Jurisprudence sociale
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Cassation sociale, 20 mai 2020, n° 18-23.444
Il appartient à l’employeur de maintenir tous les éléments de rémunération du salarié protégé durant la phase d’instruction, et ce, jusqu’à ce que l’inspection du travail se soit prononcée sur l’autorisation de licenciement.
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 20 mai 2020 N° de pourvoi: 18-23444 Non publié au bulletin Cassation partielle
M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président), président SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 20 mai 2020
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 393 F-D
Pourvoi n° E 18-23.444
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 MAI 2020
M. C... E..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° E 18-23.444 contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Sécurité protection intervention, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Assistance sécurité protection,
2°/ à M. P... S..., domicilié [...] , pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Sécurité protection intervention,
3°/ à l'AGS CGEA d'Ile-de-France Ouest, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
En présence de : M. P... A..., domicilié [...] , pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Sécurité protection intervention,
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. E..., de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de MM. S... et A..., ès qualités, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à M. E... de ce qu'il reprend l'instance à l'encontre de M. A..., pris en sa qualité de liquidateur de la société Sécurité protection intervention.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 septembre 2018), M. E... a été engagé le 5 janvier 2009 par la société Assistance sécurité protection en qualité d'agent de sécurité incendie, chef de poste. Le 7 avril 2010, il a été élu en qualité de membre suppléant de la délégation unique du personnel.
3. Le salarié a été mis à pied le 13 décembre 2010 et convoqué à un entretien préalable au licenciement. L'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire a été refusée par l'inspection du travail le 20 janvier 2011. Le 27 janvier suivant, M. E... a demandé à être réintégré sur le même lieu de travail. Le 15 février 2011 l'employeur a notifié à ce dernier une nouvelle affectation, que le salarié a refusée.
4. Par lettre du 18 février 2011, M. E... a été convoqué à un entretien préalable au licenciement. Le 21 mars 2011, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
5. Par décision du 23 mai 2011, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. E... pour motif disciplinaire. Le salarié a été licencié pour faute le 1er juin 2011. La décision d'autorisation de licenciement a été confirmée par décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé en date du 5 décembre 2011. Par jugement rendu le 27 juin 2013, le tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions susvisées des 23 mai et 5 décembre 2011. M. E... a sollicité sa réintégration par lettre du 9 juillet 2013.
6. Par lettre du 16 septembre 2013, M. E... a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
7. Par arrêt rendu le 20 janvier 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement du tribunal administratif du 27 juin 2013. Le pourvoi formé par le salarié à l'encontre de cette décision a été déclaré non admis par arrêt du Conseil d'Etat du 21 septembre 2015.
8. Le 3 juin 2013, la société Assistance sécurité protection a fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine au profit de la société Sécurité protection intervention, laquelle a été mise en redressement judiciaire par jugement du 23 juillet 2013, puis a bénéficié d'un plan de continuation selon jugement du 24 juin 2014, qui a désigné M. S... en qualité de commissaire à l'exécution du plan. Par jugement du 7 février 2019, la liquidation judiciaire de la société Sécurité protection intervention a été prononcée et M. A... a été désigné en qualité de liquidateur.
Examen des moyens
Sur le cinquième moyen, ci-après annexé
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
10. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à la requalification de sa prise d'acte en licenciement nul et au paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité de préavis, outre les congés payés sur préavis, d'une indemnité pour licenciement nul, d'une indemnité au titre de la violation du statut protecteur, de dommages-intérêts pour non remise de documents de fin de contrat suite à la prise d'acte, et à obtenir la remise des bulletins de paie, certificat de travail, attestation destinée à Pôle emploi et reçu pour solde de tout compte, alors « que la prise d'acte doit être appréciée à la date de celle-ci ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué d'une part, qu'à la date à laquelle le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail [le 16 septembre 2013], l'autorisation de licenciement délivrée par l'autorité administrative avait été annulée par jugement du tribunal administratif du 27 juin 2013, d'autre part que le salarié avait demandé sa réintégration, en vain et, enfin, que le refus de réintégration caractérisait une discrimination et un manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi ; qu'en déboutant le salarié aux motifs que le jugement administratif avait lui-même été annulé deux ans plus tard, quand elle devait se placer à la date de la prise d'acte et qu'elle avait constaté que le refus de réintégration caractérisait une discrimination et un manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-1, L. 2422-1 et L. 1231-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
11. Le rejet par le Conseil d'Etat du pourvoi formé contre un arrêt de la cour administrative d'appel ayant annulé un jugement du tribunal administratif annulant l'autorisation de licenciement d'un salarié protégé a pour effet de restituer toute sa validité à cette autorisation, en vertu de laquelle le salarié a été licencié. Il en résulte que la prise d'acte de la rupture de celui-ci, intervenue postérieurement au jugement du tribunal administratif et antérieurement à l'arrêt de la cour administrative annulant ledit jugement est sans effet.
12. Ayant constaté que par arrêt du 21 septembre 2015, le Conseil d'Etat avait rejeté le pourvoi du salarié contre l'arrêt de la cour administrative d'appel du 20 janvier 2015 annulant le jugement du tribunal administratif du 27 juin 2013 ayant annulé l'autorisation de licenciement, la cour d'appel en a justement déduit que le contrat de travail du salarié avait été rompu le 1er juin 2011, date de son licenciement, de sorte que, la prise d'acte de la rupture par le salarié le 16 septembre 2013 étant sans effet, il n'y avait pas lieu d'examiner la demande tendant à dire que cette prise d'acte produisait les effets d'un licenciement nul.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
14. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappels de salaire du 9 juillet au 16 septembre 2013, outre les congés payés afférents, et de remise des bulletins de paie, alors « que d'une part, lorsque le juge administratif annule la décision d'autorisation de l'inspecteur du travail ou du ministre compétent, le salarié a le droit, s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, d'être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent et que, d'autre part, l'employeur est tenu de payer au salarié licencié en vertu d'une autorisation administrative annulée et qui demande sa réintégration, les salaires dus depuis cette demande, même s'il n'a pas réintégré celui-ci ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué, d'une part, que l'autorisation de licenciement délivrée par l'autorité administrative avait été annulée par jugement du tribunal administratif du 27 juin 2013, d'autre part que le salarié avait demandé sa réintégration, en vain, et enfin que le refus de réintégration caractérisait une discrimination et un manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi ; qu'en déboutant le salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-1 et L. 2422-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
15. La cour d'appel ayant retenu à bon droit que le contrat de travail du salarié avait été rompu le 1er juin 2011, date de son licenciement, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
16. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter « de ses demandes au titre du dépassement des durées maximales de travail et pour non-respect des repos quotidiens et hebdomadaires » et de limiter à 800 euros la somme allouée au titre de la violation de l'obligation de sécurité, alors « que la preuve du respect des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur ; que pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel a retenu que les documents qu'il a produits au soutien de sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires comportaient des incohérences et imprécisions ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 3131-1 du code du travail (dans sa rédaction antérieure à la loi 2016-1088 du 8 août 2016), l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993/104/CE du 23 novembre 1993, et les articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003. »
Réponse de la Cour
17. Il ressort des énonciations de l'arrêt que la cour d'appel, saisie par le salarié d'une demande indemnitaire pour violation de l'obligation de sécurité, a condamné l'employeur au paiement d'une certaine somme à ce titre.
18. Le moyen, en ce qu'il se borne à critiquer les motifs de l'arrêt, est irrecevable.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
19. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappels de salaire de mars à mai 2011, outre les congés payés afférents, et de remise des bulletins de paie, alors « qu'il appartient à l'employeur de maintenir la rémunération du salarié protégé tant que l'inspecteur du travail n'a pas autorisé son licenciement ; que la cour d'appel a débouté le salarié aux motifs que l'employeur lui a notifié un changement d'affectation à compter du 25 février 2011, que ce dernier a refusé ce changement et ne s'est jamais présenté sur son nouveau lieu de travail, et que son refus a définitivement été jugé comme constitutif d'une faute dans le cadre de la procédure d'autorisation du licenciement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand ce n'est que le 23 mai 2011 que l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement du salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 2411-1 du code du travail, dans sa version applicable antérieurement à la loi 2013-504 du 14 juin 2013. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 2411-1 et L. 2411-8 du code du travail :
20. Il résulte de ces textes qu'il appartient à l'employeur de maintenir tous les éléments de rémunération que le salarié protégé perçoit tant que l'inspecteur du travail n'a pas autorisé son licenciement.
21. Pour rejeter la demande de rappel de salaires des mois de mars à mai 2011, l'arrêt retient que l'employeur a notifié au salarié un changement d'affectation à compter du 25 février 2011, que ce dernier a refusé ce changement et ne s'est jamais présenté sur son nouveau lieu de travail, que son refus a été jugé définitivement comme constitutif d'une faute dans le cadre de la procédure d'autorisation de licenciement, qu'il était donc en situation d'absence injustifiée.
22. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que l'inspecteur du travail n'avait autorisé le licenciement du salarié que le 23 mai 2011, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. E... de ses demandes de rappels de salaire de mars à mai 2011, outre les congés payés afférents, et de remise des bulletins de paie, l'arrêt rendu le 12 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne MM. S... et A..., ès qualités, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par MM. S... et A..., ès qualités, et les condamne à payer à M. E... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. E...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande de rappels de salaire de mars à mai 2011, outre les congés payés afférents, et de remise des bulletins de paie.
AUX MOTIFS QUE il en est de même de la demande de rappel de salaire pour mars à mai 2011 et congés payés afférents dès lors que l'employeur a notifié à M. E... un changement d'affectation à compter du 25 février 2011, que ce dernier a refusé ce changement et ne s'est jamais présenté sur son nouveau lieu de travail, que son refus a définitivement été jugé comme constitutif d'une faute dans le cadre de la procédure d'autorisation du licenciement et qu'il était donc en situation d'absence injustifiée.
ALORS QU'il appartient à l'employeur de maintenir la rémunération du salarié protégé tant que l'inspecteur du travail n'a pas autorisé son licenciement ; que la cour d'appel a débouté le salarié aux motifs que l'employeur lui a notifié un changement d'affectation à compter du 25 février 2011, que ce dernier a refusé ce changement et ne s'est jamais présenté sur son nouveau lieu de travail, et que son refus a définitivement été jugé comme constitutif d'une faute dans le cadre de la procédure d'autorisation du licenciement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand ce n'est que le 23 mai 2011 que l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement du salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 2411-1 du code du travail (dans sa version applicable antérieurement à la loi 2013-504 du 14 juin 2013).
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à requalification de la prise d'acte de rupture en licenciement nul, et d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes tendant à voir requalifier la prise d'acte en licenciement nul et en paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité de préavis, outre les congés payés sur préavis, d'une indemnité pour licenciement nul, d'une indemnité au titre de la violation du statut protecteur, de dommages et intérêts pour non remise de documents de fin de contrat suite à la prise d'acte, et à obtenir la remise des bulletins de paie, certificat de travail, attestation destinée à pôle emploi et reçu pour solde de toute compte.
AUX MOTIFS propres QUE le licenciement pour motif disciplinaire de M. E... a été autorisé le 23 mai 2011 par l'inspecteur du travail, ce qui a été confirmé le 5 décembre 2011 par le Ministre du travail, de l'emploi et de la santé ; bien que le tribunal administratif de Versailles ait annulé ces décisions par jugement en date du 27 juin 2013, ledit jugement a lui-même été annulé le 20 janvier 2015 par la cour administrative d'appel de Versailles ; cet arrêt, devenu définitif en raison du rejet du pourvoi de M. E... par le Conseil d'État dans une décision rendue le 21 septembre 2015, a anéanti les effets du jugement de première instance ; le contrat de travail de M. E... a donc, par l'effet rétroactif de cet arrêt, pris fin le 1er juin 2011, date à laquelle le salarié a été licencié ; dans ces conditions, la cour ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, examiner la demande de requalification de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. E..., intervenue le 16 septembre 2013, soit postérieurement au licenciement susvisé, nonobstant, notamment, le non-respect de son droit provisoire à réintégration découlant du jugement en date du 27 juin 2013 ; cette demande, ainsi que toutes celles qui y sont liées, soit la demande de condamnation au paiement des sommes de 800,25 euros à titre d'indemnité de licenciement, 3531,44 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 353,14 euros au titre des congés payés afférents, 25000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, 22512,93 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, 4073,83 euros à titre de rappel de salaire entre les 9 juillet et 16 septembre 2013 et 407,37 euros au titre des congés payés afférents, étant observé que M. E... n'a fourni aucun travail pendant cette période, 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-délivrance des documents de fin de contrat après la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, ainsi que la demande de remise d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle emploi et d'un reçu pour solde de tout compte conformes à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document, avec réserve à la cour de la faculté de liquider cette astreinte, sont, en conséquence, rejetées, comme l'ont fait à juste titre les premiers juges, seule la demande d'indemnisation pour non-délivrance des documents de fin de contrat après la prise d'acte de la rupture du contrat de travail étant nouvelle en cause d'appel.
AUX MOTIFS adoptés QUE, sur l'autorisation administrative, vu les articles L. 2411-1 et suivants et les articles R. 2421-8 et suivants du code du travail ; que le licenciement pour motif personnel ou économique d'un représentant du personnel n'est possible qu'à condition de respecter une procédure spécifique de licenciement ; l'employeur doit notamment consulter le comité d'entreprise et demander l'autorisation à l'inspection du travail ; que la mise en oeuvre d'une clause de mobilité ne peut être imposée à un salarié protégé, aucune modification de ses conditions ou de son contrat de travail ne pouvant avoir lieu sans son accord ; en cas de refus, l'employeur doit mettre en oeuvre la procédure spéciale de licenciement en sollicitant l'autorisation de l'inspection du travail ; qu'en l'espèce Monsieur E... représentant du personnel et élu au comité d'entreprise depuis le 7 avril 2010 pour un mandat de 4 ans, fait grief à son employeur d'avoir mis fin à son contrat de travail sans autorisation administrative ; que par courriers des 24 février et 2 mars 2011 il a refusé sa nouvelle affectation ; que le 7 avril 2011, l'employeur a sollicité l'inspection du travail qui le 23 mai 2011 a autorisé le licenciement pour motif disciplinaire ; ce n'est que par la suite, le 1er juin 2011, que la rupture du contrat de travail a été notifiée ; qu'en conséquence convient de constater que l'employeur a bien respecté les formalités protectrices ; sur l'exécution du contrat de travail : qu'il résulte des dispositions impératives relatives au licenciement des salariés investis de fonctions représentatives du personnel que l'autorité administrative est seule compétente pour apprécier le bien-fondé d'un licenciement d'un représentant du personnel ; que la décision du 20 janvier 2015 de la Cour d'Appel de Versailles autorisant le licenciement de Monsieur E... a fait l'objet d'un recours au Conseil d'Etat qui a été rejeté ; cette décision a l'autorité de la chose jugée ; en conséquence le conseil déclare irrecevable les demandes d'indemnitaires de licenciement ; mais attendu que le juge judiciaire a le pouvoir d'apprécier le degré de gravité de la faute et les conditions d'exécution du contrat de travail pour déterminer si le salarié a droit à des indemnités et dommages intérêts ; sur la demande de requalification de la prise d'acte en licenciement : que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; que pour prendre acte de la rupture du fait de l'employeur, le juge doit vérifier que les manquements de l'employeur sont établis et d'une gravité telle qu'ils font obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce Monsieur E... a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier daté du 16 septembre 2013 pour les motifs suivants : refus de faire droit à sa demande de réintégration et de paiement des salaires suite à l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement, entrave à l'exercice de ses fonctions syndicales, discrimination syndicale, non fourniture de travail, non-paiement de salaire ; que le Conseil d'Etat a rejeté le 21 septembre 2015 le pourvoi de Monsieur E...; que par jugement en date du 27 juin 2013 le Tribunal Administratif a annulé l'autorisation de licenciement accordée par l'inspection du travail ; que toutefois les effets de ce jugement sont anéantis par l'arrêt rendu le 20 janvier 2015 par la Cour d'appel Administrative de Versailles ; que la Cour d'Appel de Versailles a décidé que le refus de mutation de Monsieur E... constituait une faute d'une gravité suffisante pour justifier de l'autorisation de licenciement ; que de ce fait l'arrêt de la cour d'appel administrative de Versailles autorisant de licenciement a été confirmé définitivement ; qu'en conséquence le licenciement notifié le 1er juin 2011 est validé ; qu'en conséquence la prise d'acte du 16 septembre 2013 postérieure au licenciement ne peut être retenue ; en conséquence, il n'y a pas lieu à requalification ; sur le refus de réintégration, la non fourniture de travail et de non-paiement de salaire : que le contrat de travail est un contrat à exécution réciproque, le salarié doit fournir une prestation qui doit obligatoirement être rémunérée par l'employeur ; l'absence de fourniture de la prestation de travail, constitue un manquement grave justifiant la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ; que du fait de la rupture du contrat de travail le 1er juin 2011, l'employeur n'était pas tenu de réintégrer Monsieur E... ni de le rémunérer pendant la période du 9 juillet 2013 au 16 septembre 2013 ; en conséquence il ne sera pas fait droit à la demande.
ALORS QUE la prise d'acte doit être appréciée à la date de celle-ci ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué d'une part, qu'à la date à laquelle le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail [le 16 septembre 2013], l'autorisation de licenciement délivrée par l'autorité administrative avait été annulée par jugement du tribunal administratif du 27 juin 2013, d'autre part que le salarié avait demandé sa réintégration, en vain et, enfin, que le refus de réintégration caractérisait une discrimination et un manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi ; qu'en déboutant le salarié aux motifs que le jugement administratif avait lui-même été annulé deux ans plus tard, quand elle devait se placer à la date de la prise d'acte et qu'elle avait constaté que le refus de réintégration caractérisait une discrimination et un manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-1, L. 2422-1 et L. 1231-1 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande de rappels de salaire du 9 juillet au 16 septembre 2013, outre les congés payés afférents, et de remise des bulletins de paie.
AUX MOTIFS propres visés aux premier et deuxième moyens.
AUX MOTIFS adoptés QUE Monsieur E... demande un rappel de salaire pour la période écoulée entre sa demande de réintégration et la prise d'acte de la rupture du contrat de travail ; qu'il n'y avait pas lieu à réintégration.
ALORS QUE d'une part, lorsque le juge administratif annule la décision d'autorisation de l'inspecteur du travail ou du ministre compétent, le salarié a le droit, s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, d'être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent et que, d'autre part, l'employeur est tenu de payer au salarié licencié en vertu d'une autorisation administrative annulée et qui demande sa réintégration, les salaires dus depuis cette demande, même s'il n'a pas réintégré celui-ci ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué, d'une part, que l'autorisation de licenciement délivrée par l'autorité administrative avait été annulée par jugement du tribunal administratif du 27 juin 2013, d'autre part que le salarié avait demandé sa réintégration, en vain, et enfin que le refus de réintégration caractérisait une discrimination et un manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi ; qu'en déboutant le salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-1 et L. 2422-1 du code du travail.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes au titre du dépassement des durées maximales de travail et pour non-respect des repos quotidiens et hebdomadaires et d'AVOIR limité à 800 euros la somme allouée au titre de la violation de l'obligation de sécurité.
AUX MOTIFS propres QUE sur le dépassement des durées maximales hebdomadaire et journalière et le non-respect du repos conventionnel et du repos quotidien : les articles 7.0B et 7.09 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, applicable au cas d'espèce, prévoient, respectivement, une durée quotidienne de travail maximale de 12 heures pour les services englobant un temps de présence vigilante et une durée hebdomadaire maximale de 4 fois 12 heures, soit 48 heures, et, sur 12 semaines consécutives, de 46 heures, le dernier de ces textes prévoyant un jour de repos minimum après toute période de 48 heures de service ; l'article L. 3131-1 du code du travail dispose, par ailleurs, que tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives ; en l'espèce, compte tenu des incohérences et imprécisions constatées dans les documents produits par l'appelant au soutien de sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires, notamment pour la période comprise entre le 16 juin 2009 et le 15 septembre 2009, sur laquelle l'intéressé concentre ses exemples précis, la cour considère que les dépassements invoqués des durées maximales hebdomadaire et journalière ainsi que le non-respect du repos conventionnel et du repos quotidien ne sont pas établis.
ALORS QUE la preuve du respect des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur ; que pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel a retenu que les documents qu'il a produits au soutien de sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires comportaient des incohérences et imprécisions ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 3131-1 du code du travail (dans sa rédaction antérieure à la loi 2016-1088 du 8 août 2016), l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993/104/CE du 23 novembre 1993, et les articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande de rappel de primes d'entretien de la tenue de travail et d'AVOIR limité à 1 000 euros la somme allouée au titre de l'absence de respect de l'obligation d'exécution du contrat de travail de bonne foi.
AUX MOTIFS propres QUE l'article R. 4321-4 du code du travail dispose que l'employeur met à la disposition des travailleurs, en tant que de besoin, les équipements de protection individuelle appropriés et, lorsque le caractère particulièrement insalubre ou salissant des travaux l'exige, les vêtements de travail appropriés ; il veille à leur utilisation effective ; selon l'article R. 4323-95 du même code, les équipements de protection individuelle et les vêtements de travail mentionnés à l'article R. 4321-4 sont fournis gratuitement par l'employeur qui assure leur bon fonctionnement et leur maintien dans un état hygiénique satisfaisant par les entretiens, réparations et remplacements nécessaires ; il en résulte que les frais que le salarié expose au titre de l'entretien de son équipement pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier ; contrairement à ce que soutient l'employeur, la convention collective applicable ne prévoit aucune disposition sur le nettoyage des tenues des agents de sécurité hors sûreté aérienne et aéroportuaire ; pour autant, M. E... ne produit aucun justificatif sur l'entretien de sa tenue de travail, dont la présentation n'est pas incompatible avec l'article L. 4122-2 du code du travail qui dispose que les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs.
AUX MOTIFS à les supposer adoptés QUE la convention collective de la prévention prévoit une indemnité de nettoyage de 12,20 euros sur 11 mois et sur justificatif ; que des éléments versés à l'audience, il ressort que le salarié n'a présenté aucun justificatif ni en cours d'activité ni à l'audience.
1° ALORS QUE dès lors que le port d'une tenue de travail est obligatoire pour les salariés et est inhérent à leur emploi, leur entretien doit être pris en charge par l'employeur ; que la prise en charge par l'employeur ne peut être subordonnée à la preuve, par le salarié, du montant des frais qu'il a dû exposer ; qu'en rejetant la demande pour la raison que le salarié ne produisait aucun justificatif sur l'entretien de sa tenue de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, R. 4321-4, R. 4323-95 du code du travail et 1135 du code civil (dans sa version antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016).
2° ALORS subsidiairement QUE l'article 3.03 de l'annexe VIII de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, prévoyant que l'indemnité de nettoyage des tenues est de 12,20 euros par mois, réglée 11 mois par an, sur fourniture d'un justificatif, n'est applicable qu'aux emplois de la sûreté aérienne et aéroportuaire dont ne relève pas l'exposant ; qu'en se fondant, par motifs à les supposer adoptés, à ces dispositions quand elle n'était pas applicables au salarié, la cour d'appel a violé l'article 3.03 de l'annexe VIII de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité
3° ALORS, à titre plus subsidiaire, QU'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si, comme le soutenait l'exposant, celui-ci n'était pas tenu de porter l'uniforme et si l'employeur en avait assuré l'entretien, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 5 Annexe IV de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, de l'article 1er du décret n° 86-1099 du 10 octobre 1986, et des articles L. 1221-1, R. 4321-4, R. 4323-95 du code du travail et 1135 du code civil (dans sa version antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016).
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