L'usage de CDD successifs suppose que différents contrats se succèdent et que chaque contrat de travail ayant un motif précis soit signé à chaque fois (soit c'est le motif du CDD qui change, soit c'est le salarié).
Il ne faut donc pas confondre les CDD successifs avec le renouvellement de CDD, qui a pour objet d'aménager le terme initial (c'est-à-dire la fin du contrat) de la relation contractuelle. Il s'agit du même contrat de travail, conclu pour le même motif, seul le terme est reporté. Par exemple, si vous effectuez un premier CDD de 2 mois pour surcroît temporaire d'activité et que ce surcroît n'est pas terminé au bout des 2 mois, vous avez la possibilité de renouveler deux fois le CDD du salarié.
La loi encadre strictement et restreint l'usage des CDD afin de limiter les situations d'emplois précaires, notamment lorsqu'il s'agit de CDD successifs. Nous allons ici distinguer deux cas spécifiques : la succession sur un même poste de travail avec le même salarié ou un autre salarié et celle avec le même salarié sur un poste différent.
Par ailleurs, la convention collective «Transports routiers » prévoit des dispositions spécifiques applicables aux entreprises du transport du déménagement.
Enfin, un dispositif expérimental qui permet aux entreprises du secteur des transports routiers de conclure un seul CDD pour remplacer plusieurs salariés absents, soit simultanément, soit successivement, s'applique jusqu'au 13 avril 2025.
Quelles sont les règles à suivre ? Y a-t-il des délais de carence à respecter ?
La bonne méthode
Etape
1 -
Utiliser des CDD successifs sur un même poste de travail avec un salarié différent
Pour limiter l'usage des CDD successifs, la loi vous impose le respect d'un délai minimal avant de pouvoir conclure un nouveau CDD pour occuper le même salarié ou un autre salarié sur un même poste. C'est ce qu'on appelle le délai de carence.
Ce délai est différent en fonction de la durée initiale du premier CDD (renouvellement inclus).
Le délai de carence se calcule comme suit :
- quand le contrat est supérieur ou égal à 14 jours calendaires, renouvellement inclus : le délai de carence est égal au tiers de la durée du contrat, renouvellement inclus ;
- quand le contrat est inférieur à 14 jours calendaires, renouvellement inclus : le délai de carence est égal à la moitié de la durée du contrat, renouvellement inclus.
Exemples- CDD de 2 mois (61 jours) : il faudra attendre 1/3 x 61= 20,33 jours arrondis à 21 jours ouvrables avant de pouvoir refaire un CDD sur le même poste ;
- CDD de 10 jours : il faudra attendre 1/2 x 10 = 5 jours ouvrables avant de pouvoir refaire un CDD sur le même poste.
Précisions :
- pour le calcul de ce délai de carence, l'appréciation se fait en jours ouvrés il s'agit en pratique des jours d'activité normale de l'établissement où est affecté le salarié et ce, qu'il travaille à temps plein ou à temps partiel, quels que soient les jours prévus au contrat, ou encore la fonction du salarié qui parfois implique des horaires différents de ceux de l'entreprise (par exemple certains conducteurs) ;
- pour le calcul de la durée du contrat, l'appréciation se fait en jours calendaires (tous les jours de la semaine) ;
- la notion d'identité de poste de travail est appréciée en fonction :
- de la nature des travaux confiés au salarié et non de la localisation géographique,
- de leur exécution par référence à l'ensemble des emplois nécessitant les mêmes qualifications professionnelles dans l'unité de travail.
Vous n'avez cependant pas à respecter ce délai de carence dans les cas suivants :
- nouvelle absence du salarié remplacé ;
- remplacement du chef d'entreprise, de son conjoint ou d'un associé non salarié ;
- emplois pour lesquels il est d'usage constant de recourir au CDD ;
- exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité ;
- emplois saisonniers ;
- contrats conclus dans le cadre de la politique de l'emploi ;
- rupture anticipée du CDD du fait du salarié ;
- refus du salarié de renouveler son contrat ;
- rupture de la période d'essai d'un salarié sous CDD.
Notez-le
Depuis les ordonnances Macron du 22 septembre 2017, un accord de branche étendu peut, dans certaines limites, modifier les règles en matière de délai de carence, voire le supprimer pour certains cas de recours au CDD, y compris l'accroissement temporaire d'activité (reportez-vous à la rubrique « Questions/Réponses »).
Etape
2 -
Recourir à des CDD successifs sur des postes de travail différents avec le même salarié
En principe, vous ne pouvez pas conclure immédiatement un autre CDD avec le même salarié dont le CDD vient de prendre fin.
Il faut respecter un délai d'attente, c'est-à-dire qu'il doit y avoir une interruption entre les deux CDD.
La loi ne précise pas ce délai, mais il faut qu'il soit suffisamment long pour éviter tout soupçon de fraude à la loi et que le nouveau CDD ne puisse être requalifié en CDI. Quelques jours suffisent pour un CDD de quelques semaines, augmentez la période d'interruption si la durée du CDD est plus importante. Ce délai d'attente peut par conséquent être inférieur au délai de carence de tiers-temps.
Il n'y a pas de délai d'attente à respecter dans les cas suivants :
- remplacement d'un salarié absent ;
- emplois saisonniers ;
- emplois pour lesquels il est d'usage constant de recourir au CDD. En pratique, dans les transports routiers, cela concerne le secteur du transport de déménagement (pour plus de détails, se reporter à l'étape 4). Si la conclusion de plusieurs CDD successifs avec le même salarié pour des motifs différents est autorisée, il y a toutefois un risque de requalification en CDI lorsque ces renouvellements s'effectuent sur une longue période, en fonction notamment des tâches à accomplir. En effet, si ces tâches sont identiques d'un CDD à l'autre, les juges peuvent en déduire qu'il y a occupation durable d'un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, ce qui n'est pas autorisé, et procèdent à la requalification.
Etape
3 -
Conclure des CDD successifs sur un même poste avec un même salarié
Vous devez respecter le délai de carence (cas numéro 1), sauf dans le cadre des exceptions prévues par la loi.
AttentionLa succession de CDD, sans délai de carence, n'est licite, pour un même salarié et un même poste, que si chacun des contrats a été conclu pour l'un des motifs pour lesquels la loi prévoit qu'il n'y a pas de délai de carence à respecter.
Il n'y a pas lieu de distinguer le remplacement d'un seul et même salarié dont l'absence est prolongée, de celui de plusieurs salariés absents.
Par ailleurs, vous ne devez pas conclure plusieurs CDD successifs avec le même salarié pour des tâches identiques, afin d'éviter une requalification de ces contrats en CDI. En effet, si vous êtes autorisé à conclure avec un même salarié des CDD successifs pour remplacer un ou des salariés absents, cela ne doit pas avoir pour objet, comme déjà précisé au cas 2, de pourvoir un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise.
Ont été requalifiés en CDI, les CDD d'un salarié qui, durant près de 10 ans (avec peu d'interruptions d'activité), remplaçait presque toujours des salariés absents d'un même service, avec la même qualification et une rémunération identique ou encore une soixantaine de CDD conclus sur une période de 3 ans.
Etape
4 -
Appliquer les règles spécifiques au secteur du déménagement
Les entreprises de déménagement connaissent en effet un type particulier de CDD d'usage, qui est un contrat « journalier », d'une durée minimale non fractionnable de 7 heures qui a pour objet, soit la réalisation d'une seule mission de déménagement, soit la réalisation de plusieurs missions de déménagement dans le cadre d'un seul voyage de déménagement.
Le recours au CDD d'usage ne dispense pas l'employeur d'établir un contrat écrit et d'indiquer le motif de recours. En effet, le juge doit être en mesure de vérifier l'existence de raisons objectives, c'est-à-dire par des éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.
Notez-le
Les règles relatives à ce CDD spécifique ont été réaménagées dans le cadre d'un accord signé le 1er février 2022 qui entrera en vigueur une fois étendu. Dans l'attente, les dispositions qui suivent restent applicables.
L'entreprise qui recourt à ce type de contrat doit :
- rédiger un contrat écrit à chaque nouvelle mission de déménagement ou à chaque voyage de déménagement(s) ;
- effectuer la déclaration préalable à l'embauche à chaque nouvelle mission ;
- établir feuille de paie conforme (mentionnant les éventuelles majorations pour congés payés, le passage par une caisse de congés payés, le décompte du temps de travail à la semaine, la situation du salarié non mensualisé, le paiement des jours fériés compris dans une même mission ou voyage de déménagement, etc.) ;
- indiquer dans le CDD journalier une mention relative à la faculté de transformation à la demande du salarié du contrat en CDI à plein-temps et à ses formalités (voir ci-après) ;
- assurer un suivi numéroté et chronologique des contrats successifs ;
- utiliser obligatoirement le carnet hebdomadaire pour contrôle des heures effectuées.
L'accord signé par les partenaires sociaux du secteur du déménagement propose un modèle de contrat journalier.
Afin de limiter une généralisation de ces contrats journaliers, les partenaires sociaux ont encadré le recours à ce type de CDD.
Le nombre total de salariés en CDD ne peut dépasser dans chaque entreprise du secteur plus de 45 % de l'effectif moyen annuel.
Tout salarié, dont le nombre de CDD journaliers ou saisonniers au cours des 12 derniers mois est supérieur à 190 jours de temps de travail effectif peut demander la transformation de son contrat en CDI à temps plein. Cette transformation a lieu de droit et l'ancienneté du salarié est déterminée en prenant en compte la durée des CDD journaliers ou saisonniers déjà accomplis dans la même entreprise, sous réserve que les interruptions de service ne dépassent pas 12 mois.
Est assimilée à une année d'ancienneté toute période de 190 jours de temps de travail effectif au cours des 12 derniers mois.
L'employeur a l'obligation d'informer le salarié à la fin de chaque année civile du nombre de jours cumulés sur l'année civile ou sur les 12 derniers mois.
Le salarié dispose alors d'un mois pour effectuer par courrier recommandé la demande de transformation de son CDD en CDI.
Notez-le
Le CDD d'usage ne donne pas lieu au versement de l'indemnité de fin de contrat, contrairement aux autres types de CDD, sauf lorsque celui-ci est requalifié en CDI parce qu'il n'a pas été conclu par écrit. En revanche, le seul fait de ne pas avoir mentionné dans le CDD la désignation du poste occupé n'entraîne pas en soi la requalification en CDI, à condition que l'emploi réellement occupé soit par nature temporaire.
Etape
5 -
Appliquer le dispositif expérimental de CDD multiremplacements
En principe, vous ne pouvez pas conclure un CDD pour remplacer plusieurs salariés absents simultanément ou sur des périodes différentes.
À titre expérimental et temporaire, la loi sur le marché du travail prévoit la possibilité de conclure un seul CDD pour remplacer plusieurs salariés dans certains secteurs définis par décret. Le secteur des transports routiers est concerné. Cette expérimentation sera de 2 ans à compter de la publication du décret, soit du 13 avril 2023 au 13 avril 2025, et ne peut avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Le CDD de remplacement doit contenir l'ensemble des informations obligatoires : écrit obligatoire, définition précise de son motif, date du terme ou durée minimale pour laquelle il est conclu en cas de CDD imprécis, nom, qualification professionnelle, temps de travail et horaires de la ou des personnes remplacées.
Le CDD doit faire correspondre expressément le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée à la durée du remplacement de cette personne ou, à défaut, à la durée minimale du remplacement. En outre, le contrat doit faire figurer la date du terme (date de fin de la relation contractuelle) ou la durée minimale pour laquelle il est conclu lorsqu'il ne comporte pas de terme précis.
Aucune disposition n'oblige l'employeur à affecter le salarié à des missions de remplacements se situant dans un même secteur géographique ou dans un même lieu de travail. De même, le nombre de personnes susceptibles d'être remplacées dans le cadre du CDD multiremplacements n'est pas limité.
Les remplacements ne doivent pas être limités à des postes identiques mais, dans ce cas, le salarié doit bénéficier d'une rémunération différente pour chaque remplacement en raison du coefficient afférent dans la grille de classification propre à chaque poste occupé. L'employeur peut soit décomposer la rémunération au prorata, en fonction des différentes caractéristiques des postes occupés le cas échéant, soit proposer une rémunération supérieure, en particulier pour des motifs d'attractivité.
Les motifs d'absence des différents salariés remplacés peuvent également être différents. En revanche, il n'est pas possible de conclure un contrat pour remplacer plusieurs salariés absents avec des périodes d'inactivité.
Attention, la durée légale maximale de 18 mois s'applique.