Cassation sociale, 12 janvier 2022, n° 19-21.945 cassation sociale - Editions Tissot

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Cassation sociale, 12 janvier 2022, n° 19-21.945

La requalification de la relation de travail en CDI en raison du recours à une succession de CDD pour pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente produit ses effets au profit du salarié à la date de son premier CDD irrégulier sans application d’un délai de prescription de 2 ans.

 

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 janvier 2022


Cassation


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 56 F-D

Pourvoi n° W 19-21.945



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JANVIER 2022

1°/ Mme [N] [W], domiciliée [Adresse 1],

2°/ le Syndicat national de radiodiffusion et de télévision du groupe France-télévisions (SNRT CGT), dont le siège est [Adresse 3],

3°/ la Confédération française de l'encadrement CFE-CGC, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° W 19-21.945 contre l'arrêt rendu le 29 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6 , chambre 3), dans le litige les opposant à la société France télévisions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [W], du syndicat National de radiodiffusion et de télévision du groupe France télévisions, et de la Confédération française de l'encadrement CFE-CGC, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société France télévisions, après débats en l'audience publique du 17 novembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 mai 2019), Mme [W] a été engagée par la société France télévisions à compter du 15 décembre 1992, par contrats à durée déterminée, en qualité de chef-opérateur son.

2. Le 15 janvier 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet et de diverses demandes en découlant.

3. Le Syndicat national de radiodiffusion et de télévision du groupe France télévisions et la Confédération française de l'encadrement CFE-CGC sont intervenus volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de constater la prescription de l'action au 15 janvier 2014, de limiter les condamnations de l'employeur à certaines sommes au titre d'indemnité de requalification, de la prime d'ancienneté outre congés payés afférents, de la débouter de ses demandes tendant à voir requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 15 janvier 1992, à dire que la relation de travail devait se poursuivre dans ce cadre, à dire et juger qu'elle devait bénéficier de la qualification de chef-opératrice de prise de son et du statut cadre et à obtenir un rappel de salaire, alors « que si l'action du salarié en requalification d'une succession abusive de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est soumis au délai de prescription de l'article L. 1471-1 du code du travail, lequel court, dans cette hypothèse, à compter du terme du dernier contrat irrégulier, ce délai ne s'applique pas aux effets que l'action produit au profit du salarié qui a le droit d'obtenir la reconstitution de sa carrière avec une ancienneté acquise dès le jour de sa première embauche irrégulière ; qu'en déclarant recevable l'action en requalification des contrats à durée déterminée successifs introduite par Mme [W] tout en déclarant son action prescrite pour les contrats terminés antérieurement au 15 janvier 2014 et en fixant le rappel de prime d'ancienneté en considération de cette prescription, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail, ensemble l'article L. 1245-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1471-1 et L. 1245-1 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et l'article L. 1242-1 du code du travail :

5. Selon le premier de ces textes, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. En application du deuxième, par l'effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier. Il résulte de la combinaison de ces textes que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d'une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier.

6. Pour dire que l'action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est prescrite au 15 janvier 2014, débouter la salariée de ses demandes tendant à voir requalifier sa relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 15 janvier 1992, à dire que la relation de travail devait se poursuivre dans ce cadre, à dire et juger qu'elle devait bénéficier de la qualification de chef-opératrice de prise de son et du statut cadre, fixer le montant de l'indemnité de requalification, l'arrêt retient que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée court à compter de la conclusion de ce contrat quand l'action est fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification et qu'il ne court qu'à compter du terme du dernier contrat lorsqu'il est fondé sur d'autres motifs. Ce dont il déduit que l'action en requalification est prescrite pour les contrats terminés antérieurement au 15 janvier 2014.

7. Concernant le montant de la prime d'ancienneté, l'arrêt retient qu'il convient, eu égard à la prescription, au salaire moyen et aux modalités de calcul prévues par l'accord d'entreprise de fixer celle-ci à la somme de 382,80 euros outre congés payés afférents.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait ordonné la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée en raison du recours à une succession de contrats à durée déterminée pour pourvoir à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, de sorte que le délai de prescription courrait à compter du terme du dernier de ces contrats et que la salariée pouvait demander que la requalification produise ses effets à la date du premier engagement irrégulier, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le premier moyen, du chef de la prescription, entraîne la cassation sur le chef de dispositif déboutant la salariée de sa demande de rappel de salaire, qui n'a été examiné que pour la période non prescrite, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société France télévisions aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société France télévisions et la condamne à payer à Mme [W] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [W], le syndicat National de radiodiffusion et de télévision du groupe France télévisions, la Confédération française de l'encadrement CFE-CGC

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR constaté la prescription de l'action au 15 janvier 2014, D'AVOIR limité les condamnations de la société France Télévisions aux sommes de 8 000 € à titre d'indemnité de requalification, 382,80 € à titre de prime d'ancienneté, 38,28 €à titre de congés payés afférents et D'AVOIR débouté Mme [W] de ses demandes tendant à voir requalifier sa relation de travail avec la société France Télévisions en contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 15 janvier 1992, à dire que la relation de travail devait se poursuivre dans ce cadre, à dire et juger qu'elle devait bénéficier de la qualification de chef-opératrice de prise de son et du statut cadre et à obtenir un rappel de salaire ;

AUX MOTIFS QUE

« La société FRANCE TELEVISION considère que l'action de Madame [W] est partiellement prescrite pour les contrats antérieurs au 15 janvier 2014, celle-ci ayant saisi le conseil des prud'hommes le 15 janvier 2016.
Madame [W] soutient que sa demande ne peut être prescrite car elle porte sur le recours irrégulier à des contrats à durée déterminée pour pourvoir un poste permanent et que le délai de prescription ne court qu'à compter du terme du dernier contrat à durée déterminée. Elle considère qu'il convient de requalifier le contrat à la date d'embauche initiale.

Les contrats litigieux sont fondés sur l'usage constant de recours à des contrats à durée déterminée dans le secteur de l'audiovisuel.

L'article L. 1471-1 du code du travail prévoit que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit.

Le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée court à compter de la conclusion de ce contrat quand l'action est fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, il ne court qu'à compter du terme du dernier contrat lorsqu'il est fondé sur d'autres motifs.

En conséquence son action est prescrite pour les contrats terminés antérieurement au 15 janvier 2014 » ;

ALORS QUE si l'action du salarié en requalification d'une succession abusive de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est soumis au délai de prescription de l'article L. 1471-1 du code du travail, lequel court, dans cette hypothèse, à compter du terme du dernier contrat irrégulier, ce délai ne s'applique pas aux effets que l'action produit au profit du salarié qui a le droit d'obtenir la reconstitution de sa carrière avec une ancienneté acquise dès le jour de sa première embauche irrégulière ; qu'en déclarant recevable l'action en requalification des contrats à durée déterminée successifs introduite par Mme [W] tout en déclarant son action prescrite pour les contrats terminés antérieurement au 15 janvier 2014 et en fixant le rappel de prime d'ancienneté en considération de cette prescription, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail, ensemble l'article L. 1245-1 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR limité les condamnations de la société France Télévisions aux sommes de 8 000 € à titre d'indemnité de requalification, 382,80 € à titre de prime d'ancienneté, 38,28 € à titre de congés payés afférents et D'AVOIR débouté Mme [W] de ses demandes tendant à voir requalifier sa relation de travail avec la société France Télévisions en contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 15 janvier 1992, à dire que la relation de travail devait se poursuivre dans ce cadre, à dire et juger qu'elle devait bénéficier de la qualification de chef-opératrice de prise de son et du statut cadre et d'obtenir un rappel de salaire ;

AUX MOTIFS QUE

« Madame [W] revendique une requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps plein, en estimant que les contrats ne respectent pas les dispositions de l'article L. 3123-14 du code du travail relatif au formalisme des contrats à temps partiel.

Il résulte de l'article L. 3123-14 du code du travail que le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de cette durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois mais ce texte n'exige pas la mention au sein du contrat de travail des horaires de travail.

Les contrats versés aux débats sont établis pour des durées d'un à trois jours nécessairement travaillés, et précisent que le temps de travail est de 8 h par jour. Ils mentionnent les jours et nombre de jours de travail et précise la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail.

Madame [W] connaissait donc parfaitement ses jours et temps de travail, ces contrats respectent les dispositions légales. Ainsi, la demande de requalification des contrats de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet sera rejetée ainsi que les demandes relatives à la fixation du salaire sur la base d'un temps plein et aux rappels de salaire de ce chef » ;

ET AUX MOTIFS QUE

« Sur les demandes relatives aux périodes interstitielles

Il est établi par la production des contrats et des bulletins de salaire que Madame [W] sur la période non prescrite des relations de travail, a été employée par la société FRANCE TELEVISIONS 35 jours en 2016, 106 jours en 2015 et 36 jours en 2014.

Les éléments versés aux débats montrent que Madame [W] a eu d'autres employeurs en 2014 [V] et Migoo production (les déclarations de revenus concernant les années 2015 et 2016 ne sont pas versées aux débats) la faible ampleur de son activité qui est au mieux de 8 jours par mois et l'absence d'activité pour la société FRANCE TELEVISIONS pendant de longues périodes continues. Au vu des éléments produits il apparaît qu'elle n'a pas travaillé entre le 11 mai 2016 et le 23 janvier 2018 pour la société FRANCE TELEVISIONS. Aucun élément concret, ne démontre qu'elle se soit tenue à la disposition de la société FRANCE FELEVISIONS, pendant ces périodes intersticielles.

Madame [W] invoque la fraude de son employeur par la production d'une capture d'écran ne la concernant pas, d'un logiciel permettant de limiter le nombre de jours de travail par salarié précaire sous le seuil de 140 jours.

Il convient de constater que le nombre de jours de travail effectués par Madame [W] est bien inférieur à 140 jours et que si un tel logiciel a été utilisé celle-ci n'a pu en être victime puisque la durée annuelle maximale de travail la concernant était de 106 jours.

Elle sera déboutée de ses demandes de rappel de salaire pour les périodes interstitielles » ;

1°) ALORS QUE la fraude corrompt tout ; que l'employeur, qui a recours à des contrats de travail à durée déterminée successifs pour pourvoir à un emploi permanent de l'entreprise en limitant sciemment la collaboration d'un salarié pour le maintenir en deçà d'un temps plein, ne peut invoquer l'existence d'un temps partiel dans le cadre de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée ; qu'en s'abstenant de rechercher si la fraude ne s'infère pas de la pratique de la société France Télévisions qui, bien qu'elle emploie des salariés en qualité de chefs opérateurs du son tous les jours de l'année, limite intentionnellement le nombre de jours travaillés par les salariés employés en contrats à durée déterminée, comme Mme [W], pour les maintenir en deçà d'un temps plein sur l'année, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 3123-14 devenu L. 3123-6 du code du travail et 1134 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;

2°) ALORS QUE si la requalification de contrats de travail à durée déterminée successifs en contrat de travail à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail, l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition pour chaque période travaillée fait présumer que l'emploi est à temps complet ; qu'il incombe par conséquent à l'employeur, pour chaque période de travail dont la réalité est établie par les bulletins de paie, de prouver qu'un contrat de travail écrit conforme aux prescriptions légales a été établi et remis au salarié ; que pour débouter Mme [W] de sa demande de requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps plein, l'arrêt attaqué se borne à retenir que les contrats versés aux débats sont établis pour des durées de un à trois jours nécessairement travaillés et précisent que le temps de travail est de 8 heures ; qu'en se déterminant ainsi sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si la société France Télévisions justifiait avoir conclu des lettres d'engagement écrites pour toutes les périodes de travail établies par les bulletins de paie, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 3123-14 devenu L. 3123-6 du code du travail, 1134 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 1315 devenu 1353 du code civil ;

3°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, reprises oralement à l'audience, Mme [W] a démontré, preuve à l'appui, que le rapprochement entre les plannings prévisionnels communiqués par e-mail le vendredi après-midi pour la semaine suivante et ses bulletins de paie permettait de constater que les dates programmées pouvaient être modifiées du jour au lendemain par la société France Télévisions et que les propositions de contrat d'un à trois jours pouvaient se succéder sur une même semaine, ce qui l'empêchait de s'organiser matériellement et concrètement pour travailler ailleurs pendant des périodes interstitielles réduites et incertaines ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs de conclusions, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QU'en affirmant qu'aucun élément concret ne démontrait que Mme [W] se soit tenue à la disposition de la société France Télévisions pendant les périodes interstitielles sans répondre aux conclusions d'appel de la salariée, reprises oralement à l'audience, soutenant qu'il résultait notamment des bulletins paie versés aux débats que la relation de travail, depuis 26 ans, était constituée d'une multiplicité de contrats à durée déterminée allant de 1 à 3 jours qui pouvaient être renouvelés d'un jour sur l'autre, qu'elle n'avait jamais refusé un contrat proposé par la société France Télévisions, qu'elle ne travaillait jamais les mêmes horaires d'un jour sur l'autre, ni les mêmes jours d'une semaine à l'autre, ni les mêmes semaines d'un mois à l'autre, en sorte que cette imprévisibilité et la fréquence des propositions d'emplois de la société France Télévisions l'obligeaient à se tenir à la disposition constante de son employeur qui était susceptible de la solliciter à tout moment pendant les périodes interstitielles, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE la société France Télévisions a produit sous le n° 27 de son bordereau de communication pièces, les lettres d'engagements de Mme [W] pour l'année 2017 datées des 11, 16 janvier, 14, 20 février, 7, 19, 22, 29 mars, 3, 6, 12, 20, 25 avril, 11 mai, 1er, 7, 30 juin, 7, 13 juillet, 14, 22 septembre, 14, 19 octobre, 3 novembre, 15 décembre ; qu'en relevant qu'au vu des éléments produits, il apparaissait que Mme [W] n'avait pas travaillé pour la société France Télévisions entre le 11 mai 2016 et le 23 janvier 2018, la cour d'appel a violé l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

6°) ALORS QUE la société France Télévisions a produit sous le n° 26 de son bordereau de communication pièces, les lettres d'engagements de Mme [W] pour l'année 2016 datées des 30 mai, 27 juin, 9 août, 3 octobre, 28 novembre ; qu'en relevant qu'au vu des éléments produits, il apparaissait que Mme [W] n'avait pas travaillé pour la société France Télévisions entre le 11 mai 2016 et le 23 janvier 2018, la cour d'appel a violé l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR limité les condamnations de la société France Télévisions aux sommes de 8 000 € à titre d'indemnité de requalification, 382,80 € à titre de prime d'ancienneté, 38,28 € à titre de congés payés afférents et D'AVOIR débouté Mme [W] de ses demandes tendant à voir requalifier sa relation de travail avec la société France Télévisions en contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 15 janvier 1992, à dire que la relation de travail devait se poursuivre dans ce cadre, à dire et juger qu'elle devait bénéficier de la qualification de chef-opératrice de prise de son et du statut cadre, à voir fixer son salaire mensuel de base à la somme de 3 762 € et à obtenir un rappel de salaire ;

AUX MOTIFS QUE

« Il convient au vu des bulletins de salaire produits par Madame [W] et du calcul effectué par la société de fixer son salaire moyen à la somme de 1 196,25 €.

Sur la prime d'ancienneté et les congés payés y afférents

En raison de la requalification des contrats de travail, Madame [W] peut prétendre au versement d'une prime d'ancienneté fixée à l'article 1.4.2 de l'accord d'entreprise du 28 mai 2013.

La société FRANCE TELEVISIONS ne formulant aucune observation sur cette demande, il convient eu égard à la prescription, au salaire moyen et aux modalités de calcul prévues par l'accord d'entreprise de fixer celle-ci à la somme de 382,80 € de condamner la société au paiement de cette somme et de celle 38,28 € au titre des congés payés afférents » ;

1°) ALORS QUE par l'effet de la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'ancienneté devait être prise en compte à compter du 15 décembre 1992, date de la première embauche irrégulière de Mme [W] en contrat à durée déterminée pour pourvoir un emploi permanent de l'entreprise ; qu'en fixant la prime d'ancienneté à la somme 382,20 € eu égard à la prescription de l'action au 15 janvier 2014, la cour d'appel a violé l'article L. 1245-1 du code du travail ;

2°) ALORS QU'en déboutant Mme [W] de ses demandes tendant à voir dire que sa relation de travail devait se poursuivre avec la société France Télévisions dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, dire et juger qu'elle devait bénéficier de la qualification de chef-opératrice du son et du statut cadre et à obtenir un rappel de salaire sans donner aucun motif à sa décision, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2022:SO00056

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