La bonne méthode
Etape
1 -
Avant tout licenciement, vérifier les conditions de l'inaptitude
Constat de l'inaptitude
Seul le médecin du travail a la faculté de prononcer une inaptitude.
L'inaptitude implique qu'il constate que l'état de santé du salarié justifie un changement de poste et qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation de poste de travail actuel n'est possible. Il doit toutefois :
- avoir pratiqué au moins un examen médical du salarié, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste, ou la nécessité de proposer un changement de poste ;
- avoir réalisé ou fait réaliser une étude du poste et des conditions de travail dans l'établissement ;
- avoir indiqué la date à laquelle la fiche d'entreprise a été actualisée ;
- avoir procédé à un échange, par tout moyen, avec l'employeur.
Le médecin du travail peut estimer un second examen nécessaire. Dans ce cas, il doit avoir lieu dans un délai de 15 jours après le premier.
Il doit également éclairer son avis par des conclusions écrites assorties d'indications relatives au reclassement.
Enfin, il doit établir son avis d'inaptitude conformément au modèle officiel défini par arrêté et le transmettre à l'employeur et au salarié, par tout moyen lui conférant une date certaine.
Situation du salarié déclaré inapte
L'avis d'inaptitude peut intervenir dans le cadre d'une visite médicale de reprise ou lors de tout autre examen médical pratiqué au cours de l'exécution du contrat de travail.
Attention
Si le salarié a été reconnu invalide par le médecin-conseil de la CPAM, cela ne vous dispense pas d'une visite de reprise et d'un avis d'inaptitude du médecin du travail. En effet, invalidité et incapacité sont deux notions de nature différente, et l'avis du médecin-conseil de la caisse maladie ne s'impose pas au médecin du travail.
Suite à cet avis d'inaptitude, tant que le salarié n'est pas reclassé ou licencié, le contrat est suspendu. Aucune prestation de travail n'est due.
Sachez que la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle bénéficie d'une protection spéciale pendant la période d'arrêt : vous ne pouvez pas la licencier, sauf pour faute grave ou pour impossibilité de maintenir le contrat de travail (sans rapport avec l'accident ou la maladie). Cette protection prend fin lors de la visite médicale de reprise.
Notez-le
Le régime applicable en cas d'origine professionnelle n'est pas subordonné à la reconnaissance par la CPAM du caractère professionnel de l'accident. Dès lors que l'inaptitude a un lien, même partiel, avec l'accident et que l'employeur le sait au moment du licenciement, il doit appliquer la procédure pour origine professionnelle.
Etape
2 -
Vérifier que la recherche de reclassement a été effective et complète
Vous devez avoir tout mis en oeuvre pour proposer au salarié un emploi adapté, au besoin par une mutation, un aménagement d'horaires ou une transformation du poste (mise en place d'un élévateur mécanique pour éviter la manipulation manuelle de charges, etc.) et, si nécessaire, une formation. Vous devez avoir pris en considération les indications du médecin du travail et avoir consulté le CSE sur les reclassements envisagés.
La recherche a dû s'effectuer au sein de votre établissement, de votre entreprise ou des entreprises du groupe auquel vous appartenez, ainsi que du groupement d'employeurs dont vous êtes éventuellement membre.
Elle est néanmoins limitée :
- au territoire national. Dans le cas d'une entreprise multinationale, l'employeur est dispensé de rechercher un reclassement dans les entreprises du groupe implantées à l'étranger ;
- dans les seules entreprises du groupe dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Il est conseillé de conserver une trace écrite de vos recherches et propositions en cas de contentieux.
Sur le reclassement, reportez-vous à la rubrique « Les fiches associées ».
Notez-le
Il est possible de rompre le contrat de travail sans rechercher de reclassement et donc sans solliciter l'avis du comité social et économique, si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que « le maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » (ce n'est pas le cas d'un avis mentionnant uniquement « inapte à tout emploi ») ou que « son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». C'est ce maintien dangereux ou l'obstacle à tout reclassement qui constitue alors le motif du licenciement.
Toutefois, en présence de la mention « le maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé », et si l'entreprise appartient à un groupe, la recherche de reclassement reste obligatoire dans les autres entreprises du groupe.
Etape
3 -
Informer le salarié
Vos propositions de reclassement n'étaient pas crédibles
Exemples de propositions non sérieusesLa proposition d'un poste d'accueil avec apprentissage de 2 langues étrangères à un salarié qui occupait un poste d'entretien depuis 20 ans, et le refus parallèle de le reclasser sur un poste de secrétariat au motif que son français était insuffisant, a été jugée non sérieuse et l'employeur de mauvaise foi.
Il a été jugé de même pour un poste de soudeur proposé à une assistante de direction déclarée inapte.
Le reclassement était impossible
Si, malgré tous vos efforts, vous justifiez n'avoir aucune solution de reclassement (par exemple petite entreprise de trois salariés et postes inadaptables), vous pouvez alors directement convoquer le salarié en entretien au licenciement. Pour cela, vous devez au préalable informer le salarié et le médecin du travail par courrier recommandé des motifs qui s'opposent au reclassement.
Sur les possibilités de recours du salarié contre l'avis d'inaptitude, voir « Questions/Réponses ».
Ce n'est qu'une fois ce courrier envoyé que, dès le lendemain, vous pourrez convoquer le salarié à un entretien préalable au licenciement.
Etape
4 -
Licencier le salarié inapte et non reclassable
Que l'inaptitude soit d'origine professionnelle (maladie professionnelle ou accident du travail) ou non, la rupture du contrat est possible lorsque vous justifiez :
- soit de votre impossibilité de reclassement ;
- soit du refus du salarié du poste proposé, dès lors que ce poste est conforme aux préconisations médicales ;
- soit de la mention expresse, dans l'avis du médecin du travail, que son maintien dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Ce motif doit être indiqué dans la lettre de licenciement.
Vous devez alors respecter la procédure de licenciement pour motif personnel.
Entretien préalable
Vous devez convoquer le salarié à un entretien préalable de licenciement par lettre recommandée avec avis de réception.
Elle mentionne le lieu, la date, l'heure de l'entretien, l'objet (projet de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement) et la possibilité de se faire assister par une personne de son choix.
Attention
Vous devez respecter un délai obligatoire minimum de 5 jours ouvrables entre la convocation et la date de l'entretien.
Le salarié peut vous demander de reporter l'entretien à une autre date. Si vous en êtes d'accord, vous enverrez une nouvelle convocation qui ouvrira un nouveau délai de 5 jours.
Si le salarié ne se présente pas à l'entretien, vous pouvez continuer la procédure.
Lettre de licenciement
Après l'entretien, vous devez attendre au moins 2 jours ouvrables pour envoyer la lettre de licenciement, en recommandé avec avis de réception.
Sauf dispense de reclassement, vous devrez y justifier de façon précise et détaillée vos recherches de reclassement et les raisons de leur échec. Sans ces justifications, le licenciement sera considéré comme abusif. Mentionnez-y l'avis du CSE. Rappelez qu'en raison de l'inaptitude, le salarié ne peut pas accomplir son préavis et que son contrat prend fin avec la notification de la lettre de licenciement.
Attention
Des difficultés économiques de l'entreprise ne peuvent pas motiver un non-reclassement.
La lettre doit être signée et adressée au salarié lui-même, à son dernier domicile connu, sans erreur de nom, de prénom ou d'adresse.
Notez-le
Pour notifier le licenciement vous avez la possibilité d'utiliser un modèle type de lettre. Il convient toutefois d'adapter votre texte aux spécificités propres à la situation du salarié ainsi qu'aux régimes conventionnels et contractuels applicables.
Etape
5 -
Verser les indemnités qui lui sont dues
Si l'inaptitude n'est pas due à un accident du travail ou maladie professionnelle
L'indemnité de licenciement (légale ou conventionnelle) est calculée sur la base de la moyenne des 12 ou 3 derniers mois (selon la formule la plus avantageuse) précédant non pas le licenciement mais l'arrêt maladie.
En revanche, le préavis ne pouvant pas être effectué, l'indemnité compensatrice de préavis n'est pas due, et le contrat est rompu, non plus à l'issue du préavis non exécuté mais dès la date de la notification du licenciement.
Toutefois, l'indemnité compensatrice de préavis doit être versée :
- si la convention collective le prévoit ;
- ou si vous avez manqué à votre obligation de reclassement et que le licenciement est par conséquent sans cause réelle et sérieuse.
L'indemnité de licenciement doit être calculée en prenant en compte la durée du préavis non exécuté.
Si l'inaptitude est due à un accident du travail ou maladie professionnelle
Une indemnité spéciale de licenciement est versée, égale au double de l'indemnité légale. Elle est calculée sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des 12 ou 3 derniers mois s'il avait continué à travailler.
Si l'indemnité conventionnelle non doublée est plus favorable, c'est elle qui doit être versée. Vérifiez également que votre convention collective ne vous impose pas de verser une indemnité conventionnelle de licenciement doublée.
Une indemnité d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice légale de préavis lui est également due, même si le préavis ne peut pas être effectué. Toutefois, elle n'ouvre pas droit à congés payés.
Notez-le
En cas de refus abusif du salarié des postes proposés, il n'aura pas droit à l'indemnité de licenciement et à l'indemnité compensatrice de préavis, mais uniquement aux indemnités compensatrices de congés payés.