprise de bénéficier de la réduction des cotisations patronales au titre de la loi Fillon, la Cour d'appel a violé l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale,

2/ ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en l'espèce, l'URSSAF d'Alsace faisait valoir dans ses écritures que la rémunération versée à M. N... ne pouvait donner lieu à la réduction Fillon dès lors que ce dernier n'était pas éligible à l'assurance chômage, versant aux débats l'analyse de Pôle Emploi à cet égard ; qu'un tel raisonnement comportant l'allégation d'un fait, l'invocation d'une règle de droit et la déduction d'une conséquence juridique constituait un véritable moyen appelant nécessairement une réponse de la part des juges du fond ; qu'en énonçant que c'était à juste titre que la société Ectal avait calculé la réduction Fillon sur la rémunération perçue par M. N..., sans répondre à ce moyen déterminant des écritures de l'URSSAF, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.