Etape
1 -
Garantir la liberté d'expression sous réserve d'abus
Le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression qui n'est limitée que par la notion d'usage abusif. Il peut ainsi exprimer des opinions politiques, syndicales ou religieuses, sans que l'employeur puisse le sanctionner pour ce motif.
Toutefois, l'employeur peut apporter des restrictions à cette liberté dès lors qu'elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.
Exemples
Relève de la liberté d'expression le fait pour un salarié :
- de contester par écrit l'avertissement dont il a fait l'objet et qu'il considère injustifié ;
- de critiquer l'entreprise devant ses subordonnés, sur un lieu privé, hors de la présence de la direction ;
- d'alerter l'inspection du travail sur des événements qu'il juge anormaux ;
- de déposer plainte contre son employeur (sauf abus) ;
- de signer une pétition portant sur une demande de personnel supplémentaire ;
- de signaler, de bonne foi, des actes illicites constatés sur le lieu de travail et pouvant constituer des infractions pénales ou des manquements à des obligations déontologiques ;
- de refuser de participer à la politique « fun and pro » et à la « culture de l'apéro » de l'entreprise conduisant à des excès alcoolisés.
Cela étant, la liberté d'expression comporte des limites, pas toujours aisées à définir. Où commence l'abus ? Il peut s'agir de manquement au respect des dispositions relatives à la presse (diffamation, injures, fausses nouvelles, propos excessifs, etc.) ou à une obligation de discrétion.
Un abus de cette liberté (propos injurieux, diffamatoires ou excessifs) peut justifier, selon les circonstances, un licenciement.
Exemples
La jurisprudence a validé le licenciement pour faute :
- d'un salarié ayant tenu des propos mensongers et diffamatoires hors de l'entreprise avec intention de nuire à l'employeur ;
- d'un salarié en arrêt maladie qui a tenu des propos injurieux envers son supérieur hiérarchique devant des tiers intéressés par la vie de l'entreprise (salariés, clients, etc.) ;
- d'un directeur technique qui manifestait publiquement et systématiquement son désaccord avec les décisions de la direction et adoptait une attitude antagoniste et négative ;
- d'un salarié ayant proféré devant témoins des menaces et insultes à caractère raciste à l'encontre du responsable dans des locaux appartenant à une autre entreprise du groupe ;
- d'un salarié qui a mis en cause la moralité du dirigeant dans des actes relevant de sa vie privée, même en l'absence de propos injurieux ou diffamatoires ;
- d'un salarié qui exprime, dans un courrier collectif, son refus délibéré de se soumettre à la nouvelle direction et propose sa propre nomination en qualité de président ;
- de salariés de mauvaise foi ayant porté de fausses accusations de harcèlement moral ou sexuel ;
- d'un cadre tenant devant des clients des propos contraires aux intérêts de l'employeur, ou tenant des propos diffamatoires et injurieux ;
- d'un salarié ayant affirmé publiquement que l'employeur aurait tenu des propos humiliants à l'égard d'un salarié, afin de donner une mauvaise image des dirigeants et de créer un malaise entre ces derniers et le personnel ;
- d'un salarié ayant tenu des propos ironiques répétés, révélateurs de son insubordination face à sa hiérarchie, et de menaces envers ses collègues.
En revanche, a été jugé irrégulier le licenciement d'un salarié d'une société d'autoroute ayant participé, en dehors de son temps de travail, à une manifestation politique sur l'autoroute : pas de trouble dans l'entreprise. De même, les juges estiment qu'un cadre dirigeant n'abuse pas de sa liberté d'expression :
- en affichant un tract syndical ne comportant aucun propos injurieux, diffamatoire ou excessif ;
- en écrivant une lettre critiquant l'employeur, dès lors que la publicité donnée à cette lettre ne lui est pas imputable ;
- en adressant un courriel à son supérieur hiérarchique imputant à l'employeur la chute du chiffre d'affaires en raison « d'une politique de management plutôt dictatorial » et l'accusant d'incompétence, mais rédigé en des termes ni injurieux, ni diffamatoires ou excessifs.
Concernant la manifestation de liberté religieuse au sein de l'entreprise, corollaire de la liberté d'expression, elle peut parfois constituer une faute et justifier une sanction si le salarié porte atteinte au fonctionnement de l'entreprise en imposant son choix religieux (non-respect des horaires de travail, des pauses ou des règles de sécurité, des examens médicaux, etc.).
Convention collective "Transports routiers"(n° de brochure 3085)Pas de dispositions particulières
Etape
2 -
Identifier le cadre et les limites du droit d'expression des salariés
Tous les salariés, y compris les apprentis et les travailleurs temporaires, bénéficient d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail, l'environnement matériel et humain, l'introduction de nouvelles technologies, etc. C'est-à-dire sur tout ce qui est directement rattaché aux conditions dans lesquelles s'exerce le travail, à l'exception de toute autre question (contrat de travail, rémunération, organisation technique de l'entreprise).
Notez-le
Une « charte de bonne conduite » interdisant à tout salarié de divulguer un document porté à sa connaissance sans autorisation préalable est illicite car porte atteinte de manière disproportionnée au droit d'expression du personnel.
Les opinions émises par les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie, dans l'exercice du droit d'expression, ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement, sauf s'il s'agit de critiques excessives et malveillantes.
ExemplesLe fait de formuler par courriel, à destination de l'ensemble des actionnaires et de la direction, des critiques sur les conditions de travail au sein de l'entreprise, ne justifie pas un licenciement dès lors que les propos ne sont ni injurieux, ni diffamatoires, ni excessifs.
En revanche, le salarié qui écrit notamment dans un courriel à son DRH, avec copie à son supérieur, que le système de rémunération mis en place par la société est « un système de tricheurs, de voleurs, et qu'il s'agit d'une volonté de bafouer délibérément le droit du travail », dépasse le cadre de l'expression d'un simple désaccord sur la politique salariale et commet une faute simple justifiant un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Attention
Le personnel d'encadrement exerçant des responsabilités hiérarchiques doit bénéficier de réunions d'expression spécifiques.
Convention collective "Transports routiers"(n° de brochure 3085)Pas de dispositions particulières