Jurisprudence sociale
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Cassation sociale, 18 novembre 2020, n° 19-15.795
Les dispositions légales relatives à la garantie de l’AGS écartent pour le salarié le droit d'agir directement contre les institutions intéressées, et lui permettent seulement de demander que les créances litigieuses soient inscrites sur le relevé dressé par le mandataire judiciaire afin d'entraîner l'obligation pour ces institutions de verser, selon la procédure légale, les sommes litigieuses entre les mains de celui-ci.
RÉPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 18 novembre 2020
Rejet
Mme LEPRIEUR, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1049 F-P+B
Pourvoi n° M 19-15.795
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 NOVEMBRE 2020
M. E... A..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° M 19-15.795 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Hirou, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Comptoir automobile réunionnais,
2°/ à l'UNEDIC, délégation régionale AGS-Centre-Ouest, département de La Réunion, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. A..., de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Hirou, ès qualités, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 20 novembre 2018), par protocole d'accord du 4 décembre 2003, la majorité des actions constituant le capital de la société Comptoir automobile réunionnais (la société CAR), créée en 1994, dont M. A... était l'un des fondateurs et dirigeant, a été cédée à la société Groupe Caillé. M. A... qui cessait ses fonctions de dirigeant, a conclu avec la société CAR un contrat de travail à effet au 1er janvier 2004 pour exercer des fonctions de responsable commercial.
2. Suite à la liquidation judiciaire de la société CAR, le liquidateur a notifié le 9 novembre 2010 à M. A... son licenciement pour motif économique et ses indemnités de rupture ont été liquidées sur la base d'une ancienneté acquise au 1er janvier 2004.
3. Se prévalant d'une ancienneté depuis le 1er avril 1994 comme directeur général salarié de la société CAR, M. A... a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de l'AGS à lui payer une certaine somme au titre du solde de l'indemnité légale de licenciement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
5. M. A... fait grief à l'arrêt de dire ses demandes irrecevables, alors :
« 1°/ que le juge doit d'office, lorsqu'un salarié dont l'employeur fait l'objet d'une procédure collective formule une demande de condamnation directement à l'encontre de l'AGS, traiter cette prétention comme une demande de fixation au passif de la procédure collective avec demande de mise en oeuvre de la garantie AGS ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable la demande du salarié tendant à la condamnation de l'AGS à lui payer une somme de 43 089,60 euros à titre de complément d'indemnité légale, la cour d'appel s'est bornée à relever que celui-ci n'avait pas jugé utile, même à l'audience, de réclamer l'inscription de cette somme au passif de la liquidation avec le bénéfice de la garantie AGS ; qu'en statuant ainsi, lorsque cette circonstance ne dispensait pas le juge de son office de requalifier la demande du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 625-4 du code de commerce et L. 3253-15 du code du travail ;
2°/ qu'il incombe au juge de définir l'objet du litige et de restituer aux conclusions des parties leur véritable portée juridique ; qu'en déclarant irrecevable la demande du salarié tendant à la condamnation de l'AGS à lui payer une somme de 43 089,60 euros à titre de complément d'indemnité légale, quand il lui appartenait de restituer à la prétention du salarié sa véritable portée juridique en la requalifiant en demande de fixation de cette somme au passif de la liquidation avec bénéfice de la garantie AGS, même sans sollicitation expresse de celui-ci à l'audience, la cour d'appel a violé les articles 4, 5 et 12 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Selon les articles L. 3253-20 et L. 3253-21 du code du travail, si les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19, le mandataire judiciaire demande, sur présentation des relevés, l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14, lesquelles lui versent les sommes restées impayées à charge pour lui de les reverser à chaque salarié créancier.
7. Ces textes excluent pour le salarié le droit d'agir directement contre les institutions intéressées et lui permettent seulement de demander que les créances litigieuses soient inscrites sur le relevé dressé par le mandataire judiciaire afin d'entraîner l'obligation pour lesdites institutions de verser, selon la procédure légale, les sommes litigieuses entre les mains de celui-ci.
8. Ayant constaté que le salarié n'avait pas sollicité une fixation de sa créance au passif de la procédure collective, c'est à bon droit que la cour d'appel a, sans encourir les griefs du moyen, accueilli la fin de non-recevoir opposée par l'AGS à la demande en paiement de l'intéressé dirigée contre elle.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. A... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. A...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement sur les frais et dépens, d'AVOIR dit les demandes de M. A... irrecevables, d'AVOIR condamné celui-ci à payer à la Selarl Hirou, mandataire de la liquidation judiciaire de la société CAR, la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700-1º du code de procédure civile et d'AVOIR condamné M. A... aux dépens d'appel ;
AUX MOTIFS QUE « l'AGS soutient au principal l'irrecevabilité de la demande de M. A... tendant à sa condamnation au paiement de la somme de 43 089,60 euros, alors que le mandataire produit en pièce 10 l'arrêt rendu le 30 novembre 2015 par cette même cour dans l'affaire l'ayant opposé de la même façon à M. P... en présence de l'AGS aux termes duquel la demande de condamnation de l'AGS au paiement du solde de l'indemnité de licenciement a été déclarée irrecevable, M. A... n'a pas estimé utile de solliciter, même oralement à l'audience des plaidoiries, une fixation de créance au passif de la procédure collective avec le bénéfice de la garantie de l'AGS. Consécutivement, l'AGS qui n'est pas débitrice des dettes sociales de l'employeur mais seulement d'une obligation de garantie de ces créances inscrites au passif est fondée à soutenir que la demande de condamnation à son encontre est irrecevable. Le jugement ayant statué au fond est alors infirmé à l'exception des frais et dépens. Le mandataire de la liquidation judiciaire de la société CAR doit être indemnisé de ses frais irrépétibles à concurrence de la somme de 1 000 euros. Les dépens sont à la charge de M. A... qui succombe » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur l'article 700 du code de procédure civile : Que M. E... A... succombe à l'instance ; Qu'il ne paraît pas équitable de laisser à la charge du défendeur les dépenses liées à l'article 700 du code de procédure civile ; Le conseil condamne donc M. E... A... à verser 750 € (sept cent cinquante euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile » ;
1°) ALORS QUE le juge doit d'office, lorsqu'un salarié dont l'employeur fait l'objet d'une procédure collective formule une demande de condamnation directement à l'encontre de l'AGS, traiter cette prétention comme une demande de fixation au passif de la procédure collective avec demande de mise en oeuvre de la garantie AGS ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable la demande du salarié tendant à la condamnation de l'AGS à lui payer une somme de 43 089,60 euros à titre de complément d'indemnité légale, la cour d'appel s'est bornée à relever que celui-ci n'avait pas jugé utile, même à l'audience, de réclamer l'inscription de cette somme au passif de la liquidation avec le bénéfice de la garantie AGS ; qu'en statuant ainsi, lorsque cette circonstance ne dispensait pas le juge de son office de requalifier la demande du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 625-4 du code de commerce et L. 3253-15 du code du travail ;
2°) ALORS en tout état de cause QU'il incombe au juge de définir l'objet du litige et de restituer aux conclusions des parties leur véritable portée juridique ; qu'en déclarant irrecevable la demande du salarié tendant à la condamnation de l'AGS à lui payer une somme de 43 089,60 euros à titre de complément d'indemnité légale, quand il lui appartenait de restituer à la prétention du salarié sa véritable portée juridique en la requalifiant en demande de fixation de cette somme au passif de la liquidation avec bénéfice de la garantie AGS, même sans sollicitation expresse de celui-ci à l'audience, la cour d'appel a violé les articles 4, 5 et 12 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE pour motiver sa décision, le juge doit se déterminer d'après les circonstances du procès et non par voie de référence à des causes déjà jugées ; qu'en l'espèce, pour débouter le salarié, la cour d'appel s'est fondée sur un arrêt de « cette même cour », rendu le 30 novembre 2015, dans une affaire ayant opposé « de la même façon » « le mandataire [liquidateur de la société Comptoir Automobile Réunionnais] » à M. P..., « en présence de l'AGS aux termes duquel la demande de condamnation de l'AGS au paiement du solde de l'indemnité de l'indemnité a[vit] été déclarée irrecevable » ; qu'en statuant ainsi, par référence à une cause déjà jugée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2020:SO01049
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