Jurisprudence sociale
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Cassation 2e civile, 16 février 2023, n° 21-14.403
Lorsque le donneur d'ordre n'a pas rempli son obligation de vigilance et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, l’URSSAF annule les réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d'ordre a bénéficié pour les rémunérations versées à ses salariés.
RÉPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION ______________________
Audience publique du 16 février 2023
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 184 F-B
Pourvoi n° Q 21-14.403
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2023
La société [4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 21-14.403 contre l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section SB), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Alsace, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Bretagne, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [4], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Alsace, de l'URSSAF de Bretagne, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 11 février 2021), après avoir effectué un contrôle portant sur la période du 16 mars 2013 au 31 mars 2014 et dressé, le 15 juillet 2014, un procès-verbal de travail dissimulé à l'encontre d'un cocontractant de la société [4] (le donneur d'ordre), l'URSSAF de Bretagne (l'URSSAF) a adressé à celle-ci deux lettres d'observations, les 16 octobre 2014 et 18 novembre 2014, l'avisant de la mise en oeuvre de la solidarité financière et de l'annulation des réductions sur les bas salaires, dont elle avait bénéficié durant la période considérée, suivies, les 24 mars 2015 et 27 mai 2016, de deux mises en demeure respectivement émises par l'URSSAF de Bretagne et l'URSSAF d'Alsace.
2. Le donneur d'ordre a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Le donneur d'ordre fait grief à l'arrêt de rejeter son recours relatif à l'annulation des réductions de cotisations, alors :
« 1°/ que le principe de légalité des délits et des peines et le principe de non-rétroactivité de la loi plus répressive découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen s'applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction civile ayant le caractère d'une punition, même lorsque le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité non judiciaire ou non juridictionnelle ; que dans sa décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a qualifié de « sanction, qui présente le caractère d'une punition » la suppression automatique des exonérations et réductions de cotisations sociales du donneur d'ordre ayant manqué à son devoir de vigilance à l'égard de son sous-traitant, instaurée à l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale tel que modifié par la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 et son décret d'application n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 entré en vigueur le 6 décembre 2013, au lendemain de sa publication au Journal Officiel ; que dans sa version antérieure, issue de loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale ne prévoyait cette sanction qu'à l'égard du donneur d'ordre ayant « participé au délit de travail dissimulé en qualité de complice de son sous-traitant, et ce dès l'établissement du procès-verbal » ; qu'il en résulte que la nouvelle sanction prévue par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, plus sévère que la précédente puisqu'elle est encourue dès que le donneur d'ordre a manqué à son devoir de vigilance et non lorsqu'il s'est rendu complice du travail dissimulé commis par son sous-traitant, ne peut pas être appliquée au donneur d'ordre pour un manquement à son devoir de vigilance commis préalablement à son entrée en vigueur ; qu'au cas présent, l'URSSAF d'Alsace, par lettre du 23 mai 2016 se référant à la lettre d'observations émise par l'URSSAF de Bretagne le 18 novembre 2014, a mis en demeure le donneur d'ordre de payer la somme de 75.000 €, outre 12.150 € de majorations de retard, pour l'année 2013 au titre de « l'annulation des exonérations du donneur d'ordre non vigilant prévue à l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale » ; que pour contester la validité de ce redressement, le donneur d'ordre faisait expressément valoir qu'elle ne pouvait être sanctionnée pour défaut de vigilance, par l'annulation des exonérations dont elle avait bénéficié au titre de toute l'année 2013, cependant que l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, qui sanctionnait le manquement du donneur d'ordre à son devoir de vigilance, n'était entré en vigueur que le 6 décembre 2013 ; qu'en déboutant néanmoins le donneur d'ordre de sa demande, la cour d'appel a violé le principe de légalité des délits et des peines et le principe de non-rétroactivité de la loi plus répressive, tels que garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que lorsque le législateur a réservé les modalités d'application d'une loi à la publication de décrets d'application indispensables à son exécution, cette loi ne peut donc trouver application de manière rétroactive au cours de la période ayant couru entre sa publication et la publication de ses décrets d'application ; que l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale tel que modifié par la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 a prévu la suppression automatique des exonérations et réductions Fillon du donneur d'ordre ayant manqué à son devoir de vigilance sous réserve des modalités d'application dudit article déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que les modalités de mise en oeuvre de l'article L. 133-4-5 ont été prises par le décret d'application n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, entré en vigueur le 6 décembre 2013 au lendemain de sa publication au Journal Officiel ; qu'il en résulte que les dispositions de l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, en ce qu'elles sanctionnent le manquement du donneur d'ordre à son devoir de vigilance, n'ont pu entrer en vigueur que le 6 décembre 2013 ; qu'en validant néanmoins la suppression des cotisations et exonérations de cotisations sociales du donneur d'ordre pour toute l'année 2013, au motif erroné que la nouvelle sanction instaurée par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, serait entrée en vigueur dès le 1er janvier 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, les articles 2 et 22 du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 fixant les modalités de mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 133-4-5, ensemble les articles 1 et 2 du code civil ;
Réponse de la Cour
4. Selon l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, lorsqu'il est constaté que le donneur d'ordre n'a pas rempli l'une des obligations définies à l'article L. 8222-1 du code du travail et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, l'organisme de recouvrement procède à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d'ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés. Selon les articles 2 et 22 du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 les modalités de mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 133-4-5 sont entrées en vigueur le 6 décembre 2013.
5. Il se déduit de ces textes que les sanctions prévues par le premier sont applicables lorsque, à l'occasion d'un contrôle effectué après le 6 décembre 2013, ont été constatés le manquement du donneur d'ordre à son obligation de vigilance et des faits matériels de travail dissimulé par son sous-traitant, commis postérieurement au 1er janvier 2013, date d'entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012.
6. Ayant relevé que la responsabilité du donneur d'ordre était recherchée pour la période du 16 mars 2013 au 31 mars 2014 et que le redressement était postérieur à l'entrée en vigueur des dispositions du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, la cour d'appel en a exactement déduit qu'était applicable le dispositif de sanction du donneur d'ordre institué par le décret précité.
7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. Le donneur d'ordre fait le même grief à l'arrêt, alors que « l'article R. 133-8-1 du code de la sécurité sociale dispose que le redressement consécutif à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 133-4-5 (annulation des exonérations et réductions de cotisations sociales du donneur d'ordre non vigilant) « est porté à la connaissance du donneur d'ordre par un document signé par le directeur de l'organisme de recouvrement » et que « ce document rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi à l'encontre du cocontractant » ; qu'au cas présent, pour solliciter l'annulation de la procédure de redressement opérée par l'URSSAF sur le fondement de l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, la société [4] faisait valoir que ni la date, ni les références du procès-verbal de constat de travail dissimulé invoqué à l'encontre de son sous-traitant n'étaient indiquées dans la lettre d'observations du 18 novembre 2014 émise par l'URSSAF de Bretagne et que la mise en demeure du 23 mai 2016 émise par l'URSSAF d'Alsace se bornait à renvoyer à ladite lettre d'observations, sans plus de précision (conclusions d'appel, p. 18) ; que la cour d'appel a elle-même constaté que « la lettre d'observations du 18 novembre 2014 rappelle expressément que la Sarl [5] " a fait l'objet d'un procès-verbal adressé au parquet de Saint-Brieuc " » et que « la lettre d'observations ne précise pas le numéro du procès-verbal » ; qu'en déboutant néanmoins la société [4] de ses demandes au motif que la société [4] aurait été « suffisamment informée quant à la base justifiant la sanction envisagée à son encontre », cependant qu'il résultait de propres constatations que la lettre d'observations du 18 novembre 2014 ne comportait ni la date, ni les références du procès-verbal de constat de travail dissimulé établi à l'encontre du sous-traitant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article R. 133-8-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version résultant de l'article 2 du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013. »
Réponse de la Cour
9. Aux termes de l'article R. 133-8-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, lorsqu'il ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du présent code ou de l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, tout redressement consécutif à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 133-4-5 est porté à la connaissance du donneur d'ordre ou du maître d'ouvrage par un document signé par le directeur de l'organisme de recouvrement, transmis par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Ce document rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi à l'encontre du cocontractant, précise le manquement constaté, la période sur laquelle il porte et le montant de la sanction envisagée.
10. L'arrêt relève que la lettre d'observations rappelle expressément que le sous-traitant du donneur d'ordre a fait l'objet d'un procès-verbal adressé au parquet de Saint-Brieuc au titre de ce qui serait constitutif du délit de travail dissimulé sur la période vérifiée du 16 mars 2013 au 31 mars 2014 et que le montant des cotisations réclamées correspond à la base plafonnée.
11. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu décider que le document remis au donneur d'ordre comportait des références suffisantes au procès-verbal de travail dissimulé établi à l'encontre de son cocontractant pour lui permettre d'avoir connaissance de la cause et de l'étendue du redressement.
12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la société [4] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [4] et la condamne à payer aux l'URSSAF d'Alsace et de Bretagne la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du seize février deux mille vingt-trois par Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [4].
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société [4] ([4]) fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes d'annulation de la décision de la commission de recours amiable du 3 mars 2017, et de condamnation de l'URSSAF d'Alsace au remboursement de la somme de 87.150 € ;
1. ALORS QUE le principe de légalité des délits et des peines et le principe de non rétroactivité de la loi plus répressive découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen s'applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction civile ayant le caractère d'une punition, même lorsque le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité non judiciaire ou non juridictionnelle ; que dans sa décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a qualifié de « sanction, qui présente le caractère d'une punition » la suppression automatique des exonérations et réductions de cotisations sociales du donneur d'ordre ayant manqué à son devoir de vigilance à l'égard de son sous-traitant, instaurée à l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale tel que modifié par la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 et son décret d'application n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 entré en vigueur le 6 décembre 2013, au lendemain de sa publication au Journal Officiel ; que dans sa version antérieure, issue de loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale ne prévoyait cette sanction qu'à l'égard du donneur d'ordre ayant « participé au délit de travail dissimulé en qualité de complice de son sous-traitant, et ce dès l'établissement du procès-verbal » ; qu'il en résulte que la nouvelle sanction prévue par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, plus sévère que la précédente puisqu'elle est encourue dès que le donneur d'ordre a manqué à son devoir de vigilance et non lorsqu'il s'est rendu complice du travail dissimulé commis par son sous-traitant, ne peut pas être appliquée au donneur d'ordre pour un manquement à son devoir de vigilance commis préalablement à son entrée en vigueur ; qu'au cas présent, l'URSSAF d'Alsace, par lettre du 23 mai 2016 se référant à la lettre d'observations émise par l'URSSAF de Bretagne le 18 novembre 2014, a mis en demeure la société [4] de payer la somme de 75.000 €, outre 12.150 € de majorations de retard, pour l'année 2013 au titre de « l'annulation des exonérations du donneur d'ordre non vigilant prévue à l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale » ; que pour contester la validité de ce redressement, la société [4] faisait expressément valoir qu'elle ne pouvait être sanctionnée pour défaut de vigilance, par l'annulation des exonérations dont elle avait bénéficié au titre de toute l'année 2013, cependant que l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, qui sanctionnait le manquement du donneur d'ordre à son devoir de vigilance, n'était entré en vigueur que le 6 décembre 2013 ; qu'en déboutant néanmoins la société [4] de sa demande, la cour d'appel a violé le principe de légalité des délits et des peines et le principe de non-rétroactivité de la loi plus répressive, tels que garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE lorsque le législateur a réservé les modalités d'application d'une loi à la publication de décrets d'application indispensables à son exécution, cette loi ne peut donc trouver application de manière rétroactive au cours de la période ayant couru entre sa publication et la publication de ses décrets d'application ; que l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale tel que modifié par la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 a prévu la suppression automatique des exonérations et réductions Fillon du donneur d'ordre ayant manqué à son devoir de vigilance sous réserve des modalités d'application dudit article déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que les modalités de mise en oeuvre de l'article L. 133-4-5 ont été prises par le décret d'application n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, entré en vigueur le 6 décembre 2013 au lendemain de sa publication au Journal Officiel ; qu'il en résulte que les dispositions de l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, en ce qu'elles sanctionnent le manquement du donneur d'ordre à son devoir de vigilance, n'ont pu entrer en vigueur que le 6 décembre 2013 ; qu'en validant néanmoins la suppression des cotisations et exonérations de cotisations sociales de la société [4] pour toute l'année 2013, au motif erroné que la nouvelle sanction instaurée par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, serait entrée en vigueur dès le 1er janvier 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 133-4-5 du code du sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, les articles 2 et 22 du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 fixant les modalités de mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 133-4-5, ensemble les articles 1 et 2 du code civil ;
SECOND MOYEN SUBSIDIAIRE DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société [4] de ses demandes d'annulation de la décision de la commission de recours amiable du 3 mars 2017, et de condamnation de l'URSSAF d'Alsace au remboursement de la somme de 87.150 € ;
ALORS QUE l'article R. 133-8-1 du code de la sécurité sociale dispose que le redressement consécutif à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 133-4-5 (annulation des exonérations et réductions de cotisations sociales du donneur d'ordre non vigilant) « est porté à la connaissance du donneur d'ordre par un document signé par le directeur de l'organisme de recouvrement » et que « ce document rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi à l'encontre du cocontractant » ; qu'au cas présent, pour solliciter l'annulation de la procédure de redressement opérée par l'URSSAF sur le fondement de l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, la société [4] faisait valoir que ni la date, ni les références du procès-verbal de constat de travail dissimulé invoqué à l'encontre de son sous-traitant n'étaient indiquées dans la lettre d'observations du 18 novembre 2014 émise par l'URSSAF de Bretagne et que la mise en demeure du 23 mai 2016 émise par l'URSSAF d'Alsace se bornait à renvoyer à ladite lettre d'observations, sans plus de précision (conclusions d'appel, p. 18) ; que la cour d'appel a elle-même constaté que « la lettre d'observations du 18 novembre 2014 rappelle expressément que la Sarl [5] « a fait l'objet d'un procès-verbal adressé au parquet de Saint-Brieuc » » et que « la lettre d'observations ne précise pas le numéro du procès-verbal » ; qu'en déboutant néanmoins la société [4] de ses demandes au motif que la société [4] aurait été « suffisamment informée quant à la base justifiant la sanction envisagée à son encontre », cependant qu'il résultait de propres constatations que la lettre d'observations du 18 novembre 2014 ne comportait ni la date, ni les références du procès-verbal de constat de travail dissimulé établi à l'encontre du sous-traitant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article R. 133-8-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version résultant de l'article 2 du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013. ECLI:FR:CCASS:2023:C200184
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