Etape
1 -
Comprendre la différence entre les deux types de responsabilité pénale
L'employeur a l'obligation d'assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale de ses salariés, y compris des salariés temporaires.
Le Code du travail met ainsi à sa charge une obligation générale de sécurité et s'emploie à détailler les moyens que l'employeur doit mettre en oeuvre pour respecter cette obligation selon la nature des grandes familles de risques professionnels. Cette responsabilité peut être déléguée à un préposé muni de l'autorité, des moyens et de la compétence nécessaires, par le biais d'une délégation de pouvoirs.
La violation des obligations du Code du travail en matière de santé et de sécurité fait l'objet de sanctions pénales spécifiques au droit du travail, au titre de la responsabilité pénale alternative dite « travail », mises en oeuvre par l'inspection du travail et les agents de police judiciaire (police, gendarmerie).
Cependant, au-delà de la responsabilité spécifique prévue par le Code du travail, le fait qu'un employeur ne respecte pas une prescription obligatoire relative à la santé et à la sécurité suffit, lorsque la violation a provoqué un accident du travail, à déclencher l'application des articles du Code pénal relatifs à l'atteinte involontaire à la vie ou à l'intégrité physique de la personne. C'est alors la responsabilité pénale dite générale cumulative qui s'applique.
En cas d'accident du travail, la responsabilité pénale de l'employeur est bien souvent recherchée sur le fondement des textes généraux du Code pénal :
- maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence causant la mort d'autrui (homicide involontaire) (C. pén., art. 221-6) ;
- maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence, causant une incapacité totale de travail supérieure à 3 mois (C. pén., art. 222-19) ;
- violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité et de prudence causant une incapacité totale de travail inférieure ou égale à 3 mois (C. pén., art. 222-20) ;
- maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence portant atteinte à l'intégrité d'autrui, sans causer d'incapacité de travail (C. pén., art. R. 622-1 et R. 625-3).
En outre, l'article 223-1 du Code pénal prévoit un délit de « risques causés à autrui » défini comme le fait « d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ». Ce délit est constitué en dehors de tout accident ou dommage.
Convention collective "Transports routiers"(n° de brochure 3085)Pas de dispositions particulières
Etape
2 -
Déterminer si l'infraction est constituée
Pour que l'infraction soit constituée, il faut la réunion de trois conditions : une faute, un dommage, un lien de causalité.
La faute
La gravité de la faute a une conséquence directe sur la peine encourue. Le Code pénal aggrave les peines en cas de « manquement délibéré à une obligation légale de sécurité ou de prudence ».
Les fautes sont classées en trois catégories :
- la maladresse et l'imprudence qui caractérisent des fautes de commission au cours d'une action dommageable (le professionnel qui met en oeuvre une technique qu'il ne maîtrise pas suffisamment) ;
- l'inattention ou la négligence qui désignent des fautes d'abstention ou d'omission (l'absence de mesures de sécurité sur un chantier) ;
- le manquement simple ou le manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement (l'inobservation du Code du travail qui sert de fondement aux poursuites exercées à la suite d'accidents du travail).
Le dommage
Le dommage est constitué par la mort de la victime ou par une atteinte à son intégrité physique.
Le dommage étant un élément constitutif de l'infraction, celle-ci n'est accomplie qu'à compter du jour où ce dommage apparaît et peut être constaté (par exemple, l'infraction est réalisée lorsque survient une maladie professionnelle occasionnée par le non-respect des règles professionnelles de sécurité).
Toutefois, le délit de mise en danger de la vie d'autrui ne nécessite pas de fait dommageable pour être constitué.
Le lien de causalité
L'absence de certitude du lien entre le dommage et la faute de l'employeur entraîne la relaxe de celui-ci.
Par contre, les textes n'exigent pas que la faute de l'employeur ait été exclusive, directe et immédiate. Il suffit qu'elle ait participé à la réalisation du dommage.
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Etape
3 -
Maîtriser les règles relatives au cumul des responsabilités
La condamnation peut parfois être prononcée à l'encontre de la même personne à la fois aux règles du Code du travail et à celles du Code pénal, pour atteinte à la vie ou à l'intégrité physique de la victime.
Exemple
Un salarié est gravement brûlé dans un accident du travail. L'employeur est condamné à 2500 euros d'amende et à un an d'emprisonnement avec sursis :
- pour infraction à la réglementation sur la santé et la sécurité prévue par le Code du travail (manquement à l'obligation de formation et d'information appropriées du salarié) ;
- et pour blessures involontaires au titre du Code pénal (brûlures en lien de causalité direct avec ce manquement).
Le cumul des peines prévues par le Code du travail et le Code pénal est possible mais ne pourra dépasser le maximum légal de la peine la plus élevée, de même nature, qui est encourue.
Par ailleurs, en cas d'infraction prévue et réprimée par le Code pénal, comme, par exemple, les « atteintes involontaires à l'intégrité physique de la personne », toutes les personnes ayant concouru à la réalisation de l'accident (le chef d'entreprise, un salarié, un intervenant extérieur) peuvent être poursuivies simultanément. C'est pour cela que la responsabilité pénale générale est dite cumulative, par opposition à la responsabilité pénale spécifique travail qui ne peut viser que la personne qui avait la charge de respecter ou de faire respecter le règlement.
L'éventuelle recherche de la responsabilité pénale de la personne morale n'exclut pas celle de la personne physique, auteur ou complice des mêmes faits.
En pratique, l'employeur est tenu de répondre de ses propres fautes, mais également de celles commises par les personnes qui exercent, en droit ou en fait, une autorité sur les salariés. C'est pourquoi les tribunaux n'admettent que de manière très limitative la responsabilité d'un salarié, non-délégataire de pouvoirs.
Dans les entreprises individuelles, le responsable est la personne physique, propriétaire ou gérant, qui en assume la direction et le contrôle.
Dans les sociétés commerciales, le représentant légal de l'entreprise est :
- dans les sociétés anonymes de type classique, le président du conseil d'administration ou le directeur général ; le directeur général, membre du conseil d'administration, est, en principe, titulaire d'une délégation de pouvoirs de fait. Toutefois, n'est pas valable la délégation par laquelle le directeur général d'une société se voit conférer les mêmes pouvoirs que le président du conseil d'administration pour agir en toutes circonstances au nom de la société ;
- dans les sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance, le président du directoire ;
- dans les SARL, le ou les gérant(s), chef(s) d'entreprise.
Attention, pour mettre en cause la responsabilité pénale des personnes morales, il faut démontrer que les manquements relevés résultent de l'abstention d'un de ses organes ou représentants et qu'ils ont été commis pour son compte. En clair, il faut identifier qui est le représentant fautif qui a commis l'infraction pour le compte de la personne morale.
ExemplesUn ouvrier intérimaire, mis à la disposition d'une entreprise utilisatrice pour des travaux de peinture, chute d'un escabeau et tombe dans une cuve remplie d'un produit chimique qui le brûle grièvement. L'entreprise utilisatrice est condamnée par la cour d'appel pour blessures involontaires pour ne pas lui avoir fourni d'équipement de travail approprié puisque l'utilisation de l'escabeau est interdite. La Cour de cassation casse la décision de la cour d'appel au motif qu'elle n'a pas identifié la personne physique coupable de l'infraction et n'a pas recherché si les manquements résultaient de l'absence de l'un des organes ou représentants de la société et avaient été commis pour son compte.
Un salarié qui travaille sur une ligne de refendage de tôle non conforme à la réglementation est écrasé par une machine : la faute caractérisée du directeur est clairement établie en raison de l'absence de matériel adéquat et du fait que c'est ce dernier qui donnait l'ordre aux salariés de pratiquer ainsi. Cette pratique dangereuse étant une pratique habituelle au sein de la société, dont le directeur avait défini les modalités et dont l'exécution est communiquée aux différents degrés hiérarchiques, les juges retiennent que l'infraction d'homicide involontaire a clairement été commise pour le compte de la personne morale par son représentant.
Un salarié intervient pour régler une machine défectueuse qui perd de l'huile : la clé qu'il utilise pour son intervention ripe, le salarié glisse sur le sol huileux et se blesse en heurtant la main sur la meule en rotation. La société est condamnée pour blessures involontaires suite à la mise à disposition de machines de travail non conformes et d'un outillage inadapté. La faute a été commise par son directeur industriel pour le compte de la société et sa responsabilité est donc retenue.
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