Cassation sociale, 30 novembre 2022, n° 21-17.808 cassation sociale - Editions Tissot

Jurisprudence sociale

Version gratuite

Retour au sommaire thématique : Jurisprudence «Temps de travail»
Retour à la fiche : Jurisprudence «Travail à temps partiel»

Cassation sociale, 30 novembre 2022, n° 21-17.808

Lorsque le contrat de travail à temps partiel est requalifié en un contrat à temps complet, l'employeur est tenu au paiement du salaire correspondant à un temps plein sans que soient déduites les heures supplémentaires accomplies par le salarié.

 

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 novembre 2022




Cassation partielle


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1290 F-D

Pourvoi n° R 21-17.808





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 NOVEMBRE 2022

Mme [W] [D], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 21-17.808 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2020 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Lidl, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [D], après débats en l'audience publique du 12 octobre 2022 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 mai 2020), Mme [D] a été engagée le 20 juin 2002 par la société Lidl, en qualité de caissière employée libre-service, suivant contrat à temps partiel.

2. Licenciée le 6 mai 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les premier et quatrième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter à certaines sommes la condamnation de l'employeur à titre de rappel de salaire pour le travail à temps plein et au titre des congés payés afférents, alors « qu'en déduisant du rappel de salaire dû en conséquence de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet les sommes qui avaient été payées à la salariée par son employeur au titre des heures supplémentaires effectuées au-delà du temps complet, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-10, L. 3121-20 et L. 3121-22 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction issue des lois n° 2008-789 du 20 août 2008 et n° 2013-504 du 14 juin 2013 :

5. En application de ce texte, en cas de requalification du contrat de travail en un contrat à temps complet, l'employeur est tenu au paiement du salaire correspondant à un temps plein.

6. Pour limiter le rappel de salaire pour un temps plein accordé à la salariée pour la période du 14 janvier 2013 jusqu'à la date du licenciement à la somme de 3 136,96 euros, l'arrêt retient que cette somme correspond à la différence entre le salaire réglé pour le temps partiel et le salaire dû pour un temps plein, dont à déduire la somme versée durant la période au titre des heures complémentaires et supplémentaires.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait requalifié le contrat de travail en un contrat à temps complet, de sorte que l'employeur était tenu au paiement du salaire correspondant à un temps plein, sans que soient déduites les heures supplémentaires accomplies par la salariée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme la condamnation de l'employeur à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors « que les parties, qui s'opposaient sur la seule requalification du temps de travail à temps partiel en temps complet, s'accordaient à reconnaître que le salaire dû sur la base d'un temps plein s'élevait à 1 777,52 euros, que la salariée justifiait d'une ancienneté de six ans et que l'indemnité conventionnelle de licenciement due s'élevait à 1/5ème de mois de salaire par année d'ancienneté ; qu'en allouant à la salariée la seule somme de 2 086,82 euros ne correspondant pas à l'indemnité conventionnelle de licenciement due au regard du salaire de 1 777,52 euros admis par les parties comme rémunérant un temps complet et de l'ancienneté de six ans également admise par les parties, la cour d'appel a violé l'article 7.1 de l'annexe I, employés et ouvriers, personnel de livraison de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, dans sa rédaction issue de l'avenant n° 33 du 21 avril 2010, applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

10. Selon l'article 7.1 de l'annexe I : Employés et ouvriers, personnel de livraison, attachée à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 74 du 13 mars 2019, en cas de licenciement, hors faute grave ou lourde, est accordée au salarié ayant au moins un an de présence ininterrompue dans l'entreprise une indemnité égale à un cinquième de mois par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzième de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.

11. Selon l'article 7.4 de la même annexe, également dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 74 du 13 mars 2019, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est le salaire « plein tarif » tel qu'il est défini à l'article 3.11 du titre III ou, selon la formule la plus avantageuse pour l'intéressé, un tiers des rémunérations perçues au cours des trois derniers mois précédant le licenciement, étant entendu que, dans ce cas, toute prime de caractère annuel ou exceptionnel qui aura été versée au salarié pendant cette période ne sera prise en compte que prorata temporis.

12. Pour fixer le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 2 086,82 euros, l'arrêt retient que l'employeur sera condamné à verser cette somme à la salariée, montant calculé sur la base d'un salaire à temps plein.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite aux sommes de 3 136,96 euros, outre congés payés afférents, et 2 086,82 euros les condamnations à paiement de la société Lidl à titre, respectivement, de rappel de salaire pour le travail à temps plein et d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 27 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Lidl aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Lidl à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux.







MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [D]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Mme [D] fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, d'AVOIR dit que le contrat de travail était à temps complet depuis le 14 janvier 2013 et d'AVOIR condamné la société Lidl à lui verser les seules sommes de 3 136,96 et 313,69 euros respectivement à titre de rappel de salaire pour le travail à temps plein et au titre des congés payés afférents.

1° ALORS QUE les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement ; qu'au soutien de sa demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à temps complet, la salariée faisait valoir que plusieurs bulletins de salaire, dont celui du mois d'octobre 2012, faisaient mention de l'accomplissement d'heures de travail supplémentaires rémunérées à 125 %, ce qui impliquait nécessairement l'accomplissement d'une durée du travail supérieure à la durée légale hebdomadaire ; qu'en écartant ce motif de requalification aux motifs tirés de ce que la salariée ne détaille pas la répartition des heures effectuées, ne produit pas son planning et ne produit aucun décompte par semaine ni le nombre total d'heures effectuées sur le mois, impropres à exclure la réalisation d'heures de travail au-delà de la durée légale hebdomadaire qui s'évinçait nécessairement de ses bulletins de salaires, la cour d'appel a violé l'article L. 3123-17 alinéa 2 du code du travail dans ses rédactions successivement applicables à la date des faits.

2° ALORS QUE les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement ; qu'en refusant de rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si le bulletin de salaire du mois d'octobre 2012 ne faisait pas mention de l'accomplissement d'une demi-heure de travail supplémentaire impliquant nécessairement l'accomplissement, fût-ce sur une seule semaine, d'une durée du travail supérieure à la durée légale, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 3123-17 alinéa 2 du code du travail dans ses rédactions successivement applicables à la date des faits.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Mme [D] fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, d'AVOIR condamné la société Lidl à lui verser les seules sommes de 3 136,96 et 313,69 euros respectivement à titre de rappel de salaire pour le travail à temps plein et au titre des congés payés afférents.

ALORS QU'en déduisant du rappel de salaire dû en conséquence de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet les sommes qui avaient été payées à la salariée par son employeur au titre des heures supplémentaires effectuées au-delà du temps complet, la cour d'appel a violé les articles L.3121-10, L.3121-20 et L.3121-22 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Mme [D] fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, de lui AVOIR alloué la seule somme de 2 086,82 euros à titre d'indemnité de licenciement conventionnelle de licenciement.

1° ALORS QUE les parties, qui s'opposaient sur la seule requalification du temps de travail à temps partiel en temps complet, s'accordaient à reconnaître que le salaire dû sur la base d'un temps plein s'élevait à 1 777,52 euros, que la salariée justifiait d'une ancienneté de 6 ans et que l'indemnité conventionnelle de licenciement due s'élevait à 1/5ème de mois de salaire par année d'ancienneté ; qu'en allouant à la salariée la seule somme de 2086,82 euros ne correspondant pas à l'indemnité conventionnelle de licenciement due au regard du salaire de 1 777,52 euros admis par les parties comme rémunérant un temps complet et de l'ancienneté de 6 ans également admise par les parties, la cour d'appel a violé l'article 7.1 de l'annexe I, employés et ouvriers, personnel de livraison de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, dans sa rédaction issue de l'avenant n° 33 du 21 avril 2010, applicable au litige.

2° ALORS en tout cas QU'en fixant l'indemnité conventionnelle de licenciement due à la seule somme de 2 086,82 euros sans donner aucun motif à sa décision de ce chef, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Mme [D] fait grief à l'arrêt, confirmatif de ce chef, d'AVOIR dit le licenciement pour faute grave justifié, requalifié le licenciement pour cause réelle et sérieuse, et l'AVOIR déboutée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

ALORS QUE la faute du salarié doit être appréciée in concreto, au regard des circonstances dans lesquelles elle a été commise ; que pour dire le licenciement fondé, la cour d'appel a retenu que la salariée, mutée irrégulièrement, « a indiqué à Mme [T], responsable ventes du secteur, sur un ton agressif qu'elle ne bougerait pas du magasin et qu'elle n'avait qu'à appeler la police » ; qu'en se déterminant ainsi au seul regard du ton agressif avec lequel la salariée avait manifesté son opposition à une mutation illicite, sans tenir aucun compte du contexte de harcèlement subi par la salariée et des représailles dont le CHSCT redoutait qu'elle soit la victime de la part de Mme [T], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1232-1, L.1235-1 et L.1235-3 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2022:SO01290

Aller plus loin sur “Jurisprudence Travail à temps partiel”

Articles liés du Code du travail
Également jugé