Le motif du licenciement - Droit du travail Transports routiers –p- Editions Tissot
Le motif du licenciement
Droit du travail Transports routiersRéférence : WTR.07.2.060

Le motif du licenciement

Les motifs de licenciement se répartissent en deux groupes : les motifs personnels (tenant à la personne du salarié ou à son travail, avec ou sans faute) et les motifs économiques (non inhérents au salarié mais à la santé économique de l'entreprise).

Quel motif retenir pour le licenciement d'un salarié ? Pouvez-vous en retenir plusieurs ? Comment exposer les motifs dans une lettre de licenciement ? Quels risques courrez-vous si vous ne choisissez pas le bon ou le présentez de manière incomplète ? Qu'attendent finalement les conseillers prud'hommes de votre lettre de licenciement, en cas de contentieux ?

Dans cette page

La bonne méthode

Etape  1 -  S'assurer que le motif de licenciement est réel, sérieux et précis

L'indication d'un motif dans la lettre de notification du licenciement est obligatoire. Sinon, le licenciement est considéré comme infondé. Cette obligation joue même en cas d'aveu de ses fautes par le salarié avant l'envoi de la lettre, et même s'il a souhaité que le motif ne soit pas mentionné.

Vous devez justifier d'une cause réelle et sérieuse

La cause de licenciement indiquée dans votre lettre doit être :

  • un fait vérifiable (pouvant être prouvé par des courriers, des témoignages, etc.), et non pas une allégation vague ou un faux prétexte ;
  • provenir seulement du salarié (de sa personne ou de son aptitude au travail). Il n'est pas possible, par exemple, de reprocher au salarié une hostilité à l'entreprise en se servant d'une lettre signée par le conseil du salarié ;
  • suffisamment grave au point de rendre impossible la poursuite du travail.

Vous devez justifier d'une cause précise

Le motif doit être rédigé de façon précise et vérifiable pour permettre au salarié de savoir ce qu'on lui reproche et de se défendre.

Exemple

Si le licenciement est motivé par le refus du salarié d'une modification mineure de son contrat de travail, vous devez faire apparaître l'objet de cette modification (changement de tâches à qualification et rémunération égales, décalage des horaires de travail d'une 1/2 heure matin et soir, etc.).

Par ailleurs, vous devez vous en tenir au motif, sans aucune autre considération : ni indiscrétions, ni accusations à l'encontre du salarié.

Exemple

Des lettres qui mentionnent seulement un « litige opposant le salarié à un fournisseur », ou « une absence prolongée pour maladie » sans justifier la nécessité d'un remplacement définitif, sont trop imprécises et risquent d'amener le juge à considérer que l'employeur a manqué à son obligation d'exposer, lors de l'entretien (puis, par écrit, dans la lettre envoyée au salarié), tous les motifs qui le conduisaient à la décision envisagée.

À l'inverse, la lettre qui énonce une "insuffisance professionnelle" étayée par différents éléments est assez précise.

Vous devez distinguer les différentes fautes en cas de licenciement disciplinaire

Suite à des agissements fautifs d'un de vos salariés, vous devez respecter la procédure disciplinaire et préciser, de préférence en les datant, les faits fautifs que vous sanctionnez. Seules 3 catégories de fautes peuvent aboutir à un licenciement pour motif personnel :

  • faute sérieuse (négligences répétées, indiscipline caractérisée) : elle rend impossible la poursuite des relations, mais ne prive pas le salarié de ses droits à préavis et à indemnité de licenciement ;
  • faute grave (falsification de factures, exercice d'une activité concurrente, violence, mensonge sur une activité professionnelle dans un CV) : elle rend impossible la poursuite du contrat et implique un départ immédiat du salarié sans préavis ni indemnité, à l'exception de l'indemnité compensatrice de congés payés ;
  • faute lourde : faute commise avec l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise, elle rend impossible la poursuite du contrat et implique un départ immédiat du salarié sans préavis ni indemnité, à l'exception de l'indemnité compensatrice de congés payés. Cette faute a des conséquences suffisamment graves pour que la responsabilité de votre salarié soit engagée.

Vous devez être capable de rapporter la preuve de la gravité de la faute (documents écrits, témoignages, etc.). Dans le cas de la faute lourde, c'est la preuve de la volonté de nuire de votre salarié que vous devez amener, ce qui est dans de nombreux cas difficilement possible. Il ne suffit pas en effet que le salarié commette un acte grave. Ainsi, même un vol ne suffit pas à justifier une faute lourde s'il est motivé par un enrichissement personnel et non par une volonté de nuire à l'entreprise.

Attention

La faute légère (oubli, retard) ne peut pas constituer un motif de licenciement. En raison de sa faible gravité, elle vous autorise seulement à prendre une sanction disciplinaire. 

Etape  2 -  Choisir le motif selon la situation

Votre salarié est absent

Si votre salarié est absent sans aucune justification, après l'avoir relancé, vous pouvez le licencier pour faute grave au motif d'abandon de poste.

Dans le cas d'un abandon soudain de poste sans raison légitime et sans vous en informer, vous devez vérifier que le départ n'est pas dû à une situation dangereuse, à son état de santé ou à un événement extérieur survenu (accident, décès d'un proche, etc.).

Dans le cas contraire, vous devrez mesurer la gravité selon le poste occupé et le moment de l'incident. Si votre salarié a fini sa tâche et quitte son poste 10 minutes avant la fin de son horaire, la faute grave ne pourra pas être retenue. En revanche, le refus d'une mutation géographique se traduisant par un abandon de poste est constitutif d'une faute grave.

Vous ne pouvez pas sanctionner un salarié en mesure de justifier un problème médical car cela serait discriminatoire. En revanche, si le salarié n'a pas de motif valable à son abandon de poste ou ne peut pas prouver le motif invoqué, une sanction est envisageable.

Votre salarié est malade

Face à des absences justifiées pour maladie, qui s'avèrent répétées et/ou prolongées, vous devez démontrer, pour justifier d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, qu'elles perturbent le bon fonctionnement de l'entreprise et qu'elles nécessitent le remplacement de l'intéressé par un salarié en CDI.

Votre salarié a un comportement inacceptable

S'ils surviennent pendant le temps de travail, peuvent être qualifiés de faute grave, les violences (physiques ou verbales), propos racistes, insultes, état d'ébriété, consommation de stupéfiants, harcèlement, etc. 

Si votre salarié critique ouvertement votre entreprise (devant des clients par exemple), a volé (vous ou des clients) ou s'il se livre à une concurrence déloyale, s'il manque à son obligation de loyauté (par exemple en effectuant pour son propre compte des travaux chez un client de l'entreprise), exerce une activité répréhensible (travail au noir chez des clients, acceptation de pots de vin, transmission de données, etc.), ces faits relèvent également de la faute grave (voire lourde), dans la mesure où vous pouvez en apporter la preuve.

En revanche, ne peut être sanctionnée une participation minoritaire et passive dans le capital d'une société concurrente.

Certains actes peuvent être des fautes graves même dans l'hypothèse où le salarié les commet pendant un arrêt maladie. En effet, le contrat de travail est suspendu mais le salarié reste néanmoins soumis à une obligation de loyauté. Ainsi, est retenue la faute grave pour un salarié venu, pendant son arrêt maladie, proférer des menaces à l'encontre de son employeur.

Votre salarié fait preuve d'indiscipline ou d'insubordination

Non-respect des horaires, des règles de sécurité, tenue vestimentaire incompatible avec les fonctions quand le salarié ne tient pas compte d'observations répétées, refus d'accomplir un travail prévu dans le contrat, de rendre des comptes, de remplacer un salarié absent sur une seule journée sur des tâches correspondant à ses compétences.

Ces faits constituent une faute grave, surtout dans la mesure où vous avez plusieurs fois rappelé à votre salarié ses obligations ou que le risque en matière de sécurité ou le niveau de responsabilité est important.

En revanche, le refus de votre salarié face à une modification de son contrat ne relève pas toujours de la faute grave ; il convient d'étudier si seules les conditions de travail sont affectées, et non des éléments importants du contrat (rémunération, responsabilités, etc.).

Votre salarié montre une insuffisance professionnelle ou de résultats

Elle est un motif de licenciement si vous justifiez de faits précis et objectifs (mauvaise exécution du travail, négligences répétées, mauvaise volonté délibérée dans la réalisation du travail, sabotage volontaire du travail – bien qu'ils soient difficiles à prouver, incompétence manifeste et vérifiable, etc.).

Vous pouvez faire référence à un objectif non réalisé, dans la mesure où celui-ci est réaliste et que d'autres salariés réussissent à l'atteindre. Vous pouvez invoquer l'inaptitude à un poste si vous avez fourni la formation et le temps d'adaptation nécessaires à votre salarié.

Vous n'avez plus confiance en votre salarié

Le simple motif de « perte de confiance » ne suffit pas : ne pouvant reposer sur un simple sentiment (subjectif), vous devez justifier des éléments qui ont provoqué la perte de confiance et des conséquences sur le bon fonctionnement de l'entreprise !

En pratique, vous ne pourrez l'invoquer que pour des personnes ayant un poste à responsabilité.

Votre salarié fait régner une mauvaise entente

La seule évocation d'une mésentente (entre collègues ou avec vous) ne suffit pas. Vous devez justifier d'une situation conflictuelle profonde, durable, préjudiciable par ses répercussions à l'entreprise et due essentiellement au salarié.

Votre salarié d'origine étrangère perd son autorisation de travail ou produit un faux titre de travail

Vous ne pouvez pas faire travailler un salarié qui n'a pas de titre de travail valide.

Si votre salarié perd son autorisation de travail, cela constitue donc une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En revanche, si votre salarié vous cache volontairement la perte de ce titre de travail ou va jusqu'à produire un faux titre, un licenciement pour faute grave peut être envisagé.

Convention collective "Transports routiers" (n° de brochure 3085)

Etape  3 -  Exclure tout motif interdit par la loi

Votre salarié fait valoir sa liberté d'expression

Vous ne pouvez pas licencier un salarié exerçant son droit de grève, ou faisant usage de son droit de retrait face à une situation dangereuse, ou faisant état d'opinions politiques, syndicalistes, mutualistes ou religieuses. Sauf abus démontré, vous devez respecter son droit d'expression et sa liberté d'opinion.

Votre salarié est lanceur d'alerte

Le licenciement du lanceur d'alerte est nul. Par exemple : licenciement d'un salarié qui a relaté ou témoigné, de bonne foi et sans contrepartie financière, de faits portant sur un crime ou un délit, une menace ou un préjudice, une violation d'une règle de droit, et qui seraient de nature à caractériser des infractions pénales.

Seule sa mauvaise foi peut être un motif de licenciement. Pour cela, il ne suffit pas que les faits relatés soient faux, il faut également que l'intéressé sache qu'ils sont faux.

Notez-le

Le lanceur d'alerte licencié peut saisir la formation de référé du conseil de prud'hommes compétent pour obtenir sa réintégration. Le juge des référés examine les éléments fournis par le salarié, puis ceux de l'employeur, apprécie s'il y a situation d'urgence, et peut également analyser la motivation du licenciement et déterminer si la situation fait état d'un acte de représailles.

Autres salariés protégés :

  • exerçant leur droit de grève ou d'agir en justice ;
  • salariée enceinte pendant la période de protection légale ;
  • victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ;
  • placé à l'isolement dans le cadre d'une épidémie ;
  • témoignant de faits de harcèlement moral ou sexuel.

Motif discriminatoire

Vous ne pouvez pas motiver un licenciement par :

  • l'origine du salarié ;
  • son sexe ;
  • ses moeurs ;
  • son orientation sexuelle ;
  • son identité de genre ;
  • son âge ;
  • sa situation de famille ;
  • son état de grossesse ;
  • ses caractéristiques génétiques ;
  • la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, apparente ou connue de son auteur ;
  • son appartenance ou sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race ;
  • ses opinions politiques ; ses activités syndicales ou mutualistes ;
  • ses convictions religieuses ;
  • son apparence physique ;
  • son nom de famille ;
  • son lieu de résidence ;
  • sa domiciliation bancaire ;
  • son état de santé ;
  • sa perte d'autonomie ;
  • son handicap ;
  • sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français ;
  • sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte.

Ainsi par exemple, en proposant de prêter serment dans les formes en usage dans sa religion au lieu de dire « Je le jure », un salarié ne commet aucune faute. Dès lors, son licenciement pour non-assermentation est nul car prononcé en raison de ses convictions religieuses.

Cas particuliers des motifs limités par la jurisprudence

Qu'il s'agisse d'un motif tiré de la situation familiale ou matrimoniale du salarié, ou de ses habitudes de vie, opinions ou agissements, le licenciement n'est possible que si le comportement privé a des répercussions au sein de l'entreprise (voir Outils à télécharger).

Ainsi, la Cour de Justice de l'Union européenne et la Cour de Cassation admettent que les entreprises privées puissent restreindre, par une règle interne, le port de signes religieux, politiques ou philosophiques par leurs salariés, afin d'afficher une politique de neutralité vis-à-vis de leurs clients. Le port d'un signe visible religieux peut donc justifier un licenciement dès lors que le principe de neutralité répond à un objectif légitime, que l'interdiction se limite au but poursuivi (par exemple interdiction ne visant que les salariés en relation avec la clientèle) et qu'une clause de neutralité a été portée dans le règlement intérieur ou une note de service.

Attention

En l'absence de faute lourde, si vous utilisez plusieurs motifs de licenciement, dont l'un est illicite, les autres motifs sont alors « chassés », même s'ils sont licites, et le licenciement est nul. Il faut donc veiller à n'introduire aucun motif de licenciement interdit, même parmi d'autres motifs autorisés.

Evitez les erreurs

Le rôle des RP

Les sanctions possibles

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Fiches associées

Textes officiels

  • C. trav., art. L. 1132-1 (motif discriminatoire), L. 1153-6 (harcèlement), R. 1225-2 (femme enceinte), L. 1226-9 et L. 1226-13 (salarié accidenté du travail ou en maladie professionnelle), L. 1226-9-1 (salarié en quarantaine), L. 1232-6 (lettre de licenciement), L. 1235-1 (appréciation des motifs par le juge), L. 1235-4, L. 1235-5 et R. 1235-1 à R. 1235-17 (procédure de remboursement des allocations chômage à Pôle emploi)
  • Cass. soc., 11 juillet 2012, n° 11-17.827 (reprendre dans la lettre de licenciement tous les griefs reprochés au salarié)
  • Cass. soc., 5 février 2014, n° 12-28.897 (n'est pas justifié le licenciement pour faute grave d'un salarié intervenu alors que les infractions au Code de la route ont eu lieu en dehors de l'exécution du contrat de travail)
  • Cass. soc., 28 mai 2014, n° 12-28.457 (faute de motif médical prouvé, un abandon de poste justifie un licenciement sans cause réelle et sérieuse)
  • Cass. ass. plén., 25 juin 2014, n° 13-28.369 (cas d'interdiction justifiée du port du voile)
  • Cass. soc., 1er octobre 2014, n° 13-17.745 (lorsqu'un salarié étranger se retrouve en situation irrégulière, cela constitue une cause objective de licenciement)
  • Cass. soc., 3 décembre 2014, n° 13-19.815 (pour fonder un licenciement disciplinaire, l'employeur peut invoquer, même après l'expiration de la période d'essai, des fautes que le salarié aurait commises au cours de cette période)
  • Cass. soc., 15 janvier 2015, n° 12-35.072 (le salarié qui réalise pour son propre compte, en cours de chantier, des travaux chez un client de l'entreprise, manque à son obligation de loyauté et peut être licencié pour faute grave)
  • Cass. soc., 9 avril 2015, n° 14-13.900 (fumer des stupéfiants sur le lieu de travail peut constituer une faute grave)
  • Cass. soc., 28 mai 2015, n° 14-13.166 (le refus d'une mutation géographique, se traduisant par un abandon de poste, justifie un licenciement pour faute grave)
  • Cass. soc., 7 octobre 2015, n° 14-12.403 (le non-respect de l'obligation de sécurité par un responsable peut constituer une faute grave)
  • Cass. soc., 20 octobre 2015, n° 14-17.624 (un courrier du conseil du salarié ne peut pas être utilisé comme motif de licenciement)
  • Cass. soc., 22 octobre 2015, n° 14-11.291 et n° 14-11.801 (la faute lourde suppose une intention de nuire à l'employeur)
  • Cass. soc., 25 novembre 2015, n° 14-21.521 (mentir dans un CV sur son expérience chez un concurrent constitue une faute grave)
  • Cass. soc., 7 juillet 2016, n° 15-22-352 (licenciement pour refus de remplacement ponctuel en urgence)
  • Cass. soc., 21 septembre 2016, n° 15-10.263 et 8 février 2017, n° 15-28.085 (nullité du licenciement en rétorsion à une action en justice du salarié)
  • CJUE, 14 mars 2017, n° C-157/15 et C-188/15 (cas d'interdiction justifiée du port du voile en entreprise)
  • Cass. soc., 13 septembre 2017, n° 15-23.045 (pas de nullité du licenciement en l'absence de qualification des faits de harcèlement moral dénoncés)
  • Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-13.593 (licenciement du lanceur d'alerte en cas de mauvaise foi)
  • Loi n° 2022-401, du 21 mars 2022 (protection des lanceurs d'alerte)
  • Cass. soc., 1er février 2023, n° 21-24.271 (le juge prud'homal doit rechercher si l'employeur a établi que sa décision de licencier un lanceur d'alerte est justifiée par des éléments objectifs étrangers au signalement)
  • Cass. soc., 15 février 2023, n° 21-20.342 (le lanceur d'alerte n'est pas tenu de signaler l'alerte selon une procédure graduée)

Convention collective