Jurisprudence sociale
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Cassation criminelle, 29 juin 1999, n° 98-84.993
Toutefois, une délégation de pouvoir invoquée en cause d’appel, et qui n’avait pas été mentionnée lors de l’enquête de police ou de gendarmerie, a été rejetée comme douteuse.
Cour de cassation chambre criminelle Audience publique du mardi 29 juin 1999 N° de pourvoi: 98-84993 Non publié au bulletin Rejet
Président : M. GOMEZ, président
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Louis,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, du 11 septembre 1997, qui, pour délit de blessures involontaires et infraction aux règles relatives à la sécurité des travailleurs, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 mai 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Ruyssen conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. de Gouttes ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
Sur le rapport de M. le conseiller RUYSSEN, les observations de Me VUITTON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Y... ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 459, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt a reconnu Jean-Louis X... coupable de blessures involontaires causant une incapacité de plus de trois mois dans le cadre du travail et d'omission de s'assurer que les mesures de prévention contenues dans le PHS avaient été effectivement appliquées, en répression l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement assortis du sursis et à une amende et a statué sur les intérêts civils ;
"aux motifs que seules saisissent la Cour des moyens qu'elles contiennent les conclusions déposées à l'audience et visées par le président et le greffier ; qu'il y a lieu de déclarer irrecevables les écritures adressées par l'avocat du prévenu en cours de délibéré, leur contenu ne justifiant pas d'ordonner la réouverture des débats ;
"alors que, en matière correctionnelle ou de police la clôture des débats ne peut résulter du prononcé du jugement ou de l'arrêt ; qu'en l'espèce, Jean-Louis X... avait régulièrement invoqué dans ses conclusions visées le moyen tiré de la subdélégation de pouvoirs ; que dans son courrier parvenu au greffe de la Cour le 30 juin 1997, il ne soulevait aucun moyen nouveau mais produisait des pièces à l'appui du moyen précité ; qu'en déclarant irrecevable la production précitée, la Cour a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu qu'il ne saurait être fait grief à la cour d'appel d'avoir écarté les pièces adressées au greffe par l'avocat du prévenu pendant le délibéré, dès lors qu'il relève du pouvoir souverain des juges d'apprécier s'il convient d'ordonner la reprise des débats ;
Qu'ainsi, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 222-19, alinéa 1er, 222-44, 222-46, 131-35, 131-27 du Code pénal, L. 262-2, L. 263-2-1, L. 263-2 et L. 263-6 du Code du travail, 17 du décret du 19 août 1977, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt a reconnu Jean-Louis X... coupable de blessures involontaires causant une incapacité de plus de trois mois dans le cadre du travail et d'omission de s'assurer que les mesures de prévention contenues dans le PHS avaient été effectivement appliquées, en répression l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement assortis du sursis et à une amende et a statué sur les intérêts civils ;
"aux motifs qu'en l'espèce, il appartenait à Jean-Louis X... de s'assurer que les mesures de prévention contenues dans le plan d'hygiène et de sécurité étaient effectivement appliquées, ce qu'il n'a manifestement pas fait au vu des pièces de la procédure ; qu'il apparaît que Stéphane A... qui a effectué une manoeuvre de recul avec le tracto-pelle sans guidage, au mépris des dispositions du plan d'hygiène et de sécurité, ce qui a été la cause de l'accident, a déclaré au contrôleur du travail non seulement que ledit plan n'était pas parvenu au chantier, ce qui s'est avéré et ce alors même que les travaux avaient commencé le 15 mai 1992, mais également qu'il n'avait reçu aucune formation à la sécurité ; que Jean-Louis X..., en ne s'assurant pas que les mesures de protection du plan d'hygiène et de sécurité étaient effectivement respectées et en ne donnant pas même les moyens à ses ouvriers de les respecter, a commis une faute personnelle et contrevenu aux dispositions de l'article L. 263-2 du Code du travail visé à la prévention ; que les imprudences et négligences commises par Jean-Louis X... ont concouru à la réalisation de l'accident ;
"et aux motifs que celui-ci ne saurait valablement soutenir qu'il avait subdélégué ses pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité au chef de chantier Stéphane A... ; qu'en effet, entendu le 3 novembre 1992, soit plus de cinq mois après l'accident, et disposant donc de tout le temps utile pour préparer son audition et produire les justificatifs nécessaires, il n'a nullement fait état d'une quelconque délégation de pouvoirs tant lors de son audition que par la suite ; que bien au contraire, il a reconnu sa responsabilité devant les gendarmes ; qu'il n'a pas cru devoir non plus faire valoir ses arguments en se présentant à l'audience du tribunal correctionnel ou, le cas échéant, en écrivant à cette juridiction ; qu'en outre, Stéphane A... n'a pas non plus fait état d'une délégation de pouvoirs lors de son audition par le contrôleur du travail ; qu'il apparaît au demeurant peu crédible que Stéphane A... ait pu avoir reçu délégation de pouvoirs, alors que, selon ses dires, il n'était, peu avant l'accident, que conducteur d'engins-machiniste et a précisé n'avoir reçu aucune formation à la sécurité ;
"alors, d'une part, que la Cour qui n'a pas relevé que Jean-Louis X..., titulaire d'une délégation de pouvoirs, était pourvu, comme tel, de l'autorité, de la compétence et des moyens nécessaires à l'exercice de sa mission concernant le respect des règles d'hygiène et de sécurité au sein de la société Coforil Sud-Est, n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, d'autre part, que la délégation de pouvoirs étant un moyen de défense, il appartient aux juges du second degré d'en apprécier la valeur, même si ce moyen est invoqué pour la première fois en cause d'appel ; qu'en rejetant la subdélégation de pouvoirs invoquée par le prévenu, du fait que celui-ci n'avait jamais invoqué ce moyen au cours de l'instruction, ni devant les premiers juges, la Cour a violé les textes visés au moyen ;
"alors, enfin, que les juges du fond doivent motiver leur décision par des considérations de fait ; qu'en décidant qu'il n'y avait pas eu subdélégation de pouvoirs de Jean-Louis X... à Stéphane A... en se fondant sur les seules affirmations de ce dernier, la Cour n'a pas légalement motivé sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'en 1992, sur un chantier confié à la société Coforil Sud-Est, la chenille d'un engin conduit par Stéphane A..., qui effectuait une marche arrière non guidée, a écrasé le pied de Philippe Z..., ouvrier occupé à mettre en place une tarière ; qu'à la suite de cet accident, Jean-Louis X..., directeur de l'entreprise et titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière de sécurité, est poursuivi pour blessures involontaires et infractions aux règles relatives à la sécurité des travailleurs ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des infractions reprochées, la cour d'appel retient que l'intéressé a commis une faute personnelle en ne s'assurant pas de l'application effective sur le chantier en cause du plan d'hygiène et de sécurité de son entreprise et en ne donnant pas aux ouvriers les moyens de respecter les mesures de protection ; qu'elle précise que ce plan imposait, en cas de manoeuvre d'engin, la présence d'un ouvrier pour la guider, prescription non respectée lors des faits ;
Que les juges relèvent, en outre, pour rejeter le moyen de défense du prévenu tiré de l'existence d'une subdélégation de pouvoirs à Stéphane A..., d'une part, que cet acte a été invoqué tardivement, pour la première fois au cours des débats d'appel, d'autre part, que Stéphane A..., simple conducteur d'engins peu avant l'accident, n'avait reçu aucune formation en matière de sécurité ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié la portée de la délégation de pouvoirs consentie à Jean-Louis X... et écarté toute subdélégation, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
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