Cassation sociale, 6 avril 2022, n° 21-10.768 cassation sociale - Editions Tissot

Jurisprudence sociale

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Cassation sociale, 6 avril 2022, n° 21-10.768

Le juge judiciaire ne peut pas, en l'état de l'autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement. Cependant, il reste compétent pour apprécier les fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement, et notamment l'existence d'une discrimination syndicale antérieure au licenciement.

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 avril 2022




Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 462 F-D

Pourvoi n° P 21-10.768






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 AVRIL 2022

M. [V] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-10.768 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société de l'Yser 2, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [D], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société de l'Yser 2, après débats en l'audience publique du 16 février 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 novembre 2020), M. [D] a été engagé par la société de l'Yser selon contrat de travail à durée indéterminée à effet au 5 mai 2009 en qualité de vendeur employé commercial et affecté au rayon poissonnerie.

2. Son contrat a été transféré à la société de l'Yser 2 (la société) par avenant du 1er novembre 2013 en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.

3. Le salarié est titulaire de mandats électifs et syndicaux depuis la fin du mois de juin et le début du mois de juillet 2014.

4. Après une période d'arrêts de travail du 13 octobre 2014 au 30 avril 2015, il a été déclaré inapte à tout emploi au sein de l'entreprise à l'issue de la deuxième visite de reprise du 22 mai 2015.

5. Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 2 octobre 2015, après autorisation de l'inspecteur du travail du 24 septembre 2015.

6. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 15 janvier 2016, sollicitant la réparation du harcèlement moral et de la discrimination syndicale qu'il estimait avoir subis.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que la société de l'Yser 2 est responsable d'un harcèlement moral et d'un harcèlement discriminatoire à son endroit, de le débouter de sa demande en condamnation de la société à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts, de le débouter de sa demande tendant à ce qu'il soit décidé que le préjudice résultant de la perte de son emploi était consécutif au harcèlement moral discriminatoire qu'il avait subi et de le débouter de sa demande en condamnation de la société à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour perte d'emploi suite au harcèlement discriminatoire, alors :

« 1°/ que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, à charge pour l'employeur, le cas échéant, de prouver que l'intégralité des agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que toutes ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [D] de ses demandes au titre du harcèlement moral, la cour d'appel, après avoir énoncé que "M. [V] [D] produit aux débats les éléments suivants qui établissent matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral dont il aurait été la victime au sein de la société de l'Yser 2 (?) : - un comportement harcelant de la part de son supérieur hiérarchique direct, M. [C], dont il s'est plaint à son employeur dans une correspondance du 1er octobre 2012", a retenu que "la société de l'Yser 2 prouve que ces agissements, au sens de l'article L. 1154-1 du code du travail, ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que les décisions qu'elle a pu prendre étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, dès lors, (?) qu'elle a réagi promptement en sanctionnant M. [C] à deux reprises, tout d'abord par un avertissement et enfin par une mise à pied, prenant ainsi pleinement conscience de son obligation légale de sécurité" ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement justifiant le "comportement harcelant" de M. [C] à l'endroit de M. [D], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 (dans sa rédaction issue de la l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007) et L. 1154-1 du code du travail (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016) ;

2°/ que les dispositions des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail imposent à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral ; qu'il appartient ainsi à l'employeur de justifier qu'il a pris toutes les mesures propres à prévenir la survenance des agissements de harcèlement moral ; qu'en l'espèce, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'employeur avait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, notamment, avait mis en oeuvre des actions d'information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral –ce qui était expressément contesté par M. [D]–, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 (dans sa rédaction issue de la l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007) et L. 1154-1 du code du travail (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016), ensemble les articles L. 4121-1 (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017) et L. 4121-2 (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016) du même code. »

Réponse de la Cour

8. D'une part, le moyen, en sa première branche, ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit que, si le salarié établissait des faits qui permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement, l'employeur démontrait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

9. D'autre part, il résulte du dispositif des conclusions du salarié devant la cour d'appel qu'il ne formait aucune demande au titre de la violation de l'obligation de prévention du harcèlement moral ou de l'obligation de sécurité.

10. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que la société était responsable d'un harcèlement moral et d'un harcèlement discriminatoire à son endroit et de le débouter de sa demande en condamnation de la société à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors « que si le juge judiciaire ne peut, en l'état de l'autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, il reste cependant compétent pour apprécier les fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement, et notamment l'existence d'une discrimination syndicale lors de l'exécution du contrat de travail ; qu'il s'ensuit que le contrôle exercé par l'administration du travail, saisie d'une demande d'autorisation administrative de licenciement, de l'absence de lien avec les mandats détenus par le salarié ne rend pas, en soi, irrecevable ou mal fondée la demande du salarié fondée sur la discrimination syndicale qu'il estime avoir subie au cours du contrat de travail ; qu'en l'espèce, en décidant au contraire qu' "il sera rappelé que si l'autorisation administrative de licenciement délivrée en septembre 2015 à la SAS de l'Yser 2 de ne prive pas au plan des principes M. [V] [D] du droit de saisir le juge judiciaire d'une demande de réparation d'un préjudice pour harcèlement moral dans le strict respect des conditions posées par les articles L. 1152-1 et L. 1154-1, il est cependant irrecevable ou à tout le moins infondé dans sa présente réclamation visant par ailleurs à voir reconnaître qu'il a été réellement victime d'une situation de "harcèlement discriminatoire", puisque l'inspecteur du travail, en délivrant cette même autorisation, a nécessairement vérifié et ainsi constaté que la demande à cette fin de la SAS de l'Yser 2 était sans lien avec les mandats électifs et de délégué syndical CGT de l'intéressé", la cour d'appel a violé, par fausse application, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III et, par refus d'application, les articles L. 1132-1 (dans ses rédactions successivement applicables au litige antérieures à la loi n° 2016-832 du 24 juin 2016) et L. 1134-1 (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016) du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des pouvoirs :

12. Si le juge judiciaire ne peut, en l'état de l'autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, il reste, cependant, compétent pour apprécier les fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement, et notamment l'existence d'une discrimination syndicale antérieure au licenciement.

13. Pour rejeter les demandes du salarié à ce titre, l'arrêt retient, d'une part que si l'autorisation administrative de licenciement délivrée en septembre 2015 à la société ne prive pas le salarié du droit de saisir le juge judiciaire d'une demande de réparation d'un préjudice pour harcèlement moral dans le strict respect des conditions posées par les articles L. 1152-1 et L. 1154-1, il est cependant irrecevable ou à tout le moins infondé dans sa réclamation visant par ailleurs à voir reconnaître qu'il a été réellement victime d'une situation de « harcèlement discriminatoire » puisque l'inspecteur du travail, en délivrant cette même autorisation, a nécessairement vérifié et ainsi constaté que la demande à cette fin de la société était sans lien avec les mandats électifs et de délégué syndical CGT de l'intéressé, d'autre part que, comme le démontre l'employeur, les sanctions disciplinaires prises contre le salarié étaient légitimes puisque reposant sur des manquements caractérisés.

14. En statuant ainsi, alors que le contrôle exercé par l'administration du travail, saisie d'une demande d'autorisation administrative de licenciement, de l'absence de lien avec les mandats détenus par le salarié ne rendait pas irrecevable et mal fondée la demande du salarié fondée sur la discrimination syndicale qu'il estimait avoir subie antérieurement au licenciement, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. [D] de dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale, l'arrêt rendu le 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la société de l'Yser 2 aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société de l'Yser 2 et la condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour M. [D]


PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [V] [D] fait grief à l'arrêt attaqué DE l'AVOIR débouté de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que la société de l'Yser 2 est responsable d'un harcèlement moral et d'un harcèlement discriminatoire à son endroit, DE l'AVOIR débouté de sa demande en condamnation de la société de l'Yser 2 à lui payer des dommages-intérêts d'un montant de 11.175 € nets de toutes cotisations, DE l'AVOIR débouté de sa demande tendant à ce qu'il soit décidé que le préjudice résultant de la perte de son emploi était consécutif au harcèlement moral discriminatoire qu'il avait subi et DE l'AVOIR débouté de sa demande en condamnation de la société de l'Yser 2 à lui payer la somme de 15.850,17 € nets de toutes cotisations ;

1. ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, à charge pour l'employeur, le cas échéant, de prouver que l'intégralité des agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que toutes ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [D] de ses demandes au titre du harcèlement moral, la cour d'appel, après avoir énoncé que « M. [V] [D] produit aux débats les éléments suivants qui établissent matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral dont il aurait été la victime au sein de la société de l'Yser 2 (?) : - un comportement harcelant de la part de son supérieur hiérarchique direct, M. [C], dont il s'est plaint à son employeur dans une correspondance du 1er octobre 2012 (ses pièces 20, 27 et 28 ; pièces adverses 13 A, 13 B, 15 A et 17 A) », a retenu que « la société de l'Yser 2 prouve que ces agissements, au sens de l'article L. 1154-1 du code du travail, ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que les décisions qu'elle a pu prendre étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, dès lors, (?) qu'elle a réagi promptement en sanctionnant M. [C] à deux reprises, tout d'abord par un avertissement et enfin par une mise à pied, prenant ainsi pleinement conscience de son obligation légale de sécurité » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement justifiant le « comportement harcelant » de M. [C] à l'endroit de M. [D], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 (dans sa rédaction issue de la l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007) et L. 1154-1 du code du travail (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016) ;

2. ALORS, subsidiairement, QUE les dispositions des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail imposent à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral ; qu'il appartient ainsi à l'employeur de justifier qu'il a pris toutes les mesures propres à prévenir la survenance des agissements de harcèlement moral ; qu'en l'espèce, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'employeur avait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, notamment, avait mis en oeuvre des actions d'information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral –ce qui était expressément contesté par M. [D] (conclusions d'appel p. 15 in fine à p. 17, § 2 et 3)–, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 (dans sa rédaction issue de la l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007) et L. 1154-1 du code du travail (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016), ensemble les articles L. 4121-1 (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017) et L. 4121-2 (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016) du même code.


SECOND MOYEN DE CASSATION

M. [V] [D] fait grief à l'arrêt attaqué DE l'AVOIR débouté de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que la société de l'Yser 2 était responsable d'un harcèlement moral et d'un harcèlement discriminatoire à son endroit et DE l'AVOIR débouté de sa demande en condamnation de la société de l'Yser 2 à lui payer des dommages-intérêts d'un montant de 11.175 € nets de toutes cotisations ;

1. ALORS QUE si le juge judiciaire ne peut, en l'état de l'autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, il reste cependant compétent pour apprécier les fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement, et notamment l'existence d'une discrimination syndicale lors de l'exécution du contrat de travail ; qu'il s'ensuit que le contrôle exercé par l'administration du travail, saisie d'une demande d'autorisation administrative de licenciement, de l'absence de lien avec les mandats détenus par le salarié ne rend pas, en soi, irrecevable ou mal fondée la demande du salarié fondée sur la discrimination syndicale qu'il estime avoir subie au cours du contrat de travail ; qu'en l'espèce, en décidant au contraire qu'« il sera rappelé que si l'autorisation administrative de licenciement délivrée en septembre 2015 à la SAS de l'Yser 2 de ne prive pas au plan des principes M. [V] [D] du droit de saisir le juge judiciaire d'une demande de réparation d'un préjudice pour harcèlement moral dans le strict respect des conditions posées par les articles L. 1152-1 et L. 1154-1, il est cependant irrecevable ou à tout le moins infondé dans sa présente réclamation visant par ailleurs à voir reconnaître qu'il a été réellement victime d'une situation de « harcèlement discriminatoire », puisque l'inspecteur du travail, en délivrant cette même autorisation, a nécessairement vérifié et ainsi constaté que la demande à cette fin de la SAS de l'Yser 2 était sans lien avec les mandats électifs et de délégué syndical CGT de l'intéressé » (arrêt p. 4, § 2), la cour d'appel a violé, par fausse application, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III et, par refus d'application, les articles L. 1132-1 (dans ses rédactions successivement applicables au litige antérieures à la loi n° 2016-832 du 24 juin 2016) et L. 1134-1 (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016) du code du travail ;

2. ALORS QU' à supposer adoptés les motifs du jugement entrepris du 12 septembre 2017 ayant repoussé au fond les demandes de M. [D] fondées sur le harcèlement discriminatoire, en s'abstenant de s'expliquer, comme l'y invitait le salarié (conclusions d'appel, p. 18-27), sur le point de savoir si la concomitance temporelle entre son élection comme représentant du personnel et l'infliction des sanctions disciplinaires, jointe à la circonstance que les cinq sanctions avaient été prononcées sur un laps de temps très court (6 mois) et pour des faits qui étaient en lien avec le comportement adopté à l'égard du salarié par son chef de rayon (M. [C]) –sanctionné par ailleurs–, n'établissaient pas le harcèlement discriminatoire invoqué, la cour d'appel n'a en tout cas pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1132-1 (dans ses rédactions successivement applicables au litige antérieures à la loi n° 2016-832 du 24 juin 2016) et L. 1134-1 (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016) du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2022:SO00462

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